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  • : Créé en 2006, ce blog rédigé par Valérie Beck autrefois consacré à la danse et à ma compagnie se diversifie davantage.
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Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

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11 janvier 2025 6 11 /01 /janvier /2025 08:45
Paquita, Pierre Lacotte, ONP 2025 Moreau, Battistoni, Sari.

Paquita est un ballet qui ne supporte pas l’à peu près : très bavard, il met en scène des personnages creux, qui n’emportent nullement l’adhésion comme peuvent le faire Giselle, Siegfried ou encore Tatiana. Musicalement, il  n’est pas non plus soutenu par une partition très inventive, et encore, Minkus s’est-il penché sur l’orchestration pour lui insuffler un peu de vie. Cela veut dire que les interprètes, solistes et corps de ballet, doivent placer la barre très haut pour que le spectateur puisse entrer dans ce ballet, surtout dans le premier acte, où les groupes se succèdent joyeusement, mais superficiellement.

Deux souvenirs forts nous restent en mémoire : l’un avec Paquette et Hecquet, inoubliables, car   les deux artistes, charismatiques, dotés d’un très fort sens théâtral, avaient insufflé à leur personnage ce qu’il fallait de joie de vivre, d’humour, de noblesse, de virtuosité, de pas ciselés, mais aussi de lyrisme et de poésie, le tout soutenu par une formidable entente sur le plan artistique.

 

Le deuxième souvenir c’est une matinée en 2015 avec Heymann et O Neill : nous avions titré «  le charme de la jeunesse » ; les deux protagonistes étaient pleins de fraîcheur, de délicatesse et de poésie ; et ils nous avaient mis d’office dans leur poche !

 

Le dernier tableau de ce ballet est notre préféré, car, bien dansé, il met le spectateur dans un état de frénésie, de fièvre,  d’ivresse,  d’hystérie joyeuse : on ressort sans qu’aucun mot, aucune pensée ne puisse se former dans le mental qui s’est vidé de son blabla habituel : il ne reste que cette vibration extraordinaire, qui pulse dans nos veines : quel bonheur que ce partage d’une ivresse à travers l’art !

Paquita, Pierre Lacotte, ONP 2025 Moreau, Battistoni, Sari.

Qu’en a-t-il donc été de ce Paquita, dernier cette longue série de cette saison 2024/2025 ?

Un puissant moment de grâce né du magnifique partenariat de Marc Moreau, un Lucien d’Hervilly au grand cœur, aussi élégant que racé,  qui insuffle à l’éblouissante Bleuenn Battistoni une humanité et une poésie vibrant de profondeur, d’authenticité.

 

  Bleuenn, plus princesse que gitane, manque un peu de cette spontanéité, de cette vivacité ou de cette gouaille qui signent selon nous les vraies Paquita. Mais qu’importe : la qualité de sa danse est telle qu’on laisse de côté le personnage. Ses lignes sont pures, ses pas ciselés avec une précision d’orfèvre, son élégance, naturelle. Mais surtout, sa virtuosité semble incroyablement naturelle. Tout semble exécuté avec facilité.

 Mais c’est avec Marc Moreau qu’elle donne le meilleur d’elle-même, sans doute mise en confiance par un partenariat aussi solide que rassurant : avec lui,  l' intériorité qui la coupe un peu de son public disparait. Les portés, magnifiques, nous laissent bouche bée.  Et les deux artistes, poignants de lyrisme, animés d’un même souffle, d’une même poésie, d’une grâce qui nous élève au-dessus de nous même, nous rappellent que seul le spectacle vivant peut générer ces instants aussi fugitifs qu’intenses, et que des années après, ils se sont fixés si profondément en notre âme qu’ils y vivent pour l’éternité. Certains disent que les danseurs sont là pour faire rêver ; mais hier, c’était bien plus fort que cela : éblouis, émus, vibrants avec eux comme dédoublés, les spectateurs ont reçu le plus rare des cadeaux : ils ont reçu leur âme d’enfant et l’émerveillement pur de la première fois.

 

J’ai toujours aimé Marc Moreau, remarqué dans le génial Triade de Millepied en 2008 au côté Bézard, Pujol et Gillot, quatuor plein de fougue. Il avait 23 ans. Et puis ce fut l’éclipse… quelques solos ici et là, un pas de trois, une petite apparition dans un grand ballet qui m’a toujours plu. Mais plus de mise en valeur.

Heureusement, ces trois dernières années ont rendu justice à ce bel artiste : que ce soit en Siegfried, en Drosselmeyer ou en Lucien d’Hervilly, ses personnages marquent par leur présence, leur sincérité,  et par cette   joie extraordinaire d’être sur scène. Hier, Moreau offrait chaque moment de scène à son public avec une générosité vivifiante, et, autour de lui, le corps de ballet, surtout au deuxième acte,  a répondu présent.

Paquita, Pierre Lacotte, ONP 2025 Moreau, Battistoni, Sari.

Car le démarrage du ballet a été quelque  peu laborieux et le premier acte a accusé bien des longueurs : fatigue sans doute de cette longue série, le corps de ballet manquait de puissance et de propreté. Heureusement   la présence charismatique d’Andréa Sarri qui s’en est donné à cœur joie donné de la vie à l’immense scène de Bastille. La scène de la taverne était drôle et bien narrée.

  

 

Mais c’est le dernier acte qui a mis le feu à mon cœur ; il  a été un festival éblouissant de danse et de joie de vivre ! Chapeau bas aux danseuses du « Pas qui tuent » final ! Le spectateur a été emporté dans un éblouissant tourbillon : changements de rythme, de groupes, de dynamique, de couleur, le tout précédé par un pas de deux plein de poésie puis ponctué par les magnifiques solis des deux artistes où la joie de danser de Moreau ne  faiblit jamais.

 

Et puis il y a eu les petits gags qui marquent la dernière représentation : les demoiselles qui se dotent de cornes de taureau pour foncer dans les capes des toreros ; deux danseurs du corps de ballet qui s’agenouillent avec les enfants et font du charme à Paquita, un des brigands qui porte un masque de Omi (démon japonais) dans la scène de la taverne et sans doute d’autres que je n’ai pas vus ! Le tout fait avec beaucoup de légèreté, car si on n’a jamais vu le ballet, on ne se rend sans doute compte de rien ;

Quant au bouquet de fleurs apporté par José Martinez pour saluer Ninon Raux, quadrille dont c’était la dernière scène, car elle part à la retraite,  c’était non seulement très émouvant, mais cela montre l’attention que le directeur porte à chaque danseur de sa compagnie dont il avait lui-même autrefois gravi tous les échelons.

 Enfin chapeau bas au chef d'orchestre russe, Mikhail Agrest qui a conduit avec beaucoup de joie, de délicatesse et de doigté l'opéra  national de la Bastille

 

Paquita, Pierre Lacotte, ONP 2025 Moreau, Battistoni, Sari.
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