L'évènement est de taille... c'était l'an dernier l'anniversaire de la naissance de Serge Lifar mais l'opéra, résolument, n'avait rien fait... malgré les réclamations en tout genre de milliers de balletomanes qui aiment S Lifar, aucune soirée n'avait été donnée...
M Dominique Delouche avait sorti un film qui s'appelle "Apollon Musagète" mais cela était resté très confidentiel...
Donc cette année, l'opéra décide enfin de donner deux des très nombreux ballets de Lifar, le magnifique " suite en blanc" et le bouleversant "Mirage"
Mais qui est Serge Lifar?
Lifar est russe, il est venu à Paris à l'époque des ballets russes, puis est resté en France après leur dissolution. Il s'établit donc à l'opéra de Paris en 1929. C'était un danseur aux qualités physiques très particulières : lyrisme, puissance, présence...
Mais c'est surtout un chorégraphie novateur, qui travaille avec les artistes de son temps. Il serait prétentieux de définir en quelques mots le style Lifar, si particulier. Disons simplement en quelques mots, que ce chorégraphe qui maitrise parfaitement le vocabulaire classique et le respecte, l'enrichit à sa manière et innove aussi. Ainsi, il utilise la 6ème position ( pieds parallèles), les décalés, c'est à dire que le corps se dévie de son axe, ( il peut appliquer cela à toutes les positions)... et puis tous les mouvements sont travaillés en longueur, comme pour atteindre l'infini, cela leur donne un délié, une poésie aérienne, qui ressort beaucoup dans les Mirages par exemple.
chauviré en position pied parellèle, position très lifarienne
On en veut toujours beaucoup à S Lifar, de ne pas avoir fui Paris pendant l'Occupation, et d'avoir continuer à créer...
Lui dira simplement qu'il ne voulait pas abandonner la danse et ses danseurs...
Voilà en quelques mots.
En 1990, l'Opéra avait donné plusieurs soirées Lifar qui comprenait : Icare, Ishtar, Roméo et Juliette, Suite en blanc, Mirages...
Legris et Loudière en répétition, dans le magnifique film de D Delouche, " comme les Oiseaux"
J'ai été bouleversée par Mirages... homme fuit son ombre, croit trouver le bonheur éternel dans les joies fugitives de ce monde, et se retrouve à la fin du ballet face à son ombre qui sort d'un coffre : sa solitude
I Chauviré qui a créé le rôle ( et d'autres de Lifar) explique qu'au départ l'Ombre n'avait pas un très grand rôle et que peu à peu il s'est étoffé. Elle dit encore que dès les premières notes, il se passe quelque chose de bizarre et de très fort sur le plateau... que tout le monde peut ressentir...
J'ai eu la chance il y a seize ans de voir E Maurin, émouvante au delà des mots, et puis la sublime K Averty dans le rôle de la femme. J Y Lormeau dansait le jeune homme... I Guérin dansait Ishtar... seize ans après, la soirée entière est intacte...
Dans les films de D Delouche, ce qui est magnifique, c'est que l'on voit la transmission directe des ballets: les étoiles qui ont brillé sur scène dans le passé transmettent le rôle à leur tour à d'autres étoiles et ainsi de suite...
Sur la photo, on voit Atanasoff, Chauviré, faire répéter Legris et Loudière... tout est étudié :la technique, mais aussi le style, l'esprit du ballet : rien n'est laissé au hasard, et c'est tellement beau de voir que bien souvent, au dela de la technique pure que ces artistes de 70 ans ou plus n'ont plus, il reste l'esprit, l'âme du ballet, et la connaissance parfaite du " texte"...
La danse, art éphémère qui est ainsi transmise par le geste, par l'exemple, par le corps, auquel rien ne peut se substituer....
En plus de Suite en Blanc et de Mirage, sera donné l'envol d'Icare de T Malandain: mais un autre article y sera consacré...
Si vous le pouvez, ne ratez pas cette soirée...
les films dominique delouche sont distribués par Doriane. Un coffret de 4 dvd regroupant huit films est sorti : Maia, Katia et Volodia, Y Chauviré, Vyrouboba, S Peretti, Violette Verdi et Balanchine, et puis Loudière et A Markova... tous reposent sur la transmission de ballets, de styles, auxquels les danseurs ont consacré leur vie entière...
Merci à lui pour toutes ces merveilles....
Soirée Lifar Malandain, à l'affiche de l'opéra de Paris du 10 au 28 octobre; prix des places de 10 à 80 euros
place à l'amphithéatre à 20 euros de bonne qualité ( celles que je prends)
plus d'info ici : http://www.operadeparis.fr/Saison0607/Spectacle.asp?Id=992