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Le lycée impérial
Se pencher sur la personnalité de Pouchkine est complexe tant le poète a de multiples personnalités comme son œuvre l’atteste, et surtout son Eugène Onéguine écrit sur une période qui couvre dix années de sa vie.
Né au sein d’une famille aristocratique qui n’a pas le sou, mal aimé par sa mère qui a horreur de sa peau très mate, de ses cheveux trop frisés, lointain héritage de son arrière-grand-père, il n’intéresse pas davantage son père. Pouchkine a donc de lui une image plutôt misérable, lorsqu’Alexandre 1er décide de fonder en 1811 le premier lycée impérial. Il prend pour modèle l’un des 45 lycées créés en 1802 par Napoléon soucieux d’offrir aux garçons des études sérieuses et solides dans tous les domaines, quand jusqu’alors il n’y avait d’autre choix que l’école militaire ou le pensionnat.
Le bâtiment érigé à Tsarkoïe Selo – le village du Tsar se situe à Saint Petersbourg. Il jouxte les palais d’été des Tsars, et Alexandre 1er souhaite qu’il n’accueille que les meilleures graines de la société russe afin de former la future l’élite administrative et militaire. Il n’y a que 33 places.
Mais une chose tout à fait exceptionnelle est décidée : l’enseignement sera donné exclusivement en russe, même s’il est donné par des professeurs étrangers. Que l’enseignement soit donné en russe n’est pas anodin : toute l’élite russe parle français, correspond en français, écrit en français, laissant la langue russe aux paysans, ou au petit peuple. Mais l’ennemi du moment est Napoléon qui l’année suivante franchira le Dniepr, et qui, sans l’ingénieux Koutouzov, aurait sans doute soumis le Tsar comme les autres monarques d’Europe.
C’est grâce à l’aide d’un oncle que Pouchkine entrera au lycée, pour la fierté de ses parents – à défaut d’avoir leur amour ; par décret, le tsar interdit toute sortie de ce lycée pendant les 6 ans que dureront les études, quand bien même il s’agirait de rendre visite à un parent malade ou mourant… Mais les élèves auront tôt fait de contourner cette règle et Pouchkine ne sera pas le dernier à découcher pour fréquenter dès ses 17 ans le cercle des hussards et les actrices.
À 15 ans, il écrit ses premiers poèmes en russe ce qui est une véritable révolution. Ce sont aussi ses premiers triomphes. Certes, il y a bien eu avant lui Radichtchef qui, sous l’influence des Lumières, avait en 1790 publié un ouvrage en russe, dans lequel il dénonçait le servage et les injustices sociales, tout en valorisant cependant la beauté de la culture russe. Mais Pouchkine est tout jeune, et son talent attire aussitôt l’attention des poètes officiels de l’empire, comme Joukovsky ou Derjavine qui prennent aussitôt en affection Pouchkine malgré son indiscipline. Sa capacité à se faire aimer – trait de caractère qui durera toute sa vie- lui évitera plus tard la Sibérie, car ses amis n’hésiteront pas, au péril de leur propre sécurité, à intercéder en sa faveur auprès des tsars.
A Tsarkoïe Selo, Pouchkine nouera de profondes amitiés qui ne se démentiront jamais. Et pourtant, hypersensible, terriblement susceptible, cynique, se déclarant athée, blessant ses meilleurs amis pour le plaisir de faire un trait d’esprit, il est souvent brouillé avec ceux qui l’entourent, s’isole, se dit meurtri à vie ; mais dès le lendemain, tout est oublié et il leur déclare leur affection. Un grand cœur, un goût pour la provocation, par plaisir du jeu, un tempérament prompt à s’emporter, à se quereller, à provoquer en duel, mais aussi à pardonner, tel est ce jeune poète qui sortira fonctionnaire du lycée, tout en sachant que sa voie véritable est la poésie : c’est à elle qu’il veut consacrer sa vie, et les thèmes de la liberté la traverseront sans cesse, malgré lui, et pour son malheur….
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Pouchkine lit à 15ans ses poèmes devant un illustre poète, Derjavine, ébloui par son talent.
Tableau de Répine.