José Martinez prendra officiellement la tête du ballet de l’opéra le 5 décembre, mais déjà, on peut se réjouir :
Pour commencer, nous l’avons adoré comme danseur étoile : tous ses rôles sont inoubliables : Les Prince, qu’il a dansés avec une élégance raffinée, bien sûr, et le dernier que je lui ai vu danser était Jean de Brienne dans Raymonda aux côtés de MA Gillot en 2008; il était parfait pour mettre en valeur ce rôle ingrat. Du lyrisme, un partenariat engagé, et une distinction qui mettait en valeur la rusticité d'Abderam ; mais ses autres personnages portent cette marque d’une danse aux lignes longues, élégantes, virtuose, tel son Lucien dans Paquita qui a fait l'objet, heureusement, d'une captation.
Mais parmi les autres rôles qu’on garde en mémoire, il y a son magistral Ivan le Terrible, ballet de Grigorovitch absolument inoubliable : des années plus tard, je revois au début de l'oeuvre, sa longue descente des escaliers, ses longues jambes se déployant telles les pattes d'une araignée, inquiétante, mystérieuse, empreinte d’un soupçon de folie; dans un tout autre style, le personnage de l' Appartement de Mats Ek qui s'ennuie sur ce bizarre canapé concentre en lui ce ridicule plein de tendresse des personnages de Ek, qui ne savent pas trop pourquoi ils sont là, qui s'ennuient ou se déchirent; enfin, son Endymion endormi dans Sylvia de Neumeier était empreint d'une poésie indicible. Voici quelques-uns des rôles dans lequel Martinez m'aura marquée.
Ensuite, nous l’avons aimé comme chorégraphe et parmi les œuvres chorégraphiées, il y a le délicieux Enfants du Paradis ; outre que ce ballet est plein de fraîcheur, de trouvailles, d’inspiration, de vie, d'humanité, c’est aussi le choix qui nous plait car c’est l’un des films que nous revoyons tous les deux ou trois ans, depuis des années.
Enfin, José a déjà l’expérience de la direction d’une compagnie, puisqu’il a dirigé le ballet de Madrid pendant une dizaine d’années. De plus, il est humble puisqu’il a affirmé que « le poste aurait dû revenir à Manuel Legris »…
Tout s’annonce donc sous les meilleurs auspices, surtout si l’on se rappelle que lorsqu’il était à l’opéra de Paris, il avait à cœur de défendre le métier de danseur et n'hésitait pas à dénoncer l'incohérence des saisons proposées par Lefevre qui ne tenait pas compte de la fatigue des danseurs en leur imposant un travail surhumain en fin de saison, ou bien en les distribuant en alternance sur des ballets classiques et contemporains sachant que Bastille et Garnier ont des scènes à l’inclinaison et au sol différents. Les blessures s’enchainaient d’ailleurs à la vitesse de la lumière. Et souvent, à la fin d'une série de classique, il fallait aller puiser dans les réserves pour la terminer...
Nommé un « ancien » à l’opéra, qui a déjà une bonne expérience et aime le classique tout en étant ouvert à la création puisqu’il chorégraphie lui-même redonne de l’espoir à la spectatrice que je suis qui trouve que ces dix dernières années sont à pleurer pour toutes sortes de raisons, et dont la principal est le gâchis de talents….
Et peut-être de la sorte vais-je retourner à l’opéra, moi qui ne vois plus qu’un ou deux ballets par an et réécrire sur ce blog commencé en 2006 ?