Je commence aujourd'hui une série d'articles qui seront à la fois de petits résumés à partir ce livre exceptionnel d''Eliane Seguin et des réflexions personnelles sur un art qui m'a toujours fasciné.
Je pense que l'ensemble sera composé d'une bonne dizaine de petits articles. Je les morcèle pour que leur lecture ne soit pas fastidieuse; aujourd'hui, je me borne à résumer le début de l'ouvrage dans ses très très grandes lignes, espérant vous donner l'envie de le lire dans son intégralité.
J'ai toujours été très touchée par la culture noire,et noire américaine. Et la lecture de ce livre m'a profondément bouleversé, ébranlé; comme si en profondeur, je renouais avec ma vision intime de l'art, de ce que la danse a et doit dire...
Dans son introduction, Eliane Seguin dit deux choses qui ont retenu mon attention :
" Si la danse jazz constitue, pur beaucoup, une expérience exaltante et porteuses d'émotion, si professionnels et amateurs parcourent de longues distances pour honorer un spectacle, l'esthétique officielle oppose toujours son silence théorique, lourd et suspect".
Le cadre est défini : cette forme de danse souffre, comme certaines autres, d'une mépris qui la relègue dans le cadre de " divertissement" et non de danse savante... quoique l'on en dise, sa place dans les programmations des scènes françaises est réduite... et malgré la création d'un D E pour l'enseigner, elle n'a pas droit de citer comme sa comparse la danse contemporaine dans les différentes structures culturelles des villes. Tous les CND d'aujourd'hui ( centre national de danse) sont dévolus à la danse contemporaine seule...
Plus loin, elle note que son livre a été écrit comme une introduction ou un guide pour ceux qui ne connaissent la danse jazz que de façon fragmentaire : " Peut être et enfin aidera t'il à combatre l'idée, si vivace chez certains artistes que la danse peut être comprise hors du contexte culturel dont elle provient"
Cette phrase parle d'elle même : j'ai toujours eu du mal à comprendre que l'on puisse pratiquer un art, -quel qu'il soit, musique, théâtre, danse- sans avoir quelques points de repères précis sur son origine, son élaboration, son sens...
L'origine du mot jazz
Comme je l'avais déjà noté dans un précédent article, le mot jazz est né sans que l'on puisse clairement définir son origine; en fonction des différents dialectes, son sens différe légèrement; il peut venir de " jaser", mot français, qui désigne à l'époque une conversation animée, ou de "chass", combattre, ou de "jaz, jasi," se dépécher, ou encore de gasm, gism, mot argotique, qui signifie à la fois puissance,et aussi sperme, ou encore de l'argot sénégalais, qui désigne l'acte sexuel.
Quoiqu'il en soit, note Eliane Seguin, ce terme, dès le départ, a une connotation péjorative, car de " all that jazz", littéralement " tout ce baratin" à " to jazz", " baiser" ce terme, les créateurs Noirs, n'en veulent pas. Elle ajoute que du coup, ce terme fourre tout, finira par recouvrir des formes de danse qui n'ont au final, pas grand chose à voir avec la danse jazz elle même...
esclaves forcés à danser sur le pont des bateaux
afin de conserver forme, muscles et d'éviter le suicide
Mais qu'est ce que la danse jazz?
son origine
Comme pour la musique, il faut revenir en arrière, à l'époque de l'esclavage ; les esclaves, dès qu'ils en avaient la possibilité, dansaient, et en dansant recréaient des liens interdits à la base par la barrière du langage, car il s ne venaient pas tous des mêmes contrées.
Olaudah Equiano, un esclave d'origine Ibo qui retrouve sa liberté en 1766 écrit : " On peut dire que nous sommes un peuple de danseurs, de musiciens et de poètes; chaque évènement d'importance est célébré par des danses accompagnées de chants et de musiques appropriées à l'évènement"
Senghor note d'ailleurs dans ses ouvrages sur la Négritude, que l'art est rarement jeu ou pure jouissance esthétique; qu'il est un acte, un mode d'existence; qu'il revêt un aspect fonctionnel. Il ne sert pas à représenter le monde mais à connaitre, à expliquer et à comprendre le monde.
A l'inverse, la civilisation occidentale a fini par séparer art et vie quotidienne. de même, il existe une séparation entre public et artistes.
La danse et la musique noire au contraire, permettent à tout homme d'être un artiste et de s'exprimer dans la vie culturelle de la communauté.
J'en profite pour faire un apparté : depuis l'enfance, je me pose beaucoup de question sur l'art, sa place dans notre société, ce qu'il représente
Souvent, à la sortie d'un spectacle, je me demande : pourquoi?
En dehors du plaisir ou de l'émotion ressentie, que reste t'il d'un spectacle? Qu'emporte chez lui le spectateur? Le plaisir esthétique n'est il pas au final creux, vide? Elève t'il l'homme au dessus de lui même? Lui ouvre t'il les yeux, la conscience? Lui ouvre t'il une porte sur le secret du monde et de lui même?
Par ailleurs, j'ai trouvé un peu plus loin dans le livre des indications sur la danse elle même qui m'ont étonnament rappelé ce que j'ai vécu au cours de Mia Frye... au fond, chez Mia, nous renouions avec la dans rituelle, et nous célébrions la Vie...
Mais tout ceci est pour un autre article!
Dans son premier chapitre, Eliane Seguin retrace rapidement
l'héritage africain.
Au temps de la traite comme de nos jours, le rythme est l'un des traits fondamentaux de la musique et de la danse africaines. Danseurs et musiciens se complètent, l'un appelant l'autre.
Le tambour auquel peuvent s'ajouter d'autres tambours, des flûtes ou des xylophones reste prédominant. Les percussions entrelacent toujours des polyrythmies très complexes. En 1759, un observateur, M Adanson, note : ' Les Noirs ne dansent pas un pas, mais chaque membre de leur corps, chaque articulation et même la tête, exprime un mouvement différent, en conservant toujours la pulsation, aussi rapide soit elle"
très souvent, deux individus face à face ou deux groupes face à face dialoguent, dans la forme appel- réponse. Ou bien encore un soliste face à un groupe.
R Jobson explique : " Les plus désireuses de danser sont les femmes qui le font sans les hommes, une à la fois, les genoux pliés, le corps penché, elles bougent avec agilité pendant que les autres semblent honorer leur danse en frappant des mains"
La danse africaine, explique E Seguin, offre alors à chacun l'occasion de montrer ses talents de danseur au sein d'un ensemble, plutôt qu'à titre personnel. Il en ira de même avec la danse noire américaine.
J M Chernoff note : " Sans les danseurs, de nombreux percussionnistes nepeuvent apporter un large éventail de variations, c'est pour cette raison que nous pouvons suggérer que la danse a probablement joué un rôle d'inspiration important dans les débuts du jazz"
a suivre!.....