Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

  • : Un jour, une œuvre
  • : Créé en 2006, ce blog rédigé par Valérie Beck autrefois consacré à la danse et à ma compagnie se diversifie davantage.
  • Contact

contact

 
n'hésitez pas à me faire part de vos suggestions, de vos découvertes, ou de vos propres articles!

Rechercher

Noureev

 

Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

marie-taglioni-in-zephire.jpg

15 juin 2023 4 15 /06 /juin /2023 08:00
André Dussolier : sens dessus dessous

La première fois que j’ai vu André Dussolier, c’était à la télé, et il avait un violoncelle… C’était dans la série Un ours pas comme les autres, de Nina Companez, et il avait pour partenaires Anny Duperey, Ludmilla Mickaël, Francis Perrin…. J’avais 16 ans et j’ai été fasciné par sa voix, par cette profondeur psychologique qui donnait à son personnage du mystère et quelque chose de profondément singulier. Au lycée, dans ma classe de 1ere à section musicale, on commentait abondamment chaque épisode et Dussolier était pour nous tous, notre personnage préféré. Cette première rencontre resta inoubliable.  

 

Elle fut suivie par d’autres qui ne démentirent jamais la fascination qu’exerça sur moi son talent d’acteur, parce que précisément, en le voyant, on oublie l’acteur et il ne reste que le personnage. Il faut beaucoup de talent et d’humilité pour s’effacer derrière un personnage ; Depardieu faisait cela très bien autrefois. L’incroyable filmographie de Dussolier révèle toute l’étendue de son registre et si j’écris ce matin sur cet artiste qui n’a nullement besoin de ma modeste voix, c’est avant tout pour retrouver en écrivant tout le plaisir que j’ai eu à le voir, à l’entendre pendant toutes ces années. Il suffit de me rappeler le jeune homme étrange d’Alice ou la dernière fugue de Claude Chabrol, de réentendre la voix du chirurgien-major encourager le malheureux invalide à se réalimenter dans La chambre des Officiers de François Dupeyron, de revoir Simon, l’agent immobilier d’On connaît la chanson d’Alain Resnais,  conduire Nicolas/Bacri d’appartement en appartement, de sentir le désespoir de Marcel dans Melo, Resnais encore, pour retrouver, intacte, toute la magie de ces moments cinématographiques parmi des centaines.  

 

Mais il y a encore plus : depuis plusieurs années déjà, j’écoute régulièrement sa lecture de Proust. J’ai l’intégrale de cette œuvre magistrale que se partagent les voix de  Gallienne, Renucci, Wilson, Londasle, Podalydès. De loin, il les surpasse tous. Son naturel nous emporte dans l’univers des Verdurin, nous fait éprouver les tourments de Swann, nous met en extase devant aubépines, et nous révèle, dans le dernier opus, les mystères de l’espace-temps. Familière de Proust depuis mes 16 ans, j’ai lu et relu bien des fois mes volumes préférés, mais Dussolier m’a révélé mille détails que ma lecture pourtant attentive, avait ignoré Sa voix, tel le Lapin blanc d’Alice, m’a guidée dans les profondeurs de cette œuvre atypique, emplie de sensibilité et d’une profonde humanité.

 

C’est la raison pour laquelle, lorsque j’ai vu par hasard l’annonce de son spectacle Sens dessus dessous,  titre d'un sketche de Raymond Devos qu'il joue pendant le spectacle, j’ai tout de suite voulu y aller. Comme j’ai acheté les places bien en avance, pour la 2ème représentation, j’ai bénéficié d’un tarif raisonnable : une trentaine d’euros pour un premier rang de corbeille. Je note ce détail car les nouveaux tarifs de l’opéra de Paris me restent toujours en travers de la gorge…

 

Et voilà Dussolier sur scène, qui, pendant un peu plus d’une heure, va nous tenir en haleine avec des textes qui nous emportent dans les univers extravagant, léger, drôle, meurtri, sombre, incongru, absurde, tragique, poétique, rêveur, douloureux, de Devos, Dubillard, Guitry, Hugo, Baudelaire, Devos… on rit, on s’effraie, on est empli de compassion, on doute, des larmes nous viennent aux yeux, - comment les refouler en entendant le crapaud de Victor Hugo? - ou bien un fou rire nous prend pour quelques instants. Et André Dussolier, soutenu par un dispositif scénique simple, mais efficace,  passe d’un registre à l’autre ;  sa voix virevolte, s’épanche, ralentit, accélère, s’irrite, se moque, s’apaise, questionne, vibre, créée sous nous yeux le plus vivant des mondes, celui des mots que chacun, dans la salle, s’approprie à son tour, et le tout avec ce naturel que j'aime tant chez lui.  Il ne joue pas, il vit ce qu'il nous raconte, avec cette humilité, cette présence à la fois lumineuse et discrète, mais surtout,  toujours cette voix-violoncelle qui à 77 ans, n’a rien perdu de son extraordinaire musicalité qui module à loisir toute l’étendue de son immense talent d’acteur   

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

C
Vous nous faites tellement regretter de ne pas pouvoir assister à cette représentation. <br /> D'André Dussolier vous avez tout dit. Un charisme qui nous emporte avec lui.
Répondre
S
Je suis désolée, Hélène, je ne vois votre message qu'aujourd'hui, et j'en ignore la raison; merci à vous de votre fidélité!