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  • : Un jour, une œuvre
  • : Créé en 2006, ce blog rédigé par Valérie Beck autrefois consacré à la danse et à ma compagnie se diversifie davantage.
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Noureev

 

Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

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29 mars 2024 5 29 /03 /mars /2024 13:09

Je suis ressortie de cette matinée du  dimanche 24 mars plutôt mitigée, comme si j'avais assisté à une répétition générale ; tout " pourrait être " mais n'est pas encore parfaitement abouti.
Don Quichotte, c'est un ballet marathon, qui demande de la puissance, de la gaîté et de la virtuosité, sans quoi toute vie disparaît, et il ne reste alors qu’un cruel sentiment de frustration.  

 

À l'acte I,  le couple principal semble mal assorti, et les deux artistes ne se mettent pas en valeur l’un l’autre ;  on s’ennuie parfois un peu ; on ne voit ni jeu de séduction, ni d'amour véritable, ni de complicité, mais plutôt  deux copains qui s'amusent à jouer à s'aimer.

Malgré tout, Germain Louvet campe un Basilio très aérien à la technique étincelante ; il est particulièrement à l’aise dans ce registre, accélérant ou ralentissant des pas à loisir, jouant avec le tempo, ce qui donne beaucoup de vie à ses variations.

Il possède une batterie aussi incisive que précise, une belle amplitude dans les sauts, et se montre un partenaire attentif.

À ses côtés, O Neill semble avoir un peu de mal à savoir ce qu’elle veut faire de sa Kitri. Elle ne trouve pas le « bon ton » malgré beaucoup d’engagement physique et d’enthousiasme. Sa première variation qui oscillait entre la séduction et la puissance, reste de la sorte un peu bancale, un peu raide; où est la danse, la fluidité, l'ardeur, la passion?  Sa variation aux castagnettes dans sa dernière partie est bien plus convaincante. Une raideur inhabituelle dans le haut du corps semblait gêner l'amplitude de certains mouvements, cependant qu'elle déployait beaucoup de puissance et de virtuosité dans les pas et les tours.

L’Espada de Legasa a l’autorité nécessaire et forme un couple flamboyant avec  la danseuse de rue de la séduisante Naïs Duboscq qui a exactement ce qu’il faut de gouaille à la Arletty pour qu'on réalise que les ruelles de la ville sont son domaine, et qu'elle y est à l'aise.

Yonathan Kellerman ONP
Photo issue du site de l'opéra de Paris. Cliquer sur la photo pour accéder à la galerie

 

Le très drôle Gamache de Léo de Busserolles, qui campe un personnage plus teigneux que ridicule avec brio,  donne une réplique parfaite au Sancho Pancha, grivois à souhait de Jérôme Devilder ; ce duo est complété par le bouillant Lorenzo d’Alexander Maryianowksi  qui a le sang chaud, ne réfléchit qu'après coup, mais n’est pas un mauvais bougre et bien sûr par Don Quichotte ( Cyril Chokroun) qui, la tête farcie de livres,  vit dans un autre siècle ; à eux quatre, ils apportent la gaité qui manque au premier acte  dont les ensembles manquent  cruellement... d’ensemble ! Que de pas brouillons, ce qui devient gênant quand les frappes des  talons se désynchronisent et virent presque au grand cafouillage !
 

L'acte II des gitans ne rend rien à cause de ses costumes empesés et de l'éclairage sombre. Sans doute que le gitan d’Alexandre Gasse et le roi des gitans de Matt Vuaflart sont très bien, mais, du fond du parterre, ils disparaissent dans l’ombre aisni que leur peuple  dont les encombrants costumes ne mettent pas la chorégraphie en valeur.
 

Le duo au châle  manquait de complicité, de sensualité, et surtout de poésie. Ces deux amants ne semblent pas du tout en fuite, pas plus qu'ils ne semblent s'abandonner à la douceur d'aimer...  
Quant aux dryades, pas en ligne, elles sont sauvées par leur reine,  la très poétique et sensible Hohyun  Kang  dont la danse suspend le temps ; la simple traversée de la scène avec ses sauts arrière en écart en prenant le bras de Don Quichotte ( Cyril Chokroun) allie douceur et tendresse, et sa variation était un summum de poésie et d’émotion ; tellement aérienne, tellement irréelle et légère, que ses développés secondes semblent être exécutés par un être d'un autre monde.   Le Cupidon de McIntosh est piquant à souhait. Mais O Neill semble une fois encore bien raide dans la difficile variation de cet acte. A vouloir garder les équilibres le plus longtemps possible, il n'y a plus de danse du tout.... Ce deuxième acte était particulièrement décevant.

 

L'irréelle Honyun Kang

 

Au III acte,   c'est tout à coup une tout autre troupe qui surgit et on a peine à y croire : qui a donc de cette façon remonté le moral des danseurs qui s'en donnent enfin à cœur joie dans la scène de la taverne ? Louvet a beaucoup amusé le public avec son faux suicide. Chacun semble avoir trouvé sa place, et la gaieté commune emporte l'adhésion de toute la salle. Quand vient le mariage, le grand " cirque " commence  : quel challenge pour les danseurs que ce finale qui les fait aller au bout de leurs forces et de leurs ressources techniques sans abandonner leurs personnages.
Splendide variation de Louvet, même si les tours en l'air /arabesque finaux lui ont donné un peu de fils à retordre. A sa décharge,  ces pas, redoutables à exécuter et pas vraiment beaux même bien dansés, ne remplaceront jamais  le grand manège qu’on voit dans d’autres versions. .
Quant à O Neill,  toute galvanisée, elle était  enfin  Kitri; son manège de fouettés simples et doubles, flamboyant, a eu un petit accroc, mais elle s'est repris de suite, et a terminé sa série dans un tempo effréné. Personnellement, j'ai beau adorer Noureev, je n'aime pas non plus cette variation avec les retirés au genou qu'il a intégrés, et  je regrette beaucoup le pas du cheval ; d’accord, Kitri a du caractère, mais elle est aussi piquante et séduisante, coquette et féminine, et le pas du cheval montre toutes ces qualités. quelle que soit la danseuse, je n'aime pas cette variation ; Dans Raymonda, les retirés ont un sens mais  dans Don Quichotte,  ils tombent à plat ; pourtant, ceux d'O Neill étaient superbes : elle pose le talon sans le replacer ensuite ce que font beaucoup de danseuses.

Bref un très beau finale, avec une troupe bondissante qui annonce que la prochaine représentation avec la même équipe sera un sans faute ou presque !
Dans l'ensemble, l’orchestre était plutôt bien dosé avec un très bel ensemble de cordes.

Mais qu'on ne s'y méprenne pas; j'adore Hannah O Neill et me désespérais de sa nomination;  ce blog en témoigne d'ailleurs; j'avais fait la sortie des artistes il y a presque dix ans, pour l'un de ses premiers rôles solistes, Paquita, avec Mathias Heymann, afin de lui témoigner mon admiration et mon enthousiasme; je l'ai adorée en Sylphide avec Vincent Chailley, dans le Lac aux côtés de Bittencourt ou de Révillon, dans le Songe en Titania,  dans Agon, bref...  une vraie admiratrice ! J'ai donc décidé de retourner la voir, mais cette fois-ci avec Hugo Marchand !

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