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Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

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18 avril 2024 4 18 /04 /avril /2024 07:07
Don Quichotte : Marchand/ O Neill - 16 avril 2024. ONP

Le prologue qui le 24 mars, a paru bien long, passe très rapidement ce 16 avril grâce à la meilleure place qu’on a prise ainsi qu’ aux intentions très claires de Don Quichotte/Yann Chailloux, personnage au grand cœur, ainsi que celles de son comparse, Sancho Pança/ Fabien Révillion qui  montre dès son entrée en scène plusieurs facettes de son personnage : la paillardise, bien sûr, mais d’autres nuances qu’on n’avait jamais remarquées avant : ce personnage possède un côté très protecteur joué avec beaucoup de conviction. Il anticipe tous les pièges dans lesquels Don Quichotte fonce tête baissée. Par ailleurs,  il s’en donne à cœur joie pour donner la réplique aux  trios, quatuor  ou ensemble plus vaste.  Gai, espiègle et protecteur, il a toujours un œil sur son chevalier qui vit dans son monde au péril de sa vie.

 

L’entrée de Kitri/ O Neill, bondissante et énergique, est joyeusement saluée par des applaudissements enthousiastes. Ce n’est pas si fréquent !  Kitri virevolte, pleine de gaité, s’amuse à provoquer la bonne société, teste ses charmes sur les garçons de la ville, et forme un formidable trio avec ses deux amies, la charismatique Catherine Higgins et la sémillante Célia Drouy. O Neill a une technique sûre, des lignes déliées, mais surtout un haut de corps qui respire et des bras d’une infinie éloquence. Tout n’est que grâce jusqu’au bout de ses dernières phalanges !

Basilio / Hugo Marchand entre en scène avec une joie de danser qui ne se démentira pas pendant tout le spectacle ;  sa danse généreuse, habitée, donne également une grande impression de liberté. Son plaisir à danser est contagieux et on se prend immédiatement de sympathie pour son personnage. Attentif à sa partenaire qu’on sent pleinement confiante avec lui, il la met merveilleusement en valeur sans toutefois s’effacer. L’équilibre est parfait. Le quatuor composé de ce couple et des amies, qui devient un sextuor ou octuor au gré des échanges avec les différents personnages,  possède une  énergie qui se communique  à tout le corps de ballet cette fois-ci parfaitement ensemble : tout le monde prend du plaisir sur scène et en offre généreusement au public. Et c’est ce que je retiendrais de cette soirée : cette offrande de la danse à un public extrêmement réactif qui applaudit spontanément parce qu’il interagit avec  les artistes : les deux trouvent l’un dans l’autre un quelque chose qui les unit le temps de ce spectacle généreux.  Car l’art, s’il peut divertir, peut surtout unir dans une même vibration  public et artistes, et c’est ce qui s’est passé ce 16 avril. C’est la magie du spectacle vivant.

 

Au premier acte, pêcheurs et filles de Barcelone mènent joyeusement la danse avec  une insouciance et une nonchalance qui tranchent avec l’entrée des matadors virils et sérieux. Leurs espagnolades et leurs jeux de cape  offrent à cette joyeuse assemblée un contrepoint parfaitement dosé.   

La variation aux castagnettes, ébouriffante, montre une jeune femme de caractère, ardente  et passionnée ; celle de Basilio offre une batterie superbe et une belle envolée dans les sauts. Ce couple, haut en couleur, alterne les chamailleries et les jeux de séduction propres aux jeunes gens tout juste sortis de l’adolescence,  qui  se teste l’un l’autre ; pourtant, on sent poindre une attirance réelle qui s’épanouira tout au long du ballet.  

Le Gamache de Daniel Stoke, petit nerveux teigneux et précieux, parvient à nous intéresser de longues minutes à son mouchoir ! Quant au Lorenzo de Sébastien Bertaud, il est sous le charme de sa fille, et quoiqu’elle fasse,  il se fait mener par le bout du nez, et on le comprend.

Chaque petit rôle est joué avec la même intensité et cela rend le plateau si vivant qu’on ne voit pas passer le premier acte dont les 20 dernières minutes diffusent une énergie extraordinaire, soutenue par un orchestre léger, aux tempos plus rapides que le 24 mars ce qui renforce l’impression de fougue et d’entrain.

On reste assis sur son siège à l’entracte, un sourire béat sur les lèvres…

Vue de plus près, la scène des gitans n’est plus aussi sombre, et on peut admirer le gitan  d’Antoine Kirscher, puissant, autoritaire, imposant, aux lignes nettes et tranchantes comme découpées dans du métal. Les gitans/gitanes fougueux campent un peuple mystérieux et fascinant qui semble avoir leur propre code et leur propre langage. Tout cela n’était pas visible le 24.

Le duo au châle, langoureux, montre un amour ardent, qui couvait jusqu’alors et qui prend vraiment forme : Kitri, sensuelle, et Basilio plein de désir,  ne sont  plus dans la séduction et dans le jeu, mais troublés par cette vibration particulière qui unit les vrais amoureux.

Dans la scène des dryades, on regrette Kang en reine des dryades et Mcintosh en Cupidon. En revanche, O Neill, tout en légèreté et en musicalité  devient le rêve immaculé et évanescent de Don Quichotte, subjugué.

 

Le troisième acte passera tout aussi rapidement que les deux premiers ; l’énergie et l’enthousiasme de l’ensemble de la troupe ne faiblit pas et le pas de deux de Kitri et Basilio, impressionnant de maîtrise et de beauté visuelle, montre deux artistes animés d’un même souffle, d’une même énergie, tel deux âmes sœurs. Beaucoup de puissance, d’autorité et de poésie émanent de leur danse, ensemble ou seuls ; leur registre semble infini et ils s’insufflent l’un à l’autre l’énergie nécessaire pour tenir ce marathon dansé jusqu’au bout où triomphe leur amour. On reste le souffle suspendu pendant le passage lent,  empreint d’une grande maîtrise et de beaucoup de classe, d’élégance et d’autorité,  qui nous cloue sur nos sièges, et le souffle coupé lors du déferlement de leur virtuosité. On sent leur énergie remuer nos tripes et on n’a qu’un désir : leur donner tout notre enthousiasme de spectateur pour que leur danse les porte encore plus loin. C’est bien de fusion qu’il s’agit…. Rasa, diraient les Indiens mène au Tout…

Le finale, somptueux, déclenche un tonnerre d’applaudissement : le public est heureux et tout le plateau l’est aussi ; on ressort follement joyeux d’avoir vu la compagnie en si grande forme, dans un spectacle d’une incroyable générosité soutenu par un orchestre impeccable ! Et on mettra de longues heures à redescendre de notre petit nuage. Il faudra l’aube pour trouver un peu de sommeil, et encore…

Cette représentation vient rejoindre nos préférées : Pontois/ Bujones, Loudières/Dupont, Le Riche/ Letestu et Pagliero/Paquette.    

 

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