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Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

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10 novembre 2024 7 10 /11 /novembre /2024 09:37
Boléro,  film réalisé par Anne Fontaine ( 2024)

 

Bien que le scénario aux dialogues bien écrits ne soit pas vraiment conforme à la réalité et prenne certaines libertés avec la vie de Ravel (Raphael Personnaz, excellent et physiquement souvent très proche) bouleversant même la chronologie, j'ai eu un plaisir infini à suivre ce compositeur qui a toujours été tenu pour discret, sensible, et bien que très secret, empreint d'une profonde humanité ce qu'attestent tous ses liens, qu'ils soient professionnels, amicaux ou encore privés et secrets, lorsque par exemple, il se rendait dans les maisons closes.

Et c’est bien cette personnalité tout en retenue, aussi énigmatique que sensible qu’Anne Fontaine a mise en scène avec beaucoup de subtilité, écrivant un scénario certes libre, mais qui permet de mettre en scène un compositeur attachant.

Le choix de Boléro est un bon choix, car c’est l’œuvre la plus connue de Ravel. Le titre ne pouvait ainsi que donner envie à un public non connaisseur d’aller à la rencontre de ce compositeur à la fois très connu et parfaitement inconnu…

Pour Boléro, la composition n'a pas été du tout longue et pénible contrairement à d'autres œuvres, mais le choix de la réalisatrice de montrer à travers cette création le processus de création minutieux, obsessionnel jusqu'à réécrire plusieurs fois certains passages afin d'atteindre à la perfection, résume ce qui s'est passé pour de nombreuses autres œuvres, comme par exemple pour le Tombeau de Couperin, dont chaque pièce est dédiée à un ami mort pendant la Première Guerre mondiale.

 Rien ne prouve non plus qu'il y ait eu entre Misia Sert (Doria Tillier) et Ravel un sentiment amoureux - les deux entretenaient une amitié profonde - mais je trouve que toute cette partie du film aux dialogues souvent spirituels, met bien en lumière la volonté du très secret Ravel ne pas s'engager amoureusement parlant, - pudeur, peur, timidité, ou désir de rester libre de son temps pour la musique ? - ainsi que l'intérêt lui portaient les mécènes et le rôle de leurs encouragements à composer suivant son désir et non pour rechercher l'approbation des critiques ( le critique Lalo fils - l'excellent pianiste A Tharaud - qui passe dans le film est savoureux de méchanceté).

Rien ne prouve non plus que la relation entre Ravel et sa pianiste Marguerite Long ( E. Devos)  ait été aussi affectueuse, mais ce n’est pas grave ; elle faisait partie des artistes qui admiraient le compositeur et ont mis une grande partie de leur énergie au service de l’œuvre de Ravel.

Enfin, Jeanne Balibar en Ida Rubinstein, commanditaire du Boléro campe un personnage fantasque et haut en couleur, ce qu'elle était. C’était une femme riche, libre et avant-gardiste, tout comme Ravel. Ils se comprenaient très bien sur ce plan de l’avant-garde et Rubinstein   toujours eu une confiance absolue en Ravel. Là encore, certaines libertés ont été prises concernant les relations professionnelles et respectueuses qui existaient entre la danseuse et Ravel, mais cinématographiquement, les scènes sont de ce fait intenses en mettant en valeur leurs dissensions qui n'existaient pas en réalité ; il avait son accord pour créer le ballet dont elle rêvait sur deux mélodies uniques (  on chantonne  en général la première jusqu'à la moitié, la mémoire devenant imprécise ensuite,  et on oublie complètement la seconde, très orientale !) qui prennent une densité et une ampleur exceptionnelle grâce au génie de son orchestration.

Beaucoup d’encre a coulé sur ce Boléro qui reste une œuvre atypique, sorte de gigantesque crescendo qui repose sur un travail d’orchestration minutieux, véritable exercice de style.

 

Pour résumer, j'ai aimé la façon dont Ravel est raconté, la beauté de l'image, et la délicatesse des dialogues. L'extraordinaire musique de Ravel longtemps taxé de compositeur sans coeur ponctue le film, et ce bel hommage m'a enchantée. Merci à la réalisatrice et à toute son équipe. J'ai revu le film trois fois en tout.

J’ai donc aimé le film, profondément, et le portrait de Ravel et de son époque qui s’y dessine subtilement ; il est si rare que des biopics soient aujourd’hui consacrés à des compositeurs de musique dite «  classique » et celui est, de mon point de vue, une parfaite réussite.

Parmi les nombreuses scènes qui me restent en mémoire, je citerai celle dans l'usine avec Ida Rubinstein, les insomnies de Ravel, qui nuit comme jour, est obsédé par sa création, Les Contes de ma Mère l'Oye joués avec Misi Sert, qui restitue tout une époque, celle du mécénat artistique, les mécènes étant parfois de grands connaisseurs, pratiquant eux même la musique, la répétition de la Valse ( créée pour Diaghilev qui finalement n'en voudra pas) " tout finit toujours en catatstrophe !" scène dans laquelle Personnaz est très crédible en chef d'orchestre,  les scènes dans les maisons closes, intimes et chaleureuses.... bref, un film terriblement attachant, tout comme Ravel.

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