29 décembre 2007
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Isadora sur la plage du Lido, 1903
Quelles danses ? Quelles techniques ? ( première partie)
Relire des extraits de la biographie d’Isadora Duncan, à qui je consacrerai à l’occasion un article, m’a permis de pousser un peu plus loin mes réflexions sur la danse, sur le mouvement, qui sont une obsession de chaque instant.
Je n’ai pas pu, enfant, acquérir la technique de danse classique dont je rêvais. J’en ai conçu un immense complexe que les différentes danses que je fus amenée à pratiquer sur de très longues périodes et d’une manière intense n’ont pas réussi à atténuer.
Je me pose depuis toujours la question de savoir si on peut se passer de cette magnifique technique classique qui ouvre tant de portes, et sans laquelle, affirme Béjart, on est vite limité dans ses mouvements.
Et pourtant, depuis toujours, une petite voix me dit qu’on peut danser sans technique classique, que la danse n’est pas la technique seule, que la technique, quelle qu’elle soit, n’est qu’un outil mais pas le but.
Mais au fait : quel est le but ?
Pour moi il est clair : transmettre une émotion esthétique qui élèvera l’âme du spectateur.
Et pourtant, il faut bien se doter d’outils pour danser !
Et c’est là que je pense à Isadora ou à Loie Füller
Toutes les deux ont recherché le spirituel dans la danse plus que tout le reste.
Toutes les deux sont Américaines et anti-conformistes.
L’une s’est engagée principalement dans le travail de la lumière sur de grandes voiles et sur la façon dont elle pouvait, grâce à la lumière faire danser son âme.
L’autre a cherché dans la Grèce Antique une inspiration ou sens premier « spiritus – spirituelle » du terme afin que le corps puisse accéder au spirituel en lui et transmettre ce spirituel dans le mouvement
On a dit souvent d’Isadora qu’elle n’avait pas de technique. Et pourtant, quand on la lit, on voit qu’elle travaillait beaucoup, mais pas comme une danseuse de ballet.
Elle fut d’ailleurs amenée à voir Pavlova travailler et elle fut horrifiée de voir comme le corps devait se soumettre à des exercices selon elle contre nature.
Pourtant, admet-elle, quand elle la voyait en scène, elle ne voyait plus la technique mais l’âme de la danseuse.
Ce qui signifie que la danse classique était l’outil qui permettait à Pavlova de mettre son âme en mouvement.
Isadora prétend que le ballet est une hérésie, Béjart lui, affirme qu’on ne va pas bien loin sans technique classique…
Bien évidemment, je ne fais référence ici qu’aux arts de la scène, pas aux danses traditionnelles ou ethniques qui ont d’autres visées.
Car Loïe comme Isadora visaient toutes les deux l’opéra, et l’une et l’autre y dansèrent…
Mais on oublie souvent, me semble-t-il, lorsque l’on évoque ces femmes, qu’elles ne travaillaient pas contre le ballet, mais avec leur ressenti profond. Et que surtout, surtout, elles étaient profondément mystiques l’une et l’autre. Le corps n'était qu'un moyen d'accéder à autre chose, pas une fin en soi.
C’est pour cela aussi que lorsque je lus qu’elles furent les pionnières, je tique ; je ne vois pas aujourd’hui dans la danse, ni même celle des années 50, qui avaient cette spiritualité en elle à part Ruth saint Denis, et encore était-ce une spiritualité un peu exotique…
Pour moi, la danse reste « danser son âme » comme Rumi…
Isadora explique qu’elle restait parfois des heures immobile dans son atelier à écouter ce que son âme allait finalement transmettre à son corps, pour que le mouvement soit juste….
Ensuite, en créant son école, elle rédigea plus de 500 exercices de danse, qui devaient s’ajouter à un enseignement traditionnel de la gymnastique pour assouplir et renforcer le corps de ses élèves. Elle veillait aussi grâce à un ami médecin à l’alimentation de ses enfants, riches en fruits et légumes frais.
Elle avait donc elle aussi une technique : un outil. Mais pas un vocabulaire pré établi qu’on apprend via des exercices.