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  • : Un jour, une œuvre
  • : Créé en 2006, ce blog rédigé par Valérie Beck autrefois consacré à la danse et à ma compagnie se diversifie davantage.
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Noureev

 

Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

marie-taglioni-in-zephire.jpg

26 décembre 2010 7 26 /12 /décembre /2010 21:29

image004.jpgCe ne sont pas les œuvres qui comptent, mais les interprètes ! C’était tellement vrai cet après midi à Garnier du 26 décembre 2010 !

Trois œuvres reliées par un fil invisible

 

Dans la première : trois filles  un garçon (Apollon musagète- 1928) – Ganio, Ould Braham, Daniel, et la sublime Osta

Dans la seconde : deux garçons- une fille ( O slozony- 2004) – Carbone, Bélingard, Zusperreguy

Dans la dernière : 16 garçons – 16 filles et un face à face : fille garçon ( Le Sacre- 1975)

 

On passe du poétique, à l’onirique, puis de l’onirique à l’hypnotique !

Qu’est ce qui relie ces œuvres ?

 

Une certaine épure: l’épure du langage, du style, de la grammaire utilisée ; presque une forme de minimalisme

Il ne s’agit plus de divertir le spectateur mais de le plonger dans un état de perception ou d’émotion bien particulier suivant les œuvres

Il faut donc laisser son mental au vestiaire et ouvrir son imaginaire, sa faculté à la contemplation ; inutile de chercher un sens, une narration

Il faut accepter d’être emmenée là où on n’a pas forcément envie d’aller

En ce sens, ce programme va crescendo

C’est qu’elle est douée, BL, pour créer ces fils subtils…..

 

Trois univers différents, trois émotionnels différents et un travail sur le féminin et le masculin

Dans la première, Balanchine simplifie le geste quand Stravinsky, lui,  simplifie sa musique, renonce à certains «  effets » Apollon mène la danse…. Mais la mène t’il vraiment ?

Dans la seconde, Trisha Brown crée un alphabet, base de son travail sur un texte polonais mis en musique par l’artiste underground Laurie Anderson (compagne de l’incroyable Lou Reed, ex leader du velvet underground) et nous emporte dans un univers onirique ou l’on perd soi même en tant que spectateur nos propres repères,quand on ne se perd pas soi même

Dans la troisième, Pina Bausch cherche dans un langage simplifié l’expression maximale des émotions : peur- angoisse- soumission et son refus ; on est «  hébété », sans pensée, mais toute viscère à vif !

 

Les œuvres sont toutes de petits bijoux mais pas forcément servies par les meilleurs interprètes

 

Ainsi Apollon Musagète, malgré des danseurs de qualité, oscille entre poésie et ennui

Poésie lorsque Claire Marie Osta – sublime – danse avec M Ganio qui n’a pas vraiment su ce qu’il voulait faire d’Apollon. Magnifique pas de deux ! quelle magie, tout à coup ! Ganio apparaît enfin et on est emporté hors du temps…

Ennui lorsque N Daniel et M Ould Braham s’emparent d’une œuvre qui, malgré leur qualité de danse évidente – devient scolaire….

 

C M Osta est décidément plus qu’une ballerine : c’est une artiste à part entière qui «  réveille » M ganio : dès le début de leur pas de deux, M Ganio gagne en présence, en poésie, en authenticité ; malheureusement, tout cela s’efface dès qu’il se retrouve seul en scène

 

 

L’œuvre en elle-même est épurée mais poétique ; il faut vraiment des interprètes de génie – Claire marie est de ceux là et M Ganio pourrait en être s’il se faisait confiance – pour donner de la vie à cette pièce

 

Suivait O Slozony/o Composite:

Je l’ai vu en 2004 avec Legris- Dupont- Leriche : un pur moment de bonheur !!! je rêvais de revoir cette œuvre depuis

La revoir avec Zusperreguy – Carbone et Belingard donne un tout autre résultat

La symbiose entre les trois artistes n’a pas pris ; les trois hésitent dans leur engagement comme s’ils craignaient mutuellement de se faire de l’ombre

Ce qui coulait de source en 2004 devient cahoteux

Tantôt l’œuvre devient vivante, intense, tantôt elle retombe dans le scolaire et le «  bien dansé » mais sans ce grain de folie que j’attends toujours de la part d’artistes de ce rang !

Bélingard, d’habitude si fougueux est tout sage, et Carbone semble redouter les faux pas

Zusperreguy tour à tour illumine la scène ou disparaît

Cette œuvre lunaire servie par une musique «  hypnotique «  - elle m’a plongée dans les mêmes états que lorsque je fais du yoga nidra- manque d’un petit «  grain de sel » pour la faire vraiment décoller

 

Enfin, chef d’œuvre absolu, magnifiquement rodée par la troupe de l’opéra : le Sacre de P BauschSacre-Bausch-Kudo-Romoli.jpg

Pour avoir analysé la partition dans tous les sens, décortiqué timbre et tonalité, j’ai une connnaissance  profonde, complète, académique de la partition – pas mal jouée du tout, d’ailleurs, bravo à l’orchestre

 

Et là ?

Adéquation totale entre la musique de Stravinsky et le propos de Pina

 

Béjart, Prejlocaj, Nijinsky peuvent se rhabiller !!!!

Pina a su écrire une œuvre «  économique » mais puissante

Cet après midi servie par des interprètes qui sont comme des poissons dans l’eau

Attention : talents !

Si je n’ai pas reconnu tous les danseurs je cite pêle mêle Abbagnato (le diable au corps ! quelle interprète ; elle est comme l’Isabelle de Hurlevent, totalement possédée !) Kudo ( sublime) Renavand, Muret, Bance, investies jusqu’à en mourir !

Côté garçons, pas mal non plus : Hoffalt, Romoli, Carbone ( plus rien à voir avec l’œuvre d’avant, là , il est totalement présent, il est à fond !!!! je le suivais et je me disais : le bougre, pourquoi faut il qu’il soit noyé dans le corps de ballet pour oser être lui-même ????)

 

L’œuvre, ?

On pourrait écrire une thèse dessus !

Mais on peut faire plus simple

Les émotions – la peur, l’angoisse, la soumission et son refus – sont palpables tout au long du ballet

Pina a su créer – comme pour Orphée d’ailleurs – un langage simple qui tient en la répétition d’un certain nombre de phrases chorégraphiques qui collent parfaitement à la musique

Martellement du sol avec le pied, - sol couvert de terre- jeux de bras preque primitifs, corps qui se relâchent vers le bas,  en différentes secousses, sauts qui tentent de s’en libérer pour mieux   retomber

 

L’art de Pina réside non seulement dans l’économie de moyens, mais dans la façon simple qu’elle a de suivre la musique : elle marque les accents, elle glisse sur le reste

Ainsi les accents des percussions retentissent dans les corps, qui oscillent, vibrent, martèlent, sont pris de spasmes

Mais le tout esthétiquement, reste beau… ça veut dire quoi ce mot dans ce context ?

Que la ligne des corps reste  lisible et fluide, que les mouvements des filles sont moelleux à souhait, que jamais les garçons ne dansent en force.

A la fluidité des corps fait  écho la fluidité des cordes de l’orchestre, comme si c'était les gestes des danseurs qui commandaient la musique et non l'inverse.   La polytonalité des bois et des cuivrent créent des lignes comme aléatoires sur la scène

  Pina a un sens  de l’espace   extraordinaire !

Tout se décentre, mais rien ne se mélange ; la lisibilité du propos est parfaite

Femmes et hommes s’opposent jusqu’à en créer un puissant malaise mais en même temps s’entremêlent, se cherchent, se fuient, se complètent, se repoussent,  se violentent mais parfois créent   ensemble une immense ronde où les couples s’apprivoisent pour un court moment

Le centre de la scène disparaît sans que l’ordre ne soit anarchie

 

Kudo, parfait dans le rôle de l’élue – les dix dernières minutes de l’œuvre, mais les autres tout aussi parfaits

L’œuvre doit être crevante à danser !

A un moment, l’orchestre se tait : on entend les respirations haletantes

 

Je n’ai pas cherché à donner un sens

J’ai simplement reçu les émotions, la fatigue des danseurs – à en pleurer, à en avoir la gorge nouée, à en sortir discrètement mon mouchoir, à en avoir le corps parcouru de spasmes, tout comme eux !

Jamais je n’ai senti des émotions passer directement des danseurs à ma propre personne aussi violemment !

Ce sacre : c’est une transfusion faite en direct des danseurs aux spectateurs

On est obligé de vivre ce qu’ils vivent, de ressentir ce qu’ils ressentent, la peur, la révolte, la fatigue, le «  je n’en peux plus, que tout s’achève ! »

 

Que dire de plus ?

Merci aux trente deux danseurs de ce Sacre…. Et à P Bausch

 


 

 Ce texte est un compte rendu rapide écrit d'une traite pour le forum " danser en france"

 je me propose dans les jours qui viennent d'approfondir ces trois oeuvres dans trois articles différents

j'en prépare les liens d'avance

 

Apollon Musagète - Balanchine ONP 26 décembre 2010

O Slozony O Composite Trisha Brown ONP 26 décembre 2010

Le sacre du printemps - Pina Bausch ONP 26 décembre 2010

 

Sur chacune de ces oeuvres, il y a tant à écrire et à ressentir!

 

 

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