La distribution de la première n’est pas celle qui me faisait le plus palpiter sur le papier
Mais j’avais le choix entre une distribution de rêve pour Dances et rester sur ma faim pour Mats Ek ou l’inverse
J’ai privilégié Mats Ek et Appartement
Je voulais revoir Gillot, Martinez, Letestu, Osta, Leriche…
J’aurais bien aimé aussi revoir Céline Talon, Kader Belarbi, W Romoli, qui sont partis déjà
Heureusement, le DVD est là qui a conservé leur talent dans cette œuvre qui ne laisse jamais indifférent
( pacific northwest ballet)
J’ai donc eu droit à une distribution en demi teinte pour Dance, avec une Ciaravolla blessée remplacée par Grinsztajn…
De bien jolies choses, dans cette œuvre sans décor qui dure plus d’une heure. La musique est celle de Chopin. Exclusivement.
Tout d’abord, le plaisir de découvrir une Mélanie Hurel en bleu comme je ne l’avais encore jamais vue : humaine, musicale, poétique… un vrai délice !
J’ai pris un plaisir immense à la suivre, à la regarder…
Sa silhouette n'est ni longiligne, ni maigre, comme c'est trop souvent le cas en ce moment à l'opéra - mais dans ce Dances, Hurel belle, naturelle a dansé sans fard, sans affeterie. Sobre, juste, chacun de ses passages illuminait la scène d'une vraie présence, d'une vraie poésie.
En la voyant danser, j’ai fait un rapprochement entre les partitions de Steeve Reich et le style néo classique de Robbins
Steeve Reich dit « quand les Européens jouent ma musique, c’est toujours un peu raide ; il leur manque cette liberté si particulière qu’ont les Américains par rapport à la pulsation. Les Européens se calent dessus et n’en bougent plus ; les Américains ont cette liberté qui leur permet un léger décalage, un jeu avec elle qui donne toute sa vie à ma musique »
Et je me disais en regardant Mélanie Hurel danser : « c’est cela : il faut en dansant Robbins garder cette pureté de ligne tout en restant libre, comme si on inventait les pas ; il faut garder ce naturel, un corps sans raideur, sans chichi, libre ! »
J’adore quand une danseuse qui jusqu’à présent ne m’emballait pas m’émerveille ! C’est magique ! et c’est ce qui c’est passé ce soir là avec Mélanie Hurel !
A ses côtés Zusperreguy était fraîche et pétillante, Ganio, poétique et lyrique à souhait, Paquette, charismatique, comme toujours, Grinsztajn, extrêmement délicate, un peu maniérée mais si ravissante en mauve…
Tous ces danseurs sublimaient le jeu sec de la pianiste et apportaient un ton désinvolte, humoristique, poétique, doux et percutant tout à la fois
Un ravissement pour l'âme, disons le!
Le reste de la distribution m’a moins emballée, y compris Letestu qui semblait absente ce soir là…
Quand a Pagliero qui vient d’être nommé étoile : pas une once de grâce, ni de fraicheur, ni de naturel dans sa danse ; pas de charme non plus sur ses traits secs. Ce n'est pas qu'elle n'est pas jolie; mais elle n'a pas l'air commode du tout, quand elle danse! on dirait plutôt qu'elle boxe,qu'elle monte au combat...
Mais peu importe
J'ai tout de même suivi avec délice les trios, pas de deux, ou les ensembles, avec cette inventivité toute simple de Robbins... la danse fluide, vive, s'envole; elle exploite des formes, des portés, à l'intérieur même du style " classique" à la grammaire stricte et définie une fois pour toute
Voilà encore la magie de Robbins : inventer des phrases avec un vocabulaire et une syntaxe codifiée ; s'en affranchir, et réinventer le langage...
il émane de l'ensemble une fraîcheur, une candeur, une insolence...
Robbins le magicien donne vie à toute une oeuvre avec quelques couleurs, quelques pas, quelques danseurs... on aimerait revoir cette oeuvre pour entrer en résonnance complète avec elle...