Monique Loudières.... pourquoi un article sur elle ce matin? Tout simplement parce que hier j'ai visionné quelques extraits des fabuleux films de Dominique Delouche, et que j'ai pris conscience du grand vide qu'elle avait laissé à l'opéra, tout comme Noella Pontois...
Ma rencontre avec Loudières a été un vrai coup de foudre!
J'étais venu voir danser Pontois dans don Quichotte, et Loudières, alors première danseuse, jouait une des amies de Kitri; je ne l'avais encore jamais vue sur scène... mais ce soir là! Elle étincelait! Technique, virtuosité, présence, charisme, beauté, tout y était!!!! Quelques semaines plus tard, Pontois se blessait en Italie dans Don Quichotte, Loudières la remplaçait au pied levé et était nommé étoile...
ah, pour l'anecdote, Guillem dansait la reine des Dryades le soir où je la vis pour la première fois!...
Je peux dire qu'à chaque fois que j'ai vu danser Loudières, je n'ai jamais été déçue! Une vraie étoile! D'abord, une précision à couper le souffle! Ensuite, une musicalité absolue! et puis, un feu, une fougue, un engagement total dans la danse...
Loudières, sur scène, était du vif argent! Avec une maîtrise! Elle faisait partie de ces étoiles dont on est toujours sûre, et qui du reste, artistiquement, étonne toujours!
A l'époque, elle était ma deuxième favorite, tout de suite après Pontois!
Elle avait le même feu intérieur que ma chère Claire Motte, d'ailleurs, Don Quichotte leur allait comme un gant à toutes les deux!
Quand elle dansait avec P Dupond, - il ne faut pas oublier quel immense danseur il a été, et quel partenaire fantastique il était pour Loudière - vraiment, on ressortait du théâtre des ailes aux pieds, le coeur en fête, avec une envie d'aimer la vie, la danse, et de dévorer tout cela à pleines dents!
Je n'ai jamais vu des partenaires communiquer autant d'amour, de joie de vivre et de danse à leurs spectateurs dans ces ballets gais comme Don quichotte que Noureev savait si bien mettre en scène!
Et puis, Loudières était sur scène une excellente actrice! Dans l'histoire de Manon, elle était déchirante au troisième acte... tout comme elle l'était dans Roméo et Juliette.
Ce ballet qui existe en dvd me fait toujours regretter l'ère Noureev : quand je vois la perfection de tous les artistes sur scène dans ce ballet, la vie qui anime le plateau même dans les rôles de figuration, j'ai une grande grande bouffée de nostalgie...
Juliette lui allait aussi à merveille : espiègle et enfantine au premier acte, puis amoureuse, puis déchirante au dernier acte; elle aimait danser ce ballet et surtout le troisième acte, car toutes les difficultés techniques étaient passées, et elle pouvait alors donner sa pleine mesure de tragédienne sur scène...
Quand à Giselle... au second acte, je n'ai jamais vue une danseuse aussi légère, aussi " esprit", et si romantique dans le sens premier du terme.
Peu de temps après sa nomination, il y a eu une émission à la télé où on la voyait à New York travailler un solo avec Alvin Ailey : double choc! Je ne connaissais pas Alvin Ailey à l'époque et découvrir ce chorégraphe qui allait si bien à Loudière fut une " révélation!": vingt cinq ans plus tard, je la vois encore très nettement danser ce solo sensuel, tonique, virtuose, qui exigeait une grande rigueur et une grande liberté tout à la fois... l'ivresse de la danse, c'était exactement cela !! l'alliance du jazz et du classique unis pour le meilleur!
Hier, j'ai donc visionné Loudière apprenant la variation de l'Ombre avec l'exigeante Chauviré, puis travailler Balanchine sur la sonatine de Ravel avec la tonique Violetta Verdy, puis danser le pas de deux de Don Quichotte avec P Dupont : que du bonheur!
Eve Ruggièri lui avait consacré une émission elle aussi... on la voyait travailler au quotidien et on découvrait aussi ses deux petites filles... ainsi que son mari H Dirmann qui était aussi danseur à l'opéra.
Lorsque je revois les documents de cette époque pas ancienne du tout, je prends conscience que les actuelles étoiles féminines de l'opéra de Paris d'aujourd'hui sont bien différentes... ce sont d'autres générations... les choses et les temps ont changé...
Et Noureev n'est plus là pour "étriller tout ce beau monde comme un petit cheval de course" ( V Verdy parlant de Loudière)
Je ne sais pas exactement pourquoi Loudière est partie s'occuper de l'école de danse de Cannes dont elle est la directrice et n'est pas restée à l'opéra de Paris transmettre les rôles aux étoiles d'aujourd'hui comme Pontois ou Thesmard... Mais je sais que sur scène, elle me manque!
Quand je vois Dorothée Gilbert, je vois en écho Loudières : non, je ne compare pas! c'est juste une histoire de " famille!"
Par exemple, M Froustey m'évoque parfois N. Pontois, et bien D Gilbert me rappelle Loudières! comme des filiations, des familles spirituelles, animés par les mêmes affinités électives!
En tous cas, je suis ravie de tous les documents que je possède sur elle, grâce, notamment aux films de D Delouche, et je suis encore plus heureuse de l'avoir vue danser
Quand je revois les documents de danse, où elle répète, travaille, danse, je suis infiment émue : elle respire la danse, elle est la danse, son esprit, son souffle, son incarnation : son visage irradie tellement lorsqu'elle danse, cela lui semble si naturel, elle est tellement habitée!!!
Et pourtant, elle disait qu'elle n'était pas la plus douée à l'école de danse, qu'elle était raide...iMais elle portait en elle ce feu sacré, qui, finalement, est si rare!
Elle reste aussi tout simplement... inoubliable!.....( à suivre!!!!....)