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  • : Un jour, une œuvre
  • : Créé en 2006, ce blog rédigé par Valérie Beck autrefois consacré à la danse et à ma compagnie se diversifie davantage.
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Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

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22 septembre 2007 6 22 /09 /septembre /2007 09:35

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Et bien voilà, hier, j'ai revu ce chef d'oeuvre de Belarbi!
Que dire de plus que ce que j'ai écrit il y a deux ans?
je ne reviendrai pas sur le ballet lui même et sa narration, si réussie, plutôt sur les moments qui m'ont marquée hier....

Les artistes ont donné une vision du ballet absolue, magistrale, d'une époustoufflante intensité.
L'intensité est d'ailleurs la marque de ce ballet où sont brassées des émotions violentes, rageuses, entières...
J'étais au deuxième rang, juste au milieu, donc très près des artistes
Certes, lorsque l'on est si près, on n'a pas une vision d'ensemble des choses, mais on sent toute une atmosphère...
Le ballet en lui même est magnifiquement conçu et Belarbi a su tirer de l'oeuvre de Bronté sa férocité, son aprêté, ses passions. Deux actes parfaitement équilibrés pour jouer un drame d'une grande force.
Hurlevent, ce sont les passions brutes, sans artifice, où la violence le dispute à la haine, et où l'amour triomphe quand même... avec les retrouvailles de Cathy/ Heathcliff dans la mort, mais aussi avec le couple des enfants que  Cathy et   Heathcliff ont eu de leur côté.

Nicolas Leriche campe un Heathcliff nourri de haine et dévoré de passion pour Cathy : sa danse, sublime, a acquis une force, une densité, une virtuosité absolue! Je l'ai vu danser des dizaines de fois, mais j'ai toujours l'impression que c'est la première tant cet artiste m'étonne, me bouleverse, me cloue sur mon siège par sa force, sa puissance, l'élévation de ses sauts, l'intensité de ses gestes. Le tout servi par une immense sensibilité d'artiste...  Un vrai cyclone... où transparait un personnage odieux, mais déchirant quand même : il décline mille et une nuances de haine, de violence, de vengeance... mais de souffrance aussi par son amour rejeté. Totalement habité d'un bout à l'autre du ballet, il forme avec Gillot/ Cathy un couple mythique, pour lequel on souffre de les voir se faire tant de mal...
Marie Agnès Gillot elle aussi a une danse toute en nuances, et l'on comprend parfaitement tout ce qu'elle ressent : sa technique magnifique est au service de son personnage d'un bout à l'autre du ballet,  et de tout ce que Cathy a à nous dire : pétrie de contradictions, Cathy ne peut pas choisir mais seulement souffrir... elle est crucifiée entre son amour pour Heathcliff mais qui n'est q'un garçon de ferme, et pour Linton qu'elle n'aime pas comme elle aime Heathcliff, bien qu'elle ait une certaine tendresse pour lui, mais qui lui offre la vie dont elle a toujours rêvé... Gillot passe par l'ingénuité, la candeur, la femme qui se révèle, la souffrance... sitôt qu'elle a quitté la lande et Heathcliff, elle est tourmentée, et le restera fantôme, jusqu'à la mort d'Heathcliff qui lui apporte enfin la paix...
La voir danser est un bonheur total, car ses mouvements sont fluides, amples et précis, et elle a cette capacité rare a emplir à elle seule tout le plateau de Garnier; une fois qu'on la voit, on ne peut plus la quitter des yeux...
J'ai toujours autant de plaisir à voiir Heathcliff et Cathy dans la Lande, puis la métamorphose de Cathy, qui de petite sauvageonne ingénue, devient une femme du monde, tandis que  Heathcliff, dévoré de chagrin, danse avec la robe que Cathy portait dans les bruyères...

j'ai toujours autant de plaisir à suivre toutes les étapes de ce drame; à voir Joseph allumer et éteindre les feux, à voir les gardes du corps telles des ombres de l'au delà, danser dans leur grand manteau, comme un vol de corbeaux sur la plaine

J'ai toujours la même fascination pour chaque tableau qui s'enchaine l'un à l'autre, sans brisure, sans que le spectateur ne se perde dans des détails...

Le corps de ballet n'est pas bavard mais participe aussi de la narration du ballet. Hier, Charline Giezendanner avait l'esprit de la danse en elle : elle irradiait!
Toutes les autres danseuses formaient un bel ensemble, mais chez Charline, le mouvement semblait plus beau, plus large, plus généreux, plus nourri, plus accompli, plus danser...
Alice Renavand était renversante de beauté et de séduction chez les Linton... 

Le corps de ballet me rappelle un peu le choeur grec antique, qui commente : les esprits de la terre, comme j'appelle les paysans du premier acte, les gardes du coprs, ou encore les gardes d'esprit apporte au ballet une dimension dramatique intense
Par exemple, la danse des paysans n'est pas un divertissement : il participe à l'apreté générale du ballet: la danse est sans fioriture, les costumes sont couleur de terre, les chaussures résonnent lourdement sur le sol, les mouvements sont amples, bourrés d'énergie mais ne recherchent pas  à être beau

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Chez les Linton, pas non plus de danse décorative : le bal est empesé, figé dans ds ports de bras couronne qui ne visent pas à être jolis mais à dire comme ce monde est soumis à ses propres régles et conventions sociales... pas de liberté de ce côté là, mais des règles...
Dans ce context, la danse d'Isabelle qui quémande l'amour de Heathcliff pour lequel elle a un mélange d'amour, de compassion, et de besion de se faire mal, prend tout son sens.

Certes, j'ai préféré largement le rôle de Linton dansé par Karl Paquette que par JG Bart, qui possède une technique d'une précision hallucinante, mais qui, de mon point de vue, relègue l'émotion au second plan, mais JG Bart met bien en lumière le monde qui le sépare d'Hethcliff...

En revanche, Nolween Daniel m'a énormément convaincue dans le rôle masochiste d'Isabelle.
Je garde une petite préférence pour  Eléonora Abbagnato qui  a une fragilité supplémentaire, mais Daniel a une belle dimension artistique, l'incarnation de son personnage est totale et son duo avec Heathcliff est complètement terrifiant...

Le Hindley de Stéphane Bullion n'a pas l'apreté d'un Romolli, mais sa relation à Heathcliff est d'une grande lisibilité : leurs duos sont impressionnants là encore! au début, il domine puis peu à peu, il choit...

Aurélia Bellet campe une Nelly pleine de bon sens terrien, la seule à rester droite au milieu de ce tourbillon d'émotion.... c'est un peu un gouvernail dans la tempête, qui montre le chemin, même si personne ne la suit...

Sans passer en revue chaque scène qui a elle seule mérite un article, je dirai que ce que j'aime dans Hurlevent, c'est qu'il plonge ses racines dans les ballets qui l'ont précédé tout en renouvelant le genre
Ainsi, le pas de trois de Cathy/ Heathcliff/hindley m'a t'il évoqué un court instant Rothbart, Odile, et Siegfried...
la même poésie, la même magie mais dans un autre langage
J'ai encore la vision du fragile cygne blanc entre le magicien et le fragile prince qui a si peu de prise sur le réel .... Cathy elle aussi se retrouve entre Heathcliff, dominé par ses passions, et le fragile Linton...

J'ai déjà écrit comme ce ballet me rappelle Giselle...
Mais on peut aussi voir des réminiscences des oeuvres de Mats Ek
Ce ne sont pas des citations, ni de la copie!!!
Non, c'est une filiation : Belarbi s'est nourri largement de tous les ballets qu'il a dansés, vus, et à présent, son oeuvre, originale, intelligente, sensible, emmène un peu plus loin dans la narration la tradition du ballet...

C'est toujours difficile de revenir à la réalité après avoir vu une oeuvre comme celle là: on est partagé entre deux états, celui d'en parler pour mettre à jour tout ce qu'on a ressenti, celui de se taire, pour garder tout précieusement intact au fond de soi, que ça ne s'échappe pas!
 


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Bref, j'ai deux espoirs à présent : 

un, que Belarbi nous crée vite un autre chef d'oeuvre!!!!
deux, qu'il y ait une captation digne de ce nom de cette oeuvre magnifique!
Bien sûr, je vous tiens au courant!
 
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