Noureev... C'est souvent que je pense à lui... Je ne l'ai pas connu, ni cotoyé,comme un ami, et pourtant, dans ma mémoire, il a une place à part, aussi grande que celle que l'on accorde aux êtres qui ont vraiment comptés pour nous, et lorsque je pense à lui, je suis pleine d'émotion. C'est la magie de cet artiste...
Cet article, comme les autres qui viendront, ne se veut pas "historique, encyclopédique", non. C'est un simple petit texte pour exprimer tout ce que ce danseur m'inspire, et puis, pour me replonger dans des souvenirs encore tellement puissants...
Lorsque l'occasion se présente, - une triste obligation - je vais à Sainte Geneviève des Bois, où il repose dans le cimetière russe. Vous ne pouvez pas le manquer... sa tombe est recouverte d'une sorte de grand brocard sculpté dans un matériau qui rappelle les riches étoffes russes, sa patrie. Et si je le peux, je dépose des lys. Oui, comme sur la photo. J'ai entendu dire que c'étaient les fleurs qu'il préfèrait. Celles là même qu'il portait dans le deuxième acte de Gisèle, son ballet préféré à danser, parait-il... il semble bien seul, là, sous l'étoffe de pierre, quelques menus objets posés sur sa tombe...
Là, il est bien jeune, sur la photo, et bien loin de la mort qui l'a cueilli... trop tôt?
Alors que vous dire?
Oui, il me manque... et quand je vais à l'opéra de Paris voir un des ballets qu'il avait réglé pour la compagnie, je ne le retrouve plus. Où est-il? Les ballets sont parfaits, les danseurs aussi, mais ce n'est plus du tout à la " façon Noureev". Quelque chose s'est perdu. Son âme slave, je pense, qui donnait un caractère excessif, passionné, entier, fougueux, dramatique, enjoué, exalté, à tout ce qu'il faisait!
Mondain, et bourreau de travail, il fut les deux. Et en répétition, lorsqu'il prit les rênes de l'opéra de Paris, il ne musardait pas. A l'une des questions d'un journaliste qui lui demandait ce qu'il n'avait pas eu le temps de faire, il répondit : " d'être paresseux" avec cet inimitable accès russe. Et aux danseurs qu'il faisait travailler, il disait " Pas parler, pas parler, travailler!" les pauvres devaient se rebeller pour avoir droit à une pose. Alors sa thermos de thé qu'il trimbalait partout avec lui volait, il criait, et puis... hop, il se remettait au travail!
Il est mort en 1993, le 6 janvier, je crois. Et j'ai eu le même violent chagrin en apprenant sa mort que lorsque j'appris celle d'Hervé Guibert, emporté par la même affreuse maladie, le sida... qui emporta aussi Alvin Ailey.
Il n'avait pas envie de mourir. Dans un avion, aux côtés de Sylvie Guillem, il y eut un jour de très fortes turbulences qui effrayèrent la ballerine. Il lui dit " Vous aussi, vous avez peur que le monde tourne sans vous?"
Il acheta une île, quelque part en Méditerannée. Il s'y retirait quelques jours par an... A la fin de sa vie, un peu plus qu'autrefois. Il semblait alors si seul...
Lui qui avait conquis toutes les scènes du monde, qui avait vécu la plus belle amitié artistique qui soit avec Margot Fonteyn, de presque vingt ans son ainée, lui qui avait une capacité de travail monstrueuse, une énergie inépuisable, semblait si solitaire à la fin de sa vie...
Noureev me manque... alors pour le faire revivre, j'écris... pas pour me souvenir, car je n'oublie pas... c'est lui qui m'a vraiment révélé ce qu'était la danse classique, le ballet classique, parce qu'il avait une vision exceptionnelle et très russe de la danse...
L'âme russe... si loin de notre cartésianisme à la française...
C'est une autre histoire que je vous conterai bientôt!
à lire sur ce blog :
Noureev, parce qu'il était unique