Qui est t'elle?
C'est Marie Taglioni!
A t'elle un rapport avec Giselle?
Oui, indirectement... Marie Taglioni est la première danseuse a être montée sur pointes...on n'imagine pas aujourd'hui de danseuses classiques sans leurs pointes, ces chaussons sur lesquels elles se hissent en équilibre, et qui rendent la silhouette tellement aérienne!
Cette invention date du début du romantisme en France. 1831 : création de la Sylphide, ballet qui annonce Giselle à sa manière... La Sylphide raconte l'histoire au féminin de Trilby, petit esprit malicieux qui vivait dans une demeure écossaise et était secrètement amoureux de la maîtresse de maison. Nodier en a un fait une nouvelle très romantique, qui s'achève par la mort du malheureux et inoffensif Trilby...
La Sylphide est sa " soeur" et est à l'origine du premier ballet où apparaissent tutu long, comme sur la photo, tulle, tarlatane, corsage, fleurs, et couronnes sur la tête. Voyez comme l'image de l'époque rend totalement immatérielle la danseuse : ses pieds sont minuscules, elle semble voler, être totalement à l'aise dans l'air... son rapport à la Terre, à la matière, est inexistant. Elle incarne la femme qui ne peut exister... un être idéal, doté de petites ailes fragiles et graciles qui lui permettent de se mouvoir, invisibles, autour des vivants qu'elle taquine gentiment...
Giselle utilisera tous ses éléments, pointes, tutus, ailes, mais en plus le voile : voilà, la panoplie de la robe de mariée voit le jour entre 1830 et 1840. Ce costume est porté par des êtres irréelles qui finissent tragiquement... curieuse coïncidence qui me fait mieux comprendre pourquoi, depuis l'enfance, je me suis toujours dit que si je me mariais, ce cerait en robe rouge à taffetas, comme les danseuses espagnoles!!!
Je veux de la passion, pas de la virginité qui finit dans la tombe!!!!
Mais revenons à nos esprits!!!
A noter aussi que la coiffure de Giselle ne sera pas la même : chignon relevé en frisettes autour du front, pour la Sylphide, dégageant la nuque et qui donne un côté espiègle, gai, bandeau plat autour du visage et chignon bas pour Giselle : ces détails ont leur importance : on est passé du léger, du gracile, au grave, au sérieux, au drame... même la coiffure recouverte du voile, celui de la virginité, celui du mystère, celui des fantômes... qui sera celui de la mariée... apporte non du rêve, mais de la douleur. Les manches tombent sur les épaules et flottent, tout va vers le bas...
C'est un prodige qu'un simple costume, à lui seul, exprime déjà tant de choses : le costume de la Sylphide, avec ses fleurs bleues, le collier de perles autour du cou, est gracieux, séduisant; la Sylphide est vivante, mais désincarnée. ( Voir aussi photo plus bas)
Le voile, les ailes basses, les manches tombantes de Giselle expriment une douleur, un deuil consommé... Giselle est une morte.... encore amoureuse, comme dans la nouvelle de Hoffmann...
Quand aux petites ailes, qui donnent une dimension angélique à la Sylphide ( voir la photo de Marie Taglioni) elles n'ont plus du tout la même dimension dans Giselle ( voir ci dessus Markarova en 1944) : elles ne sont plus accrochées droites et bleues, assez haut sur le tutu, comme des ailes de paon. D'ailleurs, lorsque la Sylphide meurt, ce sont ses ailes qui tombent en premier, signifiant au petit être ailé sa fin proche. Elles les prend dans ses mains, comprend sa fin proche, pleure et nous avec...
Dans Giselle, les ailes ont un côté fantômatique, dramatique... elles sont là pour que les Willis s'envolent la nuit comme les phalènes et tourmetent les voyageurs égarés...
Les ailes sont blanches, diaphanes, mais elles sont aussi communes aux êtres démoniaques, chauves souris, diables ailés... les willis appartiennent en partie à ce monde démoniaque des damnés éternels... leurs ailes ne sont plus celles des anges...
Marie Taglioni sur pointes pour la première fois dans la Sylphide
Mais revenons aux pointes : on n'imagine pas aujourd'hui quelle révolution se fut que de se hisser dessus. Les pointes n'avaient pas la solidité d'aujourd'hui et obligeait la danseuse à puiser toute sa force dans ses pieds et ses mollets...
L'attitude de Markarova et de Marie Taglioni est la même ( regardez les deux photos) : petite arabesque basse sur pointe. Mais vous observez que la pose de Marie est celle d'un être léger et joyeux, comme le sont les lutins : comment des pieds aussi minuscules peuvent porter une danseuse?
C'est qu'elle vit d'air et de vent... sans doute est ce la raison qui a fait que depuis toujours les danseuses classiques recherchent la minceur absolue : non seulement, c'est plus facile pour elles de monter sur pointes quand elles sont légères, mais de plus, elles ne blessent pas leur partenaire qui les porte, et qui est un critère de recrutement au sein des ballets; de plus, elles appartiennent du coup d'office au monde des êtres immatériels et irréels!
Marie Taglioni explique qu'elle a travaillé d'arrache pied sous la férule de son père qui lui imposait deux heures d'exercices le matin, deux après le dejeuner et deux le soir, plus les spectacles. " Quand je n'en pouvais plus, dit elle, je comptais encore jusqu'à 100 pour gagner en endurance"
Effectivement, elle fit faire un bond énorme à la technique classique...
J'en reparlerai bientôt,en commentant un peu l'esthétique de la gestuelle de Giselle...
A venir : Giselle et la gestuelle romantique.
Les grandes interprètes
Liste de Dvd de Giselle a avoir à tout prix!!!
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Le ballet romantique : Giselle ( 1)
Giselle, esthétique d'un ballet ( 2)
L'envol des Willis la nuit au clair de lune : l'arabesque.