Voilà, c'est Mia, il doit être une ou une heure et demi du matin. Le spectacle est fini. A côté d'elle, Chaka, qui était tout petit alors...
Devant, des danseuses. On écoute sagement ce qu'elle a encore à nous dire...
Mais avant de parler de ce spectacle commençons par le début : ma rencontre avec Mia...
C'était en 1991, j'avais repris la danse : au programme danse classique avec Lazarelli et danse contemporaine avec Mohamed Ahmada. J'allais au centre du Marais au moins trois fois par semaine... mais de la fenêtre du cours de classique, le samedi, à 17h, j'apercevais en face un cours étrange où les danseurs, habillés de short, de petits bodys noirs moulants, de bottines qui avaient un petit talon effectuait une danse extrêmement énergique. L'été, la musique, tonitruante, étouffait le piano de notre cours, et il y a avait des hurlements sauvages...
j'étais intriguée, mais personne dans le cours de classique ne sut me dire ce que c'était. L'autre professeur dont je tairais le nom, fermait rageusement la fenêtre quand c'est lui qui donnait les cours en disant " quels hystériques!"
Mais bizarement, ces hystériques m'attiraient... et j'allais voir la fin du cours. Je rencontrais Mia, toute jeune femme alors, qui discutait avec ces élèves... je fus fascinée... et je décidais que l'année suivante, à la rentrée, et bien, j'irai à ce cours...
Ce que je fis ! Je rentrais de Sicile, cette année, j'étais partie seule en vacances,comme toujours, et dès le premier cours, j'étais là, avec des petits tennis aux pieds n'ayant pas les bottines, et un " déguisement" pour pouvoir faire le cours.
On était une armée!!!! serrés comme des sardines. Mia commença l'échauffement! bigre, heureusement que j'étais habitué à la méthode Jane Fonda, car ça déménageait : le tout sur une musique très tonique... l'échauffement dura plus d'une demi heure avec plus de dix minutes d'abdo. Je me rappelle encore qu'à la fin de la série d'abdos, elle nous demanda de garder la pose; et elle jura de mettre à la porte ceux qui ne tiendrait pas! je vous le dis, on était au moins une soixantaine... je tremblais d'être mise dehors, je serais mes muscles, je m'appliquais ensuite dans les diagonales et dans la chorégraphie qu'elle commença à nous apprendre. Pas de sourire, pas de mots, on travaillait!
A la fin du cours, j'achetais une carte. Je revins deux jours après pour mon nouveau cours. Et ma grande stupéfaction, elle connaissait déjà mon nom, comme ceux de tous les autres nouveaux!!! Mia a vu passer dans ses cours des centaines d'élèves, mais chacuna eu droit aux mêmes égards à la même attention...
Et puis, ce fut une vraie drogue, ce cours... on était presque toujours autant, mais mon Dieu quelle ambiance. Je continuais cette année là mes cours de contemporain et de classique, plus un entrainement la piscine pour le coeur, plus le yoga... je faisais entre 10 et douze heures d'entrainement par semaine, et je n'avais pas " ma dose".
Je fis beaucoup de belles rencontres parmi les élèves, et l'une d'elle devint une grande amie,jusqu'à son mariage et son départ loin de Paris... on travaillait dur, avec un Mia exigeante et généreuse à la fois, mais quelle ambiance parmi les élèves. Certains, professionnels, faisaient tous ces cours, et c'était un bonheur de les voir danser... Aurore, Matthieu, plus tard Iskaie...
Le cours se déroulait ainsi lorsque je passais en niveau " intermédiaire-avancés" : 40 minutes d'échauffement et de musculation, puis les diagonales techniques : pirouettes, double pirouettes, grands jetés en tournant façon jazz, sauts attitude cambrée, sauts à la seconde avec tour, grands jetés simples... quelle énergie chez tout le monde!
ensuite on passait aux diagonales d'apprentissage du style : des mouvements funky, groovy, hip hop,jazz, street soul, qui permettaient de se familiariser avec le style de Mia. On passait deux par deux ou quatre par quatre. C'était magnifique à voir, quand tout le monde bien ensemble, relié par la musique, donnaient toutes ses tripes! Mia démarrait toujours seule les diagonales puis on suivait. Pendant ce temps Michel, son mari, nous corrigeait... nous expliquait les mouvements, comment mieux les faire...
Puis venait la chorégraphie qu'on apprenait sur environ trois semaines. A l'époque, Prince, Madonna, M Jackson tenaient la tête du hit parade... c'était le délire absolu...
et toujours avec cette impression de danser les uns avec ls autres, de se stimuler tous pour donner le meilleur de nous... je ne sais toujours pas comment Mia arrive à tirer autant des gens, même les moins doués...
( Moi, à l'époque, en autoportrait, et en hommage au Cri de Munch)
La récompense vint le jour où des filles me dirent en toute honnêté : " ce n'était vraiment pas terrible ce que tu faisais au début, mais maintenant, tu danses bien!"
Quelle récompense!
Quand aux préparations des spectacles, c'était facilement neuf heures de répétition par semaine, le cours commençant à 20h30 pour se finir à minuit passé, plus les répétitions qui duraient parfois jusqu'à ... cinq heures du matin, dans la rue...!!!
Mais après, quel bonheur, quelle fierté aussi... Mia arrivait a faire monter environ 100 personnes sur scène... et tout s'enchainait, sans fausse note.. on montait en quatre groupes qui se partageaient les chorégraphies... avec le sentiment de faire un travail commum,et pas seulement de montrer sa pomme sur scène... Mia vérifait tout : les costumes, les coiffures, le maquillage... dans les coulisses, vigileante, muni de son sifflet, elle réglait les entrées, les sorties, et ça allait vite! comme ces chorégraphies dont la rapidité d'exécution nous laisait sans souffle parfois...
Mia est comme un grand général qui tire le meilleur de ses armées, parce qu'il a gagné leur confiance, parce qu'ils sont fiers de lui... je crois qu'au delà du plaisir fou qu'on trouvait à danser ce sentiment nous habitait tous...
Ces années, c'était bien avant Macarena... bien avant ce dancer, bien avant pop star...
Après la sortie du film The Dancer, en 2000 a peu près, je n'allais plus chez Mia. Non sans douleur... après dix ans passés à travailler avec elle plus de dix heures par semaines, je sentais que mon temps d'arrêter était venu... j'avais commencé la danse orientale, qui, je l'avoue, m'enthousiasmait tout autant, mais pas avec cette passion, cette force... Mia avait été une drogue, une passion. Elle et son mari comptent pour moi parmi les êtres qui m'ont le plus donné... j'ai ressenti un grand vide en cessant de travailler avec eux... ils m'ont manqué, sur le plan de la danse! mais je crois que c'était nécessaire. j'avais des choses à trouver, à mettre en place... c'est un travail qui est solitaire... beaucoup de mes anciennes camarades avaient cessé aussi de venir... en dix ans, les vies changent!
Le film, The dancer, n'est franchement pas une réussite, mais je suis contente qu'il existe quand même, tout simplement parce que Mia est dedans et Michel aussi pour toujours...
Qu'ils soient ici même remerciés pour tout ce qu'ils m'auront donné...
Il n'existe malheureusement pas de site officiel de Mia....
A venir : Mia Frye (2)