Après vous avoir parlé de Robert Plant et d'Alexandre Taraud, et bien, un nouvel article qui n'a rien à voir avec la danse ( quoique!) et qui cette fois ci va concerner le double chef d'oeuvre de Tolstoi et de Serguei Bondartchouk...
J'ai découvert Guerre et Paix de Tolstoi assez jeune, lorsque j'avais 16 ans... et cela a été un tel coup de foudre entre le livre et moi que depuis je le relis très régulièrement... peut être l'ai je relu sept fois depuis... et toujours avec le même plaisir...
D'ailleurs, en ce moment, devinez... eh oui, je le relis!
comment peut on lire un livre sept fois, me direz vous?
Et bien, tout naturellemnet, lorsque l'on tombe amoureux de tous les héros du livre,les petits et les grands, les nobles et les humbles, car tous sont terriblement humains... ( Natacha, Pierre et le Prince André, en tête, et puis sa soeur Marie, leur père, la famille Rostov au complet... Moscou, Koutouzov, et même Bagration, Touchine et Platov, héros du petit peuple russe au si tragique destin, et d'une telle humanité)
Je ne peux plus me passer d'eux...
détail d'un visage d'artilleur dans un plan général
Comprenez, je ne relis pas un livre : je rends visite à ses hôtes, je vais voir s'ils vont bien, s'ils ne s'ennuient pas dans ces 1200 pages...
Ils me rendent au centuple ma visite... je retrouve la même émotion, le même plaisir à lire la plume de Tolstoi qui est tout sauf complaisante, qui a un sens de l'observation sans faille et qui surtout sait mêler destins individuels ( les petits soldats en campagne, avec leurs misères et leur joie, leur faiblesse et leur bravoure, ses héros, comme le prince André qui oscille entre austérité et quête du bonheur, ou bien le naif mais génial Pierre qui cherche un sens à sa vie, et le trouvera en captivité au côté de Platov, et puis la magnifique Natacha, qui évoque l'âme russe à elle seule ) à la Grande Histoire ( celle des guerres napoléonniennes jusqu'à la prise de Moscou par Napoléon et sa destruction par un immense incendie)
scène d'action d'un réalisme époustouflant, sans esbrouffe.
Deux grandes périodes marquent ce livre : Austerlitz et 1812, date de l'invasion de la Russie par Napoléon.
Tout cela m'est très familier puisque adolescente, j'avais commencé à écrire l'histoire d'un soldat, la veille d'Austerlitz et j'avais tenté de décrire ce qu'il ressentait en regardant les feux de bivouac la veille de la bataille. Curieux pour une jeune fille, non?
D'habitude, on écrit plutôt des romans d'amour à cet âge là!
Bref, aussi, vous n'imaginez pas ma surprise lorsqu'un jour, dans un magasin qui vendait des videos pas chères, je vis deux cassettes de guerre et paix par un cinéaste totalement inconnu : Bondartchouk.
Illico presto, je les achetais
J'avais vu la ridicule version américaine avec Hepburn et Mel Ferrer, pitoyable, mais sauvé du désastre par la grâce d'Audrey...
Cela ne pouvait donc pas être pire...
Natacha chez son oncle, danse une danse populaire russe, d'instinct.
Mon Dieu!!! Quel choc!!!
Voilà l'un des plus beaux films que j'aie jamais vus! ( et que la version américaine a pillé!!!!)
Oh, ne vous attendez pas à un style narratif conventionnel, ni à quelque chose de lyrique, non. Ce film est complètement inspiré, complètement mystique, avec tous ces mouvements de caméra vers le ciel, les nuages... quand au coeur de la bataille, la caméra s'élève, montre l'embrouillamini des cosaques, de l'artillerie, des fantassins, des canons éparpillés, des chevaux rendus fous et sans cavalier, pour gagner le ciel... j'ai des frissons
Quand Natacha assise sur son balcon parle du bonheur et que la caméra vous emporte au dessus des prés et des bois russes la nuit, survole une rivière ou se reflète le clair de lune, j'ai des frissons...
Quand le Prince Andre, grièvement blessé et mourrant, fait ce rêve terrible de la mort qui frappe à sa porte, et que là, la caméra côtoie le surréalisme, j'ai des frissons...
Les personnages sont brossés sans chichis, sans fioriture, ils sont nets, carrés. Les dialogues sont respectés, de même que l'histoire.
Et puis... les scènes de bataille... sont gigantesques. Borodino à lui seul dure près d'une demi heure...
Les mouvements de caméra rendent l'individuel et le collectif d'une manière magistrale.... tout comme Tolstoi à su l'écrire, le décrire...
Ce film génial a été réédité en cinq dvd... il est en train de devenir un film rare. On me l'a offert pour mon anniversaire, je ne pouvais rêver plus beau cadeau.
Je ne serai plus obligée de naviguer avec mes vieilles videos, et en plus, je peux avoir les voix russes...
Le plus étrange, dans tout cela, c'est qu'il y a une scène de duel entre Pierre et Dolokhov que j'ai reconnue pour l'avoir vu enfant à la télé quand j'avais sept ans. Ma mère devait regarder ce film qui passait en feuilletons à midi... et je me souviens tout à fait que j'étais interloquée, bien que ne comprenant pas bien ce qui se passait... je me rappelle encore le regard de Pierre refusant le duel, mais s'apprêtant quand même à s'affronter à DOlokhov... il m'était entré dans le coeur, et je m'en suis toujours rappelée...
Sans le savoir, j'étais déjà tombée amoureuse du Guerre et Paix de Bondartchouk à cet âge là... je ne savais pas que je le retrouverais trente ans plus tard dans un video-magasin à Paris...
Quand j'y pense, la télé des années 1970 passait des merveilles à l'époque... je ne l'imagine pas du tout passant ce genre de film en feuilletons aujourd'hui...
Bref, cette oeuvre est marquée d'une double humanité, celle de Tolstoi, celle du génial réalisateur qui a réalisé ce film en plus de quatre ans...
Les deux sont dans mon coeur, à tout jamais...
si le coeur vous en dit, plongez à votre tour dans ce monde si sensible, si humain, où la vie, fragile, côtoie le pire et le meilleur en ce monde....