de 1880 à 1940....
voilà un livre exceptionnel que je recommande à toutes celles qui pratiquent une danse exotique, qu'elle soit indienne, africaine, orientale... au départ, travail de thèse soutenu en 1982, l'auteur a enrichi son ouvrage de 20 années de recherches supplémentaires et de biographies sur des artistes, tant du music hall que du théâtre qui ont marqué cette époque.
On y apprend la folie qui a gagné la France dès les années 1880. En effet, à cette époque, les expositions universelles, vaste outil de propagande pour le colonialisme et sa "grandeur", étaient de véritables petites villes où se situaient différents "pavillons" ou rue dédié à un pays ou à une ville...
Ainsi, la fameuse rue des Almées où se produisait la belle Fatma, légendaire danseuse du ventre,qu'on allait voir en famille mais qui avait une réputation ... sulfureuse...
La rue des Almées du Caire, était en fait reconstruite "comme si l'originale s'était transportée à Paris" pour la plus grande joie des visiteurs ( des millions à chaque exposition). Tout le monde adorait la rue des Almées et la Belle Fatma et à la lecture, on comprend bien que déjà, " la danse du ventre" était vue comme une danse lascive, érotique...
Cette rue des Almées eut un tel succès que peu à peu, des danseuses gitanes, Hindoues, indiennes, javanaise, africaine et autre apparurent dans ces expositions. Le succès aidant, on embauchait des figurants sur place, qui devaient passer pour des danseurs véritables venus de ces contrées lointaines...
l'authenticité, prouvée à fort d'articles enthousiastes dans toutes sortes de revue, était en fait tout à fait tronquée...Il suffit d'évoquer Mata Hari et ses danses javanaises sacrées pour s'en convaincre.
Mais cela eut un double résultat : d'abord, que le genre " danse exotique" fut largement exploité dans le music hall ( aux Folies Bergères, devançant en cela tout ce qui suivit ensuite, jusqu'au Bellydancer superstars) mais surtout, plus intéressant de mon point de vue, que les scènes des théâtres s'ouvrirent ensuite à de vraies artistes de scène venant du Japon ( Toshi Komori) d'Inde ( Uday Shankar) d'Arménie ( Armen Ohanian) du Sénégal ( Féral Benga)
Les danses exotiques " inventées" cotoyèrent donc les véritables arts issus de ces différents pays.
Féral Benga, Yaco Sacco photos prises en 1920/1930
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Malheureusement, même si on pourrait croire qu'une grande ouverture d'esprit vit le jour en cette fin du 19ème, début 20, il n'en était rien, car ces danseurs qui attiraient les foules étaient quand même vu comme " inférieurs à l'homme blanc".. on mettait en lumière la sauvagerie de leur danse, leur vie de geisha riches en aventures, leur animalité ou leur sauvagerie, s'opposant, bien évidemment à un esprit occidental puissant et inventif, capable de coloniser le monde, donc forcément, de ce point de vue, d' y apporter connaissances et technologies...
l'engouement pour l'exotique se double d'un fond de mépris et de fascination pour un ailleurs peuplé, quoiqu'il en soit, d'êtres inférieurs à l'homme occidental, et qui exprime via la danse leur profonde animalité. La vision est étroite et faussée par la puissance du colonialisme anglais qui fait la chasse à la danse en Inde, français, qui exploitera les malheureux "colonisés" dans la monstrueuse guerre 1914 ( tout juste bon à être de la chair à canon) et autres puissances qui régnent sur le monde...
Le mot de la fin : à côté de tous ces danseurs exotiques, réels ou fabriqués de toutes pièces pour les besoins des expositions universelles ou du music hall, une génération de danseurs qui fit tout de même de réelles recherches sur les différents styles de danse vit le jour... ils mélangèrent alors, à partir d'un travail sur des postures, leur propre danse. Citons par exemple Simkie, danseuse qui s'inspira de la danse indienne, ou encore Carmen Valencia dans laquelle je me reconnais beaucoup, pour ce qui est de ses recherches et de son tempérament, car elle était aussi une grande mystique doublée d'une astrologue :
Carmen puisa son inspiration dans les danses d'Orient et d'Asie dont elle étudia avec application les poses dans les musées et les bibliothèques. Elle était aussi une féministe militante, et était versé dans le bouddhisme.
Un grand merci via ce modeste article à Madame Anne Décoret Ahiha, docteur de l'université de Paris VIII
Grâce à elle, je peux non seulement découvrir un univers d'une richesse exceptionnelle, que je soupçonnais mais dont je n'avais trouvé que quelques traces ici et là.
de plus comprendre d'où vient mon travail et comment je le situe par rapport à cet héritage.
Livre édite par le centre national de la danse.