Don Quichotte Pagliero/Paquette – 26 décembre 2012
Kitri : Ludmilla Pagliero
Basilio : Karl Paquette
Espada : Alexis Renaud
La danseuse de rue : Sarah Kora Dayanova
Don Quichotte : G Charlot
Pança/ Gamache/ Le père : Vigliotti, Monin, Saramite
Les deux amies : Clément et Westermann
La reine des Dryades : Laura Hecquet
Cupidon : Mélanie Hurel
Le gitan : Allister Madin
Si mon troisième et dernier Don Quichotte ne m’a pas permis d’admirer Zakharova, il m’a néanmoins donné l’occasion de découvrir Ludmilla Pagliero sous un jour nouveau ! Et ce fut assurément une bonne surprise. L’entrée de Kitri énergique, vive, conquérante n’est plus gâchée par une certaine brutalité visible sur les vidéos mises en ligne. L’interprétation a été travaillée depuis et met en lumières de façon plus subtile la pétillante Kitri, son tempérament de feu, mais aussi sa drôlerie, sa chaleur. Elle aime son latin de père (l’excellent Saramite) de tout son cœur sans le craindre le moins du monde, même quand il vocifère et jette son bonnet à terre ; elle retrouve avec bonheur ses deux amies (Clément et Westermann) avec qui elle pique de bons fou-rires. Elle raille gentiment Gamache (Monin) que son père veut lui imposer. En somme, c’est une bonne fille avec beaucoup de caractère. A ses côtés, Karl Paquette en confiance, campe un Basilio plus drôle et plus présent que lors de la soirée du 12 aux côtés de Gilbert.
Si l’on suit avec autant d’intérêt les péripéties de Kitri et de Basilio, malgré les défauts techniques de ce dernier dans certains pas, c'est parce que les deux danseurs s’entendent artistiquement à merveille. Chacun trouvant ses marques dans l’autre, ils dansent ensemble en toute confiance pour notre plus grand bonheur : enfin une soirée où, grâce à cette complicité artistique, on ne redoute pas le faux pas, le ratage.
Dommage qu’il n’y ait pas eu à leurs côtés Froustey et Giezendanner en amies espiègles et railleuses, Hecquet en danseuse des rues que rien n’impressionne, ou le bouillonnant F Lorrieux en Espada. Car malheureusement, les seconds rôles, bien dansés, manquent de ce petit plus qui fait toute la différence. Où sont passées la folle gaité, le petit brin de folie latine et cette insouciance contagieuse propre à la jeunesse ? Seule, Westermann danse avec conviction et brio. Dayanova compte sur son beau sourire et sa séduction certaine pour donner vie à son rôle et Renaud manque de ce feu intérieur qui consumait Lorrieux. Clément disparait littérallement derrière son rôle.
Pour en revenir à Kitri, Pagliero a dominé aisément toutes les difficultés techniques des variations. Energique et précise, son travail de pieds est toujours très propre : batterie incisive, nette, équilibres sûrs; les sauts, les pirouettes se referment sur de belles cinquième. Le haut de son corps commence à se libérer de même que son visage qui offre des expressions plus vivantes et naturelles que par le passé.
Kitri se jette en toute confiance dans les bras de son Basilio qui la rattrape sans le moindre faux pas et la hisse à une main sans effort apparent. Il y a de très belles choses dans ce que proposent ce soir là les deux danseurs.
Dans le second acte, le pas de deux au châle est particulièrement réussi, lyrique à souhait, et poétique. Dans les mains de Ludmilla, le châle devient émouvant tout comme le pas de deux au pied des moulins. C’est l’un des plus jolis moments de ce Don Quichotte, empli d’une certaine émotion.
La belle scène des gitans avec un Madin très en forme ne prend pas l’ampleur qu’elle devrait à cause des éclairages, toujours aussi sombres même vus de l’orchestre, cette fois-ci !
La scène des Dryades manque toujours autant de poésie, malgré une Laura Hecquet très bien techniquement, - des sauts secondes légers à souhait avec un atterissage coupé - et une Pagliero-Dulcinée moins crispée que ne l’ont été avant elle Renavand ou Gilbert. Ludmilla arrête comme elle le souhaite les mouvements, les équilibres ; la variation a été bien comprise (travail du rond de jambe, du bassin décalé et du fouetté, les attitudes arrière ne sont pas trop cassées, le pied est sûr, et les ballonnés sont légers.) il ne manque que cette respiration du haut du buste qui fait toute la poésie de la scène.
Les Dryades, elles, sont toujours un peu lourdes et un peu raides et si scolaires dans l’exécution des pas ! Hurel ne me convainc toujours pas en Cupidon.
Le troisième acte passera aussi vite que les deux précédents : Pagliero ne montre pas le moindre signe de fatigue ni dans les redoutables équilibres à l’issu du pas de deux, ni dans sa dernière variation où elle fouette tant et plus sans faux pas ! Elle s’amuse à rajouter tout un tas de petits effets avec son éventail ! A noter que dans les retirés, elle est la seule des trois, lorsqu’elle repose les deux pieds, à ne pas refermer ses cinquièmes ou arranger un peu le pied avant de poser le talon. C’est net. Paquette est lui en prise avec les pas de Noureev mais malgré cela il restera Basilio jusqu’à la fin du ballet.
Giezendanner passe comme une libellule en demoiselle d’honneur : un moment de grâce qui suspend le temps !
Pagliero a su camper aux côtés de Karl Paquette une Kitri vivante, chaleureuse et sympathique ! Les voir tous les deux en une si belle harmonie a vraiment été le plus de cette soirée.
Pas au point d’effacer de nos mémoires Motte, Pontois, Loudière ou Letestu dans le rôle… mais quand même !
C’est drôlement bien !
Petite synthèse sur ces trois soirées bientôt !