Revoir Manon cette année m’a fait prendre conscience du « manque Guillem »
Quel dommage que la Dame de la Bastille ne l’aime pas et ne l’ait donc pas invitée à venir danser une Manon à Paris, rôle que Sylvie danse encore sur scène (pas plus tard que l’an passé en Italie)
J’ai été bouleversée par l’interprétation de Ciaravolla et par le couple qu’elle forme avec Mathieu Ganio ; aimer Guillem ne remet nullement en doute, en cause cela, bien évidemment. Etre « en manque » d’un artiste ne signifie pas que l’on n’aime moins les autres.
Ce qui est curieux, c’est que la Manon vue cette année m’a complètement remis en mémoire celle vue avec Guillem il y a plus de dix ans.
D’elle, je me rappelais nettement son sourire lorsqu’elle descend toute ingénue du carrosse de voyage, son air de jeunesse, sa candeur – elle avait pourtant déjà 37 ans. Je me rappelais aussi son charme, l’incandescence de sa danse, la grâce de ses épaules, de ses pieds tellement musicaux ; enfin, je me rappelais avec une précision extraordinaire ses prises de risques constantes, son abandon à son personnage, à son partenaire aussi, son engagement total. Son air mutin, sa sensualité teintée d’intelligence, cette façon d’être plusieurs filles à la fois, suivant qu’elle dansait avec son frère, avec Monsieur de GM ou avec son amoureux. Sylvie a un tel sens des nuances, des détails, du récit, des émotions, des sentiments qu’elle veut faire passer!
C’est presque irrationnel d’être envoûtée à ce point par ce qu’elle fait, et être bouleversée par ses interprétations, toujours justes, toujours habitées.
Cela me rappelle dans un autre genre ma découverte de la Callas en 1977 alors que je rangeais ma chambre. J’ai tout à coup entendu une voix comme jamais, ni belle ni laide, mais authentique ; et le personnage – Rosine du barbier de Seville – a surgi dans ma chambre. Je ne savais même pas que c’était la Callas qui passait à la radio et tout de suite, le coup de foudre, absolu et pour toujours.
J’ai souvent repensé à cet Eonagata que je n’ai pas aimé, et à chaque fois, c’est la même image qui revient : Guillem et sa plume, qui écrit, qui danse, qui se donne, et ces cinq minutes de grâce absolue me restent ancrées dans la tête avec une telle netteté dans les détails qu’au fond, eh bien oui, je l’avoue presque malgré moi, je ne regrette pas d’avoir vu cet Eonagata. Pour elle. Pour ces cinq minutes hors du temps. Pour ce moment de grâce pure.
Kelucharan dont je parlais dans un précédent article pourrait dire la concernant : « Elle, elle dirait qu’elle danse, mais moi qui la regarde, je dirais qu’elle prie »
Elle viendra danser l’an prochain au TCE en juin. Mais c’est dans un ballet « narratif » que j’aimerais la revoir.
Elle y déploie non seulement sa technique sublime et intacte, — chose exceptionnelle à 47 ans - mais surtout, mais aussi son intelligence de la danse, sa grande finesse et compréhension psychologique des rôles. Cette interprète exceptionnelle offre toujours une vision très personnelle de ses rôles mais avec une telle compréhension qu'elle suscite l'adhésion immédiate.
Ah ! Revoir Sylvie dans Manon, ou le Lac…
Je ne suis pas allée la voir cette année dans 6000 miles away. Les photos vues dans les magazines sont sublimes, mais j'avoue avoir de plus en plus de mal avec la danse abstraite...
Je ne sais donc pas si j'irai la voir l'an prochain dans " Sacred monster" avec Akram Khan
je crois que je vais acheter la video pour me décider si oui ou non....