L’Odissi d’aujourd’hui, est, d’après les spécialistes, un descendant direct de la danse de temple, telle qu’elle fut pratiquée à Puri, en l’honneur de Jagannath, un des avatars de Vishnou.
Dans le panthéon indien, ce dieu qui protège le monde et le préserve, s’incarne à plusieurs reprises pour venir le sauver de la destruction ; il prend à chaque fois une apparence différence : Krishna, Rama et Jagganath sont ses plus célèbres avatars.
Ce dieu très ancien, déjà présent dans les Védas, fait sa première apparition en Orissa au 7ème siècle après JC dans les sculptures. Il y apparaît sous la forme de son 8ème avatar, Krishna.
Mais c’est en « Jagannath » que Vishnou sera le plus célébré. Sa légende est racontée un peu plus loin.
Pendant le règne des rois de la dynastie Ganga qui dura près de trois siècles, la dévotion à Vishnou fut telle qu'un temple monumental fut construit en son honneur au 11ème siècle. Ce temple acquit une telle renommée qu’on vint rendre hommage au dieu son la forme de son avatar, Jagannath, de toute la région. Puri fut alors un haut lieu de pèlerinage et un centre culturel et artistique important; il vit naître dans son temple la danse des Mahari.
Concernant Jagannath, plusieurs récits mythologiques relatent son origine. Voici celle que la danse Odissi aime le plus : il y avait un roi, Indradyuman qui rêva un jour d’une image de Nilamadhav – le dieu bleu – elle se trouvait bien au-delà des montagnes, à l’est de son royaume. Il envoya son ministre, Vidyapati, à sa recherche, qui tomba sur Vishvavasu, le chef de la tribu Savara ; c’était le plus fervents des adoradeurs de Nilamadhav. De retour au palais, le ministre raconta ce qu’il avait vu. Le roi envoya son armée pour prendre de force l’image mais avant que le roi puisse atteindre la grotte où celle-ci se trouvait, une tempête se leva et l’image disparut.
Le Dieu bleu n’apparut plus à la tribu Savara sous cette forme, mais l’océan rejeta sur le sable un immense bloc de bois qui avait la forme de Nilamandhav.
Le roi vit cette image en rêve et voulut la reproduire. Il fit venir d’énormes blocs de bois et des charpentiers dans son palais pour construire l’image à l’identique. Mais aucun charpentier ne parvint à la reproduire. Un mystérieux charpentier, qui selon la légende, aurait été Vishnou lui-même, se présenta et dit qu’il pourrait réaliser la sculpture à condition de n’être dérangé sous aucun prétexte pendant 21 jours. Le roi accepta mais la reine, bien sûr, aiguillonnée par la curiosité, voulut ouvrir la porte avant le délai requis. Tout s’évanouit aussitôt sauf trois bustes inachevés qui représentait Jagannath lui-même, son frère Balabhadra et sa sœur Subhadra, tous trois aujourd’hui encore grandement vénérés.
Voilà pourquoi aujourd'hui, au début de chaque récital, la danseuse offre sa première danse à Jagganath, présent sur scène et inachevé comme le raconte la légende.
La légende de Jagannath est l’un des nombreux exemples de la façon dont l’hindouïsme a intégré des déités très anciennes à son propre panthéon.
L’Odissi s’est développée au moins sur un millénaire ; on trouve des témoignages sur cette danse dès le 1er et le 2ème siècle avant JC, comme l’atteste l’art de la dynastie Chedi –puis au 7ème siècle et 8ème siècle, ( nombreuses peintures et sculptures de temples) jusqu’au règne du roi Chodagangadeva au 11ème siècle où culmine le culte de Vishnou à travers son avatar, Jagannath. L’Orissa, sous le règne de ce roi éclairé, devint un royaume florissant, cultivé, dans lequel Puri fut un centre spirituel important et révéré bien au-delà des frontières du royaume.
Un siècle plus tard, le poète Jayadéva allait marquer durablement l’histoire de l’Odissi à travers l’un de ses poèmes : la Gita-govinda.
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Articles réalisés à partir du livre de Ranjana Gauhar