Ah, j'adore ces répétitions publiques et gratuites à l'opéra de paris! cela faisait bien longtemps que je n'avais pas assisté à ce type d'évènement puisque des qu'elles sont mises en ligne, les places disparaissent dans l'heure qui suit; difficile d'avoir des places! reste la solution de faire la queue en espérant pouvoir entrer sans place, mais j'avoue qu'avec l'âge, je deviens un peu frileuse...
Je n'avais donc pas assisté à un passeport depuis des lustres!
Je ne connais pas toute l'oeuvre de Prejlocaj, loin de là: l'opéra de paris m'a permis d'en découvrir deux : Le songe de Médée, que j'ai vraiment beaucoup aimé pour la puissance expressive de la danse, et Ceci est mon corps, une oeuvre étrange et hallucinée. J'avais voulu aller voir la création sur Air au théâtre de la ville, mais comme à chaque fois, je n'avais pas pu avoir des places.
la télévision et arte m'ont permis d'en découvrir d'autres : Annonciation, et puis Eldorado, construite en duo avec le compositeur Karl heinz Stockausen; c'est une pièce musicale spécialement écrite pour Prejlocaj; arte avait fait un reportage très interessant sur ce partenariat; j'avoue que j'ai été assez peu touchée par la danse elle même, mais comme beauocup d'oeuvres, c'est en " live" qu'il faut voir la danse... donc mon avis ne vaut pas grand chose... Arte a aussi diffusé Blanche Neige qui rencontre un immense succès, mais comme je le disais, rien ne vaut le live. La danse est un art en trois dimensions, ramené à deux sur le petit écran, on perd presque tout de la magie d'un spectacle.
voici un lien où vous aurez foule d'extraits sur les créations de Prejlocaj qui vit à Aix en Provence link
Il y a aussi youtube où sont proposés à foison des extraits de ballets, dont les terrifiants N ou le sacre du printemps....
Me voici bien contente que Prejlocaj s'interesse à Siddharta!!!
A partir de l'oeuvre de Hermann Hesse qui raconte la vie " avant" que Siddharta ne devienne Bouddha ( l'éveillé) une scénographie a été ré-écrite
Pour assez bien connaître la " mythologie" de Bouddha et du bouddhisme, la vie de celui ci se divise en quatre grandes étapes :
sa vie dans son palais, coupé du monde
la première fois ou par la porte d'un jardin, il voit le " vrai " monde, et c'est un choc car il découvre la souffrance du monde dont on l'a toujours tenu à l'écart dans son palais doré...
Puis c'est le départ sur les routes - il abandonne son épouse, son fils, son rang de prince,- et commence son initiation à un yoga ascétique qu'il finira par quitter car il sent que trop d'ascèse renforce l'ego au final au lieu de l'en débarasser. Il veut trouver une réponse pour soulager la souffrance du monde...
Et enfin, c'est l'éveil qui viendra après une période de sept jours et de sept nuits de "transfiguration " si je peux me permettre ce terme! IL comprend alors que pour se libérer de la souffrance, il n'y a qu'un chemin, le travail sur l'éveil ou encore comprendre que rien ne dure, qu'il est donc vain de s'attacher à quoi que ce soit, que la cause de la souffrance est là.
je ne sais pas si Prejlocaj va surtout narrer sa vie avant son départ du palais et les plaisirs qu'il y a connus comme l'a fait Hesse, ou bien s'il va aller vers l'abstraction plutôt que vers le narratif.
Ce qui est sûr, c'est qu'il a été interessé par ces yogis, qui, pour trouver l'éveil, entreprennent un travail qui physiquement les engage tout entier.
la légende dit que buddha, quand il trouva l'éveil, resta en méditation sept jours et sept nuits, et qu'il faillit mourir pendant ce temps là.
c'est là qu'intervient la légende du naga qui vint étendre son capuchon pour protéger buddha des orages violents et des pluies glacées, et qu'il enroula sept fois ses anneaux autour du yogi pour l'empêcher de mourrir de froid : il ne bougea plus du tout! Comme on le voit, le serpent n'est pas l'être malveillant condamné par l'église catholique en Asie! Chez les Khmers aussi, il est un dieu tellurique protecteur.
Moi, je veux bien faire le serpent dans son ballet!!! Et demander à la Nâga compagnie d'apporter un petit divertissement puisque c'est ce même Nâga qui est notre emblême!
Après ce long préambule, revenons en à cette répétition
Trois distributions sont prévues avec des danseurs tels que : Leriche/ Belingard/ Osta/Dupond/Romoli/Bullion/Renavand... du beau monde, comme souvent à l'ONP! Noter d'ailleurs la présence de Romoli!!!
Nous avons assisté à une vraie séance de travail : Prejlocaj voulait utiliser le peu de temps dont il disposait ce samedi pour travailler comme il l'aurait fait en salle de répétition.
Ainsi nous avons découvert non seulement le travail des danseurs qui affinent les mouvements en suivant les indications du chorégraphe au plus près et en répétant encore et encore de très courts passages mais on voit aussi comment le chorégraphe ajuste son propre langage au fur et à mesure afin que le tout devienne lisible et prenne son sens, comme un grand couturier le ferait d'un vêtement...
c'était stupéfiant de voir la concentration d'Alice Renavand, disponible, mais entièrement centrée sur ce qu'elle devait faire; son partenaire avait surtout un travail de porté et de placement à faire par rapport à elle, donc était moins sollicité
La scène répétée représentait l'éveil ( Alice) qui vient trouver Siddharta pour la première fois
Cette scène - même en cours de travail- est d'une très grande poésie et d'une grande intensité, mots qui caractérisent bien ce que je ressens des oeuvres de Prejlocaj vu en " live"
On est dans le domaine de la danse contemporaine sans être dans la danse concept ou la non danse : le mouvement dansé, expressif, poétique reste la base
A noter que les danseurs ont travaillé sans musique. C'est effectivement indispensable pour acquérir le mouvement et pouvoir le travailler, le reprendre. Mais lorsque Prejlocaj a mis la musique en toute fin de répétition, les mouvements étaient décalés par rapport aux accents musicaux car les danseurs n'avaient pas encore les repères pour placer les mouvements comme le veut le chorégraphe
Alice est d'une grande beauté, d'une grande douceur et d'une grande force tout à la fois
elle m'a toujours captivée sur scène!
pendant la répétition, j'ai vraiment été impressionnée par sa concentration et la facilité qu'elle a à reprendre encore et encore un mouvement en cherchant à lui donner le sens voulu par le chorégraphe, sans fatigue, sans effort semble-t-il! C'est l'interprète rêvée qui sert le chorégraphe, comprend ce qu'il veut et le restitue peu à peu , au fil du travail.
la musique est une commande de l'opéra de paris au très jeune compositeur Bruno Mantovani, né en 1974
A noter que Prejlocaj peut aussi bien chorégraphier du Malher, du bach que du Ligéti, ou du ... Mantovani!
Alice renavand, cygne noir
encore quelques mots
pour avoir suivie des stages avec les chorégraphes contemporains Franck Micheletti ou encore Philippe Menard, j'ai fini par goûter complètement le travail interactif entre deux danseurs : c'est à dire que l'énergie de l'un a TOUJOURS une influence sur le travail de l'autre
dans la danse contemporaine, il y a un vrai dialogue, car ce n'est pas " chacun danse les pas et on le fait ensemble" mais le mouvement d'un danseur induit un déplacement d'air qui forcément a une incidence sur le travail de l'autre/ des autres.
D'autres parts, le mouvement peut être conduit par n'importe qu'elle partie du corps : le coude, le genou, le dos, et non plus seulement les pieds comme en danse classique
dans cette séance de travail, on voyait très bien ce rapport recherché par Prejlocaj que n'ont pas encore trouvés tout à faire Alice et Stéphane
Je dois dire que suite à ces stages, je suis devenue beaucoup plus sensible a une certaine approche de la danse que j'ai de plus en plus envie d'introduire dans mon propre travail à condition que la compagnie continue, ce qui n'est rien que moins sûr!
merci à Prejlocaj, pour cette répétition publique, et aux deux danseurs !