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  • : Créé en 2006, ce blog rédigé par Valérie Beck autrefois consacré à la danse et à ma compagnie se diversifie davantage.
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Noureev

 

Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

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11 avril 2016 1 11 /04 /avril /2016 17:21
Roméo et Juliette - Baulac, Heymann, Alu, Magnenet - Opéra de Paris

Ce dimanche 10 avril, Léonore Baulac a eu la lourde tâche  de remplacer pour ainsi dire au pied levé Myriam Ould Braham, malheureusement blessée, et d’être la Juliette de Roméo-Heymann.  Déçue de ne pas voir Ould-Braham en Juliette, car encore sous le charme de sa Nikya, j’ai été néanmoins surprise par la facilité avec laquelle  la jeune danseuse qui s'adapte  rapidement à toutes sortes de changements, a campé une Juliette de haut vol malgré une certaine fébrilité bien compréhensible au vue du peu de répétitions que les deux danseurs ont dû avoir ensemble.

A vrai dire, il n’a manqué à ce couple charismatique à la danse  vraiment magnifique, qu’un peu plus d’émotion ; celle-ci n’est arrivée qu'assez tard dans le ballet. Et pourtant, ils ont l'un et l'autre tout ce qu'il faut pour ETRE Juliette et Romeo : la beauté, une danse superbe, une incandescence qui vont bien aux deux personnages. Si dans  la redoutable scène du balcon - où il y a un pas sur chaque note, suivant l’habitude de Noureev de mettre musique et chorégraphie en adéquation  et des portés vertigineux - l’effervescence de ces deux adolescents, sur qui l’amour tombe sans crier gare, était toujours un peu au bord de la fébrilité plus que de l’explosion  amoureuse, au troisième acte, l’un et l’autre libérés des grandes difficultés techniques du premier acte, ont incarné leur personnage avec une puissante intensité dramatique.

 Léonore campe une Juliette au caractère bien trempé ;  au premier acte, elle ne tombe pas dans le piège de surjouer une Juliette enfantine ; elle est juvénile, mais a déjà un fort caractère; elle s'affirme dès l'arrivée de ses parents. Au fil des actes, cette affirmation, cette volonté de prendre son destin en main lui donne une gravité et une profondeur qui vont crescendo. Jamais elle ne surjoue la douleur, ou la révolte mais la puissante volonté qui anime la jeune fille est perceptible d'un bout à l'autre de l'oeuvre, même dans son choix de mourir.
Heymann campe un très beau Roméo. Il y a une telle pureté dans sa danse, un tel lyrisme, un tel envol, que cela apporte au personnage une petite touche " elfique" qui ne dessert pas le personnage; un peu de Zaël passe dans son Roméo. Mais il y a surtout beaucoup de générosité, d’intensité et des prises de risque qu’auraient adorées Noureev! Et quel sourire! On comprend que Juliette fonde complètement! Son sourire est à son image : candide, lumineux, offert tout entier! Ses lignes sont superbes, et son style, fidèle à  Noureev, avec tout ce travail de «  desaxage »  par rapport à l’axe du corps.


Il était dommage que  l'orchestre soit dirigé mollement ; certes les pupitres étaient bien équilibrés mais les attaques étaient mollassonnes, les tempis un peu gnian-gnian.   Du coup, les danses de groupes manquaient de peps, et parfois de vie, malgré tous les efforts de la troupe pour déployer celle-ci sur scène. Malgré tout, une sincérité, un engagement de la part des artistes étaient perceptibles sur le plateau mais quelque chose manquait – et pas du fait des artistes en scène - ça aurait pu être plus fort, plus abouti encore peut-être avec plus de répétitions, ou moins de temps perdu à danser le reste de la saison des âneries néo-classiques sans âme ou des créations d’un autre âge ? 

Le  trio
Benvolio/ Mercutio/ Roméo ( Révillon, Alu) opposé à  Tybalt ( Magnenet) racontait bien la même histoire.  Tybalt, un peu trop gentil au début de l’œuvre, trouve son ton au cours du  ballet.  Benvolio/ Révillon avait la  bienveillance propre à ce personnage, et Alu  la vantardise latine et le panache à la Cyrano propre au personnage qui vit toujours en public.  C'est la première fois depuis L. Delanoe  que je vois mourir un Mercutio qui continue au moment de sa mort, tour à tour, de rire et de  grimaçer, laissant jusqu’au bout le public perplexe sur le sens de ses mimiques.  Même quand il s’écroule, on n’est pas sûr qu’il ne joue pas encore. On  adore Alu  quand il est en scène, et on l'attend quand il n'y est plus; encore un peu il volerait la vedette du couple principal! Il n’y a pas à dire : Alu sait incarner ses personnages comme peu de danseurs avec une technique superbe; tous ses pas ont un sens, expriment une idée, un sentiment, une émotion ; tout fait sens ; c’est précisément ce qui manquait un peu à Heymann et Baulac : une danse qui fait sens et qui n’existe pas que pour elle-même, mais sans doute les spectateurs des  mercredi ou samedi prochains auront la  chance de voir des personnages plus aboutis.

La
Rosalinde de Sara Kora Dayanova pleine de grâce, apportait aux scènes sur la place de Véronne une touche d'élégance au milieu de toute cette joyeuse et/ou belliqueuse assemblée ; un personnage pour une fois attachant, alors que d’habitude cette demoiselle fait un peu figure de «  vase décoratif » ;  la nourrice d'Alexandra Cardinale avait, quant à elle,  beaucoup de présence! Elle a autant de cœur que de gouaille et elle aime les beaux garçons! Héhé, la coquine!
Tout au long de ce Roméo,  chacun a apporté sa voix à l'ensemble.
Le drame s'est installé peu à peu, au milieu de la truculence, de la haine, de la rigolade, des combats, des coups bas, de l'amour, des bals, des mascarades, de la misère... et au final, quand les deux amants meurent, quelque chose meurt à ce moment là en nous avec eux...

 

La salle a chaleureusement applaudi les artistes qui rayonnaient sur scène au moment des saluts.

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