Voici la suite en espérant qu'il n'y aura pas du bug!!!
Je disais donc que le livre est très documenté, sans qu'on ait vraiment l'impression d'apprendre quelque chose sur Rudolf, pour peu que le personnage nous ait toujours fasciné! Dans les interwiews des danseurs, des personnes qui l'ont connu, on avait déjà une idée de sa personnalité. Et plus encore en voyant danser l'opéra de Paris dans les années 80 ...
Je ne suis pas du genre groupie transie, non : la preuve, lorsque je l'ai vu danser dans Raymonda, je l'ai même... sifflé! tant il avait été mauvais ce soir là...
certes il flamboyait... mais il avait le souffle court, les muscles sans tonicité, et pouvait à peine finir ses mouvements, ses tours...
Lui qui était sans pitié pour les autres n'hésitait pas à continuer la scène par nécessité absolue... à ceux qui venait le voir ensuite il disait : " comment étais je ce soir?" tout en connaissant d'avance la réponse.
Lucide, mais avec un tel besoin d'être sur scène!
Là où la biographie d'A. Dolfus m'a exaspérée, c'est dans la façon qu'elle a de donner en trois lignes son avis sur les chorégraphies que Noureev a données à l'opéra de Paris...
Elle met Roméo, Raymonda dans le même sac de l'ennui.... et finalement donne un avis " favorable" sur Bayadère....
En fait, il a remonté Bayadère de mémoire, voulant retrouver ce qu'il avait vu au Kirov, lorsqu'il était encore élève et danseur là-bas : il avait une mémoire exceptionnelle. Il pouvait, rien qu'en regardant un danseur mémoriser les pas... ce qu'il fit pour Bayadère
Il faut dire qu'il avait eu une mésaventure malheureuse en prenant des notes sur la Sylphide. Quelqu'un lui avait volé ses notes et les avait jetées aux toilettes...
A partir de ce jour, il prit l'habitude de ne compter que sur sa mémoire visuelle qui devint extraordinaire.
C'est ainsi qu'il remonta pour ainsi dire à l'identique la Bayadère de Petipa, tout comme il l'avait vu autrefois au Kirov, avec son éléphant géant et son tigre. C'est assez émouvant d'imaginer Noureev très malade, et voulant absolument retrouver à l'IDENTIQUE le ballet qu'il avait vu autrefois, du temps de sa jeunesse, en Russie... ( Il tenait absolument à avoir le même défilé que Petipa affectionnait tout particulièrement dans ses premiers ballets,comme la fille du Pharaon - voir mon article!-) car pour ses autres ballets remontés, il a toujours pris des libertés...
Tout en lisant donc cette biographie et en étant convaincu à demi par elle, à cause notamment de ces avis sur des ballets que personnellement j'aime beaucoup, j'ai réfléchi sur ce qui rendait Noureev unique, en tous cas à mes yeux, car je pense que chacun projette quelque chose de soi sur un artiste, ou bien encore prend conscience d'une part de lui même grâce à l'artiste. L'artiste qui crée un lien entre soi et le monde, ou bien le visible et l'invisible...
D'abord, il adorait Pavlova.... elle a toujours été à mes yeux la référence, l'amie perdue, même si je ne la connais que via des documents d'époque... sans pouvoir l'expliquer, j'ai une vraie passion pour Pavlova... que Noureev aime cette danseuse par dessus tout s'explique : ils ont tous deux en commun une âme russe qui fait passer l'humain, le vivant avant la technique, qu'ils travaillent pourtant aprement l'un et l'autre... mais une fois sur scène, ils sont avant tout " humain"
Noureev donnait toujours ce conseil avant d'entrer en scène : "pense à ton personnage, à sa vie, et ne le lâche pas tant que tu es sur scène!"
cela aussi c'est quelque chose de fascinant : on ne ressent pas les choses de la même manière en dansant si on pense " la je dois tendre mes pointes, là je pense à mes hanches, là je baisse mes épaules, etc" et si on pense au contraire " je suis tel personnage, il m'est arrivé telle chose, et je vis pour telle raison"
Visuellement aussi, le résultat sera flagrant...
Enfin, m'est revenu en lisant cette biographie une chose que j'avais oublié : les parents de Noureev étaient musulmans, bien qu'ayant " publiquement" renoncé à leur religion, vu les temps staliniens....
Ainsi, s'éclairent ces doubles que l'on voit dans ses ballets : Abderam le Maure, sensuel, flamboyant, violent aussi, qui est un double du Prince, élégant, et précieux
Ou encore Rothbart, le magicien, qui tient sous sa coupe Cygne et Prince. Dans la version de Noureev, ce Rothbart est un double du précepteur du Prince. Malheureux dans le réél, le Prince cherche le réconfort dans le rêve et cultive des fantasmagories à la Louis II de Bavière ou les personnages réels revêtent d'autres aspects...
Le sang tatar, mi russe mi turc, coulait dans ses veines, lui donnant un "exotisme" aussi chatoyant que les étoffes qui décoraient son appartement quai Voltaire...
On comprend mieux le déploiment sublime de la tente d'Abderam, et aussi l'énergie presque diabolique qui était la sienne, lui permettant de répéter le matin à Paris, et d'aller danser le soir dans un théâtre d'Italie...
Bref, on referme le livre en étant sur sa faim, malgré la précision des témoignages rapportés...
Mais je pense qu'on en apprend plus en le voyant danser Siegfried, le Corsaire, Basilio, et tous les autres...
qu'en lisant cette biographie. Cependant, pour tout " fan", elle prendra place à côté des autres, bien évidemment.
Noureev reste pour moi l'une des grandes lumières de la danse
retrouver ici d'autres articles que j'ai écrits :
lettre à Noureev
Raymonda
Noureev