Prima Ballerina asboluta....
Nul n'est besoin de présenter Sylvie Guillem, l'une des danseuses classiques les plus célèbres, voir les plus populaires de notre époque...
Aujourd'hui encore, à quarante ans passés dont trente uniquement dédiés à danser, elle parcourt le monde entier et se produit sur toutes les scènes du monde, ses préférences allant au Japon, à Londres,où elle vit, à l'Italie... à Paris, mais presque plus jamais à l'opéra dont elle claqua la porte il y a longtemps déjà.
Sylvie Guillem est un cas unique dans la danse.
Elle a commencé par une formation de gymnaste... un hasard l'a conduite à faire un stage de danse à l'opéra de Paris... ce qui scella son destin.
Très vite, elle gravit tous les échelons de cette structure hyper hierarchisée : à 19 ans, elle était sujet... Noureev dirigeait alors la compagnie de l'Opéra. Il avait bien vu qu'elle était hors norme : technique magnifique, que peu de danseurs possèdent, puissance, grâce, musicalité, précision extrême des pieds, ampleurs des sauts, perfection des fouettés, petits pas exécutés à la perfection ce que sa grande taille devrait lui interdire, et puis, ligne extraordinaire : exactement celle de Sissi : 40 kilos pour un mètre soixante dix. Elle n'a pas l'air maigre, tant son corps est longiligne, avec des jambes extrêmement longues et un bassin très étroit, ce qui lui donne cette capacité visuellement bluffante de lever la jambe à 180 degré...
cette " excentricité" technique lui vaut les foudre d'une partie de la critique, mais l'admiration béate d'un public ébahi par ce qu'il ne peut faire...
Bref, Noureev lui confie alors un rôle d'étoile : le cygne, et le soir même, la nomme étoile... pied de nez à la hiérarchie de l'opéra, qui aurait voulu qu'elle passe d'abord le concours de promotion pour être première danseuse... et reconnaissance d'un talent hors norme...
Quand j'ai appris sa nomination d'étoile, je n'ai pas été contente du tout. J'attendais que ma favorite d'alors, Karine Averty, soit nommée... dans les rôles qu'elle avait dansés ( en tant que soliste) elle ne m'avait pas emballée... elle avait dansé la reine des dryades, sans soulever mon admiration plus que cela; je n'aimais pas son style, je la trouvais trop grande... trop moderne, en fait, pas assez ballerine classique.
Et puis, il y eu un reportage sur elle à la télé ( être étoile à 19 ans, c'est tellement rare!) et là, je la découvris vraiment... dès que je le pus, j'allais la voir danser : je m'en rappelle encore, c'était dans Raymonda... ce qui m'étonna le plus alors, ce fut le silence qui régna dans la salle pendant ses solos : on aurait cru que plus personne ne respirait... jamais je n'avais vu personne se jouer des difficultés techniques avec tant d'aisance, sans jamais sembler souffrir de l'effort physique, et rester aussi musicale, même dans les passages les plus compliqués...
Puis j'allais la voir régulièrement, tant qu'elle resta à l'opéra : inoubliable Roméo et Juliette. Plus jamais depuis, je ne l'ai vu danser ainsi!!! mais elle ne pouvait y rester longtemps. Sylvie Guillem travaille très vite et le rythme de l'opéra était trop lent pour elle. Elle finit par partir.
Quelle déception pour le monde de la danse, de savoir que dorénavant, il faudrait attendre ses passages à Paris pour la voir danser...
L'un d'eux reste gravé dans ma mémoire à tout jamais : elle dansa au théâtre des champs Elysées Boléro, la Luna, tous de deux Béjart, un pas de deux créé pour elle par Forsythe, In the Middle, et puis Sissi, impératrice anarchique, solo de quarante minutes réglé pour elle par Béjart....
inoubliable... Sylvie, à partir de là, compris que le monde du ballet classique lui permettait aussi de danser tout ce qu'elle aurait envie de danser... elle travailla alors avec tous les grands chorégraphes d'aujourd'hui. Certains, comme Bejart, Forsythe, Mats Ek, et aujourd'hui Maliphan, réglèrent des chorégraphies pour elle.
Je n'aime pas tout chez Sylvie... je ne suis pas une groupie transie d'admiration... c'est un peu comme la Callas. C'est ma chanteuse d'opéra préférée, mais je n'aime pas tous ses rôles. Dans certains, elle m'horripile!
Ainsi, sa Carmen ( chorégraphie de Mats Ek) ne pas du tout plu, je n'y ai vu qu'une démonstration technique, la saison dernière au Chatelet. Ainsi sa Giselle, que je trouve à mille lieues de ma vision de ce personnage... bref, parfois Guillem m'insupporte!
Mais je retourne toujours la voir danser, car je suis sûre d'être toujours étonnée, surprise avec elle...
C'est justement ce qu'une partie de la critique lui reproche : s'emparer d'un rôle et le faire sien. Ce dont se défendait Sylvie il y a une dizaine d'années : " non, je ne mets pas ma griffe sur un rôle, mais je le danse comme je le sens au plus profond de moi".
" Sylvie Guillem ne respecte pas la tradition, " disent les critiques..
-La tradition???!!!!! se revolte Sylvie, pour qui la tradition est la mort de la danse.
Cela demande un courage énorme car il lui faut aller au bout de ce qu'elle croit, même quand dans les vestiaires, entre deux actes, on vient lui dire que ça ne va pas... que ce qu'elle fait n'est pas dans le style, qu'elle bafoue la tradition ... elle doit resister à une grande pression d'êtres qui la critiquent, qui voudraient la ramener vers plus de mesure...
A Paris, Ghislaine Thesmard reste son coach... elle corrige techniquement ce qui doit l'être, mais surtout, elle la laisse être elle même...
Ce qui la ressource le plus, c'est de faire de la poterie près d'un maitre zen au Japon. Aucun mot n'est echangé, dit elle, mais il se passe une foule de choses.
Elle dit encore que sur scène, elle se sent libre...
Bref, Sylvie Guillem est une artiste hors du commun.
Elle sera à Paris, au Champs elysées, cet hiver, dans des chorégraphies du génial russel Maliphan...
j'y serai aussi!!!!
( à suivre)
a venir : Sylvie Guillem ( suite)
russel Maliphan
site officiel de Sylvie Guillem : www.sylvieguillem.com