Avec Nicolas Leriche : Albrecht
Laétitia Pujol : Giselle
M A Gillot : Myrtha
W Romoli : Hilarion
J'ai vu ce ballet sur scène une bonne dizaine de fois : j'ai vu danser l'inoubliable Pontois, plusieurs fois, Thesmard, Platel, Clerc, et Loudières... et depuis ces dernières saisons, je retourne le voir dans la distribution Leriche/ Pujol
En 2003, lorsque j'ai vu que Pujol serait la Giselle de Leriche, je n'étais pas ravie; je trouvais que cette danseuse était une parfaite technicienne mais quelle manquait cruellement de sens artistique...
Et ce fut le choc : l'une des plus belles Giselle! J'ai fini en larmes et bien décidée à revoir ce couple s'il dansait de nouveau ensemble... ce qui fut le cas, la saison suivante!
Du coup, cette année, lorsque j'ai vu que pour Noël, le ballet serait donné une fois encore avec ce même couple, j'étais bien décidée à y retourner... j'ai failli ne pas avoir de places ( lire Colère contre l'opéra de Paris) mais ma ténacité a finalement payé ( et la chance aussi!)
J'ai assisté, comme l'an dernier pour le Lac des Cygnes, a une représentation qui frise la perfection...
Nicolas Leriche est mon danseur préféré à l'opéra de Paris, parce que de tous, il est le plus généreux sur scène, se mettant sans cesse en danger pour offrir une danse où l'émotion l'emportera sur la perfection technique : il n'en manque pas ( puissance, intensité, félinité, présence, charisme, élévation des sauts...) mais c'est toujours la sensibilité, l'émotion, l'interprétation qu'il privilégie avant la poudre aux yeux, ( comme Noureev, en fait) ce qui fait que tous les rôles dont il s'empare vivent longtemps dans la mémoire du spectateur; pour moi, il est comme les " anciens" les Noureev, les Vassiliev, ceux qui ont une personnalité riche, profonde, qu'ils transmettent à leur rôle. D'autres à l'opéra ont une danse plus " noble" mais m'ennuient davantage...
Nicolas Leriche a été nommé danseur étoile sur ce rôle... et on ne peut qu'être émue, marquée par ce personnage de Prince, qui séduit une jeune paysanne par ennui peut être, puis tombe vraiment amoureux, la trahit malgré lui, asiste impuissant à sa mort, s'en prend à Hilarion, qu'il rend responsable, mais réalise aussitôt sa méprise : il a lui aussi sa part de responsabilité dans la mort de la petite, s'en repend, et au second acte, vêtu d'une longue cape noire et portant des lys blancs, il vit enfin son amour tandis que Giselle déjà fantôme,lui offre son pardon... lorque le jour se lève, il se demande si finalement, il n'a pas rêvé tout cela, s'il n' a pas été le jouet d'une hallucination... c'est Nicolas Leriche qui construit son personnage ainsi, car dansé par d'autres, il peut être beaucoup plus " basique".
Leriche donne à son personne une telle intensité que son jeu est lisible, limpide sans être caricatural; on comprend tout ce que ressent ce prince, pris entre devoir et amour, ennui et quête du bonheur, remords et volonté de faire aimer, même dans la mort...
J'ai lu quelque part, sur un forum : " quel intêret de sauter trente fois sur soi même pour implorer le pardon de Myrtha?"
Cette personne faisait référence à la série d'entrechats 6 tout à la fin du ballet... le danseur à le choix : il peut faire une diagonale de sauts, puis quelques entrechats 6, ou bien rien d'autre que cette série d'entrechats, ce qu'à choisit Leriche
Mais là aussi, ces sauts répétés prennent tout leur sens lorsque c'est lui qui les danse : on y voit non pas une supplication bêbête d'un garçon apeuré, mais le paroxysme de tout ce qu'il a vécu avant et qui explose dans ses sauts : son amour, son désespoir, sa quête du pardon, sa volonté d'aller au bout de son amour, quitte à en mourir.... et Leriche nous dit tout cela... rien qu'avec cette série d'entrechats... du grand art, n'est ce pas?
D'autant que loin de faiblir, cette série d'entrechats, gagne en puissance, en élévation, reste parfaitement musicale, jusqu'au dernier, emportant le spectateur dans une émotion qui lui serre la gorge...
L'opéra a pris le parti de reprendre les décors d'Alexandre Benois de 1926 ... décor peint, mais si poétique!!! J'adore voir les branches nues et noirs des arbres, se tordrent dans un ciel étoile au dessus des tombes...
Si l'acte un fut magnifique de simplicité, de danse limpide et lumineuse, où l'amour de Giselle et d'Albrecht, simple et frais, qui illumine la scène, sombre tout à coup dans le drame... le second acte,lui, atteint le sublime : de tout le répertoire classique, à mes yeux, c'est le plus beau :
les Willis légères et désincarnées à souhait, animées d'un même souffle, glissaient dans la nuit, irréelles, froides, cruelles, et irresistibles...précises dans les gestes, leurs pieds d'acier sous leurs longs tutus blancs exécutaient tous ensemble ces rites étranges qui condamnent à mort qui les voix. Leurs bras fluides et mouvants s'ouvraient en corole par dessus leur tête, souple comme les lys déposés sur la tombe de Giselle : sur elles régne l'implacable Myrtha, dansée par une MA Gillot hiératique et mystérieuse qui en impose.
comme je l'ai écrit dans mon compte rendu sur le forum danser en France de C Schemm, ce qui a fait la parfaite réussite de ce spectacle tient à la cohésion de l'ensemble, les artistes étaient tous en osmose... je me réjouis de sa sortie en video dans quelques mois... en attendant, ne rater pas la retransmission de ce ballet sur France 3, le 1er janvier à 23h30!!!
lire aussi : à quoi tient la réussite d'un spectacle .
A lire sur ce blog :
mon compte rendu complet sur cette soirée
Giselle, esthétique d'un ballet
Giselle, point de repère technique