Compte rendu Cendrillon Noureev – 1er décembre 2011
Comme dit dans l’article « quelques points de repère sur Cendrillon », j’étais curieuse de savoir comment Cendrillon allait être dansée ce soir. J’avais confiance ; avec des étoiles comme Leriche et Gilbert, j’allais me « régaler » ! C’était sans compter sur les aléas du métier de danseur…
Le rideau se lève sur la scène d’introduction : la mère (Valastro) et ses deux filles (Renavand/ Daniel) tyrannisent la pauvre Cendrillon
La mère et la sœur turquoise (Renavand) me font littéralement hurler de rire ! Les mimiques, les gestes, la danse, tout est vivant et drôle ! Daniel est plus « timide » dans sa danse ; elle est moins amusante aussi. Alice Renavand, toute nouvellement promue première danseuse et je m’en réjouis, semble littéralement « exploser » sur scène. Il y a bien longtemps, sur un forum, à la question : « De qui voudriez-vous être la petite mère si vous étiez étoile à l’opéra ? » j’avais répondu : d’Alice Renavand. Et la voilà première danseuse ! Comme j’en suis heureuse pour elle ! Je ne savais pas qu’elle avait cette fibre comique et je m’en amuserai toute la soirée.
Quant à Cendrillon - Dorothée Gilbert, que je regarde de tous mes yeux, - car elle est une danseuse extrêmement douée - je n’arrive pas à sentir son personnage ; je ne lui trouve pas d’identité ; qui veut-elle être ? Quels sont ses rêves ? Quelle est sa nature profonde ? Je ne comprends pas sa danse, qui est vraiment belle, mais qui ne me parle pas. Je me dis « elle mettra mieux son personnage en place quand elle sera au second acte »
Le second acte arrive : Leriche/ jeune premier fait son entrée ; je trouve qu’il a du mal à danser ; et puis hop, il disparaît… Mon regard balaye la scène ; je me désintéresse de ce qui s’y passe ; je cherche Nicolas qui n’est nulle part… Je ne comprends pas tout de suite pourquoi un autre danseur porte le même costume que lui, puis je dois accepter l’évidence ; il est blessé et doit être remplacé…
C’est donc Magnenet qui prend la suite ; certes, chapeau à tout le monde sur le plateau d’avoir continué sans rien faire remarquer ; je suis sûre que dans la salle, personne, à part les fans de Nicolas, ne s’est rendu compte de quoi que ce soit…, c’est assez stupéfiant, et montre que l’habitude de danser ensemble permet de surmonter bien des imprévus : bravo !
Étant donné l’état de déception dans lequel je suis moi-même à la sortie de scène de Nicolas, j’imagine le cœur de Dorothée : il a du battre la chamade, de voir son partenaire s’éclipser et être remplacé par un danseur avec lequel elle n’a probablement jamais du répéter… !
Rien à dire côté danse ; c’est fluide, bien dansé, c’est beau, même… mais cela ne me touche pas… les pas de deux ne « décolleront » jamais. Dorothée Gilbert non plus et on ne peut pas lui en vouloir…
J’espère juste la revoir bientôt dans un autre rôle…
Quand à Florian Magnenet, il est bien « vert » Sa technique est loin d’être très au point ce soir-là. Pourtant, je me rappelle l’avoir beaucoup apprécié il y a deux ans dans les amis de Raymonda. Je ne peux intérieurement que saluer leur exploit d’avoir dansé dans cet état d’urgence extrême qui ne peut en aucun cas permettre à l’artistique de s’exprimer tant il faut se concentrer sur la technique seule : car les deux partenaires, n’ayant jamais répété ensemble, doivent se débrouiller pour trouver d’instinct comment s’accorder… du travail sur une corde raide de haut vol !
J’ai mis un bon quart d’heure à « retourner » dans le ballet tant j’étais déçue ; la dernière fois que j’ai vu Nicolas dans un rôle classique, c’était dans Giselle ; blessé, il ne dansera pas Onéguine ; et il y a peu de chance que je le revoie jamais dans un rôle classique, dorénavant, je devrais me contenter de mes souvenirs… encore une page qui se tourne
La déception passée (plus ou moins !) je me concentre sur mes favoris : la mère, la sœur turquoise, et l’excellentissime professeur de danse : Alessio Carbone !
J’avais déjà remarqué que Carbone (au passage, c’est le mari de Dorothée Gilbert !) avait un sens inné pour les rôles comiques ; j’avais ri à gorge déployée quand je l’avais vu en mari ayant des envies de meurtre dans le Concert de Jérôme Robbins !
Là, dans ce ballet, il incarne à merveille un professeur de danse, précieux, pointilleux, tout comme ses moustaches parfaitement gominées, sa coiffure, et ses chaussettes bien tirées sur ses pantalons ajustés. Bien que désespéré de voir ses pas saccagés par les deux sœurs, bien qu’impuissant à les faire progresser, il essaye malgré tout de leur inculquer quelques notions de danse, car on le sent passionné par son art qu’il veut transmettre coûte que coûte ! Il faut le voir crisper ses mains, refaire les pas derrière les deux soeurs, au bord de la crise de nerfs, mais ne renonçant pas !
La mère de Pierre Retif n’est pas en reste non plus. Cette marâtre oscille entre le ridicule et la méchanceté, mais on sent bien que c’est « pour rire ». Les danseurs s’amusent, nous avec, ce qui fait que l’on ne se soucie plus trop du sort de Cendrillon ; on attend le retour du trio avec impatience et on se réjouit de chacun de leur passage ; tout comme on se réjouit de certaines scènes de cinéma : les personnages Louis XV aux coiffures ridicules qui ne sont pas au point et qui finissent écrasés par la fausse colonne m’ont fait rire aussi ; oui, la recette est facile : on s’assomme, on se donne des claques, des coups de pieds, tout le monde s’agite, se dispute sur le plateau : de la bonne humeur à revendre ! Mais ces clins d’œil à un cinéma fait de « baffes » et de coups de pied, à la « Chaplin » ou à la Buster Keaton sont réjouissants ! Je ris toujours quand je vois Chaplin et l’auto-mangeoire par exemple… Le trio producteur (Paquette) assistant (Le Roux) et réalisateur (Yann Saiz) fonctionne bien aussi ; c’est plein de vie. L’un martyrise l’autre qui tape le troisième. Et c’est sans fin ! Les trois danseurs s’en donnent à cœur joie !
Bravo donc à toute cette équipe « comique » qui insuffle une gaieté à ce ballet, une légèreté bien loin de la vision tragique habituelle de Cendrillon ! Personne, parmi les personnages comiques, ne se prend au sérieux !
En revanche, je me rends compte que les costumes ont été refaits façon « cheap ». Qu’ils sont laids ! Ils ont perdu tout leur chic et leur côté léger, coloré, vivant ou glamour !
J’avais appris que les costumes de la Bayadère avaient été refait aussi façon « criarde »
C’est laid ! Le pire revient aux heures, affublées d’hideux costumes gris et mauve malade… on sent que les heures sont pressées de quitter la scène à peine y sont-ils entrés et on les comprend !
Les pantoufles de verre de Cendrillon semblent venir de Barbès ! Tout comme les robes 1930 du corps de ballet ! Elles viennent sûrement de chez Hariri baba, rue d’Orsel !!!
Le corps de ballet est bien fouilli : les lignes s’emmêlent, ce n’est pas très ensemble…. Bon
Dans le troisième acte, le prince fait le tour des cabarets pour retrouver Cendrillon et nous voyons alors Alice Renavand en Lolita espagnole : superbe !!! Ce soir, elle est magnifique et impose sa danse – comique ou sensuelle – avec beaucoup de talent !
La danse chinoise de Daniel est fort jolie, mais pourquoi cette danseuse semble-t-elle au contraire si peu sûre d’elle ? Alors que se technique est belle et que ces bras, son buste, tout respire magnifiquement ?
Enfin, l’Acteur arrive chez Cendrillon pour essayer la pantoufle oubliée : Renavand fait une traversée de la scène avec son chausson de danse à la main qui a soulevé l’hilarité de toute la salle de Bastille ! Elle se sera bien amusée et nous avec
Et enfin, le pas de deux final, entre l’acteur et Cendrillon qui a retrouvé son éclat.
Le rideau tombe
Et bien, j’ai passé une bonne soirée !
J’ai retrouvé avec délice une œuvre de mon cher Noureev !
Malgré les aléas de ce soir, je quitte la salle heureuse
Comme souvent à l’opéra de Paris, les seconds rôles sont parfaitement dansés, comme si le fait de ne pas avoir la charge du « titre » d’étoile leur laissait plus de liberté, plus de légèreté
Je suis donc ravie de ma soirée, et suis encore plus ravie de voir que cette œuvre - si elle a quelques longueurs – est vivante !
Je constate que l’opéra reste ce vivier plein de talents… qu’il ne faudrait pas grand-chose pour qu’il retrouve l’éclat que je lui ai connu il y a presque 20 ans… mais que ce n’est pas chose impossible. Les talents sont là, c’est indéniable… et c’est beau, de pouvoir partager entre public et danseurs, cet amour fou de la danse et des récits plein de vie…
Qui sait? Un jour, un " producteur" viendra à l'opéra et la magie, de nouveau, se révèlera!