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  • : Créé en 2006, ce blog rédigé par Valérie Beck autrefois consacré à la danse et à ma compagnie se diversifie davantage.
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Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

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29 décembre 2010 3 29 /12 /décembre /2010 09:59

eleonoraEléonora Abbagnato

 

 

Voilà l’une des grandes artistes de l’opéra de Paris !

Elle est d’origine italienne – de la Sicile, pour être précise, et a intégré l’école de l’opéra en cours de parcours… elle explique que cela a été un vrai sacrifice d’être coupée de sa famille, de la Sicile, d’être à Paris… c’est une artiste singulière, vraiment à part dans le monde de l’opéra.

Je ne peux pas en faire un portrait complet, car je ne l’ai pas vue dans tout le répertoire qu’elle interprète, mais chacune de ses apparitions   reste marquée à tout jamais dans ma mémoire.

Si sa technique était moins fragile, sans doute serait-elle étoile ; artistiquement, en revanche, c’est une artiste époustouflante qui s’abandonne complètement à ses rôles. Elle a une façon de se donner sur scène unique, un quelque chose que les autres n’ont pas, une manière de se mettre en danger… on dirait toujours qu’elle danse comme si c’était la dernière fois… comme si sa vie en dépendait. Elle danse avec une sorte d'instinct, ce qui est unique à l'opéra. Non qu'elle n'ait pas une très belle technique - sans être virtuose, mais elle a un côté " animal". En ce sens, elle est à l'opposée de danseuse comme Sylvie Guillem qui met sa technique exceptionnelle au service de son intelligence, de la compréhension de ses rôles; je ne sous entend pas bien évidemment que Eléonora danse "comme ça, sans réfléchir" mais c'est ce qui ressort de sa personnalité. On oublie le travail en amant, on voit un être danser de toute son âme...

 

Très récemment, je l’ai vue dans le Sacre de Pina Bausch, elle était dans le corps de ballet, mais elle crevait la scène…    dommage qu’il ait été si difficile d’avoir des places pas trop chères pour ces représentations, car j’aurais beaucoup aimé la voir interpréter l’Elue.

En octobre, c’est dans le rôle de la Mort  - du Jeune homme et la mort - qu’elle m’a impressionnée. Techniquement, ses trépignements lors de son entrée en scène, sa beauté, sa sensualité mêlée à une cruauté raffinée en font l’une des plus belles interprètes de ce rôle.

 

Ce qui est curieux, c’est que Eléonora est très médiatisée, notamment dans la presse italienne ; elle a un côté star, diva, «  look at me »  un peu irritant parfois !  

Sur scène, tout cela disparaît, elle est simplement une très grande artiste au service de son art

 

C’est dans le rôle de Kitri que j’ai été le moins emballée… j’ai l’impression que ce sont les rôles dramatiques qui lui vont le mieux

Comme l’Anastasia de Ivan le Terrible – qu’on peut voir en DVD au côté du magistral N Leriche ; je regarde très très souvent sa variation où elle attend le retour d’Ivan… elle y est sublime, une fois encore, d’abandon, de lyrisme. Un grand souffle traverse sa variation de bout en bout

 

Voilà deux autres rôles où elle a excellé : Celui de Sylvia qu’elle a dansé au côté de Nicolas Leriche ; j’ai préféré son interprétation à celle d’Aurélie Dupont, sans doute plus sûre dans sa technique, mais qui n’a pas – ou n’avait pas il y a quatre ans - ce registre «  drame » à ses cordes. Le pas de deux final  entre Aminta et Sylvia est tout simplement déchirant ; on est là, impuissant, à regarder deux êtres faits l’un pour l’autre se séparer pour toujours… la jeunesse passée est enfuie, la solitude, glacée, se referme sur Aminta… il n’y a plus de retour possible, et pourtant, l’amour palpable, tisse un fil invisible entre ces deux êtres… Nicolas et Eléonora dansent ces deux personnages d’une façon attachante mais surtout poignante… parce qu’ils le font  tous deux de toute leur âme…

Ce qui fait qu’on ferme les yeux sans soucis sur les deux ou trois imperfections techniques d’Eleonora – comme ses sauts de chat à l’italienne qu’elle ne réussit pas très bien – tant le reste est émouvant au-delà des mots

Car c’est son point fort : transmettre directement ses émotions au spectateur, et faire que celui-ci ressenteivan le terrible 1 comme par empathie tout ce qu’elle traverse sur la scène

Enfin, deux mots sur son Isabelle dans Hurlevent – une fois encore dansé aux  côtés de Nicolas Leriche

Dans la chorégraphie de Belarbi, Isabelle dans à un moment donné les deux pieds noués par son collant, pendant que Heathcliff la maltraite

Eleonora réussit ce tour de force prodigieux qu’on la plaint, qu’on a une immense compassion pour elle, mais en plus, qu’on comprend l’amour qu’elle voue à Heathcliff… et qu’elle est prête, après avoir renoncé à sa vie dorée dans son manoir, à mourir pour cet amour…

Je ne serai pas triste du tout qu’elle ne devienne jamais étoile, tant qu’elle sera distribuée de façon intelligente dans des rôles qui lui vont à merveille et qu’elle danse avec passion

Je préfère continuer à la voir première danseuse talentueuse, qu’étoile qui ne fait pas face…

Quoi qu'il en soit, peu importe les titres. L’opéra a dans cette danseuse un vrai trésor dont, j’espère il prendra soin…

En 2002, lors d’un reportage sur  «  l’école des étoiles » elle se disait non prête à assumer le titre…

Puis elle est partie en 2009 pour un congé sabbatique d’une année, elle m’a manquée ainsi qu’à nombre de balletomanes…

Je suis ravie de son retour à l’opéra et  je me réjouis de la voir donner à ses rôles son âme tout entière.

 

valbeck 29/12/2010

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