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Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

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31 décembre 2013 2 31 /12 /décembre /2013 11:17

Le Parc – Prejlocaj

 Isabelle-Parc.JPG

 

Belle surprise que ce Parc qui ne m’avait pas convaincue en DVD et que j’ai véritablement découvert le 28 décembre dans la très belle distribution de cette matinée, avec Ciaravola/Bullion. Je ne m’attendais pas à tant de nuances de sentiments, de contrastes, et d’humour aussi.

Prejlocaj a pris le parti d’illustrer à la fois les Précieuses de la fin du 17ème siècle, et la société libertine de la fin du 18ème.

On est à mi chemin entre Roxanne et Marivaux, entre  la Princesse de Clèves et Beaumarchais.

 

Dans le premier acte, les Précieuses-Libertines, costumées comme des garçons,  revendiquent leur égalité dans le jeu du marivaudage : je t’approche, je te fais de l’œil, mais je reste la maîtresse du jeu ! Pas question de céder !

Il faut voir comme la troupe de l’opéra de Paris s’en donne à cœur joie pour installer ses chaises. On s’approche, on s’observe, on recule, on se séduit, on se dérobe, on se moque, on pouffe, puis on revient joyeusement à la charge ; le point culminant de cet acte est lorsque le jeu tourne aux chaises musicales,  qui est comme un clin d’œil à  celui de l’Amadeus de Milos Forman. Mozart aimait aussi le marivaudage, comme en témoignent certains documents, et ses soirées étaient parfois fort libertines…  peut être le choix de la musique vient-elle de là…

Dans ce climat où filles et garçons jouent à «  attrape moi si tu peux » un couple se rencontre. Le jeu cesse, l’amour s’impose. Mais va-t-on écouter son cœur ? Il y a tant de questions qui se posent : que faire de cet amour, comment le vivre, est-il possible de s’y abandonner, de lui faire confiance ?

Ciaravola et Bullion donnent beaucoup de gravité et de détresse au milieu de la joyeuse troupe qui s’amuse et batifole. Lui se rappele que l’amour fait surtout souffrir, et les anciennes blessures animent sa danse ; il ne peut ouvrir son cœur, et les cabrioles de joie où s’anime un cœur amoureux,  s’achèvent par des pas qui s’esquivent ; impossible se déclarer. Face à lui qui hésite, comment pourrait-elle s’abandonner ?  La peur est là aussi, de se perdre, peut être, d’être trahie, ou trompée. Entre ces deux là, le jeu a cessé. Isabelle donne à cette femme une fragilité extrême, une grande beauté, et une gracilité empreinte de noblesse. Bullion donne sa grande sensibilité et profondeur à ce personnage.

 

Le début de l’acte suivant  exprime en quelques minutes toute la poésie d’un groupe de femmes en grande toilette fleurie, qui étouffent sous la chaleur de la fin d’un après midi d’été. Et cette fois ci, on pense à la sieste d’Autant en emporte le vent, lorsque les demoiselles ont défait jupe et panier pour dormir dans la chaleur du Sud, tandis que Scarlett, elle, ne se déshabille pas : elle veut dire son amour à son cousin et part à sa recherche dans la maison, toute enrubannée de frou-frous et de rubans verts. Après quelques évanouissements et beaucoup de rire, jupes et paniers sont abandonnés et il ne reste que le corset et la chemise.

 

Le-Parc-0002.jpg                       Photo Michel Lidvac

 

 

La belle jeune femme arrive, dans son immense robe rouge : la passion qui couve, mais les mètres de tissus et le large panier permettent une protection : l’amour est mis à distance  et la jeune femme se protège dans sa robe-abri. Tandis que les autres jeunes femmes   s’adonnent à quelques caresses et baisers sous la frondaison des arbres  après avoir couru en tous sens  dans le parc, poursuivies par les garçons et sans céder trop vite,  la jeune femme et le garçon hésitent.

A la fin de l’acte, la jeune femme ne cède pas, elle porte toujours sa jupe et son corset, et bien qu’elle soit submergée par son amour, et prête à céder, elle questionne le jeune homme. Ciaravola est  toute en fragilité  face Bullion tout en blessures ; il n’est pas un de ses libertins aguerris, beau parleur, prêt à tout pour arriver à son but.  Il est maladroit, emprunté, un peu gauche, peu sûr de lui,  et tout empli d’une sensibilité qui lui retire l’audace et la bravoure.  On est face à deux êtres que la vie a blessés.  Il est surprenant de voir comme ces deux artistes règlent leur duo comme le feraient deux acteurs ; sans mot, on peut pour ainsi dire suivre leur dialogue, et toute la nuance de leurs sentiments, de leurs questions, et même de ce qu’ils ne se disent pas, de ce qu’ils ne s’avouent pas. Les regards, les expressions du visage, les gestes les plus humbles expriment toute une palette de sentiments et d’émotions. C’est tout en finesse, en sensibilité, en retenue et d’une profondeur presque vertigineuse.

 

Dans le troisième acte, la nuit est tombée ; c’est sous un ciel plein d’étoiles que triomphent les libertins sur les jeunes filles qui ont cédé et le regrettent.  Plus de pantalons, plus d’égalité,  plus de robes fleuries non plus, les fleurs sont fanées ; plus de corsets féminins, mais des jupons de tulle noir, des jupes de deuil, dont tout à l’heure, elles revêtiront leur visage et où elles cacheront leurs larmes. L’amour  est consumé/consommé : c’est le temps des larmes, de la désillusion. Les garçons les emportent sans plus de manière, en les hissant sur leurs épaules comme des sacs. Adieu joyeux marivaudage !

Cette petite tragédie qui laisse les libertins tout bondissants s’achève  sur l’ultime face à face où l’amour véritable triomphera – au moins pour ce soir là – entre la jeune femme en rouge, et le garçon au gilet à  fleurs. Les jardiniers retirent l’un après l’autre les vêtements de la jeune femme ;  elle baisse ses armes : c’est une mise à nu de l’âme. Face à elle, le garçon se met à nu aussi.

Prejlocaj fait triompher après les jeux et les larmes un amour sincère, profond, qui tourbillonne. Ciaravola et Bullion ont su donner des accents de sincérité et de candeur désarmantes à ce dernier pas de deux… on se prend à espérer qu’ils seront heureux ensemble, et que cet envol est aussi celui de leurs âmes réunies…

 

Côté danseurs, je les salue ici tous avec enthousiasme, et notamment Yann Saiz – des dons de comique que je ne lui soupçonnais pas - et la si gracieuse Galloni ! Mais tous excellaient à commencer par :

Les-jardiniers.JPGLes quatre jardiniers  - Valastro, Bodet, Couver, Gaillard - étaient réglés comme du papier à musique !

Le reste de la troupe a créé une connivence entre eux fantastique pour le plus grand bonheur de nos yeux émerveillés ! –

Les demoiselles: Bance, Granier, Kamionka, Laffon, Robert, Westermann, Hilaire, Galloni 

Les Messieurs :   Charlot, Renaud, Saïz, Bertaud, Demol, Gasse, Leroux.

 

corps-ballet.JPG

 

  la troupe, parfaite!

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