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Noureev

 

Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

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24 décembre 2011 6 24 /12 /décembre /2011 09:51

OnéguineProgramme

 

Comme j'ai eu la chance de le revoir le lendemain, voici un second compte rendu posté sur le forum danser en france

 

Compte rendu du mardi 21 décembre

 

Tatiana : Isabelle Ciaravolla

Onéguine : Mathieu Ganio

Lenski : Florent Magnenet

Olga : Muriel Zusperreguy

 

 

Une soirée toute différente de la première, et artistiquement plus aboutie, grâce à l’harmonie exceptionnelle du couple principal. Le ballet y gagne surtout en sensibilité, en finesse d’émotion. Voir Isabelle dans le rôle de Tatiana m’a encore plus fait regretter de l’avoir manquée en Marguerite il y a deux ans, du fait de sa blessure…

 

Comme je l’écrivais plus haut, le couple Lenski/Olga, est charmant, mais sans épaisseur ;  au final, celui incarné par Froustey/Revillion malgré les imperfections techniques de ce dernier est plus vivant. J’aurais aimé voir le Lenski de Hoffalt, au côté de Froustey ou celui de Heymann. Son Mercutio était tellement vif-argent, qu’il donne peut-être au rôle cette fraîcheur qu’on a à 20 ans, absente chez Magnenet.

Olga  trop sage, trop posée, pas assez vive, a donc pour amoureux un Lenski-poète qui manque de poésie, de candeur, de jeunesse… difficile de croire qu’il a 20 ans et qu’il est amoureux d’Olga car cet être est un peu imbu de lui-même. Pendant le bal où Onéguine danse avec Olga, sa colère naît de son amour-propre blessé et non du chagrin que lui cause sa fiancée. Fierté de mâle sur le territoire duquel on marche et non de l’amoureux dont le cœur se brise…

 

Mais revenons au couple principal… même quand elle est simplement debout en scène sans danser, on sent précisément une extrême jeunesse et une inexpérience de la vie chez Tatiana   qu’elle ne   connaît que par ses livres ; elle est très douce – différente en cela de Osta, au caractère déjà affirmé – et l’arrivée d’Onéguine l’effraye presque ; elle lui donne le bras avec pudeur, toute rougissante. On l’aime d’emblée !

 

Onéguine, quant à lui, est romantique à souhait ; il est dans ce premier acte terriblement attachant lui aussi.  Ce jeune homme «  dans la lune » n’est pas fait du tout pour ce monde. La belle éducation qu’il a reçue lui permet de faire ce qu’il faut en société, mais comme un pantin. Il fait mine de s’intéresser à ce qu’on lui montre, à ce qui l’entoure, mais le cœur n’y est pas. Lors du premier pas de deux de l’acte 1,  Mathieu Ganio  danse avec Tatiana pour être aimable, mais sans plus ; il la trouve mignonne. Mais son monde intérieur le happe ;  il porte la main à son front, oublie aussitôt où il est pour retrouver la détresse et la souffrance qui le tourmentent.  Cet être écorché vif met les larmes aux yeux, d’autant plus qu’à ses côtés, se tient une Tatiana toute en retenue et d’une infinie douceur. Ce couple est attachant au de là des mots.

Il est impossible de décrire ici la beauté de leur pas de deux. Tout respire, chaque geste a un sens, c’est plein de poésie, d’émotion, de sensibilité… la danse est moelleuse, précise, lyrique, habitée… un moment de grâce… Qui se poursuit tout autant dans la chambre de Tatiana lorsqu’elle écrit sa lettre. Ganio sort du miroir, et l’amour explose… c’est magique !

Dans l’acte 2, Onéguine pris au piège chez les Larine devient odieux. Il va prendre plaisir, tel Méphistophélès à semer la zizanie ce qui rend Lenski   brutal, violent, coléreux ; la gifle qu’il donne à Onéguine ramène aussitôt celui-ci au cœur des réalités : il se rend compte de ce qu’il vient de faire  et essaie de réparer ses torts. Mais l’autre en face ne décolère pas. Olga l’a humilié, il demande réparation. La douce Tatiana fait ce qu’elle peut pour apaiser tout le monde, sans y parvenir. Sitôt Lenski mort, Onéguine pleure comme un enfant ; ce duel qu’il a vainement essayé d’empêcher mais qu’il a involontairement provoqué– et c’était très vivant entre Magnenet et Ganio !- ne fait qu’ajouter à sa détresse intérieure.

À l’acte 3, transformation de la belle Isabelle qui est devenue une femme de grande classe ; enfuie, la petite Tatiana rougissante et timide ; elle est mariée à un homme qu’elle respecte, mais sans passion. Autant Osta aimait son mari, autant  Ciaravolla  a   de l’affection pour un être gentil comme seul sait l’être Duquenne/ Grémine en scène, mais ce n’est pas de l’amour. Elle croise Onéguine et là aussi, contrairement à Osta, elle ne tourne pas la tête pour le regarder en coin, elle esquisse le geste, mais se reprend.

Dans ce monde du paraître, elle est maître de ses émotions. En quelques pas, Ciaravolla exprime tout le cheminement intérieur qui s’est produit dans cette femme. Les luttes qu’elle a dû mener, et l’acceptation finale de sa situation.

 

En revanche, dès qu’elle est dans son boudoir, tout explose ; la lettre qu’elle vient de recevoir la met dans tous ses états ; elle ne sait plus quoi faire, et l’aide qu’elle implore auprès de son mari, de ne pas la laisser seule, surprend presque celui-ci tout heureux de l’affection qu’il croit qu’elle lui porte soudainement.

Le pas de deux final était simplement sublime. Onéguine n’est que regret, amour, tristesse du temps qui s’est enfui, de cet amour qu’il n’a pas pu vivre ; Tatiana oscille entre le désir de s’abandonner, et la souffrance qu’il lui est resté dans le cœur. Mais elle déchire la lettre uniquement par devoir, car elle sait que revenir en arrière  ne la conduirait qu’au malheur.

 

Comme je l’écrivais hier, les deux artistes ont reçu une magnifique ovation, tellement méritée !

A mes côtés, il y avait toute une petite famille, fille et garçon d’environs 16 et 12 ans avec leurs parents.  Pendant les deux premiers actes, ça papotait, gesticulait, riait un peu, mais fort gentiment. Au troisième acte, toute la famille avait les yeux rivés sur la scène. D’ailleurs, dans la salle, on entendait une mouche voler !

 

Je suis vraiment heureuse d’avoir vu cette distribution ; la précédente était magnifique aussi, mais celle-ci, de par l’entente du couple principale, a mené tout Garnier directement dans les étoiles…on se prend d’une telle affection pour ce couple qu’on suit toute leur histoire avec une grande empathie… beau cadeau de Noël !!! Merci à eux !

 

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si j'ai le temps, je consacrerai un article à cette oeuvre, au roman, et aux interprêtes que j'ai pu y voir

 

Je concluerai juste en écrivant que pour la première fois depuis des années, j'ai  vu un couple bouleversant comme autrefois Guillem/Hilaire, par exemple....  on reste alors sans voix


Je complète mon article aujourd'hui, parce que je lis deci, delà, ces choses avec lesquelles je ne suis absolument pas d'accord

 

1) L'Onéguine de Mathieu Ganio trop gentil?

 

Mais les balletomanes n'ont qu'à lire le roman : Onéguine n'est pas un méchant, mais un enfant de son siècle, rongé de spleen. En cela, Pouchkine se réfère beaucoup à Childe Harold, un personnage de Byron qui engendra une longue lignée de descendants littéraires, tous atteints du même mal : non, pas la tuberculose( quoique) mais le mal de vivre


2) C'est Cranko qui a voulu que Onéguine soit méchant


encore faux! Cranko voulait voir la personnalité des danseurs sur scène quitte à changer la chorégraphie; Reid Anderson l'explique très bien dans une interwiew, où il dit que le danseur doit se couler dans le rôle en gardant ses propres émotions, sa personnalité; c'est donc bien le cas avec Mathieu Ganio

Son Onéguine est aussi  capable de devenir odieux, mais on sent effectivement une âme douce; dans le roman il est lassé de la vie, et quand il rend sa lettre avec Tatiana, c'est pour la protéger de lui même, mais dès le début, il l'a remarque puisqu'il dit même à Lenski qu'il aurait dû choisir Tatiana au lieu d' Olga

Pouchkine s'amuse même à ébaucher le portrait d'Olga, puis nous dit " allez, c'est sans interet, un portrait comme celui là vous en trouverez à la pelle dans tous les romans! je passe à Tatiana!"

 

3) j'étais tombée sous le charme de Mathieu Ganio dans la Sylphide, il y a une dizaine d'année; il dansait avec Ciaravola et c'était sublime!

ensuite, je l'ai  vu dans :

- Caligula ( à deux reprises, espacées par quelques années)

- Drosselmeyer ( il m'a ému aux larmes, avec cette capacité à s'abandonner complètement sur scène!)

- suite en blanc

- Roméeo

- Onéguine

 

Sa danse s'affirme, elle gagne en maturité. Sa technique, superbe, - il a un placement mangnifique, des lignes longues, un moelleux naturel - lui permet ainsi de servir au mieux ses personnages qui peu à peu, prennent de l'ampleur, de l'intensité

La sensibilité de Ganio est splendide; quand on le voit sur scène, on ne voit pas un danseur, mais un artiste,  tout simplement!

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