Voilà, j'ai assisté à la rencontre de cette après midi qui a eu lieu dans l'amphithéâtre de l'opéra Bastille.
il y a bien longtemps que je n'en avais pas vue, car je n'arrive d'habitude pas à avoir de place...
Ces rencontres sont toujours magiques!
m'y voilà donc, ravie d'avoir réussie à quitter ma banlieue malgré l'affreux temps et le vent glacé...
pour les distributions de cet Orphée et Eurydice qui sera donc donné dès le 17 février ce sera donc
Stéphane Bullion/ Nicholas Paul en alternance - Orphée
M A Gillot/ Alice Renavand - Eurydice
Zusperreguy/ Ranson - Amour
C'est Dominique Mercy lui même qui a animé cette rencontre avec S Bullion et N Paul. Dominique est le danseur fétiche de Pina; vous trouverez quelques videos de lui sur youtube ou éclate son talent et son sens du théâtre... il y est super expressif, presque " excessif" mais ça passe! C’est lui-même qui a dansé le rôle à sa création. Il l’a co-créé avec Pina, car, explique-t-il, c’était très ouvert avec elle ; elle proposait, nous aussi, et on en venait à trouver ensemble des pas, des mouvements qu’on avait encore jamais trouvés. On innovait
Il est vrai que cette forme de danse était profondément innovante dans ces années 1970.
Bullion et Paul étaient présents tous les deux et ils ont répété des solos des actes 3 et des actes 4
Dès le solo de l'acte " violence», Stéphane Bullion m'a profondément émue; vous savez, vous le sentez quand des milliers de frissons parcourent votre peau et que les larmes vous montent aux yeux!
C’était très très fort!
Pour sûr, il fera un magnifique Orphée
N Paul, dans un tout autre genre, plus lyrique, plus émotif, moins en retenu, a lui aussi de très belles qualités d'interprétation! Il est plus " tout feu tout flamme " dans ce rôle.. . J’espère qu'il conservera cet enthousiasme malgré les « Pina-illeries » de maître Dominique, car nous y voilà : Dominique Mercy m'a paru un maître de ballet curieux!!!
Il danse certes magnifiquement bien, et quand il montre le mouvement, on comprend ce qu'il faut faire, c'est évident, quand on n' est que spectateur! C’est beau, c’est fort, puissant, alors que le monsieur a déjà 60 ans. On sent que le style de Pina, c’est comme sa seconde nature.
En revanche, il ne sait pas expliquer!!!
Plusieurs fois, il s'est emberlificoté dans des explications avec " il faut faire AHHHH, et OHHHH et Voufffff!" en montrant, mais sans dire d'où partait le mouvement, sans détailler comment faire ce mouvement!
Alors que pour certaines choses, ça crevait les yeux : parfois il aurait suffi de dire " fais gauche droite gauche droite gauche et stop" - ou « ne piètine pas à la fin, arrête le mouvement sur un pas plus large » ou " le mouvement part du poignet mais détends tes doigts, allonge les" ou encore, " n'utilise pas la tête dans la marche, ne la mets pas en arrière et laisse la dans l'axe, c’est ton plexus qui dirige la marche" ou " la spirale est conduite par les bras et pas par le tronc, et ceux ci prolongent le mouvement même quand le tronc est arrivé à sa limite"
des choses qui, quand on danse crève les yeux, mais que lui ne voyait pas!
Ou plutôt si, il voyait mais il n'aidait guère les danseurs à trouver comment faire le mouvement!
Du coup, il faisait refaire, et refaire et refaire, mais sans les corrections qui permettent de changer, de modifier, de comprendre!
J’ai admiré la bonne volonté des deux danseurs qui faisaient tout leur possible pour épouser au mieux les moindres détails, et Dieu sait s'ils croulaient sous des milliers de détails de doigts, de tête, de bras, de cou, de pieds, de demi pointe, de buste, de regard, de courses, de mouvements .... Mais sans avoir vraiment des indications précises pour les réaliser...
Ce que l'on voyait, nous, en tant que spectateur, c'était que le danseur doit se couler dans un moule au millimètre près, il n’a absolument pas le droit de s'éloigner de la forme, très très précise, mais il n'est pas très aidé par les explications nébuleuses de Dominique! en fait, soit le danseur sait copier à la perfection, soit il se dépatouillle comme il peut!
On est loin de la vision d’un Cranko qui laisse la personnalité du danseur épouser la ligne de danse ; là, c’était l’inverse. Le danseur doit abandonner sa personnalité pour faire très précisément une forme qui existe d’une façon immuable.On comprend que comme Dominique a créé ce rôle et le transmet maintenant, il soit particulièrement attaché à la précision des pas, du style, puisque Pina n’est plus là, et que c’est lui qui a repris la direction du ballet ; par fidèlité, il ne laisse pas les danseurs s’éloigner de la ligne ; sans doute craint-il que peu à peu le style de Pina se déforme, et que peu à peu il disparaisse. Il est celui qui conserve sa mémoire. Et il transmet avec cette précision d’horloger…
En tous cas, j'ai beaucoup aimé voir ces deux garçons, chacun avec leur personnalité très différente, endosser ce rôle d'Orphée. Les deux sont pareillement attachants. Stéphane Bullion avec son immense sensibilité « sur le fil », toute en retenue, Nicholas Paul avec cet abandon, ce don de soi total…
Mais je me dis que c'est quand même drôlement ingrat! Quand un mouvement doit être fait au millimètre près, mais sans savoir comment!
Merci en tous cas à eux deux de s'être plié à cette répétition publique... exercice pas facile du tout!
et bravo!
ah oui, le public dans un élan a applaudi par un moment Nicholas
et là, regard furieux du Mercy, qui dit " ah, non, stop!!!!" ( et sans humour croyez moi!)
il aurait pu dire" ah, quel enthousiasme, c'est bien, mais vous savez nous sommes en plein travail"
là, il était évident qu'il fulminait de voir qu'on applaudissait quelque chose qui selon lui trahissait Pina....
je le comprends, Pina était une amie, et il a dansé auprès d'elle pendant plus de quarante ans ou presque
mais quand même!!!
cet enthousiasme, et bien, c'est un public qui est ému par Orphée, tout simplement.... donc par Pina!
encore bravo à Stéphane Bullion et à Nicholas Paul!