Et oui, j'aime Béjart!!! Et pourtant, mon amour pour lui n'est pas né le jour de notre rencontre! Je m'en souviens encore... je faisais de la danse classique depuis quelques temps et on m'avait offert un livre de danse où il y avait des photos du Sacre du Printemps... mon Dieu, ces corps trapus, dansant pieds plats ( sans pointes) en académique, ( justeaucorps et collants non seyants au lieu de tutus!) avec ces tresses noires mal peignées... cela représentait pour moi le comble de la laideur... en outre, j'étais très sensible aux propos des " grandes" dans les vestiaires de mon école de danse, qui savaient tout mieux que moi et qui disaient que " Non, Béjart, ce n'est pas de la danse, ça n'a pas de sens, les danseurs se roulent par terre!"
Bref... j'avais une image étriquée et fausse du chorégraphe. De plus, lors de ses apparitions à la télé, son expression, la puissance de son regard qui allait vous chercher jusque sur votre chaise, me faisait peur! Impossible de voir ces grands yeux bleus, ce profil d'aigle sans trembler... Béjart me semblait détenir une vérité étrange que je n'avais nulle envie de connaître.
A cette époque, Béjart était très médiatisé et dans les années qui suivirent, mon rejet se transforma en curiosité grâce à la télévision de l'époque. Je me souviens d'une soirée où je découvris, médusée, Bakhti, parmi d'autres oeuvres... et puis bien sûr des extraits de ses films avec Jorge Donn... il y eu la Flûte Enchantée, à la télé, toujours, instrument qui servait vraiment la culture dans ces lointaines années... bref, j'oubliais les propos des " grandes" et je commençais à voir par moi même et à avoir envie de découvrir ses oeuvres sur scène... chose impossible dans ma petite ville de Province...
Et puis vint enfin le jour de la recontre... ce fut un soir, en 1982, au théâtre du Chatelet, et ma perception de la danse devait s'en trouver changée à tout jamais. "Notre Faust" fut un choc électrique, complet, terrible, tel un coup de foudre amoureux ... non seulement pour l'oeuvre chorégraphique, mais surtout les danseurs de Béjart, Jorge Donn et Shonach Mirk en tête. Quant à la façon dont Béjart avait utilisé la musique! Inutile de dire que j'ai été littéralement clouée sur mon fauteuil par son audace, son sens musical, son écoute. C'est quelque chose d'immense chez lui qu'on ne remarque peut être pas immédiatement. Béjart aime la musique et la comprend d'instinct. C'est très puissant. C'est ce qui continue de me fasciner : la musique, la façon dont il l'entend, dont il la sculpte, dont il l'apprivoise, dont il la révèle... la si belle Messe en Si de Bach, mystique, froide, mystérieuse dialoguait fougueusement et spirituellement avec les tangos argentins violents, sensuels et déchaînés, et les deux oeuvres, au lieu de s'éclipser mutuellement, au lieu de se rejeter mutuellement, se renforçaient tout au contraire.... elles faisaient naître l'une avec l'autre une lumière unique. Aujourd'hui, cette lumière m' éclaire encore...
Il y eu d'autres créations, des rendez vous ratés où j'ai cru l'avoir perdu ( le concours, 1789) des rendez vous où je suis ressortie en larmes ( L'histoire du soldat, musique for the life) des rendez vous où je suis ressortie pleine de vie ( Brel et Barbara, Lumière)
Il y eu des découvertes de son passé : La Flûte Enchantée, Le Mandarin Merveilleux, l'Oiseau de feu, le Sacre du printemps, le Boléro, Rumi, Sept danses grecques, Héliogalabe...
Il y eu l'émerveillement de découvrir Guillem en Sissi, impératrice anarchique...
Il y eu la fascination de voir Jérémie Bélingard dans l'une de ses dernières créations qui s'appelle Phrase de Quatuor...
Bref... j'aime Béjart!
Je vous parlerai souvent de lui...
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