Quelques mots sur cette Belle au bois dormant vue en matinée le 21 décembre
Albisson, excellente technicienne, aux qualités de danse évidentes - superbe placement, ballon, jolis bras - a pour l'instant une personnalité artistique qui manque de maturité. Certes, elle n'a que 24 ans et une telle maîtrise technique a son âge est plutôt de bon augure. Il faut espérer qu'elle trouvera sur sa route des aînées pour l'aider à mûrir et comprendre ses rôles; sinon, l'opéra aura en elle une belle technicienne mais pas une artiste.
A ces côtés, Magnenet a eu quelques jolis moments ; mais il est resté sage tout du long, privilégiant une danse la plus propre possible à l'interprétation d'un personnage; sa ligne est belle, il a plus d’assurance qu’il y a quelques temps, il a du ballon, l’élévation des sauts est là, - c’était visible dans la variation de la Chasse, plutôt réussie - et les tours sont très agréables à l’œil.
Il est dommage que ses pieds semblent sans force, ce qui fait que l’énergie ne va jamais jusqu’au bout des mouvements. S’il était libéré de ce souci technique, - n'y a t'il donc personne à l'opéra pour le faire progresser sur ce point? - il pourrait sans doute artistiquement donner plus, car le potentiel est bien là. Il y a plus d’abandon dans sa danse qu’il y a quelques temps ; il a mûri.
Le ballet, heureusement, propose une multitude de petits rôles tous plus adorables les uns que les autres ce qui fait qu'on se console un peu d'un couple un peu décevant par rapport à l'histoire qu'ils doivent endosser et faire partager. Parlons en un peu en détail.
A commencer par Carabosse, à laquelle Sabrina Mallen qui porte magnifiquement bien le somptueux
costume noir et violet, pourrait donner encore plus de férocité ; face à elle, la poétique, douce mais libertaire fée des Lilas de Marie-Solène Boullet fait preuve d'une autorité naturelle.
Les fées, merveilleusement ensemble, n’ont pas toutes brillé de la même façon seules en scène ; la 3ème fée d' Emilie Hasboun était plus en retrait que les autres et pourtant, Emilie a étincelé dans les Pierres Précieuses, tout comme Laure Adélaide Boucaud et Fanny Gorse.
Cette même Fanny Gorse danse l’ingrate variation de la fée Violente (en rouge) avec ce qu’il faut de violence, précisément. Elle y montre un tempérament passionné et dose savament passion et élégance. Du grand art. Les arrêts brusques, les index tendus, les décalés du buste, le tempérement bouillonant de la fée est bien là, mais sa poésie aussi.
La jolie fée canari de Marion Barbeau, vive et mutine à souhait – ses bras pourraient être encore plus précis – et celles de Léonore Baulac ainsi que Jennifer Visocchi, adorables dans leurs pas de deux complétaient ce tableau des fées, auquel il manque la 6ème : Valentine Colosante. Sa danse manquait de moelleux et de douceur. Mais elle a remplacé au pied levé Laura Hecquet, ce qui peut expliquer cela. En outre, les manches ballons de son costume remontent trop quand elle lève les bras.
La première fée, Bourdon, danse une variation qui ne met pas en valeur ses qualités.
Catalabutte – Pascal Aubin – nous fait éprouver tour à tour le mépris dû aux faibles et la compassion pour ceux totalement dévoués à leur maître et près à tout pour les servir. La Reine - Christine Peltzer- pleine de douceur, d’amour et de pardon est flanquée d’un mollasson de mari, Florent Mélac, plus louis XVI que Louis XIV. Le pauvre homme ne sait jamais quoi faire, ni quelle décision prendre et reste souvent empoté pendant que les autres règlent les problèmes à sa place !
Les chevaliers du premier acte et les amies d’Aurore débordent de vie et d'enthousiasme.
A la fin du premier acte, on se prend de pitié pour les trois fileuses – Mélissa Patriarche, Chloé Reveillon et Alizée Sicre
Au second acte, les chasseresses et les chasseurs, costumés à la Watteau - 100 ans ont passé - évoluent sur fond de ruines. La végétation luxuriante a envahi les cintres – et dans ce décor de rêve, les Dryades évoluent avec légèreté, grâce, et poésie. Dommage que le jupon de leur tutu, soit un peu trop volumineux au niveau des hanches, réduisant de ce fait leur taille.
Pour le mariage, l’Or de Cyril Mitilian, aux belles lignes, à la danse moelleuse et sans raideur, et le Diamant de Aurélia Bellet illuminent la scène.
L’oiseau Bleu de Marc Moreau, un peu trop bondissant lors de son entrée, prend magnifiquement son envol par la suite !
Charline Giezendanner/Florine n'écoute pas vraiment l'Oiseau Bleu ; les petits sauts 4ème attitude sont décalés, les poignets manquent de préciosité. Ceci est largement compensé par son charisme.
Le duo Florine/Oiseau semble animé par un seul et même souffle : superbe !
Les deux chats minaudent, se câlinent et se taquinent– Lydie Vareiles et Axel Ibot – pour le plus grand plaisir du public.
La polonaise et le finale sont enlevés avec bonne humeur et enthousiasme.
Pendant les saluts, mon regard était toujours ramené vers Charline, tellement radieuse et lumineuse !
Aurore était plutôt un crépuscule….
Bref, un beau moment de danse, auquel il manquait cependant de l'émotion comme j'ai pu en voir lors de représentations passées. Je regrette un peu les artistes d'antan. Pontois, pour ne pas la nommer, merveilleuse princesse Aurore, Fanny Fiat, Céline Talon, Laurent Hilaire... Il m'a manqué la chaleur de ces représentations passées qu'on croit avoir oubliées mais qui hantent sitôt qu'on est confronté à quelque chose de très bien mais d'où l'émotion est absente.
Le mot de la fin :
Placée côté cuivres, il est impossible d’entendre les cordes et les bois qui semblent presque en décalage. C’est très déséquilibré ! Qu’est ce que l’orchestre sonne mal de ce côté ! Alors on entend très disctinctement les « poum, poum poum » du tuba et pas du tout les violons
C'était affreux surtout sur la variation d’Aurore au 3ème acte.
Les roses : pourquoi ces affreuses roses jaunes aux horribles pétales mollassons ?
Pourquoi Aurore ne jette t’elle plus les roses la seconde fois pour dire « non, je ne veux pas des prétendants que vous voulez m’imposer, c’est mon cœur qui choisira ? »
Et enfin, pourquoi des maquillages si sages ?
Où est le bout noir du museau des chats et leurs moustaches? Les maquillages sont tellement sages que même placé très près, c’est terriblement fade. Au fond du second balcon, on ne doit rien voir du tout!
Enfin, bravo à tous les artistes qui semblaient heureux sur scène !
Et rendez vous le 4 janvier pour la Belle avec Heymann/Ould Braham !!! J'espère que l'émotion sera au rendez vous!