Nosferatu a un parfum bien à lui que je garderai longtemps en mémoire. Oh, rien à voir avec une histoire de vampire qu'on nous raconterait pour nous terroriser, non.
Ce n'est pas narratif, mais il se dégage de cette oeuvre une atmosphère pesante, sombre, où pourtant des moments de pure poésie scintillent tout à coup, comme une arrivée d'air frais au milieu de toute cette noirceur. Dans toute cette obscurité, la chevelure de Juliette Gernez sera comme un rayon de soleil, les bras d'Alice Renavand, deux serpents de lumière, la peau de Mitéki Kudo scintille comme sous un clair de lune...
Le décor, réduit, présente dans les cintres une sorte de grand puits d'où vient la lumière, souvent grise, parfois orangée.
La scène est encadrée par de grands piliers de béton. On imagine dans les coulisses la prolongation du décor dévoilé sur scène : des corridors sans fin, peuplés d'êtres d'un monde sans lumière.
C'est dans ce no man's land souterrain qu'ont lieu ces étranges rencontres. La vampirisation n'est qu'un "signe" de reconnaissance, une appartenance à un clan... comme la " famille" du film " le Survivant" d'après une nouvelle de Matheson...
Les danseurs ont d'abord travaillé dans le silence avant de travailler en musique. On le sent à cette pulsation interne et collective qui anime la danse d'une façon assez organique, comme si tous ces corps n'appartenaient qu'à un seul être aux multiples incarnations.
La musique, la danse et la scène peu éclairée obligent a un état d'éveil : les yeux doivent s'habituer à la pénombre, l'esprit, a une mise en scène qui n'est pas linéaire. Les oreilles doivent accepter l' absence de thématique musicale : rien ne peut donc être relié dans la mémoire. Il n'y aura pas "d'affect", au sens romantique du terme. Nosfératu est un ballet qui refuse l'effet.
Les corps se tendent, s'agitent, sont frénétiques, enchainent des figures à une vitesse hallucinante, puis c'est le repos, le temps suspendu, le temps d'un duo où tout s'arrête. Les duos, sans être très innovants sur le plan chorégraphiques, sont des moments où le spectateur peut poser son regard, rêver un peu, quitter le monde brut et frénétique de ces rencontres sans logique.
On ne peut que saluer le magnifique travail de rythme des danseurs!
Nosferatu est le genre d'oeuvre qui laisse le spectateur dans un état étrange sans que l'on sache à quoi on a assisté
un peu comme le grand Meaulne quand je le lisais : impossible à chaque fois de me rappeler l'histoire, mais bien l'état dans le quel le livre m'avait plongée
C'est sombre, comme par une nuit sans lune, et pourtant quelque chose se trame et s'incarne sous nos yeux, sans qu'on puisse soulever un coin du voile...
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