Quand en 1891 Oscar Wilde écrit en français sa pièce de théâtre en un acte "Salomé", le thème est déjà très à la mode. Avant lui, Heine, dans Atta troll, Swinburne, Mallarmé, Banville, Laforgue, se sont déjà largement inspirés du thème. Wilde cependant innove. Il retient l'idée déjà exprimée avant lui d'une Salomé qui découvre un désir violent pour Jean Baptiste qui la repousse dans sa prison :
Extrait de la pièce de Wilde :
" Iokanaan! Je suis amoureuse de ton corps, ton corps est blanc comme le lis d'un pré que le faucheur n'a jamais fauché! Ton corps est blanc comme les neiges qui couchent sur les montagnes de Judée! (...) il n'y a rien d'aussi blanc que ton corps! Laisse moi toucher ton corps!
- Arrière, fille de Babylone! C'est par la femme que le mal est entré dans le monde! Ne me parlez pas. Je ne veux pas t'écouter! Je n'écoute ques les paroles du seigneur!"
On voit que le langage de Salomé rappelle beaucoup celui de des Cantiques des cantiques, dans l'Ancien Testament.
Mais Wilde rappelle par la bouche de Iokanaan ce qu'il en est de la femme à son époque.... c'est par elle que le mal est entré...
Salomé va t'elle se décourager?
Mais les sept voiles, alors?
Nous y voilà! Salomé n'est plus la douce jeune fille obéissante, qui sur l'injonction de sa mère, doit séduire Hérode. C'est elle même qui décide de danser, car son désir pour Baptiste l'a embrasée toute entière. Et elle dansera, malgré l'interdiction d'Hérodiade, sa mère. Elle demandera à ce qu'on lui amène les sept voiles. C'est la première fois que cet accessoire apparaît. Salammbô, la soeur de Salomé suivant les propres termes de Wilde, l'a sûrement inspiré, notamment le chapitre intitulé " le Voile de Tanit"
Je ne me lancerai pas dans une explication psychanalitique, des centaines d'auteurs l'ont déjà fait, chacun y allant de sa projection personnelle... de son fantasme personnel. Je préfère vous livrer quelques dialogues....
Extrait :
Salomé : vous avez juré, Tétrarque!
Hérode : Et je n'ai jamais manqué à ma parole! (...) et bien Salomé, qu'attendez vous?
Salomé : J'attends que mes esclaves m'apportent des parfums et les sept voiles et m'otent mes sandales.
Hérode : Ah! vous allez danser pieds nus! c'est bien, c'est bien! (...) ah non, elle va danser dans le sang! il y a du sang par terre!
Hérodias: qu'est ce que cela vous fait qu'elle danse dans le sang? Vous avez bien marché dedans, vous!
(...)
Salomé : je suis prête!
Voilà l'intrigue. Il est étonnant de lire les critiques de l'époque et de constater qeu cette pièce suscita autant l'admiration que la critique violente. Loti aimait beaucoup l'oeuvre.
Salomé danse pour obtenir la tête de Jean Baptiste, qu'elle portera dans un long plat d'argent, comme l'Hérodiade de Heine ( il y a eu confusion entre Hérodiade et sa fille mais l'explication est aisée, puisque le nom de Salomé ne figure nulle part comme lié à la mort de Jean Baptiste). Et elle l'embrasse. De dégoût, Hérode la fait écraser par ses soldats sous leur bouclier.
C'est la fin de la pièce et la mort de Salomé, horrible, éclipse du coup celle de Jean.
En 1905, Strauss demandera à son ami Romain Rolland si l'oeuvre est écrite dans un bon français car il veut en faire un opéra. Comme pour Elektra, l'opéra sera en un acte. Il écrira une partition pour la fameuse danse des sept voiles, qui est une musique étrange, inquiètante et violente. Les mises en scène qui se succéderont insisteront plus ou moins lourdement sur cette danse des sept voiles, jusqu'à mettre dans les années 1970 Anja Silva en resille, soutien gorge et porte jaretelle... la lecture des pièces inspirent lourdement les metteurs en scène masculins....
Après le scandale de l'opéra ( interdit a Vienne, entre autre) le thème de Salomé continua d'inspirer beaucoup. On dit que trois mille poèmes circulaient encore en 1900.
Un mot avant de clore pour aujourd'hui sur les illustrations de la pièce de Wilde. Lorsque celle ci fut publiée en anglais en 1894, trois ans avant le Dracula de Storker, un autre damné, Wilde choisit un jeune auteur du nom de Aubrey Beardsley. Mais il le regretta amèrement :
Voici ce qu'écrira Wilde à ce propos : " Ma Salomé est une mystique, une soeur de Salammbô, une sainte Thérèse qui adore la lune (...) Les illustrations ressemblent aux griffonnages impretinents faits par un écolier précoce dans les marges de ses cahiers. "
Malheureusement pour Salomé, ces illustrations sont liées aujourd'hui à elle et à la pièce...
A lire aussi sur ce blog:
Salomé : de l'histoire au mythe
a venir sur ce blog:
extraits d'oeuvre
Salomé, Salammbô,Ishtar...
N'hésitez pas à m'écrire ou a poster sur cet article si le thème vous inspire!!!!