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  • : Un jour, une œuvre
  • : Créé en 2006, ce blog rédigé par Valérie Beck autrefois consacré à la danse et à ma compagnie se diversifie davantage.
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Noureev

 

Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

marie-taglioni-in-zephire.jpg

16 mai 2012 3 16 /05 /mai /2012 09:45

 

Je suis perplexe face à la nouvelle saison "ballet"  2012-2013 qui s’annonce à l’opéra de Paris

La précédente offrait deux ballets néo-classiques (Onéguine et Manon), deux « Noureev » (Bayadère et Cendrillon), un ballet « classique » relégué en fin de saison (la fille mal gardée) et une création qui a fait parler beaucoup d’elle : La Source du danseur étoile JG Bart

A côté de ses œuvres « narratives » des ballets plus abstraits tel  le Phèdre de Lifar, l’Orphée  et Eurydice de Pina Bausch et le très dépouillé Roméo et Juliette de Sasha Waltz (chorégraphe contemporaine)

Pour compléter le tout, une soirée Robbins/ Mats Ek (avec dance at gathering et appartement) une compagnie invitée dans un répertoire romantique (Royal ballet du Danemark avec Napoli) et le Tokyo ballet dans une œuvre de Béjart ( Kabuki)

Il était encore assez facile de trouver son bonheur, même si de part sa programmation, les spectateurs ont pu constater un grand « trou » de deux mois et demi entre le dernier Onéguine, et la première de Mats Ek qui tombait à peu près en même temps que Bayadère :  

 

Mais cette saison, B Lefèvre révèle à quel point elle n'aime pas " le ballet" D'ailleurs, je conseille à l'opéra de paris de cesser de mettre l'onglet ballet sur son site : comme c'est ringard! il faut mettre danse!

Cette directrice  déclare pourtant « que cette année fête le bicentenaire de l’opéra, et qu’il y aura beaucoup de choses variées » Son sens de la fête, tout relatif, doit enchanter le théâtre de la ville et drainera sans doute une partie de ce public vers l’amphithéâtre…

 

Voici la saison :

En danse contemporaine : Trisha Brown, Cherkaoui, Merce Cunningham, Prejlocaj (avec son hideux hélicopter et son infâme Eldorado) et une création de MA Gillot « sous apparence »

À leur côté les néo classiques Kylian et Forsythe et Balanchine

 

Pour compléter le tout,  un Neumeier avec sa 3ème symphonie et non un de ses ballets narratifs

Histoire de dire qu’on ne l’oublie pas, une soirée Petit,   avec le Loup, Rendez vous et Carmen,

Histoire de dire qu’il est passé par là, un seul «  Noureev » avec Don quichotte

La reprise de Signe de Carlson

Et relégué au début de l’été 2013, la Sylphide de Lacotte

 

En fait, presque toutes ces œuvres me plaisent à des degrés divers et variés, mais mises bout à bout dans une même saison, bigre !

L’opéra de fera pas trop de dépense côté décors et costumes !

 

Pour que la saison soit plus équilibrée, il aurait fallu un autre grand classique – la belle au bois dormant par exemple que l’on n’a pas vu depuis plusieurs années ! – il aurait aussi fallu que la Sylphide, ce chef-d'œuvre romantique ait été donné plus tôt dans la saison

Et puis, il manque comme l’an passé un ballet narratif comme ceux de Mc Millan, ou Neumeier, ou Cranko, ou l’un des leurs…

 

Où est l’intérêt de reprogrammer pour la troisième fois dans un laps de temps court O Slozony ? Ou Signes ? Ou encore Rendez vous ?

 

Noureev disait qu’il fallait «  nourrir » les danseurs. Je trouve cette nourriture bien « light »; elle me laisse sur ma faim et elle laissera sans doute les danseurs sur la leur

 

Lefèvre déclarait « les danseuses veulent toutes faire Carmen »

Comme on les comprend : c’est la seule héroïne à interpréter cette année, à part la Sylphide ou Kitri qui est « à part »

 

 

Mais détaillons un peu

 

La saison s’ouvre avec Balanchine  (Agon, sérénade, le fils prodigue) - Bon, pourquoi pas ? Je n’ai jamais vraiment été emballée par ce chorégraphe abstrait ; en général, au bout de vingt minutes, je commence à m’ennuyer ; bien sûr, il y a toujours des soirées servies par des interprètes exceptionnels, qui transforment le temps lui-même,  mais voir toute une soirée où le sujet de l’œuvre est la danse elle-même dans tout son dépouillement… je ne prendrais des places que s’il en reste des pas trop chères, une fois la distribution connue ! L’Apollon musagète d’il y a une ou deux saisons m’a laissé un sentiment très mitigé – Et même le Palais de cristal ou Joyaux ne m’ont pas laissé des souvenirs impérissalbes.

 

Ensuite, aie ! Cunningham/ Gillot

Cunningham, disons le, me barbe profondément ! Pourtant le bonhomme était sympathique comme tout !

Déjà que j’aurai dû me passer de danse « narrative » en septembre, me plonger dans cet univers cérébralement intéressant, mais visuellement rasoir !

C’est d’ailleurs amusant ; pour avoir travaillé avec quelques chorégraphes de la scène contemporaine actuelle (Philippe Ménard, Kubilai Khan investigation) j’ai fait le constat suivant : danser contemporain peut être grisant, mais voir le résultat ennuyeux comme tout !

 

Si je trouve des places pas trop chères ( 12 euros, quoi !) j’irai voir la création de Gillot et prévoirai un livre pendant le Cunnigham : je poserai là un acte créatif d’une très haute intensité. Mentalement, mon acte sera un acte de danse intégré à la soirée : la scène se prolongera jusque dans ma loge où sera la vraie vie, qui sera la vraie danse. Toute seule dans ma loge de côté, quatrième niveau, place à visibilité réduite, je m’intégrerais à la chorégraphie, créant un « happening » dans la mouvance   XX siècle  de l’art qui refuse les codes bourgeois, le beau, l’ordonné, et anonyme, je  participerai au spectacle, déplaçant ainsi le spectacle de la scène vers la salle ! Quel talent j’aurai alors ! Sans bouger, immobile – je poserai mentalement un acte de non-danse ; ce sera si puissant,  que Jérôme Bel me demandera de non créer avec lui  mon oeuvre à Avignon,  et la saison suivante, le théâtre de la ville m’invitera pour redonner ma non-danse qui s’intitulera « chaise pensante à six pieds »

J’aurai bien sûr pris soin d’enregistrer les toux de mes voisins ce soir-là et d’en faire un montage que la technique rendra ensuite aléatoire, pour que mon acte de non-danse sur ma chaise recrée la rencontre fortuite des hasards croises comme dans la vraie vie, car l’art, c’est de la vie fausse, chacun le sait

 

Il me faudra sans doute plusieurs semaines pour m’en remettre, mais ouf, Don Quichotte pointe son nez pour 26 représentations !

Bon !  Nous serons déjà en décembre !

 

Gageons que les pauvres danseurs qui n’auront rien dansé d’aussi technique depuis leur passage à New York cet été vont tous se blesser à qui mieux mieux, et ce sera à nouveau le jeu des chaises musicales, A remplace B blessé, qui remplaçait C blessé, qui remplaçait D blessé, etc… avec un peu de chance, je pourrai peut être dégoter une place pour Ganio/ Gilbert ?  Il m’étonnerait que Leriche reprenne le rôle de Basilio, et sur un rôle aussi technique, qui d’autre à part Ganio ? (Il a d’ailleurs été nommé sur ce rôle !) Je suis preneuse aussi de Pujol ou de Renavand en Kitri ! pour les garçons ???

 

Comme il y aura 26 représentations, des danseurs premiers danseurs ou sujets, seront peut être sur les rôles-titres.

Ce que j’aime dans ce ballet, c’est qu’il permet aussi de découvrir beaucoup de danseurs/seuses dans des rôles secondaires merveilleux : les deux amies, la reine des dryades, cupidon, la demoiselle d’honneur, le chef des gitans, et les rôles comiques aussi !

Sur youtube, traine une version avec Guillem/ Letestu/Osta absolument sublime dans l’acte du rêve de Don Quichotte !

Et j’ai encore le souvenir de Ciaravola  et Guillem en reine des dryades ! O Temps, suspends ton vol!!!!

 

Après retour vers l’abstrait avec Forsythe – que j’adore - et Trisha Brown

Bon, j’attendrais les distributions, car le Slozony m’avait émerveillée la première fois avec Dupont/legris/ Leriche

Revu par la suite avec d’autres interprètes, ce n’était plus du tout pareil ; toute la magie s’était enfuie

Idem pour Forsythe – Si Ciaravola danse In the middle, je serai là, sinon, et bien, je m’en passerai !

 

Je zapperai sans vergogne la compagnie Prejlocaj (dans Eldorado, les danseurs se roulent sur les tables pendant une heure….)  arte avait consacré toute une soirée à mettre en images les gros egos des deux artistes : Stockhausen et Prejlocaj; juste indigestes!

 

Je me débrouillerai pour prendre des places pour voir Ciaravola en Carmen ! Mais pourquoi ne pas avoir repris le Jeune Homme plutôt que rendez-vous, si longuet ? (Mis à part le pas de deux final !) Quand au Loup… je ne suis pas fan non plus…

 

J’attendrais les distributions pour Kaguyahine de Kylian  et la troisième symphonie ( Malher) de Neumeier !

 

Sauf si Leriche danse le Faune, je n’irai pas à la soirée «  fourre tout » où sont réunis Béjart/ Cherkaoui/ Robbins, Nijinsky  (l’oiseau de feu, le Faune, l’après-midi d’un faune, et la création de Cherkaoui sur Boléro) - Mon dernier Faune version Robbins avec Cozette m'a paru interminable!!!! On a déjà eu droit il y a dix ans au Faune ( Nijinsky) et Faune ( Robbins) et ça n'est pas une bonne idée... !

 

Viendra l’été : ce sera le moment de casser ma tire lire pour voir la Sylphide de Ganio/Ciaravola (en espérant qu’ils la redansent ensemble)  et le tonique Signes de Carlson (mais la aussi, en attendant les distributions, car revue la dernière fois sans Belarbi et sans Gillot, ce n’était plus aussi magique !)

 

Ce sera la fin de la saison…  

 

Ah, on devrait retrouver la belle Eleonora Abbagnato... !

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10 mai 2012 4 10 /05 /mai /2012 08:09

  Histoiredemanonprogramme.jpg

Dix ans après avoir vu Guillem/Hilaire/Romoli/Gillot, j’ai enfin revu Manon, de McMillan, d’après l’Abbé Prévost. Ce chorégraphe a l’art de narrer une histoire avec mille détails. ;  mieux que personne il donne de l’épaisseur à ses personnages qu’on suit dans leur méandre psychologique, dans leur questionnement, leur doute, leur choix, leurs émotions aussi facilement que si on lisait un livre. Les rôles secondaires tirent les ficelles, ce qui fait que tout le monde est important même si le ballet repose énormément sur les deux héros. Le plateau grouille de vie, car il y a toujours une intrigue, une confidence, un jeu quelque part sur scène pendant que d’autres dansent.

Ce qui parait blanc ne l’est pas, ce qui parait noir ne l’est pas non plus. Au final, on est face à des héros très humains, faits de grandeurs et d’une certaine bassesse aussi. Ainsi la pureté de Desgrieux se trouble-t-elle lorsqu’il triche aux cartes pour gagner de l’argent et récupérer Manon. Une autre facette surgit alors. Mais à la fin, c’est son courage et son amour qui l’emportent. Lescaut est un être somme toute assez abject mais il nous bouleverse par sa mort, dramatique, cruelle, injuste. Manon a plusieurs visages qui évoluent tour à tour au cours de l’histoire. Malgré son goût de l’argent, d’une vie facile, elle reste terriblement attachante : son amour pour Desgrieux est profond, sincère, même si elle fait d’autres choix : elle l’aime. Et cet amour entre les deux héros donne ce souffle unique à ce récit qui décrit les turpitudes  grandes ou petites des uns et des autres et les actes héroïques inattendus.L’univers de McMillan n’est jamais tendre ; sur scène, il y a trois morts et un viol. Cela rappelle un peu les ambiances «  shakespeariennes » qu’il affectionne.

Pour le langage chorégraphique, McMillan reste toujours très sobre ; il fait beaucoup avec peu. Ses pas de deux sont de véritables défis aux lois de l’équilibre. Les danseurs ont la redoutable tâche d’en gommer toute la virtuosité, toute la difficulté pour n’en montrer que l’émotion, le lyrisme, ou le drame.

Quand je lis ici et là, «  le rôle de Manon n’est pas technique », je me dis que les gens qui écrivent cela n’ont jamais dansé. Réaliser toutes les figures acrobatiques des pas deux en leur donnant la justesse de ton, la légèreté, la fluidité, tout en étant en parfait accord avec son partenaire – cela veut dire  lui faire totalement confiance – est un travail de très haut vol. D’ailleurs, notre chère Guillem a pris soin dans les bonus de On the edge, de montrer un  « raté » en répétition, sur un pas de deux de Manon. Ils sont vertigineux, et le pire c’est que le plus redoutable sur le plan technique et dramatique arrive à la toute fin du ballet, après deux heures de danse. Les artistes doivent donc puiser dans leurs dernières forces pour aller au bout sans faiblir.

 

J’avais le souvenir très net des interprétations de Hilaire/Guillem/Romoli et Gillot mais j’avais hâte de découvrir Ganio et Ciaravola qui m’avaient tellement bouleversée dans Onéguine cet hiver et que j’avais adoré dans la Sylphide il y a quelques années. Ils ont littéralement donné leur âme. Le corps de ballet et les autres personnages n’était pas en reste non plus. Mention spéciale à Monsieur de G M, l’excellent Eric Monin – on le dirait tout droit sorti du film de Tavernier «  que la fête commence ! » et à Hugo Viglioti en chef des mendiants. Yann Saiz fut très charismatique aussi et, tout comme son brahmane dans la Bayadère en avril, il a su rendre son Lescaut très ambigu et très attachant. Sa danse offrait beaucoup de présence, de puissance, et son ivresse était bien jouée aussi, sans en faire trop. Pas aussi comique que celle de Romoli vu dix ans plus tôt, mais bien sentie. Seul  le personnage de la maîtresse de Lescaut dansé par Daniel ne m’a pas emballée ; jolie à ravir, sensuelle, ravissante, cette danseuse n’a pas véritablement créé de lien avec Yann Saiz qui lui, en créait un avec elle. Je me rappelle la relation Romoli/Gillot, c’était toute autre chose. Deux vieux lascars s’entendant comme larrons en foire, ils avaient le choix de tirer l’interprétation du côté de la complicité  plutôt que de l’amour.

 

J’adore le premier acte, l’ambiance de la place qui grouille de vie, l’arrivée des calèches, la foule colorée qui emplit peu à peu l’espace. Le premier pas de deux entre Manon et Desgrieux fut tout simplement sublime : le mot qui me reste en tête est « pureté » ; il y a une telle osmose entre les deux artistes qu’ils n’en forment plus qu’un. Manon, charmée par la fraîcheur et l’ardeur de Desgrieux s’abandonne à ce pas de deux avec une joie toute simple qui transporte et nous fait véritablement revivre l’amour tel qu’on l’éprouve quand il nous « tombe » dessus. Le texte dit pudiquement que Manon est «  plus expérimentée » que Desgrieux, et que c’est sans doute à cause de son amour des plaisirs qu’on l’envoie au couvent.

Au début, le Desgrieux de Ganio est plein de grâce, d’élégance, et de cet élan du cœur, qui n’est pas encore la passion, mais cette attirance inévitable qui entraîne vers l’autre, sans même qu’on s’ en rende compte. Manon-Ciaravola l’observe, intriguée, puis se laisse à son tour charmer.

Dès le début les deux héros nous touchent, on les aime. J’ai été émue aux larmes par ce premier pas de deux. Il est si rare de trouver cette qualité artistique portée à ce point de perfection. Les qualités de danse et de cœur sont là, qui nous transportent entièrement.

Lorsqu’on les retrouve ensuite dans la chambre, on découvre une Manon heureuse, toute éperdue d’amour, en accord total avec le chevalier. Elle est primesautière, espiègle, toute à sa   passion et à son bonheur. La danse, fluide, donne l’illusion de la simplicité. «  Danser comme on respire » prend ici tout sons sens. L’irruption du frère accompagné de Monsieur de GM qui vient lui offrir une vie de luxe va donner une direction inattendue à l’histoire. Manon hésite, elle est vraiment à deux doigts de refuser mais finalement accepte le marché de son frère. Elle suit Monsieur de GM pour un manteau et un collier. Il faut souligner ici la justesse d’interprétation des trois personnages. Du grand art.

 

Dans le second acte, McMillan instaure une ambiance vraiment très particulière, à mi-chemin entre les liaisons dangereuses de Laclos – qui ne seront écrites que 60 ans plus tard - et le film de Tavernier « que la fête commence ».

Ciaravola a une conception personnelle de Manon. Pas facile de rendre attachante une fille qui aime les plaisirs, quitte son amant sans un mot pour une parure,  devient la maîtresse d’un homme de pouvoir, et entretient des liens ambigus avec un frère qui est une crapule. Seule une artiste de cœur, qui s’engage totalement dans son rôle et a le sens des nuances peut montrer que Manon est plus qu’une simple fille amoureuse des plaisirs de la vie et du luxe.  Ciaravola sait restituer tour à tour être une amoureuse sincère, une manipulatrice, une sœur pleine de tendresse, une amante, une jeune femme espiègle, mais aussi une âme torturée par ses propres choix.  Sa Manon, plus guidée par la peur de la misère que par la quête des plaisirs, forme avec Lescaut son frère un duo plein d’ambiguïté et de tendresse. Elle ne le juge pas, elle l’aime de tout son coeur. Et elle lui fait confiance.

Consciente d’avoir quelque chose d’unique qui attire les hommes – on le ressent vraiment dans la scène où elle passe de bras en bras -  elle en tire profit, comme le lui demande son frère. Elle enjôle Monsieur de G pour mieux parvenir à ses fins : ce n’est pas  la quête des plaisirs qui la pousse. On n’est pas dans un tableau de Boucher, où les femmes libertines relèvent leur jupe et leur chemise, car elles sont faites pour le plaisir charnel. Pendant le long solo, Isabelle Ciaravola, dans sa robe noire, fascinante, a la certitude de plaire, de mener le jeu, et au début du solo, elle se montre déterminée à ne pas changer de destinée quoiqu’il se passe. Elle se détourne sans cesse de Desgrieux et finit par lui expliquer qu’il ne peut pas lui offrir cette vie là. 

Le choix de Ciaravola peut étonner car elle s’éloigne de la Manon faussement candide mais perverse sans le vouloir par goût des plaisirs dont le roman a fait le portrait. Mais c’est si justement interprété, si formidablement traduit par la danse et les émotions qu’elle dégage, qu’on adhère aussitôt à cette conception personnelle du personnage. Au fond, elle me rappelle l’interprétation de Deneuve dans Manon 70 qui ne supporte pas la misère et fait donc un choix d’argent plutôt que de cœur.

Revoir Desgrieux met Manon mal à l’aise non parce qu’elle l’a trahi, mais parce qu’il lui rappelle qui elle est vraiment. Elle ne peut oublier qu’elle aussi l’aime toujours. Elle finit donc par lui suggérer de jouer aux cartes pour gagner de l’argent afin de pouvoir partir avec lui. 

La scène de jeu fut un grand moment. Il  faut voir Ganio tricher aux cartes, prendre un plaisir évident à rouler les joueurs les uns après les autres pour récupérer Manon. Plus question de pureté, de candeur. Par amour, il est prêt à tout. Pendant ce temps, Manon et Lescaut, ses complices donnent le change autour de la table de jeu. M de G M est berné ainsi qu’un de ses amis. On lit la fureur sur leur visage quoiqu’ils se contiennent.

Le pas de deux suivant dans la chambre confirme que Desgrieux n’a plus les illusions du début : Ganio passait d’une émotion à une autre en quelques instants : tout est en contradiction, en ébullition en lui :  partagé entre son amour pour Manon et  sa colère parce qu’elle l’a abandonné, il rit dès qu’elle le taquine, comme un môme,  mais se reprend aussitôt : il voudrait qu’elle change de vie, qu’elle renonce à ses bijoux, mais voilà, c’est sa Manon, elle règne sur son cœur,  et désarme même la violence qui s’empare de lui. L’osmose entre les deux artistes leur a permis de jouer cette scène avec une limpidité confondante. La très grande intensité dramatique qui monte progressivement atteint son point culminant avec l’irruption de M. de GM, sa brutalité, et la mort, bouleversante de Lescaut. Le pouvoir a le dernier.

 

Dans le troisième acte, dès les premiers instants, McMillan instaure encore une autre ambiance ; les couleurs ont changé. Les tons dorés, fauves ont disparu. Des gris bleutés, des beiges, des bleus pastel font sentir l’intense lumière du soleil dont on se cache sous les ombrelles. On sent le soleil, la chaleur, l’air saturé du port. On n’est plus que compassion pour les pauvres filles aux cheveux mal taillés, accablées de fatigue qui descendent du bateau, après une traversée qu’on imagine éprouvante sur tous les plans et qui sont malmenées par les officiers du port ; Desgrieux est là, qui veille de tout son cœur sur sa Manon,  épuisée, si frêle sur ses longues jambes, et qui essaie de lui donner sa force et son courage.

La scène avec le geôlier – Aurelien Houette, parfaitement horrible - met mal à l’aise tant elle est réaliste malgré la distance de mise dans un ballet, la fureur de Desgrieux et le meurtre éveille en nous des sentiments de joie sauvage et « primaire », mais la fuite dans le bayou nous serre la gorge et la mort de Manon nous fait verser plus de larmes que jamais. Dans un vert vénéneux, au milieu des marécages brumeux et malsains, Manon reverra des pans de sa vie passée ; les forces la quittent malgré le soutien de son amoureux.

 

Les mots ne rendront pas les émotions qui naissent pendant ce si court troisième acte : la compassion est sans doute celui qui résume le mieux tout ce que l’on peut ressentir face à l’amour intact de Desgrieux qui chérit sa Manon de toute la force de son cœur, qui en prend soin, qui la porte littéralement jusqu’à son dernier souffle

 

Ce dernier pas de deux va rester gravé dans mon cœur pour toujours. La beauté de Desgrieux/Ganio conjuguée à la fragilité de Manon/Ciaravola, qui avance, comme un animal blessé sur ses pointes qui se tordent, la virtuosité des doubles tours dans les portés, l’abandon des deux artistes, leur sublime entente artistique, fait que l’on est alors en fusion totale avec les deux héros. Tout reste cependant sobre, habité, juste. Les distances s’effacent, on ressent ce qu’ils vivent, on souffre avec eux. Et la compassion nous inonde toute entière. Y a-t-il un plus beau sentiment dans l’humanité que celui là ?

 

À leur salut, ils ont reçu une ovation méritée. Ganio avait encore les yeux pleins de larmes – et moi aussi, - et  sur le visage de Ciaravola on lisait encore tout le tragique de sa fin, les violences subies, la mort venue si vite.

Comme toujours ces deux artistes de cœur sont venus saluer et remercier leur public avec une grande humilité. Quelle leçon !

 

Je me désole de la saison de l'opéra de Paris l'année prochaine, qui n'aura pas de rôle de cette sorte à offrir à ces deux superbes artistes.  ( prochain article!)

Je réserve déjà dans ma tête toutes leurs Sylphides à venir!

 

 

 

  

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5 avril 2012 4 05 /04 /avril /2012 20:26

Zakharova-Tchaikovsky

 

La Bayadère – Zakharova/ Bullion/ Pagliero – 4 avril 2012

 

J’avais longtemps hésité à prendre des places pour cette série. Mes dernières Bayadères étaient décoratives, sans âme, terriblement décevantes.

À cause de distribution tardive, j’ai raté les derniers Solor de Nicolas Leriche et l’ai amèrement regretté.

C’est finalement mon envie de voir Zakharova au moins une fois sur scène qui a eu raison de mes réticences… en vidéo, j’oscillais entre la fascination et un certain agacement devant l’étalage d’une technique grandiloquente, qui nuit à la qualité de l’interprétation…

 

Je n’avais pas particulièrement d’attente, mais beaucoup de curiosité.

 

Que dire d’autre si ce n’est que cette soirée fut un enchantement d’un bout à l’autre ?

 

Zakharova totalement investie dans son personnage avait à ses côtés le Solor de Bullion, plus poète que technicien : leur premier pas de deux fut une merveille de fraîcheur, de jeunesse, de fluidité, de tendresse. Comment ne pas croire que ces deux-là sont jeunes et aiment pour la première fois ?

 

Le brahmane de Yann Saiz était tout en nuances, et en sentiments contradictoires. Mais il fallait être près ou avoir des jumelles, je pense pour apprécier son subtil jeu de scène.

Allister Mandin campait un Fakir expressif, très présent ; il donne de l’épaisseur à ce rôle un peu ingrat, et on a plaisir à le voir à chacune de ses apparitions.

 

On comprend dès l’entrée de Nikya, que la sincérité des émotions l’emportera sur la démonstration de technique. Je ne m’attendais pas à une telle sobriété de sa part, après l’avoir vue danser dans  la Belle au bois dormant d’une façon un peu tape à l’œil, à la télé cet hiver.

Ce fut pourtant son choix ;  poésie, spiritualité, douceur, telle apparaît-elle dès son sa première variation.

Son face à face avec le brahmane, montre toute une étendue d’émotion, qui va de la colère au doute,  de la fragilité à la puissance. Elle est déterminée à ne pas aimer cet homme, terriblement puissant, et face auquel elle vacille parfois, comme la flamme d’une bougie dans un courant d’air;  c’est son amour pour Solor qui  lui donne  la force de s’opposer au brahmane.

Théâtralement, tout le duo mimé est d’une lisibilité confondante ;  face à elle, Yann Saiz sort aussi de sa réserve

 

 

Quant à la confrontation avec Gamzatti,  c’était une vraie réussite.

 

Pagliero campe une princesse imbue d’elle-même, très consciente de sa supériorité, de son statut, de sa richesse ; qui se montre condescendante et faussement généreuse avec Nikya avant de dévoiler son véritable jeu, anticipant finalement par ce jeu la scène où le serpent caché dans les fleurs tuera la Bayadère.

Les émotions montaient vers  les spectateurs en vagues successives de plus en plus fortes, les laissant à la fin de l’acte, la gorge nouée…   

Nikya d’abord intimidée, refuse le bracelet que lui tend Gamzatti avec étonnement ; elle ne comprend pas très bien pourquoi celle-ci l’a fait venir dans son palais, et lui fait ce présent,  mais elle ne se méfie de rien ; lorsque la princesse la projette littéralement devant le portrait de Solor pour lui annoncer avec une joie cruelle ses fiançailles, la Bayadère, totalement bouleversée,   perd pied quelques instants. Mais quand Gamzatti lui dit, «  tout ici est à moi, le palais, les richesses, et Solor, toi, tu n’es qu’une porteuse d’eau, Nikya se rappelle que Solor lui a juré son amour au dessus du feu sacré, et ce souvenir lui donne l’audace de se dresser face à la princesse ; la violence éclate de part et d’autre, jusqu’à ce que dans un moment de rage,  Nikya s’empare d’un couteau et se jette sur Gamzatti, apeurée.

La servante intervient à temps, et Nikya réalise l’horreur de son acte et fuit le palais. Gamzatti retrouve sa superbe et se jure de   briser Nikya.

 

Le rideau tombe, et on est cloué sur son fauteuil, submergé par toutes ces émotions…

  

 

 

Le second acte – mis à part les réserves sur les costumes refaits d'une façon honteuse parce qu'ils sont totalement dépareillés!!!! – fut flamboyant

Un corps de ballet très ensemble, très dansant, avec sur les visages une vraie joie de danser !

À noter la très jolie danseuse Manou d’Aubane Philbert accompagnée par deux élèves de l’école de danse pleines de grâce et de vivacité

 

L’idole Dorée d’E. Thibault a un certain panache…même s’il n’a plus l’élevation d’autrefois.

Je goûte toujours aussi peu la danse indienne, qui me rappelle les séances d’aérobie de Jane Fonda, mais bon, je dois convenir qu’hier soir, tout était très enlevé, avec cette joie à danser communicative.

Au milieu de cette euphorie,  l’arrivée de Nikya créée un vrai malaise.

 

La première partie de sa variation tout en douleur et en musicalité a suspendu le temps ; la deuxième partie, avec cette joie un peu hystérique, parce que Nikya reprend espoir et croit que Solor lui restera fidèle, comme il lui a promis, était presque brouillonne ; comme si la Bayadère à cet instant précis perdait la tête.

Pendant cette variation, il se passe beaucoup de choses sur scène : chaque personnage incarne une gamme de sentiments variés qui va de la rage contenue (Gamzatti) au malaise teinté d’un peu de lâcheté (Solor) en passant par “mais on ne va pas la laisser faire !” du Maharadja (Phavorin, très bien !)

 

Par ailleurs, le solo de Solor ne manquait pas de brio, mais on sentait le danseur terriblement concentré ; ce qui a nui à cet abandon dans la danse qui est si jubilatoire pour le spectateur.

 

À la mort de Nikya, Gamzatti et le rajah quittent la scène royalement semblant dire “et bien voilà qui est fait ! bon débarras” tandis que Solor réalise trop tard que l’irréparable vient de se produire

 

D’ailleurs la variation de Gamzatti, odieuse à souhait, - je n’irai pas à dire qu’elle n’a pas à se forcer !!!- était très réussie techniquement parlant – à la fin de cette variation, la demoiselle a eu une façon de se planter sur la scène en laissant les bras en l’air comme pour signifier «  vous avez vu ? » le tout accompagné d’un sourire carnassier… ma foi !

 

 

Le troisième acte passa comme un rêve…c2299e24488dad15916c2c8f53bf14f6.jpg

 

La descente fut belle : prise dans cette soirée magnifique, j’ai fermé les yeux sur les deux ou trois ombres un peu fatiguées, car les autres étaient parfaites

Un grand moment de poésie, qui montre que l’ONP n’a pas dit son dernier mot ! On peut garder espoir ! Le niveau est prêt à « repartir» pour peu qu’il soit relancé…

 

Des trois solistes, c’est Giezendanner et sa joie à danser qui a le plus illuminé la scène d’une présence poétique, légère, gracieuse

Bourdon, terriblement concentrée,  avait un masque en guise d’expression ; sa danse était un peu raide, un peu figée ; par un moment, elle s’est rappelé qu’elle devait sourire, a grimacé un demi-sourire, puis s’est de nouveau concentrée à l’extrême

Laffon fut une ombre élégante et dansante

 

 

Quant à Zakharova, elle avait dû tronquer son corps de chair par un corps empli d’air pendant l’entracte ; quelle légèreté ! Une ballerine en état de grâce !

Elle n’est plus qu’une Ombre au royaume des ombres, évanescente, impalpable, face à un Solor inconsolable, dans un état second.

Les pas de deux auraient encore gagné en beauté si Bullion n’avait pas lui aussi été si concentré, si à l’écoute de sa partenaire ; il était aux petits soins pour elle, à en perdre cet abandon dans la danse qui me fascine tant chez Guillem ou Leriche, ou même cet hiver chez Ciaravolla et Ganio… peut être que quelques répétitions de plus leur auraient permis d’aller plus loin dans la confiance réciproque de l’un pour l’autre…

 

Le pas de deux au voile montrait que les ajustements n’étaient pas tout à fait terminés…

Mais malgré tout, il y avait un charme, une magie, un quelque chose qui passait comme un rêve et nous emportait vers un au-delà sublime…

 

Zakharova m’a  conquise par son sens de la scène, du jeu théâtral,  sa musicalité, et surtout, sa grande simplicité, jusque dans les saluts ! On ne voit jamais l’effort quand elle danse, on ne voit que son personnage.

 

 

Par rapport à nos étoiles ?

 

Rien de plus rien de moins, si je m’en réfère à Dupont, Pujol, Ciaravolla, Osta, Letestu au fil des rôles dans lesquels je les ai vues. ( Je n'ai vu que Dupont et Guérin dans le rôle)

C’est juste une question de style, de façon de bouger, plus «  orientale» plus souple au niveau du buste, des bras, du port de tête

 

J’étais heureuse de rencontrer une Bayadère aussi attachante, aussi émouvante…  

photos extraites du site de Zakharova et de celui de Noureev.org sans but commercial.

Le choix de la photo de Zakharova résume toute sa simplicité de cette soirée.

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24 mars 2012 6 24 /03 /mars /2012 10:41

Deux nouvelles étoiles ont été nommées récemment : Joshua Hoffalt et Ludmila Pagliero

Je ne fais pas d'articles parce que l'une ne m'inspire rien de bien fôlichon et que je n'ai pas vu danser l'autre depuis les amis de Raymonda ( 2009)  où il avait d'ailleurs montré de belles qualités.

Pagliero récemment dans Robbins m'a paru bien pâle... comme toutes les autres fois où je l'ai vue danser.

Actuellement, un grand malaise au sein de la compagnie

 

Il y a Mats Ek donné à Garnier, magnifique, et une Bayadère de misère où les danseurs se blessent à qui mieux mieux

Mais l'opéra de Paris est passé maître dans l'art des chaises musicales

Visiblement tous les danseurs voulaient être sur le Mats ek ( on les comprend) ou sur le Robbins

Certains sont sur les deux à la fois. Ce sont des oeuvres enthousiasmantes

Mais alors pourquoi avoir programmé Bayadère en même temps? Alors que l'opéra nous a privé de danse en janvier et en février? Qu'il y a eu cette longue période sans spectacle après Onéguine et Cendrillon?

 

Qu'on ne réponde pas que les danseurs étaient en tournée et que le Royal ballet du Danemark est venu :

1) toute la compagnie n'était pas en tournée

2) le Royal Ballet n'a eu que cinq soirées

 

Du coup, les blessures s'enchainent ce qui donne : A remplace B qui remplace C qui remplace D.

Les distributions sont toutes chamboulées; le retrait de Gillot de Bayadère pour assurer tous les Mats Ek n'est qu'un exemple.

Les spectateurs arrivent au théâtre croyant voir tel ou tel danseur; ils ont vérifié la veille sur le site. Et bien non! C'est un autre danseur qui assure le spectacle

 

Karl Paquette a assumé ce rôle de " je bouche les trous " tant et si bien qu'actuellemement il souffre de graves problèmes de dos

D'autres sont blessés : Froustey, Gilbert, Heymann, Pujol, Ciaravolla, plus d'autres que j'oublie.

 

 

Alors hop, face à tous ces blessés, une solution miracle : on nomme des étoiles, comme cela, le public, ce gros beta, n'y verra que du feu : si sur le papier, il est marqué " étoile", c'est que c'en est bien une!

 

Et bien non! Ont donc été nommés comme je l'écrivais au début : Hoffalt et Pagliero sur Bayadère.

Pagliero parce qu'elle a assuré un rôle alors qu'elle n'était pas prévue dessus et qu'elle ne l'avait pas dansé depuis... 2010

On récompense donc actuellement la capacité à gérer la misère....

 

Plusieurs raisons sans doute à ces blessures en rafales depuis plusieurs saisons.

On peut se poser des questions : y a t'il suffisament de kiné? de répétiteurs? de coaching? Car ces danseurs sont des sportifs de haut niveau, ils ont besoin d'un minimum de soins, de conseils, d'écoute. Actuellement,  je crois qu'il n'y a que deux kinés pour 150 danseurs....

Côté répétiteur, on a éloigné volontairement Loudières, Guérin et d'autres....

Khalfouny disait dans le documentaire qu'elle adorerait transmettre certains rôles mais qu'elle sait qu'on ne le lui demandera jamais....

Toute énergique qu'elle soit, Clotilde Vayer qui est maître de ballet, n'a jamais brillé par une technique époustouflante; il suffit de voir sa variation de la deuxième ombre dans la Bayadère qu'elle achève à grand peine

C'est pourtant elle qui fait répéter en grande partie le corps de ballet...

 

 

Comme je l'ai écrit à de  multiples reprises, des talents, il y en a plein à l'opéra; mais ceux ci ne peuvent complètement éclore ou alors éclosent et se blessent, tel Hérvé Moreau, qui a demissionné

Ont aussi démissionné par le passé la sublime Fanny Fiat - un joyau que l'opéra n' a pas su faire éclore, ni même conserver et Yann Bridard

JG Bart aussi a eu une carrière écourtée

 

Mais il suffit de regarder la politique maison pour comprendre

 

Les danseurs dansent de moins en moins de classique et de plus en plus de contemporain; ils aiment, c'est bien, moi aussi j'aime les voir dans ce registre! Leur Mats Ek m'a enthousiasmée!

Mais ensuite, lorsqu'ils reviennent au ballet classique ou pire, qu'ils alternent les deux dans la même période, les blessures inévitables arrivent en légion

Le rapport au sol n'est pas du tout le même dans les deux techniques  : dans l'une c'est l'élévation pure, les sauts, les pointes pour les filles,  dans l'autre au contraire, on danse " avec le sol", le placement est différent, la prise d'équilibre aussi, les filles se retrouvent souvent pied nus... les muscles ne travaillent plus du tout dans la longueur, dans l'allongement; la puissance est puisée d'une autre façon. Le centre de gravité se déplace.

Il ne faut pas oublier aussi qu'ils travaillent plusieurs heures par jour, alternant parfois dans la même journée répétition contemporaine et classique

 

Il suffit de se rappeler l'hécatombe l'année dernière dans le Lac des cygnes; les Odettes se sont toutes blessées, à la fin il ne restait que Cozette!

C'est tout juste au niveau du corps de ballet s'il restait suffisamment de cygnes... 

 

Alors, a présent, c'est comme chez Ikéa : on nomme des danseuses et des danseurs costauds; pas les meilleurs, mais des bien solides, qui tiennent la route, et tant pis pour l'artistique, le charisme, la grâce

 

Les deux seules vraies étoiles nommées  ces quatre dernières années furent Ciaravolla et Gilbert...

 

Du coté des garçons, c'est la misère : plus de Belarbi, Legris, Hilaire, Martinez, Moreau, et bientôt plus de Leriche. Il ne restera que Ganio, car Heymann, certes très doué, est un danseur  un peu à part. D'ailleurs je n'ai toujours pas réussi à le voir danser - ni sur Raymonda, ni sur Cendrillon - car il s'est blessé à chaque fois...

 

Bullion, Hoffat, Paquette, Bélingard,  les danseurs étoiles en titre ont de belles personnalités artistiques, et pour Paquette un charisme extraordinaire; Bullion montre une sensibilité artistique magnifique dans certains rôles... mais la virtuosité n'est pas là. 

Car l'opéra de Paris semble ne plus aimer  le classique. Mais   le classique, ça fait vendre, surtout aux vaches à lait que sont les entreprises, arop  ou autres qui se moquent pas mal du talent, de la virtuosité : aller à l'opéra est un acte social, rien d'autre!

 

Hors la danse classique, c'est la virtuosité, quand on est étoile, un charisme et un artistique hors du commun...

Actuellement, les gens s'habituent et disent   de certaines étoiles bien ternes " mais elle est gentille"  ou " elle est solide, regarde elle a fait toutes les dates qui restaient " ou " ça n'est pas si mal maintenant par rapport à ce qu'elle faisait avant" ou " on va aller la voir pour savoir si elle a progressé"  ou " ce sera interessant de la voir pour comparer"

 

Toutes ces raisons me consternent ou me font rire suivant mon humeur!

 

 

Il suffit aussi de regarder la saison prochaine pour comprendre que les danseurs ne vont pas peaufiner leur technique classique; il n'y aura qu'un misérable Don Quichotte ( qui sera donné 24 fois, eh, que diable, il faut rentabilier!!) tout le reste : de la danse abstraite.... 

 

Il suffit de comparer avec le Royal ballet et sa saison pour voir à quel point l'opéra de Paris... devient la première compagnie classique de danse contemporaine

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24 mars 2012 6 24 /03 /mars /2012 10:27

oeuvres chorégraphiques appart--.JPGAppartement

 

 

La première a eu lieu le 13 mars, avec une distribution de rêve : Leriche, Osta, Martinez, Gillot, Renavand, Muret, Albisson, Couvez, Valastro, Bézard, Granier, Bélingard. (Pas étonnant qu’il n’y ait plus personne pour assurer la Bayadère de mon cher Noureev… pourquoi avoir programmé ces deux œuvres en même temps ?????)

 

Cette œuvre dont je parle dans un autre article – voir le lien en bas – était accompagnée live par le Fleshquartet, musiciens classiques qui s’inspirent des groupes de rock.

 

D’abord et avant tout, il m’a permis de revoir danser Leriche et Martinez. Il n’y a pas de mots pour décrire leur lumineuse présence en scène, leur engagement, leur virtuosité, leur charisme, avec, à leurs côtés, des danseurs  en état de grâce.

J’ai rarement vu des ensembles réglés ainsi au millimètre près, où tout le monde est parfaitement synchrone dans l’énergie et le graphisme. On aurait moins bien avec un miroir, car celui-ci gommerait ce qui fait «  les tripes » et la personnalité de chaque danseur, son unicité. Mais l’effet visuel était le même.

 

Cet « appartement » où couvent les petits drames de la vie ordinaire, les non-dits, la communication qui n’ouvre que sur la solitude, la révolte qui gronde dans le quotidien, mais pas assez pour une rébellion franche, l’abrutissement d’une vie morne contre laquelle on n’a plus de prise, mais toujours avec ce regard plein de tendresse si particulier à Mats Ek, a reçu une véritable ovation ce 13 mai

 

Je n’ai pas vu passer le temps, happée par la perfection des danseurs et des musiciens gigue-aspirateur.JPG

 

Les amateurs de pop reconnaissent dans les musiques qui passent des références certaines aux Beatles et à leurs lignes mélodiques tellement chantantes  ; ces Fleshquartet sont des musiciens classiques qui ont électrifié leurs instruments pour obtenir un son «  rock » allant parfois jusqu’à utiliser la saturation comme le font les guitaristes. Ils ont la même sensibilité que Mats Ek. Pas étonnant qu’il les ait choisis ; avec eux,  tout est sur le fil… il suffit d’entendre telle ligne de violoncelle pour en avoir les larmes aux yeux. L’instant d’après, l’émotion cède la place à l’énergie pure.

 

Le duo entre Alice Renavand et Nicolas Leriche a atteint un summum d’intensité dans l’exacerbation des sentiments : un couple s’aime, mais se déchire.

Avec Mats Ek pas de pathos, pas de démonstrations lourdes, non : des gestes du quotidien. La fille frappe à une porte close. Celle-ci ne s’ouvre pas, mais un bras la happe par le haut ; le ton est donné – Ni avec toi, ni sans toi. Commence alors ce pas de deux plein de douleurs, de tristesse, de sensualité, d’énergie, de tendresse.

 

Tout aussi fort était la  «  cuisine » :  avec une Claire Marie Osta coupante comme une lame de rasoir dont chaque mouvement ciselé, percutant, mais fluide donnait du fil à retordre à son compagnon Bélingard. Un Bélingard tout en retenu, en souffrance, en questionnement, dépassé par sa compagne qu’il ne comprend plus, qui le laisse sans voix.

 

Il faut aussi évoquer M A Gillot, cette danseuse atypique et sublime dont je raffole, que je regrette tant de ne pas voir comme prévu initialement dans le rôle de Gamzatti face à Zakharova. Gillot possède la plus belle technique qu’on puisse rêver et est tellement à l’aise avec ce type de langage que le résultat est impressionnant de force, de grâce, d’énergie : la scène de Garnier devenait toute petite lorsqu’elle était présente. Elle captive, envoûte. Avec elle, tout semble démesuré, immense et tellement habité, tellement vivant.

 

Il faut aussi rendre hommage  au talent de Simon Valastro et Adrien Couvez dans un duo étonnant, réglé au millimètre près. Leur sortie de scène à quatre pattes, comme des phasmes sur les blés, était à mi-chemin entre la danse et l’art plastique : une œuvre d’art en mouvement. Mais les mots semblent bien plat face à leur talent!

 

Mats Ek a alterné des passages «  narratifs » pleins d’émotion, avec d’autres «  d’énergie pure » ; le tout avec imagination, sensibilité, tendresse, dérision – mais juste ce qu’il faut, car il n’y a pas de cynisme chez lui, il est trop tendre.

Fleshquartet dissimulé au début par un rideau – car la scène s’ouvre sur une scène qui s’ouvre sur une scène dans un jeu dérisoire et d’illusions de théâtre dans le théâtre - est en parfaite harmonie avec les danseurs : les phrasés délicats succèdent à des explosions plus rocks comme je les aime : c’est vivant, habité, pleins de décibels qui laissent place à des chuchotements lourds de larmes qu’on retient et qui dopent les danseurs comme des chevaux de course avant un grand prix.

Puis le silence revient et avec lui les chuchotements et les cris plaintifs dans les appartements

 

Le finale rassemble la totalité des danseurs dans une course folle où la virtuosité s’entremêle à celle des musiciens pour une explosion ultime d’énergie qui nous soulève littéralement sur notre siège, comme à un concert rock.

 

Je n’ai jamais vu une aussi belle énergie combinée à une telle virtuosité sauf chez Alvin Ailey quand il dirigeait encore la compagnie. C’est du même registre.

 

À la fin de la pièce, les danseurs et Mats Ek ont reçu une véritable ovation d’un quart d’heure.

Et j’ai mis toute la soirée à atterrir

Pendant toute une semaine, j’ai entendu la petite phrase des cordes dans le pas de deux  de Renavand/Leriche et je les ai vus danser, encore et encore. Je n’oublierai pas !

 

 

 

  Lire l'article appartement sur ce blog


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23 mars 2012 5 23 /03 /mars /2012 21:03

 

16_1_img_6370_blueballet.1272288278.jpgLa distribution de la première n’est pas celle qui me faisait le plus palpiter sur le papier

Mais j’avais le choix entre une distribution de rêve pour Dances et rester sur ma faim pour Mats Ek  ou l’inverse

 

J’ai privilégié Mats Ek et Appartement

Je voulais revoir Gillot, Martinez, Letestu, Osta, Leriche…

J’aurais bien aimé aussi revoir Céline Talon, Kader Belarbi, W Romoli, qui sont partis déjà

Heureusement, le DVD est là qui a conservé leur talent dans cette œuvre qui ne laisse jamais indifférent

 

 

( pacific northwest ballet)

 

J’ai donc eu droit à une distribution en demi teinte pour Dance, avec une Ciaravolla blessée remplacée par Grinsztajn…

 

De bien jolies choses, dans cette œuvre sans décor qui dure plus d’une heure.  La musique est celle de Chopin. Exclusivement.

Tout d’abord,  le plaisir de découvrir une Mélanie Hurel en bleu  comme je ne l’avais encore jamais vue : humaine, musicale, poétique… un vrai délice !

J’ai pris un plaisir immense à la suivre, à la regarder…

Sa silhouette  n'est ni longiligne, ni maigre, comme c'est trop souvent le cas en ce moment à l'opéra -  mais dans ce Dances, Hurel  belle,  naturelle a dansé sans fard, sans affeterie. Sobre, juste,  chacun de ses passages illuminait la scène d'une vraie présence, d'une vraie poésie.

 

En la voyant danser, j’ai fait un rapprochement   entre les partitions de Steeve Reich et le style néo classique de Robbins

 

Steeve Reich dit «  quand les Européens jouent ma musique, c’est toujours un peu raide ; il leur manque cette liberté si particulière qu’ont les Américains par rapport à la pulsation. Les Européens se calent dessus et n’en bougent plus ; les Américains ont cette liberté qui leur permet un léger décalage, un jeu avec elle qui donne toute sa vie à ma musique »

 

Et je me disais  en regardant Mélanie Hurel danser : «  c’est cela : il faut en dansant Robbins garder cette pureté de ligne tout en restant libre, comme si on inventait les pas ; il faut garder ce naturel, un corps sans raideur, sans chichi, libre ! »

 

J’adore quand une danseuse qui jusqu’à présent ne m’emballait pas m’émerveille ! C’est magique ! et c’est ce qui c’est passé ce soir là avec Mélanie Hurel !

 

A ses côtés Zusperreguy était fraîche et pétillante, Ganio, poétique et lyrique à souhait, Paquette, charismatique, comme toujours, Grinsztajn, extrêmement délicate, un peu maniérée mais si   ravissante en mauve…

Tous ces danseurs sublimaient le jeu sec de la pianiste et apportaient un ton désinvolte, humoristique, poétique,  doux et percutant tout à la fois

Un ravissement pour l'âme, disons le!

 

Le reste de la distribution m’a moins emballée, y compris Letestu qui semblait absente ce soir là…

 

Quand a Pagliero qui vient d’être nommé étoile : pas une once de grâce,  ni de fraicheur, ni de naturel dans sa danse ; pas de charme non plus sur ses traits secs. Ce n'est pas qu'elle n'est pas jolie; mais elle n'a pas l'air commode du tout, quand elle danse! on dirait plutôt qu'elle boxe,qu'elle monte au combat...

 

Mais peu importe

 

J'ai tout de même suivi avec délice les trios, pas de deux, ou  les ensembles,  avec cette inventivité toute simple de Robbins... la danse fluide, vive,   s'envole; elle exploite des formes, des portés, à l'intérieur même du style " classique" à la grammaire stricte et définie une fois pour toute

Voilà encore la magie de Robbins : inventer des phrases avec un vocabulaire et une  syntaxe codifiée ; s'en affranchir, et réinventer le langage...

 

il émane de l'ensemble une fraîcheur, une candeur, une insolence...

 

Robbins le magicien donne vie à toute une oeuvre avec quelques couleurs, quelques pas, quelques danseurs... on aimerait revoir cette oeuvre pour entrer en résonnance complète avec elle...

 

 

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22 janvier 2012 7 22 /01 /janvier /2012 09:26

 

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Voilà, j'ai assisté à la rencontre de cette après midi qui a eu lieu dans l'amphithéâtre de l'opéra Bastille.
il y a bien longtemps que je n'en avais pas vue, car je n'arrive d'habitude pas à avoir de place...


Ces rencontres sont toujours magiques!

m'y voilà donc, ravie d'avoir réussie à quitter ma banlieue malgré l'affreux temps et le vent glacé...

pour les distributions de cet Orphée et Eurydice qui sera donc donné dès le 17 février ce sera donc

Stéphane Bullion/ Nicholas Paul en alternance - Orphée
M A Gillot/ Alice Renavand - Eurydice
Zusperreguy/ Ranson - Amour

C'est Dominique Mercy lui même qui a animé cette rencontre avec S Bullion et N Paul. Dominique est le danseur fétiche de Pina; vous trouverez quelques videos de lui sur youtube ou éclate son talent et son sens du théâtre... il y est super expressif, presque " excessif" mais ça passe! C’est lui-même qui a dansé le rôle à sa création. Il l’a co-créé avec Pina, car, explique-t-il, c’était très ouvert avec elle ; elle proposait, nous aussi, et on en venait à trouver ensemble des pas, des mouvements qu’on avait encore jamais trouvés. On innovait

 

Il est vrai que cette forme de danse était profondément innovante dans ces années 1970.

Bullion et Paul étaient présents tous les deux et ils ont répété des solos des actes 3 et des actes 4

Dès le solo de l'acte " violence», Stéphane Bullion m'a profondément émue; vous savez, vous le sentez quand des milliers de frissons parcourent votre peau et que les larmes vous montent aux yeux!

C’était très très fort!
Pour sûr, il fera un magnifique Orphée

N Paul, dans un tout autre genre, plus lyrique, plus émotif, moins en retenu, a lui aussi de très belles qualités d'interprétation! Il est plus " tout feu tout flamme " dans ce rôle.. . J’espère qu'il conservera cet enthousiasme malgré les « Pina-illeries » de maître Dominique, car nous y voilà : Dominique Mercy m'a paru un maître de ballet curieux!!!
Il danse certes magnifiquement bien, et quand il montre le mouvement, on comprend ce qu'il faut faire, c'est évident, quand on n' est que spectateur! C’est beau, c’est fort, puissant, alors que le monsieur a déjà 60 ans. On sent que le style de Pina, c’est comme sa seconde nature.
En revanche, il ne sait pas expliquer!!!

Plusieurs fois, il s'est emberlificoté dans des explications avec " il faut faire AHHHH, et OHHHH et Voufffff!" en montrant, mais sans dire d'où partait le mouvement, sans détailler comment faire ce mouvement!
Alors que pour certaines choses, ça crevait les yeux : parfois il aurait suffi de dire " fais gauche droite gauche droite gauche et stop"  -  ou «  ne piètine pas à la fin, arrête le mouvement sur un pas plus large » ou " le mouvement part du poignet mais détends tes doigts, allonge les" ou encore, " n'utilise pas la tête dans la marche, ne la mets pas en arrière et laisse la dans l'axe, c’est ton plexus qui dirige la marche" ou " la spirale est conduite par les bras et pas par le tronc, et ceux ci prolongent le mouvement même quand le tronc est arrivé à sa limite"
des choses qui, quand on danse crève les yeux, mais que lui ne voyait pas!
Ou plutôt si, il voyait mais il n'aidait guère les danseurs à trouver comment faire le mouvement!

Du coup, il faisait refaire, et refaire et refaire, mais sans les corrections qui permettent de changer, de modifier, de comprendre!


J’ai admiré la bonne volonté des deux danseurs qui faisaient tout leur possible pour épouser au mieux les moindres détails, et Dieu sait s'ils croulaient sous des milliers de détails de doigts, de tête, de bras, de cou, de pieds, de demi pointe, de buste, de regard, de courses, de mouvements .... Mais sans avoir vraiment des indications précises pour les réaliser...

Ce que l'on voyait, nous, en tant que spectateur, c'était que le danseur doit se couler dans un moule au millimètre près, il n’a absolument pas le droit de s'éloigner de la forme, très très précise, mais il n'est pas très aidé par les explications nébuleuses de Dominique! en fait, soit le danseur sait copier à la perfection, soit il se dépatouillle comme il peut!

 

On est loin de la vision d’un Cranko qui laisse la personnalité du danseur épouser la ligne de danse ; là, c’était l’inverse. Le danseur doit abandonner sa personnalité pour faire très précisément une forme qui existe d’une façon immuable.On comprend que comme Dominique a créé ce rôle et le transmet maintenant, il soit particulièrement attaché à la précision des pas, du style, puisque Pina n’est plus là, et que c’est lui qui a repris la direction du ballet ; par fidèlité, il ne laisse pas les danseurs s’éloigner de la ligne ; sans doute craint-il que peu à peu le style de Pina se déforme, et que peu à peu il disparaisse. Il est celui qui conserve sa mémoire. Et il transmet avec cette précision d’horloger…

En tous cas, j'ai beaucoup aimé voir ces deux garçons, chacun avec leur personnalité très différente, endosser ce rôle d'Orphée. Les deux sont pareillement attachants. Stéphane Bullion avec son immense sensibilité «  sur le fil », toute en retenue, Nicholas Paul avec cet abandon, ce don de soi total…

Mais je me dis que c'est quand même drôlement ingrat! Quand un mouvement doit être fait au millimètre près,  mais sans savoir comment!

Merci en tous cas à eux deux de s'être plié à cette répétition publique... exercice pas facile du tout!
et bravo!

ah oui, le public dans un élan a applaudi par un moment Nicholas

et là, regard furieux du Mercy, qui dit " ah, non, stop!!!!" ( et sans humour croyez moi!)

il aurait pu dire" ah, quel enthousiasme, c'est bien, mais vous savez nous sommes en plein travail"
là, il était évident qu'il fulminait de voir qu'on applaudissait quelque chose qui selon lui trahissait Pina....

je le comprends, Pina était une amie, et il a dansé auprès d'elle pendant plus de quarante ans ou presque
mais quand même!!!
cet enthousiasme, et bien, c'est un public qui est ému par Orphée, tout simplement.... donc par Pina!


encore bravo à Stéphane Bullion et à Nicholas Paul! 

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24 décembre 2011 6 24 /12 /décembre /2011 09:51

OnéguineProgramme

 

Comme j'ai eu la chance de le revoir le lendemain, voici un second compte rendu posté sur le forum danser en france

 

Compte rendu du mardi 21 décembre

 

Tatiana : Isabelle Ciaravolla

Onéguine : Mathieu Ganio

Lenski : Florent Magnenet

Olga : Muriel Zusperreguy

 

 

Une soirée toute différente de la première, et artistiquement plus aboutie, grâce à l’harmonie exceptionnelle du couple principal. Le ballet y gagne surtout en sensibilité, en finesse d’émotion. Voir Isabelle dans le rôle de Tatiana m’a encore plus fait regretter de l’avoir manquée en Marguerite il y a deux ans, du fait de sa blessure…

 

Comme je l’écrivais plus haut, le couple Lenski/Olga, est charmant, mais sans épaisseur ;  au final, celui incarné par Froustey/Revillion malgré les imperfections techniques de ce dernier est plus vivant. J’aurais aimé voir le Lenski de Hoffalt, au côté de Froustey ou celui de Heymann. Son Mercutio était tellement vif-argent, qu’il donne peut-être au rôle cette fraîcheur qu’on a à 20 ans, absente chez Magnenet.

Olga  trop sage, trop posée, pas assez vive, a donc pour amoureux un Lenski-poète qui manque de poésie, de candeur, de jeunesse… difficile de croire qu’il a 20 ans et qu’il est amoureux d’Olga car cet être est un peu imbu de lui-même. Pendant le bal où Onéguine danse avec Olga, sa colère naît de son amour-propre blessé et non du chagrin que lui cause sa fiancée. Fierté de mâle sur le territoire duquel on marche et non de l’amoureux dont le cœur se brise…

 

Mais revenons au couple principal… même quand elle est simplement debout en scène sans danser, on sent précisément une extrême jeunesse et une inexpérience de la vie chez Tatiana   qu’elle ne   connaît que par ses livres ; elle est très douce – différente en cela de Osta, au caractère déjà affirmé – et l’arrivée d’Onéguine l’effraye presque ; elle lui donne le bras avec pudeur, toute rougissante. On l’aime d’emblée !

 

Onéguine, quant à lui, est romantique à souhait ; il est dans ce premier acte terriblement attachant lui aussi.  Ce jeune homme «  dans la lune » n’est pas fait du tout pour ce monde. La belle éducation qu’il a reçue lui permet de faire ce qu’il faut en société, mais comme un pantin. Il fait mine de s’intéresser à ce qu’on lui montre, à ce qui l’entoure, mais le cœur n’y est pas. Lors du premier pas de deux de l’acte 1,  Mathieu Ganio  danse avec Tatiana pour être aimable, mais sans plus ; il la trouve mignonne. Mais son monde intérieur le happe ;  il porte la main à son front, oublie aussitôt où il est pour retrouver la détresse et la souffrance qui le tourmentent.  Cet être écorché vif met les larmes aux yeux, d’autant plus qu’à ses côtés, se tient une Tatiana toute en retenue et d’une infinie douceur. Ce couple est attachant au de là des mots.

Il est impossible de décrire ici la beauté de leur pas de deux. Tout respire, chaque geste a un sens, c’est plein de poésie, d’émotion, de sensibilité… la danse est moelleuse, précise, lyrique, habitée… un moment de grâce… Qui se poursuit tout autant dans la chambre de Tatiana lorsqu’elle écrit sa lettre. Ganio sort du miroir, et l’amour explose… c’est magique !

Dans l’acte 2, Onéguine pris au piège chez les Larine devient odieux. Il va prendre plaisir, tel Méphistophélès à semer la zizanie ce qui rend Lenski   brutal, violent, coléreux ; la gifle qu’il donne à Onéguine ramène aussitôt celui-ci au cœur des réalités : il se rend compte de ce qu’il vient de faire  et essaie de réparer ses torts. Mais l’autre en face ne décolère pas. Olga l’a humilié, il demande réparation. La douce Tatiana fait ce qu’elle peut pour apaiser tout le monde, sans y parvenir. Sitôt Lenski mort, Onéguine pleure comme un enfant ; ce duel qu’il a vainement essayé d’empêcher mais qu’il a involontairement provoqué– et c’était très vivant entre Magnenet et Ganio !- ne fait qu’ajouter à sa détresse intérieure.

À l’acte 3, transformation de la belle Isabelle qui est devenue une femme de grande classe ; enfuie, la petite Tatiana rougissante et timide ; elle est mariée à un homme qu’elle respecte, mais sans passion. Autant Osta aimait son mari, autant  Ciaravolla  a   de l’affection pour un être gentil comme seul sait l’être Duquenne/ Grémine en scène, mais ce n’est pas de l’amour. Elle croise Onéguine et là aussi, contrairement à Osta, elle ne tourne pas la tête pour le regarder en coin, elle esquisse le geste, mais se reprend.

Dans ce monde du paraître, elle est maître de ses émotions. En quelques pas, Ciaravolla exprime tout le cheminement intérieur qui s’est produit dans cette femme. Les luttes qu’elle a dû mener, et l’acceptation finale de sa situation.

 

En revanche, dès qu’elle est dans son boudoir, tout explose ; la lettre qu’elle vient de recevoir la met dans tous ses états ; elle ne sait plus quoi faire, et l’aide qu’elle implore auprès de son mari, de ne pas la laisser seule, surprend presque celui-ci tout heureux de l’affection qu’il croit qu’elle lui porte soudainement.

Le pas de deux final était simplement sublime. Onéguine n’est que regret, amour, tristesse du temps qui s’est enfui, de cet amour qu’il n’a pas pu vivre ; Tatiana oscille entre le désir de s’abandonner, et la souffrance qu’il lui est resté dans le cœur. Mais elle déchire la lettre uniquement par devoir, car elle sait que revenir en arrière  ne la conduirait qu’au malheur.

 

Comme je l’écrivais hier, les deux artistes ont reçu une magnifique ovation, tellement méritée !

A mes côtés, il y avait toute une petite famille, fille et garçon d’environs 16 et 12 ans avec leurs parents.  Pendant les deux premiers actes, ça papotait, gesticulait, riait un peu, mais fort gentiment. Au troisième acte, toute la famille avait les yeux rivés sur la scène. D’ailleurs, dans la salle, on entendait une mouche voler !

 

Je suis vraiment heureuse d’avoir vu cette distribution ; la précédente était magnifique aussi, mais celle-ci, de par l’entente du couple principale, a mené tout Garnier directement dans les étoiles…on se prend d’une telle affection pour ce couple qu’on suit toute leur histoire avec une grande empathie… beau cadeau de Noël !!! Merci à eux !

 

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si j'ai le temps, je consacrerai un article à cette oeuvre, au roman, et aux interprêtes que j'ai pu y voir

 

Je concluerai juste en écrivant que pour la première fois depuis des années, j'ai  vu un couple bouleversant comme autrefois Guillem/Hilaire, par exemple....  on reste alors sans voix


Je complète mon article aujourd'hui, parce que je lis deci, delà, ces choses avec lesquelles je ne suis absolument pas d'accord

 

1) L'Onéguine de Mathieu Ganio trop gentil?

 

Mais les balletomanes n'ont qu'à lire le roman : Onéguine n'est pas un méchant, mais un enfant de son siècle, rongé de spleen. En cela, Pouchkine se réfère beaucoup à Childe Harold, un personnage de Byron qui engendra une longue lignée de descendants littéraires, tous atteints du même mal : non, pas la tuberculose( quoique) mais le mal de vivre


2) C'est Cranko qui a voulu que Onéguine soit méchant


encore faux! Cranko voulait voir la personnalité des danseurs sur scène quitte à changer la chorégraphie; Reid Anderson l'explique très bien dans une interwiew, où il dit que le danseur doit se couler dans le rôle en gardant ses propres émotions, sa personnalité; c'est donc bien le cas avec Mathieu Ganio

Son Onéguine est aussi  capable de devenir odieux, mais on sent effectivement une âme douce; dans le roman il est lassé de la vie, et quand il rend sa lettre avec Tatiana, c'est pour la protéger de lui même, mais dès le début, il l'a remarque puisqu'il dit même à Lenski qu'il aurait dû choisir Tatiana au lieu d' Olga

Pouchkine s'amuse même à ébaucher le portrait d'Olga, puis nous dit " allez, c'est sans interet, un portrait comme celui là vous en trouverez à la pelle dans tous les romans! je passe à Tatiana!"

 

3) j'étais tombée sous le charme de Mathieu Ganio dans la Sylphide, il y a une dizaine d'année; il dansait avec Ciaravola et c'était sublime!

ensuite, je l'ai  vu dans :

- Caligula ( à deux reprises, espacées par quelques années)

- Drosselmeyer ( il m'a ému aux larmes, avec cette capacité à s'abandonner complètement sur scène!)

- suite en blanc

- Roméeo

- Onéguine

 

Sa danse s'affirme, elle gagne en maturité. Sa technique, superbe, - il a un placement mangnifique, des lignes longues, un moelleux naturel - lui permet ainsi de servir au mieux ses personnages qui peu à peu, prennent de l'ampleur, de l'intensité

La sensibilité de Ganio est splendide; quand on le voit sur scène, on ne voit pas un danseur, mais un artiste,  tout simplement!

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24 décembre 2011 6 24 /12 /décembre /2011 09:47

OneguineProgramme.jpgC’est toujours magique de découvrir un ballet ; va-t-on entrer dans l’histoire ? Comment celle-ci sera-t-elle racontée ? Comment les personnages vont-ils exister ?

Je dois dire qu’hier, mardi 20 décembre, la soirée fut superbe !

Tatiana: Osta

Onéguine: Pech

Olga: Froustey

Lenski: Revillion

Grémine: Duquenne

 

J’avais donc lu très récemment ce très beau texte de Pouchkine ;

Comme je l’écrivais plus haut, la scénographie de Cranko respecte magnifiquement toute la trame et les finesses du roman

Le rideau se lève sur une maison à la campagne, où sont réunis Olga, Tatiana, leur mère,    Lenski et quelques amies.

Revillion a du mal à incarner le jeune poète très fleur bleue, tout amoureux de son Olga, la sémillante Mathilde Froustey. Dans le roman, il a vingt ans, il n’a pas encore vécu, ni écrit grand-chose ; tout en en «  bouton », tout en promesse. Si le visage de Révillion exprimait bien cette candeur, cette fraîcheur,  sa danse en revanche, pas toujours très assurée, dévoilait plus les failles techniques que le personnage. C’est dommage. Car le couple qu’il formait avec Olga/ Froustey n’était pas très équilibré. Olga/ Froustey,  à mes yeux, est une jeune fille vive, malicieuse, un peu tête un peu folle. Dans le roman, elle apparaît  comme une écervelée à certains moments, elle vit dans l’instant et n’est pas capable d’attachements durables, son plaisir passant avant tout.  Sa danse belle, légère, précise, fluide, ample, facile en un mot exprime toute l’insouciance de sa jeunesse, sa joie de vivre.  Froustey danse avec tant de facilité qu’on oublie qu’elle danse ; on sent l’affection qu’elle a pour Tatiana, sa sœur si sérieuse, réservée, éprise de livres, calme et tranquille, pas du tout prête à aimer.

Ce qui se produit quand arrive Onéguine/Pech ; dès les premiers instants, Pech incarne un être lassé de la vie, en retrait du monde, qui souffre ; sa danse exprime cette lassitude et ce mal de vivre. Il est austère. Il est différent de tous les autres.

Tatiana en tombe amoureuse sans y être préparée ; dépassée par cet amour violent, elle lui écrit une lettre, la nuit dans sa chambre. La scène où surgissent du miroir le double d’elle même et Onéguine était dansée avec une grande simplicité et intensité. Onéguine, on le devine, peut devenir destructeur malgré lui ; non par méchanceté, mais parce que quelque chose en lui s’est brisé. Les deux danseurs sont justes, simples, mais émouvants. Onéguine est inquiétant, Tatiana oscille entre l’espoir et le tourment.

La suite des évènements annoncée par le miroir le confirme. Dans les romans russes, il y a toujours une scène au miroir où les jeunes filles allument des bougies le soir de Noël et regardent dedans pour voir leur avenir (soit dit en passant, je le fais aussi !)

Si bien que quelques temps plus tard, lorsque c’est la fête de Tatiana et que Lenski arrive à entraîner Onéguine malgré lui en lui ayant fait la promesse qu’il n’y aura QUE Tatiana, Olga, et leur mère, celui-ci se sent trahi ( c’est dans le roman et c’est magnifiquement mis en scène par Cranko) lorsqu’il découvre qu’en fait, il y a tous les voisins auxquels le jeune homme a tourné le dos, lassé de les entendre lui parler du prix du blé, ou des veaux derniers nés. Cette société a fini par prendre ce garçon pour un original, et elle est un peu vexée de voir qu’il se rend chez les Larine et pas chez eux. Ces finesses apparaissent pendant la scène du bal.

Autre belle idée de Cranko : faire déchirer la lettre de Tatiana par Onéguine (dans le roman, il la prend à l’écart et lui explique qu’il ferait son malheur en l’aimant, mais que s’il devait prendre une compagne, c’est elle qu’il choisirait ; d’ailleurs, un peu plus avant dans le roman, Onéguine a dit à Lenski : «  quoi, toi, poète, tu as choisi cette Olga, sans profondeur, sans rien pour faire frémir un poète ? Alors que Tatiana semble si riche ! À ta place, c’est elle que j’aurais choisie.» Et il a déjà vexé sans le savoir ce jeune poète à peine sorti de l’enfance.

D’une part, on comprend qu’il  par ce geste qu’il   rejette Tatiano, d’autre part, cela permettra à la scène finale de trouver toute son intensité quand Tatiana rendra sa lettre à Onéguine et la déchirera de la même manière.

Cranko fait donc danser la société des voisins avec beaucoup d’humour ! C’est pendant ce bal qu’Onéguine, déçu d’avoir été trompé par Lenski, se venge en faisant danser Olga. Toute heureuse de son succès, Froustey/Olga s’amuse ; non ce n’est pas par caprice ! Elle n’a aucune arrière pensée, et elle s’étonne que Lenski en prenne ombrage ; quand celui-ci provoque Onéguine et lui demande réparation, Olga est bouleversée et reste interdite. Elle n’a fait que danser ! Tatiana, très digne après ce qu’elle vient de vivre, essaie aussi de l’en dissuader, mettant de côté son propre chagrin pour éviter un drame.

C’est peine perdue

 

Le duel rappelle un peu celui – postérieur – de Pierre Bezoukhof dans guerre et paix. Un duel malgré soi. Un duel idiot pour l’honneur auquel on participe sans le vouloir. Les deux sœurs tentent encore de l’empêcher, et sur l’avant-scène, Onéguine/Pech hésite ; il trouve cela inutile, stupide, il sait qu’il doit faire quelque chose pour éviter ce duel, mais les choses suivent leur cours, comme malgré lui. Lenski meurt

 

Le dernier acte s’ouvre sur   la scène de bal, très belle, où l’on voit Tatiana heureuse auprès de Grémine/Duquenne qui donne beaucoup de poids à son personnage avec peu de choses à danser ; ce général est imposant, solide, sans tourment, sans état d’âme, très loin de la personnalité d’Onéguine. Les décors et les costumes, simples, légers, campent toute une ambiance de fête et de plaisirs mondains. C’est simple, c’est beau ; la robe rouge de Tatiana nous révèle qu’elle a accédé à une place dans le monde, à une certaine maturité, à un rang aussi. (Osta était superbe dans cette robe !)

Onéguine revoit donc Tatiana, qui semble l’ignorer, sauf qu’un mouvement en arrière de sa tête au moment où elle quitte le bal avec son mari, prouve qu’il n’est en rien.

J’aime beaucoup une fois encore ce qui se passe  sur l’avant-scène entre deux rideaux, où toute la vie défile sous les yeux d’Onéguine ; le passé le hante, les années n’ont rien effacé ; il ne s’est pas pardonné la mort de Lenski, et tout ce qui en a découlé.

Plus tard, dans son boudoir, Tatiana supplie son mari de ne pas la laisser seule ; il la cajole, lui renouvelle toute son affection, mais il a à faire, et s’en va ; entre Onéguine.

J’avais vu sur youtube beaucoup de pas de deux de cette scène ; Pech le danse avec beaucoup de regret, un vrai amour qui s’exprime enfin, une tendresse qu’on ne lui connaissait pas jusqu’à présent et qui nous émeut. Il est donc capable d’être tendre ? Comme s’il avait fallu tous ses drames pour qu’il puisse être lui-même et  s’avouer qu’il aime Tatiana. Elle  hésite entre sa passion et son devoir. Mais elle finit par lui rendre sa lettre et  le congédie ; ce pas de deux coulait tout seul, sans laisser voir le moindre effort, pour nous narrer tous les méandres et les fluctuations du coeur ; ces deux êtres s’aiment, cela ne fait pas l’ombre d’un doute, mais il est trop tard.  Tatiana  presque heureuse de lui faire vivre ce qu’elle a vécu au moment où elle lui rend la lettre le regrette aussitôt l’instant d’après ;  on comprend que plus jamais elle ne trouvera la paix ; le retour d’Onéguine a brisé le fragile équilibre qu’elle avait construit tant bien que mal avec Grémine.

 

Je salue ici la performance d’acteurs des danseurs qui racontent une histoire, dévoilent les méandres de l’âme humaine, ses conflits, tout ce qui se passe sous un crâne, avec un talent qui force l’admiration. Les pas de deux entre Pech/Osta étaient vraiment de toute beauté. On comprend très bien qu’Onéguine n’a rien voulu, mais a tout provoqué. Tatiana force le respect et la compassion.

Cranko en 1H 30 raconte tout un drame, avec mille finesses psychologiques et des moyens simples. C’est beau, c’est simple, c’est émouvant, c’est intelligent, et c’est tout en subtilité…

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compte rendu que j'ai posté sur le forum de Cathy, danserenfrance.

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3 décembre 2011 6 03 /12 /décembre /2011 11:14

Compte rendu Cendrillon Noureev – 1er décembre 2011

 

danse_cendrillongarnier_2007.jpgComme dit dans l’article «  quelques points de repère sur Cendrillon », j’étais curieuse de savoir comment Cendrillon allait être dansée ce soir. J’avais confiance ; avec des étoiles comme Leriche et Gilbert, j’allais me «  régaler » ! C’était sans compter sur les aléas du métier de danseur…

Le rideau se lève sur la scène d’introduction : la mère (Valastro) et ses deux filles (Renavand/ Daniel)  tyrannisent la pauvre Cendrillon

La mère et la sœur turquoise (Renavand) me font littéralement hurler de rire ! Les mimiques, les gestes, la danse, tout est vivant et drôle ! Daniel est plus «  timide » dans sa danse ; elle est moins amusante aussi. Alice Renavand, toute nouvellement promue première danseuse et je m’en réjouis, semble littéralement «  exploser » sur scène. Il y a bien longtemps, sur un forum, à la question : «  De qui voudriez-vous être la petite mère si vous étiez étoile à l’opéra ?  » j’avais répondu : d’Alice Renavand. Et la voilà première danseuse ! Comme j’en suis heureuse pour elle ! Je ne savais pas qu’elle avait cette fibre comique et je m’en amuserai toute la soirée.

Quant à Cendrillon - Dorothée Gilbert, que je regarde de tous mes yeux, - car elle est une danseuse extrêmement douée - je n’arrive pas à sentir son personnage ; je ne lui trouve pas d’identité ; qui veut-elle être ? Quels sont ses rêves ? Quelle est sa nature profonde ? Je ne comprends pas sa danse, qui est vraiment belle, mais qui ne me parle pas. Je me dis «  elle mettra mieux son personnage en place quand elle sera au second acte »

 

Le second acte arrive : Leriche/ jeune premier fait son entrée ; je trouve qu’il a du mal à danser ; et puis hop, il disparaît… Mon regard balaye la scène ; je me désintéresse de ce qui s’y passe ; je cherche Nicolas qui n’est nulle part… Je ne comprends pas tout de suite pourquoi un autre danseur porte le même costume que lui, puis  je dois accepter   l’évidence ; il est blessé et doit être remplacé…

C’est donc Magnenet qui prend la suite ; certes, chapeau à tout le monde sur le plateau d’avoir continué sans rien faire remarquer ; je suis sûre que dans la salle, personne, à part les fans de Nicolas, ne s’est rendu compte de quoi que ce soit…, c’est assez stupéfiant, et montre que l’habitude de danser ensemble permet de surmonter bien des imprévus : bravo !

 

Étant donné l’état de déception dans lequel je suis moi-même à la sortie de scène de Nicolas, j’imagine le cœur de Dorothée : il a du battre la chamade, de voir son partenaire s’éclipser et être  remplacé par un danseur avec lequel elle n’a probablement jamais du répéter… !

Rien à dire côté danse ; c’est fluide, bien dansé, c’est beau, même… mais cela ne me touche pas… les pas de deux ne «  décolleront » jamais. Dorothée Gilbert non plus et on ne peut pas lui en vouloir…

J’espère juste la revoir bientôt dans un autre rôle…

Quand à Florian Magnenet, il est bien «  vert » Sa technique est loin d’être très au point ce soir-là. Pourtant, je me rappelle l’avoir beaucoup apprécié il y a deux ans dans les amis de Raymonda. Je ne peux intérieurement que saluer leur exploit d’avoir dansé dans cet état d’urgence extrême qui ne peut en aucun cas permettre à l’artistique de s’exprimer tant il faut se concentrer sur la technique seule : car les deux partenaires, n’ayant jamais répété ensemble, doivent se débrouiller pour trouver d’instinct comment s’accorder… du travail sur une corde raide de haut vol !

 

J’ai mis un bon quart d’heure à «  retourner » dans le ballet tant j’étais déçue ; la dernière fois que j’ai vu Nicolas dans un rôle classique, c’était dans Giselle ; blessé, il ne dansera pas Onéguine ; et il y a peu de chance que je le revoie jamais dans un rôle classique, dorénavant, je devrais me contenter de mes souvenirs… encore une page qui se tourne

La déception passée (plus ou moins !) je me concentre sur mes favoris : la mère, la sœur turquoise, et l’excellentissime professeur de danse : Alessio Carbone !

 

J’avais déjà remarqué que Carbone (au passage, c’est le mari de Dorothée Gilbert !) avait un sens inné pour les rôles comiques ; j’avais ri à gorge déployée quand je l’avais vu en mari ayant des envies de meurtre dans le Concert de Jérôme Robbins !

Là, dans ce ballet, il incarne à merveille un professeur de danse, précieux, pointilleux, tout comme ses moustaches parfaitement gominées, sa coiffure, et ses chaussettes bien tirées sur ses pantalons ajustés. Bien que désespéré de voir ses pas saccagés par les deux sœurs, bien qu’impuissant à les faire progresser, il essaye malgré tout de leur inculquer quelques notions de danse, car on le sent passionné par son art qu’il veut transmettre coûte que coûte ! Il faut le voir crisper ses mains, refaire les pas derrière les deux soeurs, au bord de la crise de nerfs, mais ne renonçant pas !

 

La mère de Pierre Retif n’est pas en reste non plus. Cette marâtre oscille entre le ridicule et la méchanceté, mais on sent bien que c’est « pour rire ». Les danseurs s’amusent, nous avec, ce qui fait que l’on ne se soucie plus trop du sort de Cendrillon ; on attend le retour du  trio avec impatience et on se réjouit de chacun de leur passage ;  tout comme on se réjouit de certaines scènes de cinéma : les personnages Louis XV aux coiffures ridicules qui ne sont pas au point et qui finissent écrasés par la fausse colonne m’ont fait rire aussi ;  oui, la recette est facile :  on s’assomme, on se donne des claques, des coups de pieds, tout le monde s’agite, se dispute sur le plateau : de la bonne humeur à revendre ! Mais ces clins d’œil à un cinéma fait de « baffes » et de coups de pied, à la « Chaplin » ou à la Buster Keaton sont réjouissants ! Je ris toujours quand je vois Chaplin et l’auto-mangeoire par exemple…  Le trio producteur (Paquette) assistant (Le Roux) et réalisateur (Yann Saiz) fonctionne bien aussi ; c’est plein de vie. L’un martyrise l’autre qui tape le troisième. Et c’est sans fin ! Les trois danseurs s’en donnent à cœur joie !

Bravo donc à toute cette équipe «  comique » qui insuffle une gaieté à ce ballet, une légèreté bien loin de la vision tragique habituelle de Cendrillon ! Personne, parmi les personnages comiques, ne se prend au sérieux !   danse_cendrillongarnier_2007_2.jpg

 

En revanche, je me rends compte que les costumes ont été refaits façon «  cheap ». Qu’ils sont laids ! Ils ont perdu tout leur chic et leur côté léger, coloré, vivant ou glamour !

J’avais appris que les costumes de la Bayadère avaient été refait aussi façon «  criarde »

C’est laid ! Le pire revient aux heures, affublées d’hideux costumes gris et mauve malade… on sent que les heures sont pressées de quitter la scène à peine y sont-ils entrés et on les comprend !

Les pantoufles de verre de Cendrillon semblent venir de Barbès ! Tout comme les robes 1930 du corps de ballet ! Elles viennent sûrement de chez Hariri baba, rue d’Orsel !!!

 

Le corps de ballet est bien fouilli : les lignes s’emmêlent, ce n’est pas très ensemble…. Bon

 

Dans le troisième acte, le prince fait le tour des cabarets pour retrouver Cendrillon et nous voyons alors Alice Renavand en Lolita espagnole : superbe !!! Ce soir, elle est magnifique et impose sa danse – comique ou sensuelle – avec beaucoup de talent !

La danse chinoise de Daniel est fort jolie, mais pourquoi cette danseuse semble-t-elle au contraire si peu sûre d’elle ? Alors que se technique est belle et que ces bras, son buste, tout respire magnifiquement ?

Enfin, l’Acteur arrive chez Cendrillon pour essayer la pantoufle oubliée : Renavand fait une traversée de la scène avec son chausson de danse à la main qui  a soulevé l’hilarité de toute la salle de Bastille ! Elle se sera bien amusée et nous avec

Et enfin, le pas de deux final, entre l’acteur et Cendrillon qui a retrouvé son éclat.

Le rideau tombe

 

Et bien, j’ai passé une bonne soirée !

J’ai retrouvé avec délice une œuvre de mon cher Noureev !

Malgré les aléas de ce soir, je quitte la salle heureuse

Comme souvent à l’opéra de Paris, les seconds rôles sont parfaitement dansés, comme si le fait de ne pas avoir la charge du «  titre » d’étoile leur laissait plus de liberté, plus de légèreté

Je suis donc ravie de ma soirée, et suis encore plus ravie de voir que cette œuvre - si elle a quelques longueurs – est vivante !

 Je constate que l’opéra reste ce vivier plein de talents… qu’il ne faudrait pas grand-chose pour qu’il retrouve l’éclat que je lui ai connu il y a presque 20 ans… mais que ce n’est pas chose impossible. Les talents sont là, c’est indéniable… et c’est beau, de pouvoir partager entre public et danseurs, cet amour fou de la danse et des récits plein de vie…

Qui sait? Un jour, un " producteur" viendra à l'opéra et la magie, de nouveau, se révèlera!

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