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  • : Un jour, une œuvre
  • : Créé en 2006, ce blog rédigé par Valérie Beck autrefois consacré à la danse et à ma compagnie se diversifie davantage.
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Noureev

 

Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

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27 décembre 2016 2 27 /12 /décembre /2016 10:15
Les cygnes et le corps de ballet : véritables stars de ce 25 décembre!

Les cygnes et le corps de ballet : véritables stars de ce 25 décembre!

Sous-titre : quand un corps de ballet inspiré nous fait aimer une production qu'on n'aimait pas depuis 32 ans!

 

Les Lac se suivent mais ne se ressemblent pas. En ce 25 décembre et malgré une grippe naissante, tout ce qui avait déplu le 22 enchante. C’est curieux, mais c’est ainsi ; les spectacles vivants varient au gré des représentations. Jamais on ne voit deux fois la même chose, quand bien même on irait tous les soirs. Le corps de ballet, magique, avait reçu en ce jour de Noël ce supplément d’âme qui signe les représentations qu’on n’oublie pas a tel point qu’on se prend à aimer cette production qu’on critique depuis 1984 à cause de ses décors, de ses costumes, et des divertissements des actes I et III qu’on a toujours trouvés bien longuets. Mais ce jour-là, la magie opère et on se prend de tendresse pour les tons fanés, le décor peint ou clos, et surtout, pour le magnifique travail d’une troupe soudée qui semble retrouver un nouveau souffle. Dans ce cadre si bien dessiné, on se rappelle alors que tout est né dans l’esprit du Prince et que, comme l’écrivait un critique allemand, « nous assistons là à une lente autodestruction d'un esprit noble. (...) En fait, ce que Noureev nous offre n'est pas un drame mais une élégie, évitant toute virtuosité et brio au profit d'une simplicité et d'un flot sans fin de lyrisme et de poésie"

La Valse, précise et enlevée n’a d’égale que le panache de la Polonaise des 16 garçons ; dans cet écrin, le pas de trois présente des solistes qui rivalisent d’esprit, de musicalité, de brio : Marine Ganio insuffle à sa danse une grâce palpitante et légère comme les ailes d’un grand papillon ; sa batterie espiègle et précise nous rappelle que cette demoiselle a de l’esprit à revendre ; à ses côtés, Eleonore Guérineau oppose à un buste et des bras déliés, une danse vif-argent dans les grands sauts ; quant à Axel Ibot, sa batterie flamboyante, ses sauts avec une belle élevation et son fulgurant manège de grands jetés en tournant s’harmonisaient parfaitement avec la virtuosité de ses deux compagnes dont le plaisir de danser était communicatif!
A l’acte II, les cygnes élégiaques, lyriques, douloureusement mélancoliques se fondaient magnifiquement à la partition de Tchaïkovsky, très bien dirigée par Vello Pahn. Les quatre petits Cygnes comme les quatre grands Cygnes sont parfaits dans leurs mouvements à la fois synchrones mais poétiques et inspirés.

A l'acte III, la czardas de Fabien Révillion et Sae Eun Park est enlevée, la danse espagnole de Boulet, Gorse, Bittencourt, Ibot, pleine de fougue, la danse napolitaine de Marine Ganio et Antoine Kirscher, pleine d’esprit.

A l'acte IV, on retrouve avec émotion les cygnes émouvants pour lesquels on est plein de compassion.

 

Que dire alors au milieu de cette perfection des rôles titres, dansés par Germain Louvet et Ludmilla Pagliero qu’on avait adorée en Kitri et en Giselle ? Qu’hélas, on n’aura vu ni un Prince Siegfried, ni une princesse ou un cygne, mais un duo incroyablement plat, qui ne raconte rien et ne fait ressentir aucune émotion. On se lasse vite d’une certaine beauté esthétique ; et les équilibres tenus à l’infini par Pagliero qui se frotte à un rôle qui n’est pas pour elle, finissent par agacer tant ils coupent sans cesse le récit qui n’est absolument pas construit. Manquant pour ce rôle cruellement de lyrisme, de cette poésie toute en finesse, la danseuse escamote tous ses petits piétinés qu’on adore dans la première variation, ou les mouvements de cou qui rappellent que la princesse redeviendra un cygne avant la fin de la nuit. Siegfried, lui, arbore un large sourire tout au long du premier acte ; il est joyeux, sautillant et aimable avec tout le château. C’est un jeune gars bien de son époque, bien dans sa tête et dans son corps, et ce n’est pas demain qu’il va aller se noyer dans le Lac ! Aussi, resterait-on cruellement sur sa faim, mais voilà, l’opéra de Paris à sa botte secrète en la personne de Karl Paquette qui sauve Noël puisque Ganio et Bullion ayant déclaré forfait pour Rothbart, c’est Karl, le sauveur qui a dansé une fois de plus Wolfgang/Rothbart, et ce pour notre plus grande joie. Il faut le voir aux petits soins pour tous, présent sur le plateau tout en s’effaçant, permettant malgré tout à l’histoire d’être racontée de bout en bout. Et l’on sort en se posant une question hautement existentielle : que fera l’opéra quand Karl partira à la retraite ?

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23 décembre 2016 5 23 /12 /décembre /2016 21:04
Karl Paquette, on l'adore!

Karl Paquette, on l'adore!

Soirée du 22 décembre

Hannah O Neill, Fabien Révillion, Karl Paquette

Je n'ai malheureusement aucune photo de ces trois artistes en scène ensemble et le regrette tellement!

 

Cette soirée très inégale était marquée par la prise de rôle de Fabien Révillion en Prince Siegfried aux côtés d’Hannah O Neill dans le rôle d’Odette/Odile, déjà vue en 2015 dans ce même rôle. Inégale parce que malgré un corps ballet en forme et heureux de danser, l’enthousiasme de l’acte I est brutalement refroidi par l’arrivée de 32 cygnes surgelés, tout droit sortis d’un camp de redressement en Sibérie, que des travaux forcés ont rendu en tous points semblables aux esclaves robotisés du Métropolis de Fritz Lang. Les 4 petits cygnes, n’ont pas été épargnés : ces pauvres automates dont les ressorts trop tendus agitent compulsivement têtes et  pieds, exécutent des mouvements étriqués et saccadés en se piétinant mutuellement dans une danse mécanique sans âme. On regrette alors douloureusement le quatuor Ould Braham, Gilbert, Froustey et Fiat de 2006, se demandant quel maître de ballet sadique a pu réduire au motif de « papier peint » ces cygnes qui sont la splendeur de ce ballet. Du massacre pur… 

Au 3ème acte, la Czarda de Séverine Westermann et Cyril Mitilian nous ramène vers la danse : ils sont très énergiquement et joliment entourés et nous aide à supporter les chorégraphies plates qui se succèdent. Le reste paraît un peu long malgré la conviction avec laquelle dansent les artistes et les solistes. Le divertissement bavard se clôt par la gracieuse et très féminine danse des fiancées.

 

Karl Paquette,  Rothbart ou Wolfgang, qui connaît le rôle sur le bout de la cape,  apporte mille détails à ce personnage à l’ombre machiavélique. Tour à tour inquiétant, féroce, brutal, énigmatique, il manipule un virginal prince Siegfried  qui s’efforce de plaire à son précepteur sans comprendre – ou oser comprendre- ce que Wolfgang attend de lui. Dans leur premier duo d’une intimité troublante, ce jeune élève appliqué au regard éloquent, s’efforce d’apprendre une chorégraphie dont le sens l’effraie. Pudique, modeste, assumant mal son titre de Prince et ses désirs profonds, il se soumet facilement aux autres. Dans le pas de deux suivant, dérouté par la rudesse avec laquelle Wolfgang le projette sur le sol, il lève douloureusement la tête sans se révolter, confiant à son regard candide une interrogation poignante. Aussi, n’est-on pas le moins du monde étonné que, lorsqu’il rencontre la princesse Odette, il se plie aux désirs de celle-ci et lui  offre spontanément une promesse d’amour éternel.

Le Prince Siegfried  de Fabien Révillion est un cœur tendre, touchant par son inexpérience. On avait, les saisons passées, aimé son Benvolio  bon camarade, qui donnait une réplique tempéré à un Roméo trop impulsif ou à un Mercutio trop bagarreur ; on avait été émue par l’homme blessé du Chant de la Terre, tout en quête d’absolu, qui se heurte  à la rudesse du monde ; on avait apprécié la danse ciselée et raffinée de son Des Grieux, dans la Dame aux camélias. Mais surtout, on avait pleuré son Lenski, jeune poète de 20 ans blessé à vif par la futile Olga mais plus encore par son ami Onéguine, détestable ce soir là qui le pousse à bout et provoquera une mort d’une injustice insoutenable. On adore son prince Siegfried, humain, vulnérable, pas armé pour le monde dans lequel il vit.

Tout au long des 4 actes, Fabien Révillion insuffle au Prince Siegfried candeur, rêverie, innocence ou passion. Il est toujours juste. La construction du personnage, intelligente et  tout en finesse, est soutenue par une danse tour à tour modeste (1ere variation), spontanée et puissante (acte III) ou bien douloureusement lyrique ( acte IV) Partenaire attentif, chaque pas ou geste exprimant un sentiment, une pensée, une émotion. Un travail d’interprète remarquable et parfaitement abouti, servi par une technique sûre qui devient flamboyante quand c’est nécessaire.

Avec Bézard, chant de la terre, Neumeier

Avec Bézard, chant de la terre, Neumeier

Pour son deuxième Lac, la charismatique Hannah O Neill, à la danse belle comme un matin de givre, est moins convaincante que l’an passé : à vouloir devenir une Odette toute de douceur et de fragilité, sa danse perd en sincérité. Être une princesse Leia lui allait mieux. Dans l’acte III, renonçant à la séduction mutine de 2015, elle s’essaie à une perfidie mesurée. Ce compromis ne convainc pas non plus. Heureusement, la danseuse parvient enfin au IVème acte à trouver le ton juste, et l’osmose avec son partenaire devient totale : les deux nous offrent un ultime pas de deux déchirant de douleur et de larmes au milieu de cygnes qui tout à coup, retrouvent un peu d’âme eux aussi.

Découvrir le Siegfried de Fabien Révillion a été un vrai cadeau de Noël.

Ainsi, malgré l’imperfection de cette soirée, emporte-t-on à la maison un trio d’artistes qui nous ont raconté à trois voix l’un des contes à double fond les plus tragiques qui soient et on les en remercie du fond du cœur.

Hannah O Neil, avec Y Bittencourt, 2015

Hannah O Neil, avec Y Bittencourt, 2015

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1 novembre 2016 2 01 /11 /novembre /2016 08:52
Y. Chauviré s'apprête à surgir de sa tombe, elle est encore sous la scène

Y. Chauviré s'apprête à surgir de sa tombe, elle est encore sous la scène

Grâce au livre d'Odette Joyeux, Le monde de la danse, édité en 1973, un premier contact s'établit lorsque j'étais enfant avec cette danseuse; les photos du livre et le texte dithyrambique de Me Joyeux expliquant que tout le monde pleurait en coulisse lorsque la danseuse incarnait ce personnage eurent son mon imagination un impact fantastique. Je l'avais précisément vue faire ses adieux l'année précédente, grâce à la télévision française qui était encore digne du rôle qu'elle doit jouer auprès du public; elle l'avait interviewée dans sa loge ainsi que son partenaire, Cyril Atanassof; on voit encore un extrait de ce reportage dans les archives en ligne de l'INA. Et puis l'année suivante, le théâtre tout neuf de ma ville accueillit la troupe de l'opéra de Paris, Cyril Atanassoff et Noella Pontois vinrent danser Giselle : quel choc! Je me mis à  penser à Giselle jour et nuit, j'achetais le disque, et, jour après jour,  le livre et Dame Chauviré sous les yeux, je revoyais inlassablement le ballet dans son entier car j'en avais mémorisé une grande partie.

 

le temps du bonheur puis de la trahison
le temps du bonheur puis de la trahison

le temps du bonheur puis de la trahison

Des années plus tard, en 1983, je la découvrais dans l'éblouissant Raymonda, remontée par Noureev pour la troupe de l'opéra, où elle incarnait la Comtesse; c'est un rôle principalement mimé, il n'y a qu'une danse de groupes en robes longues faite  de déplacements. Dans ce ballet, au premier acte, la Comtesse  sermonne la troupe de jeunes gens un peu trop turbulents qui transforment le voile de la future mariée en cachette. Je me rappelle encore son entrée en scène, quelle allure! Cette femme avait une présence d'une puissance rarement égalée depuis ( je compare toujours sa présence charismatique et puissante à celle de Jean Marais, vu à 80 ans dans Bacchus, et qui m'a laissé un souvenir d'une force incroyable car trente ans plus tard, sa voix et son regard vibrent toujours dans ma mémoire); elle avait une classe naturelle, des bras d'un lyrisme accompli, souples, éloquents, qui, à l'égal des ailes des anges, pouvaient aller du murmure, du bruissement imperceptible au sermon le plus glaçant; son visage reflétait magnifiquement la lumière, on l'aurait dit sculpté par un artiste de génie; et puis elle pouvait passer de l'autorité à la douceur, de la flamboyance à l'écoute, avec un rien d'humour, rien qu'en se déplaçant, en inclinant la tête, en levant un bras...

 

Yvette Chauviré, souvenirs

J'ai toujours une VhS de ce Raymonda, à la piètre qualité car enregistrée à la télévision en 1986. Il faudra que je la numérise tôt ou tard, à moins que l'INA un jour, ne réédite cette merveille.

Heureusement, on la voit aussi donner les leçons  de  style  dans le merveilleux film de Dominique Delouche, " Une étoile pour l'exemple" où Loudière, Guillem,  Guérin, Pietragala et d'autres répètent sous son regard avisé. Elle y évoque aussi Lifar pour lequel elle créa nombres de ballets, dont l'Ombre des Mirages.

A l'opéra, elle donna longtemps des cours de style, et nombres de danseuses ne les auraient manqués pour rien au monde, comme l'expliquait Ciaravola. Elle avait été non seulement une immense artiste, mais elle savait aussi transmettre ce style si pur à la perfection. Comme toute artiste habitée par la passion, elle avait la générosité qu'il faut transmettre le flambeau, une fois que l'on ne peut plus faire de scène.

Longtemps, lorsque j'avais encore ma compagnie de danse, j'ai eu accroché au dessus de mon piano des photos d'elle en Ishtar : elle m'inspirait, elle m'éblouissait, par sa plastique parfaite, par son allure extraordinaire, par ses bras aux angles si indiens, par la profondeur de son imagination que l'on décelait sur les photographies; si cela était visible dans un mouvement arrêté, on imagine ce que cela devait être lorsqu'elle était encore sur scène.

Cette danseuse, tout comme Pavlova, a contribué à promouvoir une image merveilleuse de la danse classique, une image moderne et loin des clichés. Et ce petit article du jour la remercie d'avoir, à travers quelques photographies si longtemps chéries, nourri pour toujours la mémoire d'une enfant passionnée de danse classique.

 

La sculpturale Ishtar
La sculpturale Ishtar

La sculpturale Ishtar

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22 octobre 2016 6 22 /10 /octobre /2016 10:13
Les grelots tintent et les tigres ronronnent
J’ai le plaisir de vous annoncer la parution en auto-édition de mon cinquième roman,  Les grelots tintent et les tigres ronronnent, en attendant, je l’espère, la parution dans un format
papier pour ceux qui sont ( encore) réfractaires à la lecture sur liseuse électronique et qui souhaiteraient lire ce roman.
Je vous laisse découvrir  ce livre via le lien  à la fin de ce mail, qui vous permettra de parcourir et de “ feuilleter” le tout début de cette histoire qui se passe entre 1872 et 1883, dans l’Inde du Nord et l’Angleterre. Une petite Anglaise et son ami hindou,  un  mystérieux Sâdhu, un vieux temple abandonné... sont quelques uns des éléments de ce roman.
Le pseudo Lhiver, tout simplement parce qu’il y a déjà beaucoup de Beck dans l’écriture ( presse, littérature) et que cette saison, l’hiver, où tout est comme en suspension, en attente,  est chère à mon coeur.
Un sixième roman est actuellement en préparation.
Amitiés à tous, du fond du coeur,
 
Valérie Beck, alias Valérie Lhiver
 
 
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18 juin 2016 6 18 /06 /juin /2016 09:09
Photo Joelle Bonnet

Photo Joelle Bonnet

La beauté de cette soirée du 14 tenait plus à la beauté de la danse en elle même et à cette douceur,  à cette tendresse qui émanaient des deux protagonistes, plutôt qu'à la justesse des personnages : Ni Ould Braham ni Heymann ne sont véritablement Giselle ou Albrecht, mais leur danse est si belle, ce sont deux artistes  si  sensibles, avec une danse si moelleuse, d'une si grande fluidité et légèreté que c'était vraiment magnifique à voir!

On ne peut avoir que le souffle coupé par la gracilité, la finesse de la danse d'Ould Braham, et par l'engagement total de Heymann! Quand il s'écroule sur le sol, c'est par fatigue véritable, il arrive au bout de lui même, et en ce sens, il finit par rencontrer "Albrecht".

 Ould Braham n'est pas, dans ce choix d'interprétation une jeune âme trépassée qui protège celui qui l'a trahie pour la simple raison qu'Albrecht est bien trop amoureux d'elle, dès le premier, acte pour qu'on croie à une trahison ; on a plutôt l'impression que Loys a été où son coeur l'a conduit, et qu'il s'est retrouvé sottement piégé par l'arrivée impromptue du Duc de Courlande et de sa fille Bathilde, la fiancée d'Albrecht. Toute la pantomime du premier acte était d'une grande lisibilité avec des choix très affirmés chez tous les protagonistes quitte à prendre une certaine liberté avec le livret, et c'est ce qui m'a plu : Heymann et Ould Braham incarnent jusqu'au bout les personnages qu'ils ont choisi d'êtreet les portent avec toute la puissance de leur coeur, de leur être,  même si c'est une lecture un peu à " contresens" du  livret; peu importe : c'est beau, authentique et habité.

Bizarement, l'Hilarion de F Alu m'a moins convaincue que celui de Vincent Chailley, sans doute parce que j'aime la rudesse de cet homme rustique, simple, touché en plein coeur par une jolie fille et qui tout à coup, trouve au fond de son coeur qui n'a sans doute jamais connu aucune tendresse, ni de sa mère, ni de ses soeurs,  de ses petites attentions qu'ont tous les amoureux à leurs débuts,  comme les lapins ou les fleurs qu'il vient déposer devant chez elle.
Grâce à elle, comme le dit Cyrano à Roxane, au moent de mourir, une " robe aura passé dans ma vie"
 

Photo Joelle Bonnet

Photo Joelle Bonnet

Hannah O Neil qui glisse sur le sol comme si elle volait, incarne une Myrtha glaciale, véritable Reine des Aulnes au féminin qui n'a pas la moindre once de sentiment humain dans son coeur de pierre; personnage fascinant, cruel, et d'une beauté surnaturelle : elle était tout cela à la fois! Ses envols ont une élévation surprenante et sont poignants d'autorité sans jamais revêtir la moindre brutalité, car Hannah O Neil est d'une légèreté absolue.

 

Photo Joelle Bonnet

Photo Joelle Bonnet

En conclusion, je dirai que Ould Braham m'a rappelé le personnage de Cristina Ricci dans Sleepy Hollow; il s'agit de cette jeune fille blonde, délicate, qui dessine des pentagrammes pour protéger l'homme qu'elle aime et qu'on veut faire périr grâce à la magie noire

Le roman Sleepy Hollow est contemporain de Giselle, il a été écrit en 1820

Il oppose lumières et ténèbres, mysticisme, foi, magie noire; il est dans la mouvance de toute cette littérature qui naît dans un siècle qui n'en peut plus des Lumières et de l'esprit scientifique qui s'oppose à la Foi.

 

Comme  la Giselle de Ould Braham, Katrina van Tassel a sa blondeur, son angélisme, son amour qui triomphera du mal.

 

Ould Braham-Heymann- Giselle- 14 juin 2016

Un grand merci à Joelle Bonnet pour le prêt de ses photos!

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12 juin 2016 7 12 /06 /juin /2016 17:17
photo svetlana Loboff

photo svetlana Loboff

J'ai revu cette même interprète le 14 et l'impression a été toute autre! compte rendu à suvire d'ici quelques jours; celui-ci ne parle que de la représentation du 10 et n'est pas du tout conforme à mes impressions du 14; cela veut dire que des artistes de cette trempe sont capables en trois jours, de faire considérablement évoluer leurs personnages!

 

Myriam Ould Braham est une Giselle  classique :  timide, candide, douce et pleine de tendresse pour sa mère et pour le prince (Mathias Heymann) qui lui rend visite,  elle repousse avec douceur Hilarion et semble presque s’excuser de ne pouvoir l’aimer ; elle est si délicate qu’on ne s’étonne guère qu’après avoir appris la trahison d’Albrecht, elle perde l’esprit et le contact avec le monde réel. Malgré une danse d’une grande beauté dans laquelle toutes les qualités citées sont apparentes,  Ould Braham me convainc moins en Giselle qu’en Nikya cet hiver ;  son personnage est plus en retrait, mais  malgré tout,  jolie et naturellement gracieuse, Myriam Ould Braham est délicieuse en scène.

Sa scène de la folie reste assez sage et sa mort aussi ; elle nous raconte une histoire, elle le sait et nous aussi ; c’est sans doute la raison pour laquelle nous restons donc en lisière de celle-ci, conscients que nous sommes au spectacle. 

A ses côtés, Mathias Heymann avec sa danse vive, moelleuse et son sourire plein de candeur  est un jeune homme fougueux, fou-amoureux de sa Giselle mais aucunement un prince ; rien ne le différencie vraiment des vendangeurs qui rentrent le soir au village ; il est   simple, spontané, sans autorité ni  majesté ; un peu du Roméo de ce printemps est resté accroché à lui ; son face à face avec Hilarion est à son désavantage car c’est Vincent Chaillet/Hilarion, le garde chasse, qui a largement le dessus même si celui-ci s’éclipse comme le veut la mise en scène. 

 

Le couple Albrecht/Giselle est  un couple qui s’aimera dans la mort comme il s’est aimé dans la vie, avec une sincérité absolue. Au second acte, Giselle accompagne de sa tendresse son cher Albrecht qu’elle protège de toute la force de son cœur ; moins ombre que bonne fée bienveillante, ses variations ne se teintent nullement de mystère ou de la solitude poignante dans laquelle la mort a jeté Giselle en la séparant de ceux qu'elle aimait. En sortant de la tombe, elle est restée celle qu'elle était dans le monde des vivants : aimante, douce, bienveillante, prenant soin de ceux qu'elle aime.

 

A ses côtés, la Myrtha de H. Bourdon fait  peur ! Gare à celles de ses Willis qui ne lui obéiraient pas ; ses grands jetés sont dansés en force et manquent d’immatérialité, de même que les petits pas glissés du début, trop terrestres. Elle pointe ses doigts vers le sol avec la brutalité de la fée Violente dans la Belle. C'est une façon de voir le personnage : "l'implaccable" Myrtha. Mais cet esprit frappeur ne me séduit pas. Froideur virginale ne signifie pas forcément  sécheresse ou brutalité...

De la sorte, le second acte a cruellement manqué de magie, de mystère, et surtout, de ce souffle romantique qui parcourt l’œuvre de Gautier, Hoffmann ou les premiers poèmes de V. Hugo,  malgré le superbe travail du corps de ballet. 

  

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12 juin 2016 7 12 /06 /juin /2016 16:38
Pagliero-Paquette - Giselle- Opéra de Paris 2016

 

Ludmilla Pagliero – Karl Paquette – François Alu – Charline Giezendanner-  Vincent Chailley- Fanny Gorse

Au premier acte, Ludmila Pagliero est une Giselle vive, drôle, qui ne se laisse nullement intimidée par le beau garçon qui vient frapper chez elle ; loin d’être une amoureuse tremblante,  elle fait preuve de beaucoup d’esprit face à Loys et ne s’en laisse pas compter ; elle surprend, habitués que nous sommes aux viriginales Giselle naïves, timides ou candides qui baissent les yeux ou rougissent ; rien de tout cela chez Pagliero qui est la jeune fille en lisière de la forêt qu’on voudrait tous avoir pour amie – on ne s’étonne donc pas du nombre de celles-ci sur scène ni de voir autant de monde graviter autour de sa maison!  La passion coule dans ses veines, pour la danse mais aussi pour la vie, et c’est précisément cette passion qui, une fois morte, se transformera en un sentiment fort, puissant : le pardon.

Pagliero/Giselle danse comme elle est, avec spontanéité et sans chercher à séduire. Elle a une façon de dire à sa mère : «  Oh, ne t'inquiète pas, tu sais,  je ne faisais que danser quelques petits pas deci delà » irrésistible  de drôlerie. Son personnage est consistant, loin des sentiers battus, vivant, et l'on ressent ce qu’elle vit, on devient ce qu’elle est y compris dans sa scène de la folie tellement convaincante avec pourtant une économie des gestes et des expressions :  comment fait-elle pour qu’au moment où tout le plateau s’immobilise on réussisse à comprendre la faille qui la déchire soudainement, sans crier gare et la fait basculer de l’autre côté ? Dans sa scène de la folie se succède mille états d'âme – elle ne reconnaît plus les gens, sombre dans ses souvenirs, tout à coup rit  les yeux fous et en reculant  heurte Bathilde,  la fuit avec une expression hagarde, cherche sa mère, se rappelle les promesses d'amour et égrène quelque fleur imaginaire, puis sombre dans une douce nostalgie...

Lorsque, simplement penchée vers l’avant, les genoux légèrement pliés et le dos rond, elle reste ainsi sans plus bouger, notre compassion infinie l'enveloppe tout entière.

A ses côtés, Karl Paquette est un prince amoureux, mais réservé ; un peu rêveur, un peu absent, vient-il chercher en  courtisant Giselle à échapper à un profond ennui de vivre ? Pourtant,  lorsqu'il lui jure un amour éternel,  il s’anime vraiment. Sans doute aime-t-il cette jeune fille qui est si vivante, bien plus qu'il ne le sait lui même. Il faudra qu'elle s'effondre sous yeux pour qu'enfin, il réalise la puissance de son amour pour elle.

Leur couple est harmonieux comme l’est celui que F Alu forme avec Giezendanner : quelle bonheur de les voir ensemble ! A peine sont-ils sur le plateau que tout devient léger, lumineux, joyeux !  Giezendanner comme toujours a une danse scintillante, ciselée, raffinée, tellement musicale ;  ses pieds ont une rapidité d'exécution et une délicatesse extraordinaire. La scène est trop petite pour François Alu qui l’emplit tout entier de sa danse est virtuose, puissante, souple, mais surtout tellement vivante.  Ce couple crée un superbe contraste dans l’expression de leur amour harmonieux qui éclate au grand jour avec celui formé par Giselle et Loys qui se cherchent encore. Et mieux encore, ils ne créent nullement un " divertissement" mais participent à la narration du ballet.

L' Hilarion de Chailley fait co-exister en lui une certaine rudesse et un amour dévorant pour Giselle qu’il exprime avec sincérité mais maladresse  et la Bathilde de Marie-Solène Boulet n’a pas son pareil pour se montrer aimable mais vite agacée par la petite paysanne que tout le monde adore.

   

Pagliero-Paquette - Giselle- Opéra de Paris 2016

Au second acte, Pagliero sort de sa tombe comme un esprit qu'on arrache à la nuit et qui s'éveille brutalement, sans savoir où il est. Ses tours en arabesque  irréels, hallucinés, expriment toute l'horreur de la mort. Mais dès la venue d'Albrecht sur sa tombe, la puissance de son pardon la guidera désormais et elle essaiera non seulement de consoler Albrecht mais de guérir la vengeresse Myrtha.  

Dans sa façon  de ployer le buste, d’être toujours légèrement décalée par rapport à l’axe, comme la flamme vacillante d'une bougie qui tremble au moindre courant d'air, d’insuffler un souffle impalpable à ses bras dans lequel le sang ne bat plus, de donner à son visage l’impassibilité des gisants de marbre mêlée d' une tendresse infinie, Giselle-Pagliero dit  son pardon, profond, absolu et son désir de guérir tous ceux qui l’approchent ; aussi n'implore-t-elle pas Myrtha de laisser la vie sauve à Albrecht, mais elle lui dit doucement que la vengeance ne la mènera nulle part, qu’il est d’autre chemin, en égrènant devant elle son bouquet de marguerites, non comme un reproche mais comme une offrande, afin d'éveiller en elle la jeune fille aimante qu'elle fût sans doute  autrefois.

Dans sa dernière variation, sa petite batterie précise, rapide, évanescente tout à la fois, donne l’impression qu’elle vole au-dessus du sol.

A ses côtés, Paquette,  perdu dans un rêve, ne sait pas si tout cela est réel. Dans sa série d’entrechats 6 pointe le désir de mourir lui  aussi pour rejoindre, peut-être, celle qu’il aime. Mais a-t-il jamais aimé vivre?

 

La Myrtha de Fanny Gorse  royale, diaphane, brillante, aérienne, s’élance telle une phalène dans la lumière de la nuit  ;  une autorité naturelle  pointe sous l’éclat et la précision de ses pas, de ses grands jetés, de ses arabesques penchées sur pointe ; sous son diadème qui scintille, elle brille comme un diamant au clair de lune,  et virevolte comme un feu follet qui s'ingénie à égarer les voyageurs perdus dans la nuit.

 Dans les deux actes, le corps de ballet était vivant et en harmonie et c'était un régal pour les yeux.

Koen Kessels a su insuffler aux cordes de l’esprit, aux bois du velouté, mais n’a pas pu tirer grand-chose des cuivres, qui répétaient dans la fosse avant le lever de rideau, l’ouverture des maîtres chanteurs de Wagner… outre, qu’ils couvraient leurs collègues, ils parlaient bruyamment quand ils ne jouaient pas. Assez inadmissibles, quand même !

 

 

Pagliero-Paquette - Giselle- Opéra de Paris 2016

Malheureusement, de là où j'étais, je ne voyais  comme le montre la photo ni la maison de Giselle, ni la tombe, et beaucoup de passages ont laissé pour moi la scène vide; Giselle qui sort de la maison, les Willis devant la tombe, Giselle qui sort de la tombe, Albrecht qui se recueille sur la tombe, etc...cela ne m'a pas empêché de vivre l'une de mes plus belles Giselles!

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17 avril 2016 7 17 /04 /avril /2016 08:49

 

 

Pour la deuxième année consécutive, Mahina Khanum, danseuse d’odissi résidant à présent à Paris, organise un festival autour des danses indiennes intitulé  Mouvement Emouvant.

Cette initiative est doublement à saluer, d’une part, pour l’ampleur et la générosité du projet  sachant que ce festival ne bénéficie d’aucune subvention, deuxièmement, pour la merveilleuse possibilité d’avoir une programmation passionnante sur une dizaine de jours qui regroupe journée d’étude, projection de film, visite guidée au musée Guimet, spectacle, et ateliers autour de la musique et de la danse indienne.

Hier, le festival s’est ouvert par une émouvante visite au Musée Guimet,  préparée avec Mahina Khanum et commentée par Tiziani Leucci danseuse, anthropologue, chercheur au CNRS.  Nous avons sillonné au milieu des sculptures, en remontant le temps…  lorsque l’on sait l’importance que le musée Guimet a eu sur le destin de bien des femmes, comme  Mata Hari ou  Alexandra David Neel, l’émotion est forcément au rendez-vous. Comme elle l’est plus encore en voyant gravées dans la pierre depuis plus de dix siècles, des danseuses qui témoignent d’un art toujours relié au divin.

Dès  demain lundi 18 avril, commencera une journée d’étude à l’INALCO. Cette journée sera consacrée à l’histoire des pratiques chorégraphiques indiennes en Frnace, depuis les années 1920 et  aux interprètes féminines des styles Bharata Natyam et Odissi. La parole sera donnée aussi bien aux chercheurs qu’aux artistes, pédagogues et chorégraphes.

Cette journée est gratuite, il suffit de réserver sur ce lien.

 

Le mercredi 20 avril –  vous pourrez assister à une projection débat à 20h30, au cinéma La Clef, 34 rue Daubenton 75005 Paris.
Sera diffusé L’œil au-dessus du puits, de Johan Van Der Keuken (1988)
Le débat sera ensuite animé par Annette Leday, interprète de Kathakali (théâtre dansé du Kerala), chorégraphe et metteur en scène.
Tarif : 6,5 € sur réservation en ligne auprès du cinéma 

 

 

Le vendredi soir  22 avril, dans le ravissant Théâtre Adhyar, un spectacle présentera dès 20h plusieurs styles de danses indiennes. En voici le programme succint :

  • Mohini Attam (Brigitte Chataignier),
  • Kathakali (Karunakaran),
  • Sattriya (Meena Kanakabati),
  • Kathak (Isabelle Anna),
  • Bharata Natyam (Tarikavalli),
  • Odissi (Mahina Khanum)

 

Je vous invite à visiter cette page qui présente ces artistes.

 

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Le week-end qui suivra – 23 et 24 avril - proposera douze ateliers dont voici le programme

 

 

Programme des ateliers de danses et musique


Studio Biped : Micadanses, 16 rue Geoffroyer l’Asnier 75004 Paris
Studio May B : Micadanses, 15 rue Geoffroyer l’Asnier 75004 Paris
Centre de danse Alésia : 119 av. du Général Leclerc 75014 Paris

 

Samedi 23 avril
10h00 – 11h00 – Initiation aux mudras (gestuelle indienne), studio Biped
11h00 – 12h00 – Initiation aux rasa en musique, studio Biped
12h15 – 13h45 – Bharata Natyam (Tarikavalli), studio May B
14h00 – 15h30 – Mohini Attam (Brigitte Chataignier), studio Biped
15h30 – 17h00 – Sattriya (Meena Kanakabati), studio Biped
17h00 – 18h00 – Yoga pour danseurs (Valérie Beck), studio Biped

 

Dimanche 24 avril
10h00 – 11h00 – Yoga pour danseurs (Valérie Beck), Studio May B
11h00 – 12h30 – Kathakali (Karunakaran), Studio May B
12h30 – 14h00 – Kathak (Kali Chandrasegaram), Studio May B
14h00 – 15h30 – Chant carnatique (Bhavana Pradyumna), Studio May B
15h30 – 17h00 – Odissi (Mahina Khanum), Studio May B
17h30 – 19h00 – Approche contemporaine du Kathak (Kali Chandrasegaram), Centre de danse Alésia

 

J’aurai le plaisir d’animer les deux ateliers de yoga qui vous permettront de préparer puis d’intérioriser votre pratique :   corps,  souffle et  esprit  seront sollicités en douceur ; les ateliers sont ouverts à tous et ne demandent aucun pré-requis.

 

A noter des ateliers assez rares, comme l'initiation aux rasas qui sera illustrée par un sitariste pour permettre d'entrer dans la musique indienne et ses saveurs, et des ateliers autour des styles Mohini Attam ou Sattriya, très peu connus en France
Les ateliers de Kathak auxquels j'ai déjà participé sont animés par Kali qui a une approche très sensible et très artistique de son art
Quand aux mudras, la gestuelle indienne, permet tout de suite d'entrer dans cet imaginaire ou dieux, émotions, sentiments, végétaux, idées, animaux se côtoient dans une évocation aussi puissante que poétique!

 

Je vous invite de tout cœur à nous rejoindre, à venir écouter, sentir, danser, chanter, vous émerveiller, apprendre, entrer au cœur de cette tradition indienne aux multiples aspects qui n’a pas fini de nous émerveiller, de nous surprendre, et comme le dit si joliment le titre du festival, de nous émouvoir !

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Voici les liens pour le festivalCLiQUER ICI

 

Et voici la page facebook du festival : CLIQUER ICI

 

Pour réserver directement : CLIQUER ICI

 

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14 avril 2016 4 14 /04 /avril /2016 17:43
Roméo et Juliette - Noureev : Gilbert, Marchand, Bézard opéra de paris 2016

Toute autre ambiance avec dans les rôles-titres Hugo Marchand et Dorothée Gilbert.
Au début du ballet,  Roméo/Marchand a du mal  à incarner Roméo. Il danse magnifiquement,  mais aucun personnage n’existe vraiment. C’est un peu la même chose du côté de Gilbert qui incarne une jeune fille trop bien élevée et maîtresse d’elle-même ; elle est trop élégante et trop sage pour être Juliette ; elle  n’a pas  la vivacité un peu brouillonne de l’adolescente de 14 ans qui va prendre son destin en main. Elle est plus princesse que jeune fille qui n’est encore jamais tombée amoureuse.  Hugo Marchand lui donne la réplique sur le même ton, et si on se régale de leur belle danse, on pleure intérieurement l’absence de personnages.  On en vient à leur sur-imprimer Heymann et Baulac, tourbillonnant, un peu brouillons certes, mais au prise avec un amour qui leur tombe dessus et dont ils ne comprennent rien. C’est d’autant plus dommage que le reste de la troupe est très en  forme; les ensembles sont percutants, les rixes menées avec intrépidité. Et  le Tybalt de Bézard est d’une noirceur absolue!  

Du côté de l’orchestre, pas de vie non plus ; cela sonne bien, mais où sont les accents, les changements de direction, la vie, en un mot ? Tout est trop lisse : pas plus de vie dans la fosse que sur scène pour ce premier acte. Est-ce qu’on rentre chez soi ? Non, on attend le deuxième acte  sur son inconfortable strapontin du fin fond de l’orchestre!  

 

Et on a bien fait car au second acte, les danseurs s’emparent peu à peu de leur personnage ; Tybalt/Bézard, poussé par une haine qui le dépasse et qu'il ne comprend pas - corps et   visage déformés par la haine, dos arrondi, marche en crabe, griffes dehors, il a  tout d’un chat enragé, qui écume, aveuglé par la rage -  va mettre un peu de vie sur ce plateau trop sage; Mercutio meurt, Roméo le venge, Tybalt meurt à son tour et  on a plus de   peine pour lui que pour Mercutio !  – car Bézard parvient à nous faire sentir que c’était «  plus fort que lui », qu’il n’est qu’un pauvre jouet dans les mains des Lanceurs de Dés du  prologue du ballet : ce sont eux, le Destin, qui tirent les ficelles ; Roméo  le comprend trop tard : Juliette est déjà là, devant le corps sans vie de son presque frère. Cette fois-ci, la partition est dansée à trois voix, et on comprend qu’aucun des trois n’agit de son propre chef.  Gilbert donne à son désespoir une intensité dramatique contagieuse  avec une gestuelle qui part de l’intérieur ; elle  implose littéralement dans une danse de douleur où le chagrin le dispute à la colère, où l’incompréhension de ce qui arrive lui fait perdre ses repères.  Elle va se consumer de chagrin, là, sous nos yeux. Dorothée Gilbert concentre en elle toute la tragédie de cet fin d’acte : le destin agit en aveugle et même son Roméo en a été le jouet.

 

Au troisième acte, l’intensité gagne encore un cran ; et cette fois-ci, l’émotion emplit tout le plateau ; de l’assassinat du Frère, à l’annonce de la mort de Juliette par Benvolio, de l’assassinat de Pâris, au suicide de Roméo puis de Juliette, tout est à vif et c’est bien dans un état second que le spectateur finit lui aussi.

 

 

En comparant les deux distributions, on se rend compte qu’on a aimé la fougue de Heymann et de Baulac, leur capacité à incarner une jeunesse vibrante, incandescente, qui se  brise sur le drame, et qu’on aime tout autant  la danse tout en finesse et en intensité de Gilbert/ Marchand

On est ravi d’avoir vu Alu, Révillon, Bézard, Dayanova, Romberg donner vie à leur personnage.  Et on se dit qu’on gardera un souvenir plus fort que les Roméo des saisons passés,  exception faite de celui de 1991 qui réunissait Hilaire/Guillem/Jude…

 

Et pour finir, on remercie notre cher Noureev qui nous donne une fois encore envie de relire la pièce…

Roméo et Juliette - Noureev : Gilbert, Marchand, Bézard opéra de paris 2016
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11 avril 2016 1 11 /04 /avril /2016 17:21
Roméo et Juliette - Baulac, Heymann, Alu, Magnenet - Opéra de Paris

Ce dimanche 10 avril, Léonore Baulac a eu la lourde tâche  de remplacer pour ainsi dire au pied levé Myriam Ould Braham, malheureusement blessée, et d’être la Juliette de Roméo-Heymann.  Déçue de ne pas voir Ould-Braham en Juliette, car encore sous le charme de sa Nikya, j’ai été néanmoins surprise par la facilité avec laquelle  la jeune danseuse qui s'adapte  rapidement à toutes sortes de changements, a campé une Juliette de haut vol malgré une certaine fébrilité bien compréhensible au vue du peu de répétitions que les deux danseurs ont dû avoir ensemble.

A vrai dire, il n’a manqué à ce couple charismatique à la danse  vraiment magnifique, qu’un peu plus d’émotion ; celle-ci n’est arrivée qu'assez tard dans le ballet. Et pourtant, ils ont l'un et l'autre tout ce qu'il faut pour ETRE Juliette et Romeo : la beauté, une danse superbe, une incandescence qui vont bien aux deux personnages. Si dans  la redoutable scène du balcon - où il y a un pas sur chaque note, suivant l’habitude de Noureev de mettre musique et chorégraphie en adéquation  et des portés vertigineux - l’effervescence de ces deux adolescents, sur qui l’amour tombe sans crier gare, était toujours un peu au bord de la fébrilité plus que de l’explosion  amoureuse, au troisième acte, l’un et l’autre libérés des grandes difficultés techniques du premier acte, ont incarné leur personnage avec une puissante intensité dramatique.

 Léonore campe une Juliette au caractère bien trempé ;  au premier acte, elle ne tombe pas dans le piège de surjouer une Juliette enfantine ; elle est juvénile, mais a déjà un fort caractère; elle s'affirme dès l'arrivée de ses parents. Au fil des actes, cette affirmation, cette volonté de prendre son destin en main lui donne une gravité et une profondeur qui vont crescendo. Jamais elle ne surjoue la douleur, ou la révolte mais la puissante volonté qui anime la jeune fille est perceptible d'un bout à l'autre de l'oeuvre, même dans son choix de mourir.
Heymann campe un très beau Roméo. Il y a une telle pureté dans sa danse, un tel lyrisme, un tel envol, que cela apporte au personnage une petite touche " elfique" qui ne dessert pas le personnage; un peu de Zaël passe dans son Roméo. Mais il y a surtout beaucoup de générosité, d’intensité et des prises de risque qu’auraient adorées Noureev! Et quel sourire! On comprend que Juliette fonde complètement! Son sourire est à son image : candide, lumineux, offert tout entier! Ses lignes sont superbes, et son style, fidèle à  Noureev, avec tout ce travail de «  desaxage »  par rapport à l’axe du corps.


Il était dommage que  l'orchestre soit dirigé mollement ; certes les pupitres étaient bien équilibrés mais les attaques étaient mollassonnes, les tempis un peu gnian-gnian.   Du coup, les danses de groupes manquaient de peps, et parfois de vie, malgré tous les efforts de la troupe pour déployer celle-ci sur scène. Malgré tout, une sincérité, un engagement de la part des artistes étaient perceptibles sur le plateau mais quelque chose manquait – et pas du fait des artistes en scène - ça aurait pu être plus fort, plus abouti encore peut-être avec plus de répétitions, ou moins de temps perdu à danser le reste de la saison des âneries néo-classiques sans âme ou des créations d’un autre âge ? 

Le  trio
Benvolio/ Mercutio/ Roméo ( Révillon, Alu) opposé à  Tybalt ( Magnenet) racontait bien la même histoire.  Tybalt, un peu trop gentil au début de l’œuvre, trouve son ton au cours du  ballet.  Benvolio/ Révillon avait la  bienveillance propre à ce personnage, et Alu  la vantardise latine et le panache à la Cyrano propre au personnage qui vit toujours en public.  C'est la première fois depuis L. Delanoe  que je vois mourir un Mercutio qui continue au moment de sa mort, tour à tour, de rire et de  grimaçer, laissant jusqu’au bout le public perplexe sur le sens de ses mimiques.  Même quand il s’écroule, on n’est pas sûr qu’il ne joue pas encore. On  adore Alu  quand il est en scène, et on l'attend quand il n'y est plus; encore un peu il volerait la vedette du couple principal! Il n’y a pas à dire : Alu sait incarner ses personnages comme peu de danseurs avec une technique superbe; tous ses pas ont un sens, expriment une idée, un sentiment, une émotion ; tout fait sens ; c’est précisément ce qui manquait un peu à Heymann et Baulac : une danse qui fait sens et qui n’existe pas que pour elle-même, mais sans doute les spectateurs des  mercredi ou samedi prochains auront la  chance de voir des personnages plus aboutis.

La
Rosalinde de Sara Kora Dayanova pleine de grâce, apportait aux scènes sur la place de Véronne une touche d'élégance au milieu de toute cette joyeuse et/ou belliqueuse assemblée ; un personnage pour une fois attachant, alors que d’habitude cette demoiselle fait un peu figure de «  vase décoratif » ;  la nourrice d'Alexandra Cardinale avait, quant à elle,  beaucoup de présence! Elle a autant de cœur que de gouaille et elle aime les beaux garçons! Héhé, la coquine!
Tout au long de ce Roméo,  chacun a apporté sa voix à l'ensemble.
Le drame s'est installé peu à peu, au milieu de la truculence, de la haine, de la rigolade, des combats, des coups bas, de l'amour, des bals, des mascarades, de la misère... et au final, quand les deux amants meurent, quelque chose meurt à ce moment là en nous avec eux...

 

La salle a chaleureusement applaudi les artistes qui rayonnaient sur scène au moment des saluts.

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