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  • : Un jour, une œuvre
  • : Créé en 2006, ce blog rédigé par Valérie Beck autrefois consacré à la danse et à ma compagnie se diversifie davantage.
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Noureev

 

Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

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2 juillet 2014 3 02 /07 /juillet /2014 08:02

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Notre Dame de Paris de Roland Petit…. C’est déjà un souvenir dans mon vieux livre sur la danse des années 70 : Claire Motte et Cyril Atanassof. Ce que j’ai pu rêver sur ces photos aux costumes étonnants !   Le ballet, créé sur mesure pour les deux artistes, était une commande pour l’opéra de Paris qui ouvrait déjà à l’époque ses portes à la modernité – et bien avant  Dame Lefèvre ! – via  Michel Descombey, Roland Petit, Maurice Béjart    

  

Découverte sur scène  beaucoup plus tard, cette oeuvre ne m'a pas plus. La  musique  lourde, sans subtilité aucune, les costumes  plutôt hideux,  la chorégraphie, terriblement répétitive et bavarde en donnent un récit  assez peu attrayant, sans relief, et même assez insupportable par moment. Certes, quelques passages scintillent, telles des pierres précieuses jetées au milieu de gravats, comme le 1er solo de Quasimodo, tout en sensibilité, ou celui d’Esmeralda, à la fois mutin, féminin et si libre !  Ce solo fait partie de mes préférés avec celui de l'Etrangère de Clavigo, tout répertoire confondu. J'ai du le regarder un milliard de fois dans la version DVD avec Isabelle Guérin. De même,  tout le début du second acte est poétique et intense.   Lorsque les solistes sont sur scène, sans un corps de ballet qui ne sert pas à grand-chose, si ce n’est à rendre le tout confus, brouillon et même naïf, on parvient à entrer dans l'histoire. On est même captivé. Il suffit de se rappeler  Hilaire, Legris, Leriche et Guérin pour sentir l'intensité qui palpite dans l'oeuvre pendant certains passages.   Lesquels, fichés dans nos mémoires comme  la voie lactée vue un soir d’été, nous donnent  l’espoir que peut être, le reste qui laisse un si désagréable souvenir,  saura à présent nous plaire, peut être même nous charmer.

Après tout, on le sait : chez Roland Petit,  le plus sublime côtoie le plus improbable !

 

J’avais pris des places pour voir Nicolas Leriche dont ce sont ces dernières apparitions sur scène. Je l’ai presque regretté. Non pas à cause de Nicolas, absolument parfait dans ce rôle déchirant où, au premier acte, il y a si peu à danser – mais alors, quelle danse !

Mais parce qu’il a fallu supporter le bavardage outrancier du corps de ballet, grimé comme le feraient les  pensionnaires d’ une maison de retraite qui ont mis la main sur de vieux costumes des années 70 et s’en accoutrent pour rire  un soir d’Halloween,  la partition qui a du mal à sortir d’un fatras de percussions qui aimeraient trouvé la liberté d’un Stravinsky ou d’un Bartók mais restent au niveau  d’un orchestre de bal, la scénographie si lourde que les techniciens eux-mêmes n’ont pris aucun gant pour pousser les grands panneaux dans lesquels les danseurs veillent à ne pas se tordre une cheville, la potence, ou le décor de Notre Dame.

 

J’imagine sans peine, qu’en 1965, cette œuvre a dû paraître innovante et susciter l’intérêt, mais aujourd’hui, elle fait figure de vieillerie démodée et pire, elle fait rire.

Comment ne pas pouffer devant certains tableaux, le comble du ridicule revenant à Phoebus en perruque blonde «  frisé à la hérisson » et à ses gardes dont les attributs masculins et les pectoraux moulés outrageusement par les  bandes collantes de leurs costumes les font ressembler à des super héros de parades gays. On n’est pas loin des Village people  et pour un peu,   on se lèverait pour entonner avec conviction par-dessus l’orchestre «  macho, macho man !! »

Mais là, sur scène, on ne rigole pas, même si, à la cour  des miracles,  les danseurs rappellent cette fois-ci   les champignons  et les courgettes de la forêt du téléfilm italien    « Fantagharo » .

 

Alors 1h30 d’un tel spectacle, c’est bien long !

Et pourtant, Eleonora Abbagnato, gitane mutine, fraîche, vive, pleine de compassion pour Quasimodo, de sensualité avec Phoebus ou de force face à Frollo et Nicolas Leriche, pauvre hère déchirant de soumission, de solitude,  et de sensibilité,  apportaient à eux seuls la grâce qui sauvent une œuvre.

 

 

A leur côté, le Frollo de Joshua Hoffalt s’est réveillé véritablement au second acte, trouvant enfin au fond de lui la noirceur et l’ambiguité de ce personnage ambivalent.

 

Le quatuor n’était donc pas particulièrement équilibré ce soir de première – et je ne dirai pas un mot sur Florent Magnenet que je pensais trouver superbe en Phoebus mais qui m’a malheureusement fait penser à  Assurancetourix tout du long, comment alors trouver de l’émotion au pas de trois dans ces conditions ?   

On ne peut que saluer l’engagement de tous les artistes dans une œuvre démodée qu’il faudrait retirer définitivement du répertoire.  Ils nous ont rappelé à quel point le ballet de l’opéra de Paris est toujours une grande compagnie ! 

 

 

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Sur la photo, Nicolas serre les lèvres, pour contenir l'émotion que suscita l' immense montée d'amour de son public

elle se souleva comme une vague immense dans tout l'opéra Bastille!

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1 juillet 2014 2 01 /07 /juillet /2014 10:27

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Le festival Ratha Yatra se déroule à Paris depuis 22 ans déjà. De nouvelles éditions commencent à naître dans d’autres villes de province.

Ce festival met à l’honneur le dieu Jagganath, l’un des avatars de Vishnou que l’on connaît aussi comme Krishna ou encore Rama,  héros du Mahabaratha ou du Ramayana.

Vishnou est le dieu qui protège le monde dans la trilogie indienne.  Cette année, ce festival tombait le même jour que la grande fête qui a lieu à Puri en Inde.

 

Lors de ce festival qui a eu lieu cette année le 29 juin 2014, un grand char est tiré à travers la ville, avec les images inachevées de Subhadra et Balarama, sœur et frère de Jagganath.

 

Sur la place du Bellay, sur laquelle se dresse la fontaine des Innocents à Paris, se tenaient différents stands indiens et une scène y était dressée.

 


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Musiciens, danseurs, chants dévotionnels se sont succédés.  Sharmila Sharma a dansé du Kathak avec ses danseuses/seurs.

 

Mahina Khanum participait avec son groupe à ce festival ; les belles danseuses ont   accueilli l’arrivée du char. Kali Chandrasegaram, danseur d’Odissi qui vit à Londres, s’était joint à elle ainsi que moi-même.

Profondément émue par les chants dévotionnels qui ont procédé l’arrivée du char vers 17h30 - les  Bhajans, ou chants sacrés, ont un peu un rôle similaire au yoga- j’ai perçu très nettement   le changement de  fréquence vibratoire qui s’est élevée peu à peu.

 

mahi-et-kali.JPGMalgré les mouvements de foule, les allées et venues des uns et des autres, dont nombre de touristes et de passants, on pouvait vraiment percevoir cette vibration si particulière dans l’air.

Puis le char est apparu, et là, le sens dévotion prit tout son sens ; le cœur ne fait qu’un bond à sa vue, comme une amoureuse lorsqu’elle voit son bien-aimé guetté longtemps, à l’horizon. Et dans ce bond de l’âme, il y la spontaneïté, la joie, l’amour.

 

Tout était donc en place  pour accueillir la danse Odissi.

 

Kali et Mahina ont dansé une chorégraphie pour célébrer Jagganath, portant encore plus loin la dévotion et les vibrations très puissantes à ce moment là. L’essence même du sacré était tangible. Que les gens dans la foule l’aient perçu ou pas importe peu car tous l’ont de toutes façons reçue.

 

C’est donc particulièrement émue et très humblement que je suis montée sur scène, cherchant du mieux possible à exprimer ma dévotion et ma reconnaissance pour ce moment si particulier.

 

Le rêve de partager la dévotion «  dans la rue », comme le faisaient les toutes premières danseuses d’Odissi s’est donc réalisé sous les augures protecteurs de Jagganath a qui j’avais consacré un article quelques semaines plus tôt, sans savoir que je le célèbrerais par la danse…

 

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9 juin 2014 1 09 /06 /juin /2014 19:32

 

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                                                  Laura Hecquet, en rouge cette fois ci ( photo Guilloteau. l'express)

 

Le palais de Cristal de Balanchine, découvert en 1993 à la Bastille par d’émérites interprètes, m’avait laissé un  tel sentiment d’ennui que je n’étais guère prête à le revoir… sauf que, associé à la création de Benjamin Millepied qui a eu le bon goût de choisir une œuvre de Ravel que j’adore, j’ai passé outre ma «  répulsion ». J’ai accepté l’ennui d’un Balanchine pour le plaisir d’écouter un Ravel, me disant que, même si la chorégraphie m’ennuyait, il me resterait la musique…

 

Ce Palais de cristal, qui a défrayé la presse parce que Lacroix a recréé pour la circonstance de fabuleux costumes, a été vu du fin fond du second balcon…

Une aubaine en fait, pour découvrir qui est réellement charismatique !

Et voici le trio gagnant : Paquette, Hecquet et Thibaut.  Leur silhouette, réduite à une hauteur de phalange d’un auriculaire vu de la haut, n’est en pas moins emplie de lumière, et d’un quelque chose qui happe votre regard et le fait irrémédiablement converger vers eux, où que ces artistes se trouvent sur la scène.

Paquette, en rouge, dansait avec Pagliero, magnifique elle aussi : brillante et féminine à souhait, gracieuse, ses petits pieds cisèlaient les pas avec précision d’horloger suisse. Ces pointes,  coupantes comme des diamants, et ses chevilles déliées si libres, donnaient à sa danse  une attaque  vive, une batterie percutante mais racée. Son visage irradiait le plaisir de danser. Toute parée de rouge, une aigrette plantée fièrement dans sa coiffure, elle était belle et pétillante. Paquette occupait tout l’espace scénique ;  sa danse était large, généreuse. On en oubliait les danseurs alentours  tant ce couple captivait le regard.

 

La couleur suivante était le bleu et là, on se surprend à retenir son souffle devant la délicatesse musicale de Laura Hecquet, à la fois princesse lointaine et fée mélancolique, qui harmonise à la perfection des mouvements souples comme les branches d’un saule à un hautbois aristocratique et empli de spleen. La gravité de son visage renforce une impression de noblesse mêlée à une grâce, une élégance naturelles. Tout est moelleux, abandonné, comme dansé en confidence ; l’intériorité de cette âme touchante palpite presque entre nos mains ; quels mots pour décrire les pliés sautillés sur pointes, exécutés avec tant de douceur, comment décrire un buste qui suit les spirales du hautbois avec une tristesse presque Schubertienne ?

Laura Hecquet restera absolument inoubliable dans cet accord parfait sur une musique latine,  claire,  mais ombrée et embrumée d’un peu de Sensucht germanique.

J'étais trop haut pour admirer toute la délicatesse de Nolwenn Daniel,  magnifique dans son costume blanc-rose, accompagnée par Emmanuel Thibaut en grande forme, aux lignes pures, qui prouve encore   que même  près de la retraite il possède encore du  ballon, des pieds précis,  du plaisir à danser, et une espièglerie enfantine qui ravit le cœur.  En vert sapin, F Alu et V Colosante n'étaient  ni très synchrones, ni très bien assortis…  c'était au final un peu brouillon. C’est dommage. 

Dans l'ensemble, les lignes  étaient plutôt belles et le corps de ballet (ce sont les dernières séries) avait trouvé ses marques, son souffle ; il était bien réglé, même si la danse reste un peu figée, un peu glacée.

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La création de Benjamin Millepied m’a un peu déçue, je m’attendais à plus d’intensité. Je suis restée sur ma faim.

Côté orchestre,  déception aussi : sans doute à cause de la danse, les tempos  retenus sont trop lents et trop étirés,  d’une manière générale ; en revanche, le lever du jour a pris le TGV…. Quel dommage, au lieu que les contrebasses paressent langoureusement pendant que les chants d’oiseaux surgissent tranquillement puis s’étirent doucement de leur torpeur, elles cavalaient après eux… à peine sorties de leur songe, les voilà qui s’ébrouent si rapidement que tout semble trop nerveux, trop rapide… l’orchestre a une belle transparence, les pupitres sont bien équilibrés, mais le tout manque un peu de cette sensualité profonde que certains chefs parviennent à donner à cette œuvre délicate et passionnée.  ( Seiji Ozawa, par exemple)

 

Côté chorégraphie, ça n'a pas la puissance d'un Belarbi!

Si je parle de Belarbi, c'est que les danseuses en cheveux longs et jupes flottantes m'ont rappelé son magnifique Hurlevent  et les pirates en noir, les hommes en long manteau, dits « gardiens » de cette même œuvre.

 

Alors, c'est plutôt plaisant à regarder, il y a des moments magiques, mais beaucoup de bavardages, de redites, et de choses parfois un peu naïves.

D’autre  part,  l’utilisation excessive des rondes, boucles, spirales, etc…   finit par  lasser, de même que le procédé de faire partir un mouvement d’un danseur qui le transmet aux autres…

 

De là-haut, les structures de Buren rappellent les cuisines des années 70,  elles masquent d’ailleurs en partie la scène pour certains passages ; du deuxième balcon, les structures ressemblent à de  gros plastiques pendouillant et leur reflet sur la scène blanche est vénéneux.  Les costumes des garçons sont aussi seyants que des baby-gros pour adultes…

 

Côté danseurs, c’était bien dansé : la magnifique silhouette d’Albisson  est vraiment  mise en valeur daphnis.jpgpar la chorégraphie. Fluide, poétique, fraîche, Albisson est une Chloé belle, attrayante.  Marc Moreau danse avec cœur et flamme. Mais à aucun moment on ne sent ces deux artistes véritablement amoureux. Il manque un petit quelque chose pour qu’on sente cet amour.

Fabien Revillon a incarné son Bryaxis avec panache et virtuosité. Le pas de deux avec Léonore Baulac  avait une vraie force et poésie.  

Léonore Baulac est tout simplement fascinante. Séductrice, séduisante, souple comme une liane, on ne la quitte plus des yeux dès qu’elle est en scène.

 

 

Je me demande cependant ce que cette œuvre aurait donné avec la distribution suivante :  Abbagnato, Pujol, Ganio, Alu, elle était mon premier choix au départ.

 

Mais qu'aurait été  cette œuvre  si Millepied avait eu quatre mois au lieu de quelques semaines pour régler la chorégraphie? Certaines scènes restent en mémoire et le tout se suit aisément. Revue sur culture box, j’ai été stupéfaite de constater comme le propos change sitôt que l’on voit l’œuvre de face et de près.  Certains passages y gagnent, d'autres pas du tout.

 

Si elle est reprise dans les années à venir, il est fort possible que Millepied la remanie comme c’est souvent le cas. Une œuvre poétique, assurément, mais à laquelle il manque un peu de force, ou de conviction... 

 

De cette soirée du 7 juin, me parvient,  en écho, sublime et irréelle,  Laura Hecquet,  dans son tutu bleu strassé,  si belle, avec son visage plein de gravité et de délicatesse.

Je lui ai d’ailleurs consacré un modeste article que je compte bien enrichir de photos et de détails biographiques dans les mois à venir.

J’aurais tant aimé la voir passer première danseuse au concours de cette année.

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28 mai 2014 3 28 /05 /mai /2014 11:05

 

 

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L’Odissi d’aujourd’hui, est, d’après les spécialistes, un descendant direct de la danse de temple, telle qu’elle fut  pratiquée à Puri, en l’honneur de Jagannath, un des avatars de Vishnou.

 

Dans le panthéon indien, ce dieu qui protège le monde et le préserve, s’incarne à plusieurs reprises pour venir  le sauver de la destruction ; il prend à chaque fois une apparence différence : Krishna, Rama et Jagganath sont ses plus célèbres avatars.

Ce dieu très ancien, déjà présent dans les Védas,  fait sa première apparition en Orissa au 7ème siècle 06122011-krishna.jpgaprès JC dans les sculptures. Il y apparaît sous la forme de son   8ème avatar, Krishna.

Mais c’est en « Jagannath » que Vishnou sera le plus célébré. Sa légende est racontée un peu plus loin.

 

Pendant le règne des rois de la dynastie Ganga  qui dura près de trois siècles, la dévotion à Vishnou fut telle qu'un temple monumental fut construit en son honneur au  11ème siècle. Ce temple acquit une telle renommée qu’on vint rendre hommage au dieu son la forme de son avatar, Jagannath, de toute la région. Puri  fut alors un haut lieu de pèlerinage et  un centre culturel et artistique important; il  vit naître dans son temple  la danse des Mahari.

 

Concernant Jagannath,  plusieurs récits mythologiques relatent son origine. Voici celle que la danse Odissi aime le plus : il y avait un roi, Indradyuman  qui rêva un jour d’une image de Nilamadhav – le dieu bleu –  elle se  trouvait  bien au-delà des montagnes, à l’est de son royaume. Il envoya son ministre, Vidyapati, à sa recherche, qui tomba sur Vishvavasu, le chef de la tribu Savara ; c’était le plus  fervents des  adoradeurs de Nilamadhav. De retour au palais, le ministre raconta ce qu’il avait vu. Le roi envoya son armée pour prendre de force l’image mais avant que le roi puisse atteindre la grotte où celle-ci se trouvait, une tempête se leva et l’image disparut.

Le Dieu bleu n’apparut plus à la tribu Savara sous cette forme, mais l’océan rejeta sur le sable un immense bloc de bois qui avait la forme de Nilamandhav.

Le roi vit cette image en rêve et voulut la reproduire. Il fit venir d’énormes blocs de bois et des charpentiers dans son palais pour  construire l’image à l’identique. Mais aucun charpentier ne parvint à la reproduire.  Un mystérieux charpentier, qui selon la légende,  aurait été Vishnou lui-même, se présenta et dit qu’il pourrait réaliser la sculpture à condition de n’être dérangé sous aucun prétexte pendant 21 jours. Le roi accepta mais la reine, bien sûr, aiguillonnée par la curiosité, voulut ouvrir la porte avant le délai requis. Tout s’évanouit aussitôt sauf trois bustes inachevés qui représentait Jagannath lui-même, son frère Balabhadra et sa sœur Subhadra, tous trois aujourd’hui encore grandement vénérés.

 

Voilà pourquoi aujourd'hui, au début de chaque récital,  la danseuse offre sa première danse à Jagganath, présent sur scène  et inachevé comme le raconte la légende.

 

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La légende de Jagannath est l’un des nombreux exemples de la façon dont l’hindouïsme a intégré des déités  très anciennes à son propre panthéon.

 

L’Odissi s’est développée au moins sur un millénaire ;  on trouve des témoignages sur cette danse dès  le 1er et le 2ème siècle avant JC,  comme l’atteste l’art de la dynastie Chedi –puis  au 7ème siècle et  8ème siècle, ( nombreuses peintures et sculptures de temples)  jusqu’au règne du  roi Chodagangadeva au 11ème siècle où culmine le culte de Vishnou à travers son avatar, Jagannath. L’Orissa, sous le règne de ce roi éclairé, devint un royaume florissant, cultivé, dans lequel Puri fut un centre spirituel important et révéré bien au-delà des frontières du royaume.

 

Un siècle plus tard, le poète Jayadéva allait marquer durablement l’histoire de l’Odissi à travers l’un de ses poèmes : la Gita-govinda.

 

 

 

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A lire sur ce blog :

 

L'odissi, chapitre 1

L'odissi, chapitre 2

 

 

Articles réalisés à partir du livre de  Ranjana Gauhar

 

 

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28 mai 2014 3 28 /05 /mai /2014 08:02
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17 mai 2014 6 17 /05 /mai /2014 19:33

 

Chapitre deux : histoire de la danse odissi

 

 

Les origines et les premiers témoignages :

Au temps du roi Kharavela, 1er siècle avant JC.

La style Nartaki

 


Laissons pour un temps dans ce deuxième chapitre les légendes mythologiques de la danse, que nous retrouverons plus tard pour nous pencher à présent sur les témoignages archéologiques concrets. Les premières sculptures furent découvertes  dans les grottes des collines de Udayagiri et de Khandagiri près de Bhubaneswar en Orissa. Elles datent  du 1er siècle avant Jésus Christ. La région appelée alors Kalinga connaissait déjà une importante activité artistique comme en témoignent les nombreux danseuses et musiciens ainsi que les inscriptions gravées et sculptées dans la roche ; construites sous le règne du roi Jaïn Kharavela, grand amateur d’art, elles révèlent que l’art était très présent dans la vie du peuple de Kalinga. Le roi a d’ailleurs laissé le souvenir non seulement d’un fervent Jain, mais aussi d’un immense protecteur des arts. Dans la grotte de la reine Ranigumpha se trouvent  également de très nombreuses sculptures de musiciens et de danseuses dans des poses très variées. L’une des plus célèbres, connue sous le nom de Nartaki, est en  « chouka ». L’ensemble de ces sculptures ont servi de point de repère  pour reconstruire le style Odissi au 20ème siècle après qu’il fût perdu.

Pour désigner le style de cette période qui semble avoir été une danse de cour, on se refère à la danseuse Nartaki qui donne son nom à ce style. D’où le style «  Nartaki »

 

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L’influence du Bouddhisme et du tantrisme : du 3ème au 7 ème siècle après JC

 

Après la mort du roi Kharavela, on ne trouve pas d’autres représentations aussi importantes de l’activité artistique gravée dans la pierre. On sait cependant qu’elle restera très importante dans cette région  après  la mort du roi et jusqu’au 7ème siècle.

Vers le 3ème siècle  après Jésus, pendant le règne magnifique d’Ashoka,  le Jaïnisme fut  progressivement remplacé par le bouddhisme sous sa forme de Grand véhicule.

Cette branche du bouddhisme est connue pour être esthétiquement très sensible aux arts considérés comme un moyen,  aussi bien pour l’artiste que pour le spectateur, de réalisation spirituelle. La danse n’est alors rien d’autre qu’un moyen de délivrance et un acte de conscience spirituelle.

 

Le Shivaïsme et la naissance des Devadasis

 

Après le déclin du bouddhisme, le Shivaïsme s’étend sur le pays et y explose au 7ème siècle après Jésus Christ. Comme toujours en Inde, il est difficile de savoir exactement comment les changements s’opèrent et comment le Shivaïsme a réellement émergé. D’autant qu’il existait déjà un shivaïsme pré-aryen vieux, dit-on, de plusieurs millénaires. Des nombreux éléments archéologiques prouvent   que la danse se trouve étroitement lié à ce nouveau courant.

La dynastie Sailodbhara naît à cette période et les rois étendent leur domaine à une grande partie de l’actuel Orissa. Ils dotent la région d’un système administratif solide, font preuve d’une réelle tolérance pour toutes les religions, et entreprennent la construction d’une multitude de  temples dédiés à Shiva. L’art de cette période est florissant et éblouissant. Les sculptures des danseuses et de Shiva dansant, connu sous le nom de Nataraja – Roi  de la danse – font toujours aujourd’hui l’admiration de tous ceux qui visitent les temples de Mukteshwar ou de Parashurameshwara.

Le Shivaïsme imprègne le tissu culturel de l’Orissa si profondément qu’il est devenu un facteur clé dans l’élaboration de l’histoire de la région.

Le tantrisme, l’une des branches du Bouddhisme, est progressivement intégré au Shivaïsme comme l’une de ses caractéristiques fondamentales. Comme souvent en Inde, les nouveaux courants de pensée absorbent les anciens et les différents éléments s’associent et se mélangent. L’Inde repousse rarement, elle absorbe et remodèle.  

 

Cette longue  période porte donc les différentes empreintes   du bouddhisme, du tantrisme et du Shivaïsme qui se mélangent et  marquent durablement la culture Oriya sur le plan des arts, de l’architecture et de la danse. Les temples Vaital, Markandeswar et Sisireswar  témoignent de cet amalgame, aussi bien dans les stupas Bouddhistes  des collines de Lalitgiri et Ratnigiri que dans les temples d’Hirapur consacrés aux yoginis-danseuses.

 

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Au 10ème siècle, sous la dynastie Kesari, le Shivaisme s’impose complètement : Le culte de Shiva et la construction des temples sont au centre de cette ère. Ils  présentent des sculptures très variées des Dieux et des Humains,  montrant d’une manière certaine  la continuité de la tradition dansée en l’honneur de Shiva. Dans ces inscriptions et ces témoignages sur la danse, on trouve pour la première fois la preuve de l’existence réelle des Devadasis,  littéralement servantes de Dieu. Il semblerait que leur seule obligation fut de danser pour les rituels et les cérémonies associés au temple et pour sa divinité.

Le rituel est un élément très important de la foi en Inde, et pendant longtemps, il a précédé la pensée et la spéculation. Ils rythmaient non seulement la vie, mais aussi le quotidien.

 

On trouve la première mention d’une Devadasi  en Orissa à l’époque de la construction du temple de Brahmeswar sous le règne de Udoata Kesari, dernier roi de cette dynastie qui prit fin au 11 ème siècle.

C’est à partir de ces inscriptions que l’on peut retracer l’histoire de l’Odissi et de son rôle dans les temples  jusqu’à la danse d’aujourd’hui. 

 

 

Vishnou, un avatar de Krishna et Jagannath

 

 

Une nouvelle foi va bientôt  remplacer le Shivaïsme : le Vishnouisme.  Vishnou est un avatar de Krishna, lequel est très connu en Orissa sous la forme de Jagannath.   

Des temples monumentaux sont édifiés pour célébrer ce dieu, tel le temple de Jaganath à Puri, ou encore le temple du soleil à Konark. La dynastie Ganga révolutionne entièrement la culture de l’Orissa et marque profondément l’évolution du style «  devadasi »  

Les arts et l’architecture d’après la période Kharavela montrent que la danse est à présent l’un des thèmes essentiels des temples de l’Oriya.

 

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En résumé

 

Pendant ces 1000 premières années, la danse Odissi est véritablement le reflet de l’activité religieuse et politique de cette région qu’est l’Orissa.

Qu’elle soit influencée par la tolérance et la conscience esthétique des Bouddhistes, ou par les cultes tantriques et les danseuses yogini de ces cultes,  ou encore qu’elle soit au service des devadasis des temple de Shiva, la danse transforme aussi bien sa technique que ses aspirations dévotionnelles,  épousant à  chaque étape  l’histoire de la région et l’évolution de la foi. 

 

De nombreux éléments fondamentaux de l’odissi apparaissent pendant la dynastie Kesari, mais c’est lorsque celle-ci disparaît que naît réellement le style Odissi tel qu’il est connu aujourd’hui.

 

Ce style connaît donc, de sa naissance au 1er siècle sous le règne des rois du Kharavela, jusqu’à l’avènement du Vishouisme,  d’immenses changements dans sa forme physique, son caractère spirituel, et son rôle dans la société et la religion.

Son caractère spirituel   s’est transformé au gré du jaïnisme, du bouddhisme, du shivaisme et enfin du Vishnouisme qui chacun, tour à tour, l’ont modelé différemment. Toutes ces traditions ont conféré chacune à leur façon  un  caractère distinct et  éminemment sacré où la beauté se mélange au spirituel, dans une humble  recherche de Moksha : le salut.

 

Kornak

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Notes : il est très difficile pour qui ne les côtoie pas de près de se retrouver dans toutes ces branches philosophiques et/ou spirituelles

 

Des articles annexes viendront éclairer un peu le lecteur sur les différentes fois ou philosophies ainsi que sur ces Dieux que sont Vishnou, Brahma, Krishna/ Jagannath.

 On retrouve ce même brassage  d’idées dans le yoga, qui s’est considérablement modifié au gré des échanges entre les différentes civilisations ; comme pour la danse, on trouve un yoga tantrique, du Nord-Est, influencé par une branche du bouddhisme, un yoga dit non-duel du Cashmire, un yoga plus « Aryen », codifié par Pentajali, etc… si l’on veut résumer succinctement, on dira que pour certaines écoles de yoga,  conscience et énergie sont en union, pour d’autres non.

Le yoga,   prière active du pratiquant, et l’odissi, prière artistique dansée,  n’ont d’autres buts que d’atteindre ou de faire  atteindre Moksha.

 

 

Lire aussi

 

Chapitre 1, de la légende à la danse

Chapitre 2, histoire de la danse odissi

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8 mai 2014 4 08 /05 /mai /2014 17:18

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L’Odissi


 

Différents articles vont être rédigés à partir d’un ouvrage en anglais écrit par Ranjana Gauhar, danseuse et auteure de Odissi,  the divine dance, aux éditions niyogi books.

 

Grâce à ce livre, j’ai enfin pu comprendre l’histoire de ce style qui est intimement mêlé à l’histoire de l’Orissa. Cette région, comme l’Inde toute entière, a subi de très nombreuses et différentes influences religieuses ou philosophiques. Avant que l’Odissi ne  «  dégénère » puis disparaisse pour un temps avant de renaître au 20ème siècle, elle a été l’une des expressions artistiques de cette région les plus puissantes, comme en témoignent les très nombreuses sculptures des anciens  temples.

 

Introduction

 

Le Natya shastra,  ancien traité sanskrit sur les arts théâtrals et poétiques rédigé il y a plus de 2000 ans, décrit quatre styles de danse : avanti, dakshinatya, panchali, et odhramagadhi. Le style odhramagadhi est celui qu’on trouve dans les régions d’Odhra, Magadha, Pundra et Kalinga   ainsi que dans diverses autres régions de l’est Indien.  Odhra et Kalinga forment  aujourd’hui l’Orissa.

 

Dans ce traité, Bharata Muni écrit que le caractère de la danse de cette région est «  Kaishiki » et «  lasya » c'est-à-dire très féminine et  composé d’éléments délicats. Kaishiki a le pouvoir de créer le «  sringara rasa » c'est-à-dire  la saveur d’un sentiment  dévotionnel amoureux. Il ajoute que les danseuses de ce style sont belles  et  portent des vêtement colorés. La beauté est d’ailleurs la condition sine qua non pour devenir Mahari, c'est-à-dire danseuse de temple.

Peu à peu, c’est Jagannath qui va être au cœur de la danse Odissi ; c’est l’une des formes de Krishna, lui-même avatar de Vishnou. Cette influence va faire du style Odissi un style vraiment très différent des autres styles de danse indienne.

Seul, le style odissi mêle un esprit dévotionnel à une danse sensuelle ; il est aussi l’un des styles les plus lyriques. Il est considérée par certains comme le plus parfait.


 

 

La légende

 


 

Il y a très très longtemps, les Dieux et les Démons voulaient s’emparer de l’Amrita, nectar d’immortalité ;  - celle là même que le yogi cherche dans sa pratique pour avoir une chance de trouver la libération, Moexp_114.jpgksha –

 


Pour cela, ils décidèrent  de barater l’Océan où le nectar était caché. Ils prirent une montagne, Mandara, comme bâton, qu’ils placèrent sur le  dos de Akupara, la divine tortue ; pour tourner cette montagne, ils utilisèrent le serpent divin Vasuki  comme corde qu’ils attachèrent à la montagne.

 

 

Les Dieux tirèrent le serpent d’un côté et les démons de l’autre, si bien que l’océan commença à se soulever en de grosses vagues ;   l’Armita finit par paraître ainsi que bien d’autres merveilles : les apsaras. Elles étaient pleines de jeunesse et de grâce, et dansaient et chantaient à merveille. Elles inspiraient l’amour aussi bien au ciel que sur terre. Ces apsaras adoraient Kamadeva, le dieu de l’amour.

 

 

 

 

Par la suite, elles furent invitées à danser  à la cour d’Indra, en compagnie des Gandharvas, bardes musiciens et chanteurs.

Un jour, l’une des Apsaras nommée Urvasi qui dansait à la cour d’Indra, croisa le regard du fils d’Indra, Jayanta, et fut distraite de sa danse quelques instants. Le sage Agastya en fut si mécontent qu’il les maudit : Urvasi devrait renaître sur terre comme devadasi – danseuse de temple -  et Jayanta comme  bambou.  Les deux jeunes gens implorèrent le pardon du Sage qui accepta, devant tant de remords, d’adoucir sa sentence. Urvasi dédierait sa danse aux Dieux, avant toute représentation, en présentant un bâton coupé sur le bambou qu’était devenu Jayanta. Ainsi, la punition serait levée.

 

Urvasi naquit donc comme une devadasi et enseigna la danse aux femmes…

 

Voici donc comment la danse devadasi naquit   sur Terre d’après la mythologie.

 

 

Vous trouverez dans ce lien des illustrations de cette légende  ( Bnf, exposition miniature indienne)

 

 

 

 

Autres articles sur l'Odissi


 

Odissi quelques points de repère supplémentaires

 

Odissi, mon premier

 

Odissi,  danse sacrée 2

 



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19 avril 2014 6 19 /04 /avril /2014 20:09

 

 

 

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La maison de la culture d’Amiens, proche du centre ville et d'un quartier piéton,  est composée d’une scène, d’un cinéma et d’une salle d’exposition. Elle rappelle les scènes de banlieue, comme le centre des bords de marne du Perreux sur marne ou encore le théâtre Romain Rolland de Villejuif… et bien d’autres encore. Elle en a le côté convivial, ouvert et plaisant, avec sa caféteria où se réunissent souvent public et artistes avant ou après une représentation.

 

 

Le public qui attendait sagement dans le hall  le début du spectacle ce 17 avril était très familial,  tous les âges y étaient mélangés, et il y avait beaucoup d'enfants - dont le mien que j'avais emmené pour l'occasion, car c'est les vacances scolaires à Paris.

 

Je connaissais toutes les œuvres au programme pour les avoir déjà vues, sauf bien sûr Odyssée, une création de Nicolas Le Riche avec CM Osta.

Quatre interprètes magnifiques pour un programme très intelligemment composé et des œuvres que j’adore m’avaient décidée à venir tout exprès à Amiens. Isabelle Ciaravola et N Leriche sont les rares artistes qui me font quitter ma tanière. J’ai attendu ce jour avec l’impatience d’un enfant à qui on a promis de la magie.

 

J’avais gardé de  Critical Mass, déjà vu au Châtelet en 2005 – un souvenir fort,   comme une vibration impétueuse. J’avais hâte de la revoir avec Nicolas et Russel Maliphant qui en est le chorégraphe ; comment décrire ces deux artistes,  l’un puissamment ancré dans le sol  (à aucun moment ses pieds ne bougent) l’autre plus libre,  plus ondoyant ? Le saule et le roseau dansant au gré du vent donneraient une idée  de la chorégraphie, envoûtante, enivrante, et pourtant tellement simple.  Les mouvements se répètent à l’infini, sur différents tempos, puis se décalent, se rejoignent. Les deux danseurs, emprisonnés  dans un  carré de lumière,  tels deux papillons de nuit sous une lampe, dégagent  une énergie fluide et étrange. Elle  attire à elle le spectateur qui suit, halluciné, cette danse un peu incantatoire à mi chemin de la prière, des  arts martiaux, de la capoeira, avec une intensité et une poésie infinies.

 

 

Russel Maliphant-le-saule   se meut avec Nicolas-le-roseau dont l'un des pieds ancré dans le sol  sert de pivot, d’axe. Je me dis que décidément, Nicolas est un artiste hors norme, charismatique, et qu’il sait tout rendre captivant. A l’énergie toute concentrée  de Maliphant, répond son énergie à lui,  diffuse,  rayonnante. Leur duo est parfait : c’est comme le yin et le yang ; l’un, tout ramassé sur lui-même, aspire, l’autre diffuse, libère. Les deux se complètent. C’est complètement magique et  mystique. Cette première partie, puissante et sobre tout à la fois,  captive plus que la seconde, sorte de tango humoristique. C’est plus dansant, moins dépouillé, mais moins intense aussi.

Julien qui a 11 ans n'en a pas perdu une miette, il était fasciné.

 

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Suivait le magnifique pas de deux de Prejlocaj - Annonciation - dansée par C M Osta et I Ciaravola. J’avais il y a bien longtemps enregistré cette œuvre sur Arte, car elle m’avait fascinée, mais je ne l’avais jamais vue «  live ».

 

  Annonciation, c'est l'Ange Gabriel qui annonce à Marie qu'elle va concevoir le Christ. Ce thème est l’un des grands thèmes  religieux de la peinture renaissance peint  par toute l’école italienne pendant plus d’un siècle et demi. On voit sur les toiles,  les rayons de lumière atteindre l’oreille de Marie qui aurait, par cet organe, conçu le Christ. L’ange est là pour le lui annoncer.

 

La chorégraphie de Prejlocaj  a quelque chose de " pointu" qui vient vous piquer, vous forcer à vous interroger, à vous poser des questions. Un Miserere commence mais brouillé par des bruitages étranges. La musique religieuse s’estompe ; il ne reste que les bruitages désagréables qui captivent cependant l’attention.

 

Ciaravola est magique là-dedans, chacun de ces gestes est d'une beauté et d'une poésie à couper le souffle, et pourtant l'œuvre est parfois très austère, très statique. Je la revois encore arriver sur scène : mon souffle se suspend tout comme elle,  en équilibre sur ses demi pointes; on la regarde, fascinée et on ne pense plus à respirer. Le dialogue d’Isabelle avec Claire Marie, toute en intériorité,  est parfois très minimaliste; on est face à une danse ascétique où chaque mouvement se pose un instant pour mieux nous interroger; il devient intense lorsque les deux artistes dansent toutes les deux les mêmes pas sur un tempo rapide - et c'est toujours passionnant de voir qu'un même mouvement exécuté de la même façon n'a pas le même rendu sur le plan de l'énergie. Une énergie plus ramassée pour Claire Marie, plus dilatée pour Isabelle et le lien avec Critical Mass se fait naturellement même si le propos et l'esthétique sont tout autres.

 L’espace semble découpé bizarrement par la musique aux sons électroniques et grinçants, comme   à l'opposé du propos. 

 

Suivait l'entracte, qui dure suffisamment longtemps pour que les gens aient le temps de bavarder,  de boire un verre,  à la  cafétéria. Et on est tout étonné par les prix «  normaux » habitué qu'on est  à ne jamais rien prendre d'habitude au bar de l’opéra.  

 

Après l’entracte, place à la  crétion Odyssée, de Nicolas, qui narre  la vie d'un couple  parfois est uni, parfois désuni dans la solitude. La musique   d'Arvo Part donnait une dimension un peu mélodramatique à l’ensemble, et le propos  touchant,   devenait un peu lourd à cause de ces cordes. Pourtant la danse de Claire Marie Osta et de Nicolas Leriche était émouvante, lyrique, mais il me semble qu’une musique «  plus légère » aurait mieux convenu…

 

Puis vint le sublime solo, Shift,  de Rusell Maliphant que j'avais déjà vu au théâtre des champs Elysées en 2007.

 

J'adore ce solo!  Russell danse avec ses ombres – jusqu’à trois, qui, grâce aux projecteurs, ne sont pas toutes orientées de la même façon. On a alors l’impression d’un tri-logue.

Maliphant arrive à vous happer dans son intériorité, d'une grande pureté, d'une grande simplicité, d'une grande profondeur. Tout en blanc, il dialogue ou monologue, suivant, avec les ombres noires qui dansent avec lui.  Julien a été captivé. Il n’a pas bougé d’un poil.

A noter que Michael Hulls   règle les lumières des oeuvres de Russel et fait un travail fabuleux.

 

 

Puis vint le Jeune homme et la mort.  Même si l'orchestre a disparu et que l'orgue a retrouvé sa place dans cette passacaille, même si les décors étaient forcément réduits et même absents pour la fin de l'oeuvre,  l'intensité était à son comble. Cela confirme que la danse n'a pas besoin d'autre chose que du talent de ses interprètes pour être - ce qui est le cas pour l'odissi. Et dans ce pas de deux, quels interprètes! Nicolas est sans conteste l’un des interprètes masculins les plus talentueux et les plus sensibles de sa génération. Ciaravola est au sommet de sa maturité artistique. Elle est devenue une très grande artiste, rejoignant dans mon panthéon personnel Guillem, Pontois et Motte. Ce jeune Homme a été exceptionnel d’intensité et d’émotions.

 

 

 

Nicolas a dansé ce jeune homme comme à ses débuts, avec une vigueur, un engagement, une énergie et un désespoir poignant, qui vous noue la gorge. A ses côtés, Ciaravola n'est plus l'ange Gabriel  de tout à  l’heure! Piquante, sensuelle, manipulatrice, froide, impassible, elle est la Mort. Elle surgit dans la chambre, en parfaite Fata Morgana,  pour jouer avec  le jeune homme comme avec une  proie ; sa cruauté n'a d'égal que sa sensualité maléfique.

Le piège se referme sur le jeune homme qui peu à peu n'éprouve même plus de désir pour cette femme superbe  : il  se laisse engloutir; il renonce. 

Leur  duo émettait une énergie électrique, intense, inquiétante, et l'on suivait cette histoire  tragique, comme un film dont on redoute le dénouement pourtant inéluctable. 

Isabelle et Nicolas ont  dansé  ce Jeune homme de toutes les fibres de leur cœur.  Un sommet de générosité et de talent rarement atteint.

C’était d'autant  plus impressionnant que la table n'était pas très stable et a oscillé dangereusement plus d'une fois et que la potence bougeait elle aussi, faisant craindre le pire, sans parler de la corde qui n'a pas été attaché du bon côté...

 

 

Après le spectacle, les artistes ont rejoint la cafétéria avec gentillesse et simplicité, ils se sont prêtés - sauf Maliphant qui est parti dans son coin au grand désespoir de Julien qui voulait le prendre en photo -  avec gentillesse à la séance de photos et demande d'autographe du public qui les attendait là et ont répondu aux questions qu'on leur posait.

 

Visiblement, c'est courant dans cet espace qu'après le spectacle les artistes rencontrent leur public, et c'est vraiment très chaleureux, car on les attend attablés, avec un verre ou un petit encas, et pas debout dans le froid...

 

Cette soirée me marquera d'autant que Julien qui n'est pourtant pas un modèle de sagesse car il saute et court toujours partout, a été complètement captivé par la plupart des œuvres.

il m'a posé beaucoup de questions ensuite sur le sens, le propos, les danseurs. 

 

Ce que j'ai aimé plus que tout lors de cette soirée, c'est la générosite et la simplicité de ces immenses artistes, qui ont dansé  dans un don d'eux mêmes total.  

 

 

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  Lire aussi

 

Nicolas Le Riche, les adieux : l'embarras mais pas le choix

 

Les adieux d'Isabelle Ciaravola

 

 

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21 mars 2014 5 21 /03 /mars /2014 19:34

 

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Nicolas Le Riche fera ses adieux officiels à l'opéra de Paris le 9 juillet 2014, après avoir dansé le 30 juin et le 5 juillet   le rôle de Quasimodo, ( Notre Dame de Paris,   chorégraphie  de Roland Petit )

Un vrai tollé a lieu actuellement autour de ces adieux faussés.... la date du 9 juillet a été "récupérée" presque exclusivement pour   les membres de L'Arop qui s'immiscent de plus en plus dans la vie du ballet de l'opéra de Paris.  Soirée où il faut être à tout prix non pas en tant qu'amateur de danse, mais d'évènements mondains à conter au prochain souper. On sait bien que dans notre monde; l'argent seul dirige.

 

Voir à ce sujet  mon article sur la hausse scandaleuse  des places à l'opéra de paris l'an prochain pour le ballet....

 

 

 

Cette soirée d'adieu est donc résolument fermée à tout le reste du public!

 

Du coup, le vrai public de Nicolas, celui qui le suit depuis l'école de danse ou presque, celui qui a assisté à sa naissance sous Noureev et à sa   nomination à 21 ans  par Patrick Dupond, se sent floué et furieux!

 

Impossible d'avoir la moindre place pour cette soirée spéciale sur laquelle l'Arop a mis la main! D'ailleurs, quand bien même on voudrait, on ne pourrait pas quand on voit le PRIX des places!!!!

 

Nicolas reçoit actuellement beaucoup de lettres de gens extrêmement déçus de ne pas pouvoir être là pour lui dire au revoir! Il s'en excuse  lui même autant qu'il le peut, car cette étoile charismatique, simple et brillante, n'a malheureusement pas eu son mot à dire la dedans!

 

 

 

Heureusement, il y a Itinérance...

 

Est ce la raison pour laquelle en parallèle  a lieu  une grande tournée   en France, dans différentes villes, afin de permettre à son " vrai" public de le saluer? Public qui l'aime profondément et pour qui il représente à la fois le talent et l'art porté à son plus haut niveau,  la simplicité et l'excellence, la danse masculine classique  de haut vol, bref,  pleins de choses qui le rendent à la fois populaire et célèbre?

Cette tournée s'appelle Itinérance.

 

Il suffit d'avoir fait une fois la sortie des artistes  pour savoir à quel point Nicolas Leriche est simple, toujours disponible et toujours sincèrement touché par les quelques mots qu'on peut dire maladroitement à un artiste de son envergure...

Au fil des ans, j'ai toujours été étonnée par l'immense sourire qu'il affiche lorsqu'il revient saluer sur scène,  comme si c'était pour lui  la première fois! Un sourire offert, comme le font spontanément les enfants.

 

 

Dans sa grande tournée provinciale, Nicolas Leriche dansera  le Jeune homme et la mort et   d'autres oeuvres  avec à ses côtés E. Abbagnato, Claire Marie Osta, I. Ciaravola....il passera par Aix, Amiens, Boulogne, Blagnac...

 

Ce même programme devrait être repris - plus ou moins - pour une série de soirées  au Théâtre des Champs Elysées, vers Noel.... peut être y aura-t-il aussi son amie Sylvie Guillem....

 

Pour ma part, j'irai le voir à Amiens le 17 avril dans Critical Mass, Le Jeune Homme et la mort,  (avec Isabelle Ciaravola ) Odyssée, et cela sera aussi l'occasion de revoir Claire Marie Osta et Isabelle Ciaravola dans Annonciation... une soirée pleine de beauté et d'émotions. Critical Mass ( Maliphant) et Annonciation ( Prejlocaj) sont précisément des eouvres qui me touchent particulièremnet. 

 

Voilà ce que dit Nicolas : "
" ITINERANCES est un projet de cœur, né de l'émotion et de l’enthousiasme que la danse suscite en moi depuis toujours. J’ai imaginé cette soirée comme un échange intense entre les chorégraphes, les danseurs et le public ; un itinéraire errant au gré de ce que j’aime et souhaite communiquer de la danse d’hier, d’aujourd’hui et de demain.  C’est également l'occasion d'être sur scène avec des danseurs et des chorégraphes que j'admire... dans l’intensité et la diversité, au plus profond d’une danse qui parle à tous et à chacun.

ITINERANCES a longtemps été ce projet qui vous met du baume au cœur quotidiennement et que vous souhaitez partager... Aujourd'hui il prend corps. "

Nicolas Le Riche

 

 

Et après?

Tout comme Sylvie Guillem,  - qui a fêté ses 49 ans le 25 février - Nicolas n'arrêtera pas de danser... c'est ce qu'il a déclaré plusieurs fois à la presse.  

On ne peut que s'en réjouir!

 

 

 

Itinérances, plus d'information

 

 

A lire  : Nicolas Le Riche, danseur d'exception

 

 

 

Le  9 juillet 2014

Finalement, grâce à une bonne fée, j'ai pu assister aux magnifiques adieux d'un des plus grands danseurs étoile de sa génération.... compte rendu à venir bientôt!!!

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15 mars 2014 6 15 /03 /mars /2014 08:35

 

Lettre ouverte aux directeurs,  directeurs adjoints  de l'opéra de Paris et ministre de la culture  en mon nom propre.

Sur notre forum figure une lettre un peu différente que vous pourrez lire et signer si vous vous sentez concernés....    http://dansespluriel.soforums.com/index.php

Ces deux lettres seront envoyées en début de semaine prochaine

 

 

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Par cette lettre, je vous fais par de mon indignation quand aux prix des places pour les ballets  pour la saison 2014 - 2015 . Ce qui m’outre le plus, est la mauvaise foi générale, et la déclaration  à la presse, comme quoi il n’y a pas de hausse de prix. Les personnes qui vont régulièrement à l’opéra depuis cinq ou six  savent très bien à quel point ces déclarations sont des mensonges. Et je ne parle pas même pas de celles qui y vont depuis plus longtemps encore.

 

D’une part, il y a eu un redécoupage des différentes catégories, ce qui fait que certaines places en catégorie 5 qui étaient au départ à 12 euros il y a quatre ans, coûtent à présent 25 euros ; cela fait du 50 pour cent d’augmentation ; il s'agit des  4ème loges de côté qui étaient en catégorie 5 et sont passées en catégorie 4

 

Certaines places du parterre de Bastille sont passées de la catégorie 4 à la 3 et à la 2 en quelques années. Ce sont les places le plus sur le côté.  Comme c’est sur celles-ci qu’il y a eu les plus grosses augmentations, ces places  ont donc subi une augmentation de près de 100 pour 100.

 

En outre, la création de la catégorie Optima est un vrai scandale ! Surgi de nulle part, cette création  a augmenté des places déjà coûteuses de près de 70 pour cent (80 euros à 135 euros). Et vous osez affirmer à la presse qu’il n’y a pas eu d’augmentation ?  C’est vraiment  prendre les gens pour des imbéciles !

 

 

Quand j’ai commencé à aller à l’opéra en 1980, la catégorie 1 coutait 105 francs – 16 euros

 

Trente ans plus tard, la même place  coûte 130 euros ; il s’agit donc d’une hausse de 800 pour cent…. Il ne s’agit donc pas d’indexation par rapport à la crise, mais bien d’une politique purement et volontairement axée sur  le maximum de gains même si cela n’était pas nécessaire, car tous les rapports stipulent que l’ONP a un taux de remplissage pour les ballets avoisinant les 97 pour cent

 

Le résultat d’une telle politique – car même les places de 4ème catégories sont passées de 18 à 25 euros, soit une hausse de 50 pour cent, et la troisième catégorie est maintenant à 50 euros et a subi une hausse analogue – est d’exclure toute une catégorie de la population ou de la contraindre à ne pouvoir s’offrir  que de la 4 ou de la 5ème catégorie. Quand on sait comment on y est assis….  

 

 

Et je ne parle pas de ces rangs supplémentaires mis dans les loges, qui font qu’on est à moitié assis sur ses voisins pour la somme de 70 euros … quand on est pas obligé de passer la moitié du ballet debout pour voir quelque chose si peu que les personnes des premiers rangs soient un peu grandes…

 

Auriez-vous oublié que l’ONP est financé en partie pour l’état donc par les impôts des Français ?  En l’occurrence par nos impôts ?

Quelle est cette politique a des années lumière de l’ouverture culturelle faite dans les années 1980 pour ouvrir les grandes maisons d’opéra au maximum de gens ?

 

Quelle est cette hypocrisie que d’offrir dix mois d’opéra à des enfants issus de cités dont les revenus parentaux à deux n’excèdent pas 5 places en catégorie Or ? Est-ce pour leur montrer ce à quoi ils n’auront au final jamais accès ?

 

 

Nous faisons actuellement un magnifique retour en arrière. On se croirait de retour à l’époque de la monarchie. Sûr que pour les membres les plus fortunés de l’Arop, tout ceci ne fait aucune différence, mais pour «  le Français moyen » c’est choquant et révoltant.

 

Que l’opéra soit hors de prix est déjà choquant – mais que le ballet le devienne alors qu’on sait que les danseurs sont des fonctionnaires d’état l’est encore plus.

Car les danseurs n’ont pas  des cachets hors de prix, comme c’est le cas pour les chanteurs, les metteurs en scène ou les chefs d’orchestre qui se font payer à prix d’or  pour l’opéra.

 

Tout cela me révolte, et je ne peux accepter que le ballet de l’opéra de Paris qui est un ballet d’état dans un théâtre d’état concurrence les prix et même les dépasse, des théâtres privés  et tombe dans cette image élitiste qu’il avait réussi à quitter.

 

Autrefois, il y avait des prix pour les matinées et pour les œuvres avec bande son au lieu d'un orchestre qui était 20 pour cent moins chers et qui ont disparu il y a six ans.

 

 

Alors les prix pour les lundis ne feront pas passer le reste du prix à payer.

Pensez vous à ceux qui habitent en Province et ne peuvent pas venir à Paris ? Ou à ceux qui en plus du train, de la place, sont obligés de dormir sur place ?

 

Mais j’ai oublié : le parisianisme forcéné fait aussi partie de la panoplie de ces financiers qui se sont penchés sur les schémas des salles afin d’en tirer le plus grand profit.

Sans doute pour gaver les membres de l’Arop de champagne et de petits fours lors de ces manifestations qui leur sont réservées.

 

Je suis partagée entre la honte, la douleur et la révolte de voir   que les gens de pouvoir font  de cette maison une entité de luxe, réservée à une élite.

 

A quand le port obligatoire du nœud papillon ou de la robe de soirée pour venir voir un ballet ?

 

 

 

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