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  • : Créé en 2006, ce blog rédigé par Valérie Beck autrefois consacré à la danse et à ma compagnie se diversifie davantage.
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Noureev

 

Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

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12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 23:00

Casse Noisette – 7 décembre 2014-12-13

 

Clara : Dorothée Gilbert

Drosselmeyer/ Le Prince : Mathieu Ganio

Fritz : Daniel Stokes

Luisa : Caroline Robert

 2014-15-casse-053

 

 

J’avais tout fait pour ne pas revoir cette distribution qui m’avait laissé un goût d’inachevé  et de profonde frustration il y a cinq ans.  En débit d’une technique éblouissante, j’avais trouvé que la Clara de Dorothée Gilbert manquait singulièrement d’enfance, et ne semblait pas très touchée par la grâce de son Prince .

C’est pourtant cette distribution que j’ai revue cette année et qui me restera longtemps en mémoire.  

 

Mathieu Ganio et Dorothée Gilbert ont peaufiné leurs interprétations ; Ganio donne à son Drosselmeyer beaucoup plus de relief qu'il y a cinq ans; dans le premier tableau, dès l’attaque des petits voyous dans la rue, on comprend que c’est un dur à cuir ; puis dans le salon, il se montre drôle, excentrique, généreux, compréhensif mais aussi inquiétant, avec son bandeau sur l’œil et sa démarche claudiquante  - il rappelle un peu le fol-œil d’Harry Potter en plus svelte !  Drosselmeyer devient alors le pivot central autour duquel tout se met en place dans cette grande maison bourgeoise où suinte l’ennui ; il apporte la magie et l’ambigüité, chères aux contes d’Hoffmann dans leur ensemble où le grimaçant côtoie le plaisant. Quand on voit sa tête apparaître dans l'horloge au moment où les rats arrivent dans la maison, on ne sait pas si tout cela ne va pas tourner au cauchemard.

 

casse-noisette-paris-duo.jpgDorothée Gilbert est à nouveau una ballerina absoluta , et, dans le premier acte,  sa Clara est un chef d’œuvre d’enfance, de grâce, de fragilité et de poésie. A tel point que mon fils m'a déclaré en sortant : «  J’ai bien vu, moi, que ce n’était pas la même, elles ne dansaient pas pareil, la première dansait comme une petite fille, la seconde, c'était une autre danseuse, plus âgée!".  Cela tient à si peu de choses : une façon de tenir la tête, de rentrer parfois un peu les épaules, de danser les pas avec une retenue toute juvénile, une ingénuité qui rend les pas plus ronds, comme l'enfance. Quel bonheur de voir cette danseuse talentueuse retrouver le souffle poétique de ses débuts, et son petit quelque chose en plus,  lorsqu’elle était encore première danseuse. Sa   technique  de danse complètement maîtrisée sert  l’interprétation du personnage  et n’est plus une fin en soi. Au fil des tableaux, elle montre d’autres nuances, jusqu’à son fabuleux solo  sur le célesta, à la fin du ballet,  où elle associe  maîtrise parfaite de l’équilibre sur pointe, du tempo, des temps suspendus et de la légèreté absolue.

A ses côtés, le charismatique Mathieu Ganio joue les constrates dans le premier tableau, et apporte ensuite son romantisme et son lyrisme à toute la scène dans le parc enneigé.  

Les pas de deux ont été des moments d’enchantement purs : Dorothée,  aussi légère  qu’un flocon de neige, s’envolait aux côtés de Mathieu.  Lui-même dans les manèges de grands jetés, semblait aussi impalpable qu’un prince entrevu en rêve ; les deux sont unis par un amour aussi pur que la neige qui commence à tomber sur le parc endormi où veillent les anges; c’est dire si la poésie de ce royaume de neige était absolue, soutenue par un orchestre scintillant comme le givre au clair de lune et un corps de ballet techniquement parfait et inspiré. Mathieu Ganio a une générosité en scène inégalée ; avec ses lignes longues, son style plein de noblesse et de grâce mêlées,  il danse sans jamais  dévoiler la complexité des pas, comme si tout cela coulait de source naturellement.   Clara/ Gilbert ciselait tous les petits pas avec une précision d’horloger suisse et une légèreté confondante ; elle a un buste souple, un visage expressif, des bras qui respirent sans cesse, des mains joliments placées et qui restent naturelles, elle danse  "large" mais sobre,  en un mot, elle incarne le mélange parfait de la puissance intériorisée et de la grâce absolue que toute ballerine recherche toute sa vie.

 

Dans le dernier tableau, le bal, Clara et le Prince ont offert un moment de pure magie : équilibre parfait, pied de terre qui ne tremble pas, jambes qui se lèvent en arabesque arrière sans effort  à la même vitesse et à la même hauteur, inclinaison du buste au même degré, et personnages totalement incarnés.  C'est la consécration de l’amour ; après l’argent du pays enneigé et de l’amour pur et naissant, voici l’or d’un amour plus vibrant  qui s’affirme dans toute sa majesté; l’enfant devient jeune fille. Il n'y a plus cette exaltation comme dans le parc, lorsque les amoureux se retrouvent et s'élancent l'un vers l'autre, mais une grâce, une consécration, une reconnaissance mutuelle.

  De tous  les répertoires des grands classiques, les pas de deux de Casse Noisette sont, me semble-t-il, les plus intenses et les plus émouvants.  Leur pureté, leur liberté de ton toute juvénile, leur rire, leur intensité sont soutenues par les plus belles pages orchestrales que Tchaïkovski ait composées, offrant au spectateur des moments suspendus, hors du temps.

Dans son dernier solo, Clara semblait être devenue un  être surnaturel, désincarné. Parée de sa 14956690748_0a8bd7e4fa_b.jpgtiare, et de son tutu à large plateau, elle semblait, en tenant les équilibres au délà du possible, en étirant le tempo vers une suspension du temps, offrir la vision d’un être d’un autre monde. Du grand art…

 

Je rendrai rapidement justice au reste de la distribution harmonieuse, avec l’ébouriffant Fritz de Daniel Stoke, la sémillante Caroline Robert plus à l’aise dans la danse espagnole que dans la danse du soldat turc ( ?) où elle manquait d’angles et de coupant ; Karl Paquette m’a manqué dans la danse arabe – Mickael Lafon -  et Miteki Kudo dans la Pastorale, mais Florimond Lorieux a une batterie fine et précise et de belles lignes ;les trois chinois se sont sortis des acrobaties compliquées avec brio ( Mitilan, Valastro, Couvez)

La Valse des fleurs était réglée comme du papier à musique et du second balcon, c’était impressionnant de voir tous ces cercles s’ouvrir et se fermer comme des corolles végétales.

Les enfants de l'école de danse ont été craquants  à souhait.

2014-15-casse-092-1.jpg

J’aime bien la fin de ce conte, lorsque que Clara sort de sa maison pour dire au revoir à Drosselmeyer qu’elle ne voit pas (un petit garçon lui a crié, « il est là ! » pour qu’elle le voit, c’était adorable !) et elle tend sa main pour sentir la neige et on la sent toute entière frémir d’un quelque chose d’indicible, pendant que lui se pelotonne dans son grand manteau et disparaît dans l’ombre.

 

Bref, merci à tous les artistes de m’avoir rendu intact mon cœur d’enfant pendant deux heures et plus spécialement à Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio que j’ai hâte de revoir sur scène.  

 

 

 

un petit bémol : les décors ont souffert, les anges sont tous noirs, le sapin, tout moche..... il ne grandit plus....

ah, quel dommage, le reste était parfait!

 

 

A lire aussi  sur ce blog

 

Casse noisette : réflexions 1

Casse noisette : réflexions 2

 

 

 

Casse noisette 2009

Casse noisette 2009- 2ème

 

 

Photo  : Lidvac

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6 décembre 2014 6 06 /12 /décembre /2014 19:27

Note du 6 avril : Laura vient d'être nommée étoile.

J'ai écrit cet article en juin 2014 alors que Laura était encore sujet ; je l'ai réédité lorsque  Laura a été nommée première danseuse ( 6 décembre 2014) et je me réjouis que son talent lui ait enfin permis d'accéder à ce titre; je lui souhaite de tout coeur la carrière qu'elle mérite depuis longtemps.  Atypique, classique et talentueuse... et terriblement musicale.... quelques mots supplémentaires ce soir pour la re-définir... Bravo, Melle Hecquet! Et Merci de transmettre autant de beauté et d'émotion!

 

{C}

hecquet1.jpgQuelques mots aujourd’hui sur Laura Hecquet

Juste quelques mots.

Ces   dernières années, cette danseuse magnifique, qui n’a jamais pu éclore comme elle l’aurait dû,  a donné le meilleur d’elle-même. Elle apporte à chaque scène un supplément d’âme, de poésie, de beauté, comme nulle autre pareille. Je l’emporte à chaque fois dans mon cœur, plus que les rôles titres. Par ce modeste article, je rends hommage à sa beauté, son lyrisme, sa personnalité bien affirmée, sa ligne et son placement magnifique et son mystère… elle a un quelque chose à la Greta Garbo, une profondeur indécelable qui donne envie d’en savoir plus, qui donne envie de la voir danser davantage.

Les dernières scènes où elle m’a profondément marquée, bien que je n’aille presque plus voir de danse sont :

Son pas de deux dans Proust ou les Intermittences du cœur ; cela remonte déjà à quelques saisons, mais sa présence sur scène a été l’un des rares moments de ce ballet bavard et parfois de mauvais goût qui me sont restés en mémoire. Ensuite, je citerai la 3ème symphonie de Malher, où elle est toute aussi belle, et habitée par une profondeur insondable, un quelque chose que l’on n’arrive pas à préciser et qui vous hante ensuite, sans douleur, mais d’une façon précise et constante

Sa danseuse des rues de Don Quichotte  d’il y a deux saisons est un vrai bijou  : sans jamais tomber dans la vulgarité, Laura Hecquet arrive à donner à ce personnage un ton familier mais sans lui ôter le moins du monde sa majesté, comme si cette danseuse des rues, populaire, était l’une des icônes de Séville. Elle est d’une beauté à couper le souffle, et montre l’autorité naturelle d’une danseuse habituée à se frotter à tout public ainsi qu’une féminité puissante mais terriblement séduisante…

Récemment, le pas de deux du Palais de Cristal de Balanchine  est l’un des plus beaux moments de danse qu’il m’ait été donné de voir ces dernières saisons : parée d’un tutu bleu haute couture, signé Christian Lacroix, Laura Hecquet danse au son d’un haubtois  mélancolique avec une intériorité, une poésie, une profondeur qui mettent en valeur sa technique aux lignes pures, la gravité de son visage,   sa grâce naturelle, son élégance racée, et ce quelque chose qui n’appartient qu’à elle : elle est comme un point d’interrogation qui pousse à questionner sa danse, son tempérament, sa musicalité, sa compréhension fine des rôles.

Tout dans ce pas de deux était fondu mais précis, doux mais intense, poétique sans miévrerie, lyrique sans grandiloquence… et, je me répète, d’une musicalité parfaite.

Un moment de danse hors du temps, plein de subtilité, d’émotion, de beauté…

 

Cette danseuse, seulement sujet à l’opéra quand d’autres sont étoiles,  est actuellement l’une des plus belles artistes de cette maison ; un vrai bijou…

 

Les photos suivront !

 

 

A lire le compte rendu de son Aurore sur le blog des balletonautes :  http://lesballetonautes.com/2013/12/08/le-reveil-de-la-belle-endormie/

 

 

Elle est entrée dans le corps de ballet la même année que Mathilde Froustey, c'est à dire en 2002 - il y a un documentaire qui les montre toutes les deux réussissant leur entrée dans le corps de ballet, du temps où c'était encore Bessy qui dirigeait l'école, -  et a tenu des rôles titres comme celui de Aurore - la Belle au bois dormant, Nikya - La Bayadrère  - ou encore  Esméralda de Notre Dame de Paris  (j'espère qu'elle le redansera cette année)

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29 octobre 2014 3 29 /10 /octobre /2014 11:44

Avec le départ de Nicolas Leriche et de Isabelle Ciaravola, une page s'est définitivement refermée à l'opéra de Paris. Si l'on ajoute à ces deux vides laissées par ces deux merveilleux artistes, le changement tarifaire honteux, le système de réservation déplorable et l'arrivée de Benjamin Millepied, on peut penser tranquillement aux philosophies orientales qui nous disent que tout est impermanence...

 

On constate alors que l'opéra de Paris, et son ballet, qui nous ont longtemps fait longtemps rêver, va à nouveau traverser une période de métamorphose.

Nul ne peut dire encore ce qu'il en sortira

 

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12 juillet 2014 6 12 /07 /juillet /2014 10:34

nicolas le riche la mort jumpLa soirée de Nicolas Le Riche du 9 juillet 2014

 

Nicolas a longuement pensé à cette soirée qui vient marquer d’un point final une longue carrière à l’opéra de Paris. Une bonne fée ayant croisé ma route, j’ai pu y assister contre toute attente dans  d’excellentes conditions visuelles. C’était plus qu’une soirée d’adieu, c’était une offrande, un partage.

 

 

Sur scène, le rideau se lève et Mathieu Cheddid est là, tout fragile, avec ses amplis et sa guitare, silhouette perdue sur la grande scène de Garnier. Il chante une  ballade toute simple  accompagnée d’un seul arpège, sur laquelle Nicolas improvise avec simplicité. C’est sobre, touchant.  Le ton est donné ;  Nicolas nous le dit tout bas : j’aime la simplicité, l’authenticité, le partage. C’est ce que je veux partager avec vous ce soir.

 

Toute sa carrière va se dérouler devant nous à travers l’école de danse,  les solistes et  le corps de ballet.

 

Voilà précisément que quelques élèves de l’école de danse  nous offrent   un court passage des Forains de Petit… ils  plantent le décor, évoquant ainsi en quelques instants la fragilité et le nomadisme de ce métier auquel Nicolas a consacré toute sa vie : «  un jour ici, un jour ailleurs, un jour en forme, l’autre pas »…  Et par-dessus tout cela, le désir absolu, évident,  de partager avec un public.  Puis Nicolas-le-Forain annonce le jeune Francesco dans le   Tambour, premier personnage qu’il a incarné sur scène.

Quelle manière élégante de montrer que lorsqu’un danseur étoile termine sa carrière, une nouvelle génération se prépare à son tour…. Quelle jolie façon de présenter un souvenir qui lui tient à cœur à travers le corps d’un jeune garçon qui apprend le métier !

Dans la touchante  évocation de ses premiers pas se lit  un message simple: « Nous, les artistes, ne sommes là que de passage, pour le partage. »

 

Puis voilà que s’installe devant le décor des forains planté par les enfants, une troupe magnifique parée  des somptueux costumes de Raymonda. En quelques minutes, Nicolas évoque maintenant l’ouragan Noureev. Pourquoi Raymonda ? Pas pour nous dire qu’il a excellé dans le rôle d’Abderam, non, Nicolas est trop modeste pour cela, mais pour exprimer toute sa reconnaissance à cet homme qui a offert à l’opéra de Paris en premier cadeau ce ballet splendide et à son image : oriental, excentrique, démesuré, flamboyant. Le passage choisi présente différents styles de danse, si chers à Rudik. Au passage, on remarque plein de danseurs qu’on aime et l’extrait présenté donne envie de revoir tout le ballet.

 

Puis le Faune vient clore cette première partie. Et l’on est complètement envoûté par la fusion des arts. Musique, décor, mouvement, tout ne fait qu’un. Les yeux d’Eve Grinsztajn brillent comme deux gemmes, Bélingard ne fait qu’un avec le décor peint ; une beauté lointaine comme venu d’un ailleurs indicible se dépose sur Garnier. Là encore, Nicolas ne s’auto-congratule pas mais célèbre Nijinsky, qui a passé sur la danse comme un immense poète, car seuls  les poètes  en  recréant le monde nous donnent les clés pour en comprendre le sens et la profondeur.

 

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Après l’entracte, vint le Jeune Homme et la Mort qui avait la froide beauté sensuelle de Eleonora Abbagnato. Nicolas l’a dansé de toutes les fibres de son âme, de son cœur. Là encore,  cette œuvre magistrale  où    danse,   décor,   musique s’unissent si intimement qu’ils n’en font qu’un est  résolument intemporelle.  Et l’on regrette en regardant Nicolas danser que la retraite soit maintenant à 42 ans pour les hommes au lieu des 45 il y a quelques années, tant il excelle encore dans ce type de rôle. Il avait un quelque chose de Babilée, ce soir là, dans la fulgurance de sa batterie, l’élévation de ses sauts, la précision et la fureur de ses pirouettes.   Nicolas a rendu hommage  à ce danseur, à qui l’œuvre avait été «  offerte ». Avec le temps qui passe, la danse se transmet d’un corps à un autre, d’une génération à une autre, sans rompre le fil si fragile de cet art de l’éphémère.

 

Après l’entracte, le rideau se leva sur un des plus beaux passages d’Appartement. C’est celui de la Porte. Déjà vu avec Céline Talon, inoubliable de fragilité et avec Renavand, poignante dans sa douleur aux côté de Nicolas les années précédentes.

Avec Guillem, c’était encore autre chose, car quoiqu’elle danse, elle apporte toujours avec elle  de l’imprévu. Il était stupéfiant de les voir danser tous deux, comme deux jumeaux, tellement reliés l’un à l’autre qu’on aurait dit un miroir parfait. Mille nuances ont été ajoutés par la présence de Guillem qui ne vieillit pas ; je me suis même dit qu’elle dansait encore mieux qu’avant. Il y avait une fraîcheur, une jeunesse, une espièglerie dans certains passages auxquels je ne m’attendais pas mais qui sonnaient si juste ; avec elle, ce pas de deux n’était pas douleurs, souffrances, amour déchirant, mais tout ce qui peut naître dans une rencontre amoureuse, les peines, mais aussi les joies, les rires, la fantaisie… Quelle magicienne, cette Guillem !   

 

Puis vint l’un des plus beaux passages de Caligula, celui où le tyran est avec son cheval  et laisse son folie, un court instant, pour un moment de poésie.   L’Incitatus d’ Audric Bezard  a exécuté des pas de hautes écoles avec confiance car guidé par  Caligula-Mathieu Ganio, l’un des créateurs du rôle, qui tenait la longe, et qui, tout en guidant le cheval, irradiait toute sa lumière sur scène. 

 

Puis l’on vit les techniciens installer la grande table rouge de  Boléro.

 

Attaqué bien trop vite par Kevin Rhodes, ce qui valut bien des couacs à l’orchestre, je tremblais que Nicolas n’arrive pas à «  tenir » la pulsation, car comment placer sauts et grands battements sur un tempo pareil ?

Et bien, ce fut une perfection ! Tous les garçons du corps de ballet étaient splendides,  Karl Paquette et Joshua Hoffalt avaient repris leur place d’autrefois dans le corps de ballet et donnaient le ton : c’était si beau, si intense, si vibrant, si viril et féminin à la fois,  si violent et sensuel,  si parfaitement dansé, que Maurice Béjart s’est glissé en coulisse et a jeté un coup d’œil avant de repartir pour son ailleurs.

 

Il est aujourd’hui impossible de croire que Nicolas s’arrêtera de danser… tout comme Guillem, ces artistes ont encore tellement de choses à partager avec un public qui les aime de tout leur cœur !

 


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2 juillet 2014 3 02 /07 /juillet /2014 08:02

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Notre Dame de Paris de Roland Petit…. C’est déjà un souvenir dans mon vieux livre sur la danse des années 70 : Claire Motte et Cyril Atanassof. Ce que j’ai pu rêver sur ces photos aux costumes étonnants !   Le ballet, créé sur mesure pour les deux artistes, était une commande pour l’opéra de Paris qui ouvrait déjà à l’époque ses portes à la modernité – et bien avant  Dame Lefèvre ! – via  Michel Descombey, Roland Petit, Maurice Béjart    

  

Découverte sur scène  beaucoup plus tard, cette oeuvre ne m'a pas plus. La  musique  lourde, sans subtilité aucune, les costumes  plutôt hideux,  la chorégraphie, terriblement répétitive et bavarde en donnent un récit  assez peu attrayant, sans relief, et même assez insupportable par moment. Certes, quelques passages scintillent, telles des pierres précieuses jetées au milieu de gravats, comme le 1er solo de Quasimodo, tout en sensibilité, ou celui d’Esmeralda, à la fois mutin, féminin et si libre !  Ce solo fait partie de mes préférés avec celui de l'Etrangère de Clavigo, tout répertoire confondu. J'ai du le regarder un milliard de fois dans la version DVD avec Isabelle Guérin. De même,  tout le début du second acte est poétique et intense.   Lorsque les solistes sont sur scène, sans un corps de ballet qui ne sert pas à grand-chose, si ce n’est à rendre le tout confus, brouillon et même naïf, on parvient à entrer dans l'histoire. On est même captivé. Il suffit de se rappeler  Hilaire, Legris, Leriche et Guérin pour sentir l'intensité qui palpite dans l'oeuvre pendant certains passages.   Lesquels, fichés dans nos mémoires comme  la voie lactée vue un soir d’été, nous donnent  l’espoir que peut être, le reste qui laisse un si désagréable souvenir,  saura à présent nous plaire, peut être même nous charmer.

Après tout, on le sait : chez Roland Petit,  le plus sublime côtoie le plus improbable !

 

J’avais pris des places pour voir Nicolas Leriche dont ce sont ces dernières apparitions sur scène. Je l’ai presque regretté. Non pas à cause de Nicolas, absolument parfait dans ce rôle déchirant où, au premier acte, il y a si peu à danser – mais alors, quelle danse !

Mais parce qu’il a fallu supporter le bavardage outrancier du corps de ballet, grimé comme le feraient les  pensionnaires d’ une maison de retraite qui ont mis la main sur de vieux costumes des années 70 et s’en accoutrent pour rire  un soir d’Halloween,  la partition qui a du mal à sortir d’un fatras de percussions qui aimeraient trouvé la liberté d’un Stravinsky ou d’un Bartók mais restent au niveau  d’un orchestre de bal, la scénographie si lourde que les techniciens eux-mêmes n’ont pris aucun gant pour pousser les grands panneaux dans lesquels les danseurs veillent à ne pas se tordre une cheville, la potence, ou le décor de Notre Dame.

 

J’imagine sans peine, qu’en 1965, cette œuvre a dû paraître innovante et susciter l’intérêt, mais aujourd’hui, elle fait figure de vieillerie démodée et pire, elle fait rire.

Comment ne pas pouffer devant certains tableaux, le comble du ridicule revenant à Phoebus en perruque blonde «  frisé à la hérisson » et à ses gardes dont les attributs masculins et les pectoraux moulés outrageusement par les  bandes collantes de leurs costumes les font ressembler à des super héros de parades gays. On n’est pas loin des Village people  et pour un peu,   on se lèverait pour entonner avec conviction par-dessus l’orchestre «  macho, macho man !! »

Mais là, sur scène, on ne rigole pas, même si, à la cour  des miracles,  les danseurs rappellent cette fois-ci   les champignons  et les courgettes de la forêt du téléfilm italien    « Fantagharo » .

 

Alors 1h30 d’un tel spectacle, c’est bien long !

Et pourtant, Eleonora Abbagnato, gitane mutine, fraîche, vive, pleine de compassion pour Quasimodo, de sensualité avec Phoebus ou de force face à Frollo et Nicolas Leriche, pauvre hère déchirant de soumission, de solitude,  et de sensibilité,  apportaient à eux seuls la grâce qui sauvent une œuvre.

 

 

A leur côté, le Frollo de Joshua Hoffalt s’est réveillé véritablement au second acte, trouvant enfin au fond de lui la noirceur et l’ambiguité de ce personnage ambivalent.

 

Le quatuor n’était donc pas particulièrement équilibré ce soir de première – et je ne dirai pas un mot sur Florent Magnenet que je pensais trouver superbe en Phoebus mais qui m’a malheureusement fait penser à  Assurancetourix tout du long, comment alors trouver de l’émotion au pas de trois dans ces conditions ?   

On ne peut que saluer l’engagement de tous les artistes dans une œuvre démodée qu’il faudrait retirer définitivement du répertoire.  Ils nous ont rappelé à quel point le ballet de l’opéra de Paris est toujours une grande compagnie ! 

 

 

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Sur la photo, Nicolas serre les lèvres, pour contenir l'émotion que suscita l' immense montée d'amour de son public

elle se souleva comme une vague immense dans tout l'opéra Bastille!

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1 juillet 2014 2 01 /07 /juillet /2014 10:27

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Le festival Ratha Yatra se déroule à Paris depuis 22 ans déjà. De nouvelles éditions commencent à naître dans d’autres villes de province.

Ce festival met à l’honneur le dieu Jagganath, l’un des avatars de Vishnou que l’on connaît aussi comme Krishna ou encore Rama,  héros du Mahabaratha ou du Ramayana.

Vishnou est le dieu qui protège le monde dans la trilogie indienne.  Cette année, ce festival tombait le même jour que la grande fête qui a lieu à Puri en Inde.

 

Lors de ce festival qui a eu lieu cette année le 29 juin 2014, un grand char est tiré à travers la ville, avec les images inachevées de Subhadra et Balarama, sœur et frère de Jagganath.

 

Sur la place du Bellay, sur laquelle se dresse la fontaine des Innocents à Paris, se tenaient différents stands indiens et une scène y était dressée.

 


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Musiciens, danseurs, chants dévotionnels se sont succédés.  Sharmila Sharma a dansé du Kathak avec ses danseuses/seurs.

 

Mahina Khanum participait avec son groupe à ce festival ; les belles danseuses ont   accueilli l’arrivée du char. Kali Chandrasegaram, danseur d’Odissi qui vit à Londres, s’était joint à elle ainsi que moi-même.

Profondément émue par les chants dévotionnels qui ont procédé l’arrivée du char vers 17h30 - les  Bhajans, ou chants sacrés, ont un peu un rôle similaire au yoga- j’ai perçu très nettement   le changement de  fréquence vibratoire qui s’est élevée peu à peu.

 

mahi-et-kali.JPGMalgré les mouvements de foule, les allées et venues des uns et des autres, dont nombre de touristes et de passants, on pouvait vraiment percevoir cette vibration si particulière dans l’air.

Puis le char est apparu, et là, le sens dévotion prit tout son sens ; le cœur ne fait qu’un bond à sa vue, comme une amoureuse lorsqu’elle voit son bien-aimé guetté longtemps, à l’horizon. Et dans ce bond de l’âme, il y la spontaneïté, la joie, l’amour.

 

Tout était donc en place  pour accueillir la danse Odissi.

 

Kali et Mahina ont dansé une chorégraphie pour célébrer Jagganath, portant encore plus loin la dévotion et les vibrations très puissantes à ce moment là. L’essence même du sacré était tangible. Que les gens dans la foule l’aient perçu ou pas importe peu car tous l’ont de toutes façons reçue.

 

C’est donc particulièrement émue et très humblement que je suis montée sur scène, cherchant du mieux possible à exprimer ma dévotion et ma reconnaissance pour ce moment si particulier.

 

Le rêve de partager la dévotion «  dans la rue », comme le faisaient les toutes premières danseuses d’Odissi s’est donc réalisé sous les augures protecteurs de Jagganath a qui j’avais consacré un article quelques semaines plus tôt, sans savoir que je le célèbrerais par la danse…

 

   mahi-et-val.JPG

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9 juin 2014 1 09 /06 /juin /2014 19:32

 

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                                                  Laura Hecquet, en rouge cette fois ci ( photo Guilloteau. l'express)

 

Le palais de Cristal de Balanchine, découvert en 1993 à la Bastille par d’émérites interprètes, m’avait laissé un  tel sentiment d’ennui que je n’étais guère prête à le revoir… sauf que, associé à la création de Benjamin Millepied qui a eu le bon goût de choisir une œuvre de Ravel que j’adore, j’ai passé outre ma «  répulsion ». J’ai accepté l’ennui d’un Balanchine pour le plaisir d’écouter un Ravel, me disant que, même si la chorégraphie m’ennuyait, il me resterait la musique…

 

Ce Palais de cristal, qui a défrayé la presse parce que Lacroix a recréé pour la circonstance de fabuleux costumes, a été vu du fin fond du second balcon…

Une aubaine en fait, pour découvrir qui est réellement charismatique !

Et voici le trio gagnant : Paquette, Hecquet et Thibaut.  Leur silhouette, réduite à une hauteur de phalange d’un auriculaire vu de la haut, n’est en pas moins emplie de lumière, et d’un quelque chose qui happe votre regard et le fait irrémédiablement converger vers eux, où que ces artistes se trouvent sur la scène.

Paquette, en rouge, dansait avec Pagliero, magnifique elle aussi : brillante et féminine à souhait, gracieuse, ses petits pieds cisèlaient les pas avec précision d’horloger suisse. Ces pointes,  coupantes comme des diamants, et ses chevilles déliées si libres, donnaient à sa danse  une attaque  vive, une batterie percutante mais racée. Son visage irradiait le plaisir de danser. Toute parée de rouge, une aigrette plantée fièrement dans sa coiffure, elle était belle et pétillante. Paquette occupait tout l’espace scénique ;  sa danse était large, généreuse. On en oubliait les danseurs alentours  tant ce couple captivait le regard.

 

La couleur suivante était le bleu et là, on se surprend à retenir son souffle devant la délicatesse musicale de Laura Hecquet, à la fois princesse lointaine et fée mélancolique, qui harmonise à la perfection des mouvements souples comme les branches d’un saule à un hautbois aristocratique et empli de spleen. La gravité de son visage renforce une impression de noblesse mêlée à une grâce, une élégance naturelles. Tout est moelleux, abandonné, comme dansé en confidence ; l’intériorité de cette âme touchante palpite presque entre nos mains ; quels mots pour décrire les pliés sautillés sur pointes, exécutés avec tant de douceur, comment décrire un buste qui suit les spirales du hautbois avec une tristesse presque Schubertienne ?

Laura Hecquet restera absolument inoubliable dans cet accord parfait sur une musique latine,  claire,  mais ombrée et embrumée d’un peu de Sensucht germanique.

J'étais trop haut pour admirer toute la délicatesse de Nolwenn Daniel,  magnifique dans son costume blanc-rose, accompagnée par Emmanuel Thibaut en grande forme, aux lignes pures, qui prouve encore   que même  près de la retraite il possède encore du  ballon, des pieds précis,  du plaisir à danser, et une espièglerie enfantine qui ravit le cœur.  En vert sapin, F Alu et V Colosante n'étaient  ni très synchrones, ni très bien assortis…  c'était au final un peu brouillon. C’est dommage. 

Dans l'ensemble, les lignes  étaient plutôt belles et le corps de ballet (ce sont les dernières séries) avait trouvé ses marques, son souffle ; il était bien réglé, même si la danse reste un peu figée, un peu glacée.

montage_millepied_ok.png

 

La création de Benjamin Millepied m’a un peu déçue, je m’attendais à plus d’intensité. Je suis restée sur ma faim.

Côté orchestre,  déception aussi : sans doute à cause de la danse, les tempos  retenus sont trop lents et trop étirés,  d’une manière générale ; en revanche, le lever du jour a pris le TGV…. Quel dommage, au lieu que les contrebasses paressent langoureusement pendant que les chants d’oiseaux surgissent tranquillement puis s’étirent doucement de leur torpeur, elles cavalaient après eux… à peine sorties de leur songe, les voilà qui s’ébrouent si rapidement que tout semble trop nerveux, trop rapide… l’orchestre a une belle transparence, les pupitres sont bien équilibrés, mais le tout manque un peu de cette sensualité profonde que certains chefs parviennent à donner à cette œuvre délicate et passionnée.  ( Seiji Ozawa, par exemple)

 

Côté chorégraphie, ça n'a pas la puissance d'un Belarbi!

Si je parle de Belarbi, c'est que les danseuses en cheveux longs et jupes flottantes m'ont rappelé son magnifique Hurlevent  et les pirates en noir, les hommes en long manteau, dits « gardiens » de cette même œuvre.

 

Alors, c'est plutôt plaisant à regarder, il y a des moments magiques, mais beaucoup de bavardages, de redites, et de choses parfois un peu naïves.

D’autre  part,  l’utilisation excessive des rondes, boucles, spirales, etc…   finit par  lasser, de même que le procédé de faire partir un mouvement d’un danseur qui le transmet aux autres…

 

De là-haut, les structures de Buren rappellent les cuisines des années 70,  elles masquent d’ailleurs en partie la scène pour certains passages ; du deuxième balcon, les structures ressemblent à de  gros plastiques pendouillant et leur reflet sur la scène blanche est vénéneux.  Les costumes des garçons sont aussi seyants que des baby-gros pour adultes…

 

Côté danseurs, c’était bien dansé : la magnifique silhouette d’Albisson  est vraiment  mise en valeur daphnis.jpgpar la chorégraphie. Fluide, poétique, fraîche, Albisson est une Chloé belle, attrayante.  Marc Moreau danse avec cœur et flamme. Mais à aucun moment on ne sent ces deux artistes véritablement amoureux. Il manque un petit quelque chose pour qu’on sente cet amour.

Fabien Revillon a incarné son Bryaxis avec panache et virtuosité. Le pas de deux avec Léonore Baulac  avait une vraie force et poésie.  

Léonore Baulac est tout simplement fascinante. Séductrice, séduisante, souple comme une liane, on ne la quitte plus des yeux dès qu’elle est en scène.

 

 

Je me demande cependant ce que cette œuvre aurait donné avec la distribution suivante :  Abbagnato, Pujol, Ganio, Alu, elle était mon premier choix au départ.

 

Mais qu'aurait été  cette œuvre  si Millepied avait eu quatre mois au lieu de quelques semaines pour régler la chorégraphie? Certaines scènes restent en mémoire et le tout se suit aisément. Revue sur culture box, j’ai été stupéfaite de constater comme le propos change sitôt que l’on voit l’œuvre de face et de près.  Certains passages y gagnent, d'autres pas du tout.

 

Si elle est reprise dans les années à venir, il est fort possible que Millepied la remanie comme c’est souvent le cas. Une œuvre poétique, assurément, mais à laquelle il manque un peu de force, ou de conviction... 

 

De cette soirée du 7 juin, me parvient,  en écho, sublime et irréelle,  Laura Hecquet,  dans son tutu bleu strassé,  si belle, avec son visage plein de gravité et de délicatesse.

Je lui ai d’ailleurs consacré un modeste article que je compte bien enrichir de photos et de détails biographiques dans les mois à venir.

J’aurais tant aimé la voir passer première danseuse au concours de cette année.

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28 mai 2014 3 28 /05 /mai /2014 11:05

 

 

41-Pen---Ink-JAGANNATH-TEMPLE--Orissa---India.jpg

 

 

 

L’Odissi d’aujourd’hui, est, d’après les spécialistes, un descendant direct de la danse de temple, telle qu’elle fut  pratiquée à Puri, en l’honneur de Jagannath, un des avatars de Vishnou.

 

Dans le panthéon indien, ce dieu qui protège le monde et le préserve, s’incarne à plusieurs reprises pour venir  le sauver de la destruction ; il prend à chaque fois une apparence différence : Krishna, Rama et Jagganath sont ses plus célèbres avatars.

Ce dieu très ancien, déjà présent dans les Védas,  fait sa première apparition en Orissa au 7ème siècle 06122011-krishna.jpgaprès JC dans les sculptures. Il y apparaît sous la forme de son   8ème avatar, Krishna.

Mais c’est en « Jagannath » que Vishnou sera le plus célébré. Sa légende est racontée un peu plus loin.

 

Pendant le règne des rois de la dynastie Ganga  qui dura près de trois siècles, la dévotion à Vishnou fut telle qu'un temple monumental fut construit en son honneur au  11ème siècle. Ce temple acquit une telle renommée qu’on vint rendre hommage au dieu son la forme de son avatar, Jagannath, de toute la région. Puri  fut alors un haut lieu de pèlerinage et  un centre culturel et artistique important; il  vit naître dans son temple  la danse des Mahari.

 

Concernant Jagannath,  plusieurs récits mythologiques relatent son origine. Voici celle que la danse Odissi aime le plus : il y avait un roi, Indradyuman  qui rêva un jour d’une image de Nilamadhav – le dieu bleu –  elle se  trouvait  bien au-delà des montagnes, à l’est de son royaume. Il envoya son ministre, Vidyapati, à sa recherche, qui tomba sur Vishvavasu, le chef de la tribu Savara ; c’était le plus  fervents des  adoradeurs de Nilamadhav. De retour au palais, le ministre raconta ce qu’il avait vu. Le roi envoya son armée pour prendre de force l’image mais avant que le roi puisse atteindre la grotte où celle-ci se trouvait, une tempête se leva et l’image disparut.

Le Dieu bleu n’apparut plus à la tribu Savara sous cette forme, mais l’océan rejeta sur le sable un immense bloc de bois qui avait la forme de Nilamandhav.

Le roi vit cette image en rêve et voulut la reproduire. Il fit venir d’énormes blocs de bois et des charpentiers dans son palais pour  construire l’image à l’identique. Mais aucun charpentier ne parvint à la reproduire.  Un mystérieux charpentier, qui selon la légende,  aurait été Vishnou lui-même, se présenta et dit qu’il pourrait réaliser la sculpture à condition de n’être dérangé sous aucun prétexte pendant 21 jours. Le roi accepta mais la reine, bien sûr, aiguillonnée par la curiosité, voulut ouvrir la porte avant le délai requis. Tout s’évanouit aussitôt sauf trois bustes inachevés qui représentait Jagannath lui-même, son frère Balabhadra et sa sœur Subhadra, tous trois aujourd’hui encore grandement vénérés.

 

Voilà pourquoi aujourd'hui, au début de chaque récital,  la danseuse offre sa première danse à Jagganath, présent sur scène  et inachevé comme le raconte la légende.

 

Jagannath.jpg

 

 

La légende de Jagannath est l’un des nombreux exemples de la façon dont l’hindouïsme a intégré des déités  très anciennes à son propre panthéon.

 

L’Odissi s’est développée au moins sur un millénaire ;  on trouve des témoignages sur cette danse dès  le 1er et le 2ème siècle avant JC,  comme l’atteste l’art de la dynastie Chedi –puis  au 7ème siècle et  8ème siècle, ( nombreuses peintures et sculptures de temples)  jusqu’au règne du  roi Chodagangadeva au 11ème siècle où culmine le culte de Vishnou à travers son avatar, Jagannath. L’Orissa, sous le règne de ce roi éclairé, devint un royaume florissant, cultivé, dans lequel Puri fut un centre spirituel important et révéré bien au-delà des frontières du royaume.

 

Un siècle plus tard, le poète Jayadéva allait marquer durablement l’histoire de l’Odissi à travers l’un de ses poèmes : la Gita-govinda.

 

 

 

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A lire sur ce blog :

 

L'odissi, chapitre 1

L'odissi, chapitre 2

 

 

Articles réalisés à partir du livre de  Ranjana Gauhar

 

 

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28 mai 2014 3 28 /05 /mai /2014 08:02
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17 mai 2014 6 17 /05 /mai /2014 19:33

 

Chapitre deux : histoire de la danse odissi

 

 

Les origines et les premiers témoignages :

Au temps du roi Kharavela, 1er siècle avant JC.

La style Nartaki

 


Laissons pour un temps dans ce deuxième chapitre les légendes mythologiques de la danse, que nous retrouverons plus tard pour nous pencher à présent sur les témoignages archéologiques concrets. Les premières sculptures furent découvertes  dans les grottes des collines de Udayagiri et de Khandagiri près de Bhubaneswar en Orissa. Elles datent  du 1er siècle avant Jésus Christ. La région appelée alors Kalinga connaissait déjà une importante activité artistique comme en témoignent les nombreux danseuses et musiciens ainsi que les inscriptions gravées et sculptées dans la roche ; construites sous le règne du roi Jaïn Kharavela, grand amateur d’art, elles révèlent que l’art était très présent dans la vie du peuple de Kalinga. Le roi a d’ailleurs laissé le souvenir non seulement d’un fervent Jain, mais aussi d’un immense protecteur des arts. Dans la grotte de la reine Ranigumpha se trouvent  également de très nombreuses sculptures de musiciens et de danseuses dans des poses très variées. L’une des plus célèbres, connue sous le nom de Nartaki, est en  « chouka ». L’ensemble de ces sculptures ont servi de point de repère  pour reconstruire le style Odissi au 20ème siècle après qu’il fût perdu.

Pour désigner le style de cette période qui semble avoir été une danse de cour, on se refère à la danseuse Nartaki qui donne son nom à ce style. D’où le style «  Nartaki »

 

temple Brameshvara

 

Brahmeshvara_Temple_-1171_AD-_at_Kikkeri-_Mandya_district.JPG

 

L’influence du Bouddhisme et du tantrisme : du 3ème au 7 ème siècle après JC

 

Après la mort du roi Kharavela, on ne trouve pas d’autres représentations aussi importantes de l’activité artistique gravée dans la pierre. On sait cependant qu’elle restera très importante dans cette région  après  la mort du roi et jusqu’au 7ème siècle.

Vers le 3ème siècle  après Jésus, pendant le règne magnifique d’Ashoka,  le Jaïnisme fut  progressivement remplacé par le bouddhisme sous sa forme de Grand véhicule.

Cette branche du bouddhisme est connue pour être esthétiquement très sensible aux arts considérés comme un moyen,  aussi bien pour l’artiste que pour le spectateur, de réalisation spirituelle. La danse n’est alors rien d’autre qu’un moyen de délivrance et un acte de conscience spirituelle.

 

Le Shivaïsme et la naissance des Devadasis

 

Après le déclin du bouddhisme, le Shivaïsme s’étend sur le pays et y explose au 7ème siècle après Jésus Christ. Comme toujours en Inde, il est difficile de savoir exactement comment les changements s’opèrent et comment le Shivaïsme a réellement émergé. D’autant qu’il existait déjà un shivaïsme pré-aryen vieux, dit-on, de plusieurs millénaires. Des nombreux éléments archéologiques prouvent   que la danse se trouve étroitement lié à ce nouveau courant.

La dynastie Sailodbhara naît à cette période et les rois étendent leur domaine à une grande partie de l’actuel Orissa. Ils dotent la région d’un système administratif solide, font preuve d’une réelle tolérance pour toutes les religions, et entreprennent la construction d’une multitude de  temples dédiés à Shiva. L’art de cette période est florissant et éblouissant. Les sculptures des danseuses et de Shiva dansant, connu sous le nom de Nataraja – Roi  de la danse – font toujours aujourd’hui l’admiration de tous ceux qui visitent les temples de Mukteshwar ou de Parashurameshwara.

Le Shivaïsme imprègne le tissu culturel de l’Orissa si profondément qu’il est devenu un facteur clé dans l’élaboration de l’histoire de la région.

Le tantrisme, l’une des branches du Bouddhisme, est progressivement intégré au Shivaïsme comme l’une de ses caractéristiques fondamentales. Comme souvent en Inde, les nouveaux courants de pensée absorbent les anciens et les différents éléments s’associent et se mélangent. L’Inde repousse rarement, elle absorbe et remodèle.  

 

Cette longue  période porte donc les différentes empreintes   du bouddhisme, du tantrisme et du Shivaïsme qui se mélangent et  marquent durablement la culture Oriya sur le plan des arts, de l’architecture et de la danse. Les temples Vaital, Markandeswar et Sisireswar  témoignent de cet amalgame, aussi bien dans les stupas Bouddhistes  des collines de Lalitgiri et Ratnigiri que dans les temples d’Hirapur consacrés aux yoginis-danseuses.

 

Devadasi

devadasis.jpg

 

 

Au 10ème siècle, sous la dynastie Kesari, le Shivaisme s’impose complètement : Le culte de Shiva et la construction des temples sont au centre de cette ère. Ils  présentent des sculptures très variées des Dieux et des Humains,  montrant d’une manière certaine  la continuité de la tradition dansée en l’honneur de Shiva. Dans ces inscriptions et ces témoignages sur la danse, on trouve pour la première fois la preuve de l’existence réelle des Devadasis,  littéralement servantes de Dieu. Il semblerait que leur seule obligation fut de danser pour les rituels et les cérémonies associés au temple et pour sa divinité.

Le rituel est un élément très important de la foi en Inde, et pendant longtemps, il a précédé la pensée et la spéculation. Ils rythmaient non seulement la vie, mais aussi le quotidien.

 

On trouve la première mention d’une Devadasi  en Orissa à l’époque de la construction du temple de Brahmeswar sous le règne de Udoata Kesari, dernier roi de cette dynastie qui prit fin au 11 ème siècle.

C’est à partir de ces inscriptions que l’on peut retracer l’histoire de l’Odissi et de son rôle dans les temples  jusqu’à la danse d’aujourd’hui. 

 

 

Vishnou, un avatar de Krishna et Jagannath

 

 

Une nouvelle foi va bientôt  remplacer le Shivaïsme : le Vishnouisme.  Vishnou est un avatar de Krishna, lequel est très connu en Orissa sous la forme de Jagannath.   

Des temples monumentaux sont édifiés pour célébrer ce dieu, tel le temple de Jaganath à Puri, ou encore le temple du soleil à Konark. La dynastie Ganga révolutionne entièrement la culture de l’Orissa et marque profondément l’évolution du style «  devadasi »  

Les arts et l’architecture d’après la période Kharavela montrent que la danse est à présent l’un des thèmes essentiels des temples de l’Oriya.

 

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En résumé

 

Pendant ces 1000 premières années, la danse Odissi est véritablement le reflet de l’activité religieuse et politique de cette région qu’est l’Orissa.

Qu’elle soit influencée par la tolérance et la conscience esthétique des Bouddhistes, ou par les cultes tantriques et les danseuses yogini de ces cultes,  ou encore qu’elle soit au service des devadasis des temple de Shiva, la danse transforme aussi bien sa technique que ses aspirations dévotionnelles,  épousant à  chaque étape  l’histoire de la région et l’évolution de la foi. 

 

De nombreux éléments fondamentaux de l’odissi apparaissent pendant la dynastie Kesari, mais c’est lorsque celle-ci disparaît que naît réellement le style Odissi tel qu’il est connu aujourd’hui.

 

Ce style connaît donc, de sa naissance au 1er siècle sous le règne des rois du Kharavela, jusqu’à l’avènement du Vishouisme,  d’immenses changements dans sa forme physique, son caractère spirituel, et son rôle dans la société et la religion.

Son caractère spirituel   s’est transformé au gré du jaïnisme, du bouddhisme, du shivaisme et enfin du Vishnouisme qui chacun, tour à tour, l’ont modelé différemment. Toutes ces traditions ont conféré chacune à leur façon  un  caractère distinct et  éminemment sacré où la beauté se mélange au spirituel, dans une humble  recherche de Moksha : le salut.

 

Kornak

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Notes : il est très difficile pour qui ne les côtoie pas de près de se retrouver dans toutes ces branches philosophiques et/ou spirituelles

 

Des articles annexes viendront éclairer un peu le lecteur sur les différentes fois ou philosophies ainsi que sur ces Dieux que sont Vishnou, Brahma, Krishna/ Jagannath.

 On retrouve ce même brassage  d’idées dans le yoga, qui s’est considérablement modifié au gré des échanges entre les différentes civilisations ; comme pour la danse, on trouve un yoga tantrique, du Nord-Est, influencé par une branche du bouddhisme, un yoga dit non-duel du Cashmire, un yoga plus « Aryen », codifié par Pentajali, etc… si l’on veut résumer succinctement, on dira que pour certaines écoles de yoga,  conscience et énergie sont en union, pour d’autres non.

Le yoga,   prière active du pratiquant, et l’odissi, prière artistique dansée,  n’ont d’autres buts que d’atteindre ou de faire  atteindre Moksha.

 

 

Lire aussi

 

Chapitre 1, de la légende à la danse

Chapitre 2, histoire de la danse odissi

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