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  • : Un jour, une œuvre
  • : Créé en 2006, ce blog rédigé par Valérie Beck autrefois consacré à la danse et à ma compagnie se diversifie davantage.
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Noureev

 

Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

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11 mars 2015 3 11 /03 /mars /2015 13:22
Le Chant de La Terre - Neumeier - Révillon-Bézard-Daniel-Park

Voir la même œuvre dans une seconde distribution – ou même une troisième ou quatrième – apporte des éclairages qui peuvent aller du simple détail à une amplitude extrême.

Ganio/ Pujol/Daniel/ Paquette et Magnenet semblaient exister car créés directement par la musique ; sans elle, ils se seraient évanouis comme un songe ; sans eux, la musique n’aurait pu se faire entendre. Les deux se faisaient écho l’une l’autre, donnant une profonde impression d’unité d’une grande beauté. Le spectateur, directement plongé dans ce monde flou à la charnière du rêve et de la veille, hypnotisé et sans aucun désir de sortir de cet entre deux, se trouvait alors tout entier livré à la sensation délicieuse de flotter dans un monde sans densité, comme hors du temps et de l'espace. Un monde abstrait, ineffable, évanescent.

Parvenir à créer ce monde de l’entre d’eux et y maintenir le spectateur en état d’alerte tenait du grand art. Même la scène près du « pont qui se courbe comme le dos d’un tigre » semblait sortir de la lampe magique de l’enfance de Proust.

Ganio semblait irréel, et tout s’animait autour de lui en ce sens, comme surgi du miroir, peut-être, suspendu là-haut ou de la Lune.

Il en était tout autrement hier soir avec le charmant quatuor Révillon/ Daniel/ Park/ Bezard avec Bertaud à la place de Magnenet. ( soirée du 10 mars 2015)

Plus de rêve, plus de flou, plus de monde entre deux, mais un homme ( Révillon) qui souffre, qui cherche, qui mène une quête et qui se heurte au monde et à sa réalité, aux autres auxquels il ne parvient à se mêler.

Et c’est étonnant de voir Daniel passer de l’état de songe, - soirée du 28 février - à celui de guide ; de voir l’extraordinaire Audric Bézard devenir l’ombre de Révillon, quand Paquette était le double de Ganio, aussi irréel et lunaire que lui.

De voir Sae Eun Park donner à sa danse une délicate poésie toute terrienne ; de voir l’elfique Léonore Baulac devenir un être de chair et de sang ; et de réaliser que l’ivresse de Bertaud est bien au sens propre….

On gagne en humanité, en émotion, ce qu’on perd en poésie ; mais les deux interprétations sont aussi belles l’une que l’autre et elles éclairent magnifiquement le propos du chorégraphe.

Révillon donne de la rondeur, du moelleux, de la profondeur, là où Ganio semblait être tout droit descendu de la lune, comme un être impalpable sans nerf et sans chair

Il communique au spectateur sa souffrance, quand Ganio le plongeait dans l’idée de la quête de l’inaccessible.

Bézard joue les constrastes avec une présence scénique extrêmement charismatique et le dernier pas de deux entre les deux artistes est poignant de douloureuse intensité

Nolwen Daniel est belle comme la lune mais volontaire, incarnée, réelle. Elle guide le jeune homme jusqu’à ce qu’il réalise qui il est véritablement.

Le Chant de La Terre - Neumeier - Révillon-Bézard-Daniel-Park

Voir ces deux distributions ne peut qu’enrichir cette magnifique œuvre de Neumeier, simple, belle, qui jamais n’alourdit la musique de Malher magnifiquement et subtilement interprétée par l’orchestre de l’opéra sous la baguette de Patrick Lange.

Fabien Révillon et Audric Bézard ont donné grâce à Neumeier une dimension à leur danse qu’ils n’avaient encore pu ni l’un ni l’autre autant developper. Voilà encore deux magnifiques artistes.

Sae Eun Park semblait tellement à l’aise elle aussi dans ce répertoire. Inoubliable silhouette bleuté, féérique comme la fée bleue de Pinocchio

Quand à Nolwen Daniel, elle a pour ainsi dire brillé comme un astre devenu femme…

Un magnifique quatuor où les femmes accompagnent, réconfortent, protègent les tourments des hommes, les guident, les éclairent, avec la douceur et la poésie des soirs d’été…

Et tandis que Révillon et Daniel s’élançaient sur scène dans cette dernière course en rond où la question se résout dans l’allégresse, je superposais à leur élan Ganio et Pujol, qui ne trouvent pas de réponse parce qu’ils réalisent que leur reflet s'évanouira avec la dernière vibration d'un son qu'on ne perçoit déjà plus....

Le Chant de La Terre - Neumeier - Révillon-Bézard-Daniel-Park

Les magnifiques photos sont d'Anne Ray

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3 mars 2015 2 03 /03 /mars /2015 18:36
Gilbert et Ganio en répétition
Gilbert et Ganio en répétition

J'ai été tellement envoûtée par le Chant de la Terre de John Neumeier que j'y retourne mardi 10 mars; je ne verrai pas du tout la même distribution( Ganio/ Paquette/ Daniel/ Chaillet voir l'article du 28 février ) mais la troisième distribution, avec Revillon ( qui me laisse un merveilleux souvenir dans le rôle de Lenski) Daniel, Sae Eun Park. La seconde distribution est dansée par Gilbert, Magnenet, Sae Eun Park.

Ce qui m'a envoûtée, c'est cet état d'intériorité et de méditation plaintive mais au fond pleine d'un espoir secret qui fusionne de façon magique danse et musique

Il faut sans doute être dans un état d'esprit un peu particulier pour recevoir cette œuvre, mais si on s'ouvre à elle, on entre dans un monde intérieur cotonneux, onirique, étrange, où l'on ne sait plus si on regarde la musique ou si l'on écoute la danse...

Je serai placée à peu près de la même façon que le 28 février, en loge 4; je n'aurais donc à nouveau pas une vision du dispositif scénique, je ne verrai pas les figures se mêler au clair de lune, ni les jeunes gens se délasser sur le talus ( ils disparaissent complètement à ce moment là pour qui est de côté)

Le dernier par de deux n'aura sans doute pas la merveilleuse poésie qu'ont su leur donner Paquette et Ganio mais au fond, je n'ai pas d'attente particulière....

Juste me replonger une fois encore dans ce 6ème lieder, infini, lointain et profond sur lesquels les danseurs chuchotent des adieux avant de comprendre que l'éphémère et l'éternel se côtoient l'un dans l'autre.

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2 mars 2015 1 02 /03 /mars /2015 13:18
Le Chant de La Terre - Neumeier - ONP- 2015



Il faut d'abord parler de la qualité d'interprétation musicale de l’œuvre; cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu de la musique aussi bien jouée à Garnier pour accompagner de la danse; cordes, bois, cuivres, harpes, d'où j'étais, chaque timbre me parvenait dans sa clarté et la musique dans son ensemble. Les voix des deux solistes étaient plutôt belles, surtout celle du baryton dont j'ai aussi apprécié la musicalité ( chef d’orchestre : Patrick lange, Paul Armin Edelmann : baryton)

Mais il est injuste de dire que la musique accompagne la danse; l'une et l'autre se fondent ensemble ainsi que les mots des poèmes chantés.


L'œuvre commence dans le silence ; un homme dans la pénombre – double de Malher ou de Neumeier, ou du Poète, au fond cela n’a pas vraiment d’importance - est rejoint ensuite par une jeune femme ( Laetitia Pujol) qui est comme une pensée qu’il ne veut ou ne peut entendre. Au loin, résonne ensuite au piano le 6ème chant - c’est Malher lui même qui en a fait la réduction- comme l'écho d'un souvenir; Ganio et Pujol émettent des vibrations aussi douces que fragiles et déjà, l'on s'enfonce doucement dans une intériorité d'où parvient l'écho du monde.

Il y avait un tel silence dans la salle, quelque chose de tellement mystérieux qu'on entre à pas feutrés dans cette œuvre qui est comme une confidence. On dirait que Neumeier a voulu dire de la façon la plus concise possible ce qu’il ressentait en écoutant ce Chant de la Terre et nous le confier, sans fioriture. C'est presque un chant du cygne.

Et il y parvient.
Ganio, magnifique de sensibilité, de pureté et d'émotion contenue, évoque comme souvent chez Neumeier le "témoin », comme celui de La Petite Sirène par exemple : l’homme en chapeau voit, comprend, partage, mais ne peut pas changer le cours du destin.

ici, le témoin sent, goûte, pense, souffre, espère, dit adieux, et comprend que si l’homme est mortel, le monde lui, brillera toujours et la nature refleurira sans cesse, à chaque printemps.

Mais ce témoin silencieux devient aussi parfois l'acteur.

Autour de lui, une pléiade de danseurs merveilleux :
A commencer ( honneur aux garçons pour une fois) par Karl Paquette flamboyant en groupe, et double lunaire dans les pas de Deux avec Ganio ( d'une grande beauté et si bien accordés à la musique)

Vincent Chailley stupéfiant de vivacité, de précision, d' humour, d'espièglerie incarne l’homme Ivre, mais son ivresse est contagieuse. Il rappelle l'Amour de Sylvia; il en a un peu la même candeur, la même joie " enfantine" qui emporte avec lui dans son élan.


Quand à Florian Magnenet, Neumeier lui va comme un gant; il le comprend, il le magnifie avec une beauté des lignes, une grâce, une musicalité confondante. Sa silhouette prend à la fois une rondeur enfantine mais pour mieux mettre ensuite en lumière des lignes étirées et pures. Il est comme les bois de l'orchestre qui oscillent entre mélancolie et enthousiasme, tristesse et joie, nuit et lumière. Une pose, un poignet qui se casse, un pied qui devient flexe, et c’est tout le monde de la jeunesse, "près du pavillon de jade dont le pont se courbe comme le dos d’un tigre", qui surgit : un paysage chinois jaillit, avec ses jeunes filles mélancoliques, et ses jeunes gens insouciants qui passent sans s'attarder.



Laetitia Pujol pleine de compassion et Nolwenn Daniel à la beauté statuaire mais qui comme une madonne de pierre sait se montrer compatissante, entoure le poète-musicien-on-ne-sait-qui. Laura Hecquet passe, avec sa beauté froide et surnaturelle comme une lune d'automne, la délicate Léonore Baulac au visage elfique illumine la scène, la gracieuse Juliette Hilaire et la touchante Charlotte Ranson ajoute délicatesse et poésie...


De grandes plages méditatives contrastent avec des ensemble plus enjoués et quelque chose plane au dessus de tout cela, plus grand que la vie humaine.


Le Chant de la Terre de John Neumeier est une de ces œuvres dont la sensibilité sur le fil vous ramène à l'intérieur de vous mais les yeux fixés sur la scène et les oreilles grandes ouvertes, accueillant totalement ce moment poétique qui passe, l'air de rien.

On accueille la magie de l’instant, dépassé par un mystère qui nous échappe et que pourtant, la mélodie sinueuse de la flûte se taisant pour laisser chanter le baryton nous a en partie dévoilé… et on espère y retourner pour soulever un peu plus ce voile de mystère.

Distribution

Distribution du 28 février

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24 février 2015 2 24 /02 /février /2015 15:02

Sans m'avertir, overblog a migré mon blog vers une autre plateforme , du coup exit les catégories, les pages, et tout le travail que je faisais depuis 10 ans, je suis furieuse et cherche une autre solution pour continuer à écrire mes articles, je ne sais pas encore quoi, mais je trouverai mieux que cette plateforme qui a détruit mes dix années de patient travail!

la mise en page ne ressemble plus à rien à présent, plus aucun lien n'apparait bref, c'est juste misérable!

En plus, je paie pour héberger mon blog d'où ma fureur!

Et croyez vous qu'Overblog s'excuse? Pas du tout, pas un mail, pas un mot!

Ne vous inscrivez pas chez eux, ils ne sont pas dignes de confiance!

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23 février 2015 1 23 /02 /février /2015 08:44

 

 

Adieu-Etoile-01

 

 

Ce film, qui a suivi Isabelle Ciaravola lors de sa dernière saison à  l’opéra de Paris avant la fameuse retraite imposée aux danseuses et danseurs à 42 ans quelque soit leur condition physique, est un portrait attachant, émouvant et  inattendu aussi car on découvre une artiste simple, ardente et malicieuse, dotée de beaucoup d’humour,  de caractère et de joie de vivre.

Il débute par un plan sur ses jambes et ses pieds qui ont toujours suscité l’admiration, probablement sur  une plage corse, puis l’artiste apparaît, irréelle dans son tutu blanc, dansant «  La mort du cygne ». On reste ébahi par la grâce toute slave des bras qui ondulent comme soulevés par la brise, par l’inclination du cou qui dit la douleur du cygne de mourir peu à peu, et par la corolle du tutu qui 

 

icdetails.jpg flotte comme un nymphéa au dessus de ses deux longues jambes. Cette touchante métaphore nous dit déjà la future absence ; sur l’écran devenu noir, quelques scintillements : ceux du diadème qui lance ses derniers feux tandis que la danseuse a déjà disparu. Quelle merveilleuse façon de dire que les étoiles brillent longtemps après leur départ. Celle-là en tout cas brillera longtemps dans le cœur de son public,  tout comme dans le ciel brillent des étoiles pourtant absentes : et pourtant,  leur lumière  nous parvient encore.

Puis Isabelle apparaît de nouveau, drapée cette fois-ci du magnifique manteau de Manon ; elle parcourt le Palais Garnier, des profonds sous-sols aux toits irréels au dessus de laquelle s’élance la coupole verte qui fait tant rêver ; elle entre dans une loge  rouge et or et regarde son double sur scène. Puis elle glisse, majestueuse, dans les grands espaces de marbres tout hantés par le passé. C’est sûr, il y aura toujours un peu d’elle ici, désormais.

 


 

Entre temps, elle se sera livrée avec sincérité à la caméra qui l’a suivie de longs mois : ce qui séduit, c’est sa vivacité, sa spontanéité et cette grande force qui l’habite car quand elle répète, elle sait ce qu’elle veut, précisément. Ses années dans le corps de ballet, pas forcément toujours faciles pour elle, ont sans doute forgée son caractère. Elle le dit d’ailleurs elle-même aux danseurs réunis sur le grand plateau de Garnier, après son dernier Onéguine. Elle a toujours eu en elle ce désir d’être étoile  malgré la difficulté à accéder à ce titre, et celui, une fois le titre reçu, d’aller plus loin encore.

Cinq ans et demi d’étoilat, bien trop courts pour son public, laissent cependant une trace profonde parce qu’elle a rencontré des rôles où elle a pu donner la pleine mesure de son immense talent.

Pierre Lacotte et Ghislaine Thesmard témoignent de leur profonde admiration pour cette étoile bien à part. «  On ne pensait plus voir de danse à ce niveau là » dit Ghislaine  que Pierre Lacotte a arrachée de son lit un soir pour qu’elle le rejoigne à  Garnier afin de voir Isabelle dans le rôle de Marguerite Gautier. Arrivée mécontente d’avoir été réveillée, G. Thesmard   remercie son mari dix minutes plus tard : son émerveillement face à la beauté de la danse d’Isabelle est total.

 

Manon, Marguerite, Tatiana, Juliette, Carmen et autres héroïnes : comme vous avez eu de la chance de croiser la route  d’Isabelle qui vous a données à toutes un supplément d’âme, une vie si différente de ce que l’on pouvait voir, lorsque vous étiez incarnées par d’autres artistes de la maison ! Car Isabelle, toujours guidée par la musique, sait raconter les histoires comme personne et insuffler souffle et lyrisme à ses personnages, que des interprètes moins inspirés rendent muets ou mécaniques…

 

Ludovic Virot a su capter des moments d’émotions extrêmes pendant les répétitions : la répétition de la Dame aux Camélias avec Mathieu Ganio offre un instant de grâce ; celle d’Onéguine montre des danseurs qui vont au bout d’eux-mêmes même lorsqu’ils sont épuisés ; ils reprennent un passage, cherchent le point d’appui juste pour un portée dans les si acrobatiques mais si poignants pas de deux, ils rient aussi parfois quand les choses se compliquent puis reprennent encore.  On s’étonne qu’on puisse réussir de telles prouesses, sans perdre le fil de la narration. On s’étonne de l’équilibre toujours au bord de la rupture. Mais surtout, on est «  stupéfixié » devant le lyrisme, la virtuosité, la beauté et l’intensité des émotions exprimées ; et plus encore devant le don total de ces  artistes – Hervé Moreau en Onéguine -  dans ces passages de haut vol.

Et  le spectateur, tout frissonnant d’émotions, se dit que Ludovic Virot a réussi le prodige de rendre les sentiments palpables à travers l’écran, ce qui est pourtant si rare. On voudrait en voir plus ; on regrette qu’il n’y ait pas eu de captation complète de tout le ballet…

 

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Le film montre d’autres moments plus intimes : on voit Isabelle dans sa loge, se maquillant seule, juste avant ses adieux en scène. On est confondu par sa simplicité. De même lorsqu’elle teint ses pointes pour qu’elles ne brillent pas, ce qui casserait la ligne d’avec la jambe ; ou bien lorsqu’elle confie ses cheveux pour qu’on y attache la tresse et le nœud de Tatiana au premier acte, masquant sous une pointe d’humour la crainte de tout artiste de perdre les accessoires en dansant.

On l’est tout autant devant sa joie à essayer d’anciens diadèmes découverts par hasard dans une vitrine avec son amie Laetitia Pujol. «  On aura rigolé aussi » lui lance-t-elle malicieusement  tandis qu’elles font le bilan sur leurs rôles et leur carrière.  On apprend que Laetitia, devenue première danseuse et dotée d’une loge pour elle seule, y a accueilli  Isabelle, toujours dans la loge commune des quadrilles alors qu’elle était déjà sujet. Loge qui a sans doute recueilli nombres de confidences et de fou-rires !

isabelle

 

 

On la voit aussi transmettre des rôles à de jeunes danseuses de l’opéra comme la jolie Juliette Hilaire, qui répète Carmen, Alice Catonnet qui travaille le pas de deux de Gisèle ou Neneka Yoshida peaufinant Diane et Acteon. Technique et personnalité du rôle, tout est expliqué et tout prend son sens. Isabelle a un œil sûr et elle guide avec précision, énergie, et une vivacité qui doit à la fois tonifier, rassurer et vivifier les danseurs !

 

Dans le film, elle confie qu’elle a eu du mal à accepter que le corps, peu à peu, perde l’énergie, la force, la souplesse et  la malléabilité, qu’il possédait dans sa jeunesse. Elle avoue que ce cap fut un passage douloureux. En revanche, elle semble sereine au moment de quitter définitivement l’opéra. Elle a accepté intérieurement son départ, et s’y est mentalement préparé. Elle vide  sa loge de tous ses souvenirs, et on comprend qu’intérieurement, ce travail de deuil a déjà été fait et accepté. Elle est tourné vers le présent : transmettre la passionne – cela se voit, car elle le fait avec précision, énergie, humour et passion !  D’autres scènes l’attendent aussi.

 

Les 55 minutes sont passées et on regrette que le film soit si court ; on se rappelle le bonheur que ce fut de voir l’année précédente sa Dame aux camélias aux côtés de Karl Paquette, son Parc  avec le sensible Stéphane Bullion, et on réalise que son dernier Onéguine, flamboyant et intense à souhait a scellé ses adieux le 28 février, il y a juste un an.

Pendant toute cette année, on l’aura suivie de loin, à travers son enseignement au conservatoire national supérieur, ses scènes et ses stages à l’étranger. On n’aura plus mis les pieds à l’opéra – sauf pour Casse noisette avec Mathieu Ganio, l’un de ses partenaires en scène.   

 

On la remercie intérieurement pour ce don total d’elle-même à la danse, et on loue l’adresse du réalisateur qui a su capter la lumière scintillante, émouvante et unique de cette si belle étoile.

 

 

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10 février 2015 2 10 /02 /février /2015 14:12

Je n'irai plus guère voir de danse à l'opéra de paris la saison prochaine; une Giselle, sans doute, si la distribution me plait, un Roméo et Juliette aussi, toujours avec le même commentaire; peut être une Bayadère, mais rien n'est moins sûr..... ce n'est pas grave, " les souvenirs se ramassent à la pelle" et la lumière des étoiles brille longtemps après qu'elles aient disparu.... je serai partie pour l'autre monde bien avant!...

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7 février 2015 6 07 /02 /février /2015 07:58

 

6_Rudolf_Noureev._1962_J.Garofalo_Paris_Match-8.jpg

 

Rudolf Noureev - 1962


Un prochain article présentera d'un oeil ironique mais pas surpris, la saisons de Millepied qui ne casse pas trois pattes à un millepatte, pardon,  canard, et qui me fera faire une fois encore des économies!  

 

 

En prélude, un plagiat de François Villon pour exprimer toute ma gratitude à une époque  que j'ai vécue avec poésie et ardeur

La nature a doté l'homme d'un bien précieux :  la mémoire, qui mieux que le couteux matériel video dont il se dote, garde les instants les plus précieux sans que les couleurs où les émotions ne pâlissent

 

 

 

En attendant, vous qui passez là, lisez le poème!

 

 

 

Sous titre : mais où sont les neiges d'antan????

 

 

 

Dictes moy ou,  n' en  quels pays,
Est  Isabelle Ciaravola,  

Nicolas Leriche, Claire Marie Osta
Ils furent tous partenaires,
Manuel Legris, Isabelle Guérin

Belarbi et Laurent Hilaire
Qui beaulté  ot trot plus qu'humaine.
Mais ou sont les neiges d' antan ?

 

Ou est parti Jean Guillame Bart,

Et l’émouvant Romoli ?

Mitéki Kudo, Gil Isoart,
Et la diaphane Céline Talon

Averty, Maurin, et tant d'autres

Sujet, étoiles, premiers danseurs

Tous m’ont ravi le cœur

Mais où sont les neiges d’antan ?

 

Et par-dessus ces grands danseurs

Plane l’inoubliable Rudi

Qui sut en quelques saisons seulement

Donner un lustre inégalé

A l’opéra  tout endormi

Et à tous sa slave ardeur

Et resta là même parti

Mais où sont les neiges d’antan ?

 

6353835-9582898.jpgIsabelle Ciaravola

 

clairemarie-osta-Portrait-3-362x532.jpgClaire Marie Ostatrio.jpgLeriche, Belarbi et Romoli

10hj9lh.jpgMitéki Kudo Gil Isoart

 

tumblr_m5vk2ixNOe1qg56t7o1_1280.jpgManuel Legris Isabelle Guérin

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1 février 2015 7 01 /02 /février /2015 11:49

 

jayadevas gitagovinda ihj059

 

La Gita Govinda

Le chant du berger

 

Écrite en sanskrit par le poète sri Jayadeva au 12ème siècle, ce texte qui occupe une place spéciale dans l’histoire de la littérature et de la danse indienne, évoque l’amour entre Krishna et Radha, l’infidélité du dieu avec les autres Gopis, la souffrance de Radha, sa jalousie, puis grâce à l’intermédiaire de sa servante, son retour vers elle.

Cet amour serait l’allégorie de l’amour dévotionnel et montrerait l’âme s’égarant parfois loin de sa quête du divin, mais retrouvant le chemin du Divin lui-même.  

Ces poèmes sont une sorte de point culminant de la poésie en sanskrit.

Jamais avant Jayadéva, personne n’avait introduit autant de lyrisme dans des vers en sanskrit.

Cette œuvre est chantée, scandée et représentée aujourd’hui encore quotidiennement, huit siècles après qu’elle ait été composée.

Ce poème  fait écho au  mouvement appelé Bhakti, qui veut dire dévotion, et qui est une branche de l’hindouisme qui se développe particulièrement au 12ème.

 

 

 

Légendes diverses

 

Pour les Indiens, l’œuvre est plus importante que l’homme qui l’a faite, celui-ci ayant forcément reçu son inspiration des dieux. Il ne faut donc pas s’étonner qu’on ait si peu de biographies sur les grands mystiques ou les grands artistes. Comme souvent pour ces êtres hors norme, la légende s’est emparée de Jayadéva, au point de mêler mythologie et réalité. Ainsi,  le poète en route vers Puri et mort de soif, se vit offrir de l’eau par un berger qui n’était autre que Krishna lui-même le conduisant vers son destin et vers l’œuvre qu’il devait accomplir. Arrivé au temple de Puri, voyant à la place de la statue de Jagannath (avatar de Krishna), le jeune homme qui l’avait aidé, Jayadéva comprit que c’était le dieu en personne qui était venu à lui, et l’idée de Gita Govinda germa aussitôt.

 

Pourquoi Krishna est-il un berger ?

Dans son enfance, Krishna lui-même a été recueilli par les Gopis (les gardiennes des troupeaux) et a grandi près d’elle pour échapper à la cruauté d’un roi qui voulait sa mort, une prophétie ayant annoncé qu’il mourrait de la main de Krishna.

La vie et l’histoire de Jayadeva commenceraient donc dans un village près de Puri, et les légendes décrivent l’importance de la double influence sur le poète de sa dévotion au seigneur Jagannath – avatar de Krishna-  et de son amour pour la tradition Mahari, c'est-à-dire pour la danse de temple.

La Gita Govinda a été composée, semble-t-il,  pour la danse. On dit que Jagannath lui-même a un amour tout spécial pour ces poèmes et qu’il est toujours présent quelque soit l’endroit où ils sont chantés.

Pour inspirer le poète dans la composition de la Gita Govinda, le Dieu a mis sur sa route la belle Padmavati, devadasi du le temple de Jagannath. Devenue sa femme dans la vie, elle est décrite comme d’une grande beauté et dotée d’une grande sagesse ; c’est en quelque sorte une épouse idéale, dont la dévotion ardente à Krishna s’exprime toute entière par sa danse. Elle est pour Jayadeva, par son amour charnel pour lui et mystique pour le dieu,  la source première de son inspiration. Leur mariage fut une union parfaite tant sur le plan de l’amour humain que sur celui de leur dévotion commune à Krishna qu’ils traduisirent lui par ses poèmes et elle par hm70.jpgsa danse.

Une autre légende dit que Krishna lui-même remplaça le poète pour compléter un dernier couplet, un jour que celui-ci ne parvenait pas à le finir. Padmavati voyant l’embarras de son mari, lui suggéra d’aller revivifier son esprit en prenant un bain dans la rivière et de revenir finir le couplet ensuite. Il alla à la rivière, et dans le même temps,  Krishna prit son apparence pour finir le couplet à sa place, tandis que Padmavati, amoureusement, lui préparait un délicieux repas.

 «  O Radha place ton noble pied sur ma tête pour qu’il disperse le poison de l’amour. »

Ces vers sont censés être ceux écrits par Krishna lui-même.  Quand il revint, Jayadeva vit son poème fini et en demanda l’explication à sa femme ; celle-ci lui dit qu’elle l’avait vu le terminer, mais son mari lui affirma qu’il était à la rivière à ce moment là ;  tous les deux réalisèrent qu’ils avaient reçu la grâce divine de Krishna.

 

La beauté sous toutes ses formes de la Gita Govinda, concerne aussi bien celles des deux amants, que celle de la nature qui les entoure constamment : fleurs,  abeilles, arbres,  oiseaux, dont la beauté fait écho à celle des deux héros exaltent les liens profonds de Radha et Krishna.

 

 

Au fil du temps

 

Jayadeva introduit par la première fois les ragas et les talas dans ses vers et une poésie lyrique dans la littérature sanskrite. (Voir mon autre article)

Dans le Madala Pnaji, journal de «  bord »  tenu quotidiennement dans le temple de Jagannath on peut lire que Kavi Narasimbh Deva  (1278- 1309) a introduit ces poèmes pour la première fois dans le temple. A partir de là, il semble qu’il y ait eu une salle spéciale pour les devadasis et leur danse en l’honneur de Jagannath. C’est ce que l’on appelle les Nata Mandir  - ( danse/ temple = salle réservée exclusivement à la danse dans les temples)

Au 15ème siècle, on lit que le roi Prataparudradeva rend obligatoire de la chanter et de la danser quotidiennement dans le temple.  On peut voir une inscription près de la porte d’un des chemins qui mènent au lieu de danse décrire cette obligation.

Ce sont les  devadasis qui s’acquittaient de cette obligation et il y avait même un rituel dansé la nuit pour conduire le dieu au lit.

Bien qu’on trouve de nombreux commentaires de la Gita dans toute l’Inde, c’est en Orissa qu’on trouve le plus de manuscrits en feuilles de palmier de ce poème qui s’est ensuite largement répandu à travers toute l’Inde puis fut même traduit en de nombreuses langues.

Goethe, par exemple, a lu en allemand une traduction effectuée par Van Dalberg, d’après une traduction du sanskrit en anglais par William Johnes en 1792. Il tenait ce texte pour l’un des joyaux de la poésie universelle.

De nombreuses autres traductions suivront ensuite. Ce poème qui est comme un petit drame occupe aujourd’hui encore une place spéciale dans les temples d’Orissa et ses vers sont vénérés et chantés dans tout le pays. Il a énormément influencé la littérature sanskrite ainsi que la musique, la danse, le drame, la peinture, la sculpture,  la littérature, avec la notion de Bhakti et de dévotion comme thème central

Chaque jour, on le chante dans le temple de Jagannath.

Certains disent que Odissi et Gita Govinda sont synonymes l’un de l’autre

 

 

Construction et Codes

 

 

La Gita Govinda est organisée en douze chapitres.Chaque chapitre est encore sous-divisé en vingt-quatre divisions appelées Prabandha.Les prabandha contiennent des  couplets regroupés en huit, appelés asthapadi.  Le texte décrit aussi en détail les huit états émotionnels de l'héroïne, l' Ashta Nayika, qui a été une source d'inspiration pour de nombreuses compositions et œuvres chorégraphiques .  

 

L’ashta Nayika

 

 

On en trouve le détaille, dans le Natya shastra, traité de danse et d’arts théâtraux.

Il détaille les huit émotions ou humeur que peut ressentir l’amante dans différentes situations. Comme toujours en Inde, la classification est précise et détaillée

 

 

 

 

Vasakasajja Nayika

वासकसज्जानायिका

L’amante attend ardemment son amant dont elle a été séparée et le désir charnel est à son paroxysme

 

Virahotkanthita Nayika

विरहोत्कंठिता नायिका

L’amante attend son amant, retenu malgré lui par un imprévu ; la séparation la ronge

 

Svadhinabhartruka Nayika

स्वाधीनभर्तृका नायिका

L’amante fait de son amant ce qu’elle veut, comme de lui demander de lui refaire son maquillage, après de fols ébats qui ont mis celui-ci à mal

 

Kalahantarita Nayika

कलहांतरिता नायिका

Une querelle sépare les amants ; et l’amante, excédée par l’attitude égoïste de son amant, ronge son front toute seule chez elle  ou refuse ses avances

 

Khandita Nayika

खंडिता नायिका

L’amante est en colère contre son amant, qui au lieu de venir le soir chez elle, a passé la nuit avec une autre, et se présente le matin, les marques de la nuit d’amour sur son corps. Elle est offensée

  

Vipralabdha Nayika

विप्रलब्धा नायिका

L’amante est trompée par son amant qui a passé la nuit avec une autre ; elle jette ses bijoux à terre.

 

Proshitabhartruka Nayika

प्रोषितभर्तृका नायिका

L’amant attendu ne revient pas à la date fixée, il a disparu, l’amante est comme en deuil

 

Abhisarika Nayika

अभिसारिका नायिका

L’amante est prête à braver tous les dangers pour rencontrer son amant ( tempête, serpent, danger de la forêt) et elle se hâte vers son lieu de rendez-vous


 

 

 

 

Abhisarika-nayika-mola-ram.jpg

 

 

 

Autres écrits

 

 

Curieusement, peu d’autres poèmes ont été retrouvés. Jayadeva serait-il mort jeune ? On l’ignore. On n’a que le Dahasvatara qui décrivent les dix incarnations de Vishnou dans une autre composition, Dasakritikrite et qui les a rendus très célèbres en Inde.

 

 

Les traductions, quelques pistes

 

Voici un extrait de ce poème dans la traduction en prose de Lamairesse

 

Citation :

« Voici maintenant que la nuit revêt d’atours faits pour l’amoureux mystère les nombreuses jouvencelles qui se hâtent vers le rendez-vous ; elle met du noir à leurs beaux yeux ; elle fixe les feuilles du noir tamâla derrière leurs oreilles ; elle entremêle à l’ébène de leurs cheveux l’azur foncé du lys d’eau et saupoudre de musc leurs seins palpitants. Le ciel de la nuit, noir comme la pierre de touche, éprouve maintenant l’or de leur amour et est sillonné de lignes lumineuses par les éclairs de leur beauté qui surpassent ceux de la beauté des Cachemiriennes les plus éblouissantes. »
— Passage dans la traduction de Lamairesse

 

Même s’il est en prose, ce texte rend d’une façon puissante, toute la sensualité qui anime les vers de Jayadeva, bien mieux que la traduction de Jean Varenne, qui se veut plus près du texte,  et qui dit «  j’ai pris le parti périlleux de donner à ma traduction une facture poétique ( en vers régulier) scandés de façon classique) car j’ai pensé qu’il fallait tenter de faire partager au lecteur français quelque chose de l’émotion artistique ressentie par l’Indien lorsqu’il lit ce texte qui est, insistons-y, avant tout poétique ».

Vous trouverez la traduction de Jean Varenne aux éditions du Rocher et celle de Eugene Lamairesse grâce à ce lien :  http://www.notesdumontroyal.com/mot-clef/pierre-eugene-lamairesse

 

 

Notes supplémentaires

 

 

Krishna est l’un des avatars de Vishnou. Il vit tout le temps qu’il est sur Terre, une vie d’humain, mais avec le pouvoir d’un dieu. Il meurt.

Jagganath est un des avatars de Krishna – voir l’article ci-joint pour mieux comprendre son sens.

Le nord-est de l’Inde a toujours de par sa philosophie ancienne, considéré le corps humain comme un temple, et comme un microcosme en miniature

La philosophie tantrique insiste sur le fait que chaque homme est une partie de Dieu incarné dans un corps humain. Que Maya lui trouble la vue. Et que ce corps même qui le trompe sur la réalité lui permettra aussi de revenir à sa source première : son état divin.

   

 

Article réalisé principalement avec :

 

L'introduction à la gita govinda de Jean Varenne, éditions du Rocher

Le livre de Ranjana Gauhar, Odissi, the dance Divine

 

 

A lire aussi :

 

Quelques points de repère sur la musique Odissi

Jagannath et Puri et l'Odissi

Histoire de la danse odissi, chapitre 2

Histoire de la danse odissi, chapitre 1

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28 décembre 2014 7 28 /12 /décembre /2014 14:31

2fd553846987be782347c52d80c986d3.jpgLa musique classique de l’Orissa qui accompagne  aujourd’hui la danse Odissi a développé un style bien.

En fait, il est difficile de dire que la musique " accompagne" la danse odissi, d'une part parce que danse et musique portent le même nom ce qui n'est pas le cas pour le Baratha Natyam ou le Kathak par exemple, autres danses classiques indiennes qui n'ont pas leur équivalent musical, et d'autre par parce que danse et musique " forment" un tout. Là encore, il n'y a pas d'autre équivalent dans les autres styles du continent indien.


 

Ce style a   intégré au fil du temps des éléments des styles hindoustani (Nord) et Carnatiques (Sud).

Elle n’est cependant pas à la croisée de ces deux styles  bien qu’elle en  intègre des éléments. Elle est essentiellement issue du style Odra-mâgadhî propre à la région de l’Orissa dont  l’origine remonterait au 2e siècle avant notre ère, lorsque sous le règne le roi Khervala du royaume Kalingha sont nées la danse et la musique.

 

 

Ce «  premier » style musical qui fut d’abord selon toute vraisemblance une musique de cour évolua ensuite beaucoup notamment  au 13ème siècle sous l’influence du poète Jayadeva dont les hymnes étaient chantés – d’où la présence de refrain à l’intérieur des poèmes. La musique entra alors dans le temple tout comme la danse. Beaucoup de musiques et d’hymnes en honneur du dieu tutélaire de l’Orissa, Jaganath, furent composés.  Certains prétendent que ce style de musique est plus ancien que les deux autres styles évoqués ci-dessus. Comme beaucoup de choses furent perdues pendant la période de déclin de la danse Odissi, notamment à la fin du 18ème et pendant tout le 19ème siècle, il est difficile de faire la part des choses.  

 

Le rôle de Jayadeva


Jayadeva, auteur la Gita Govinda, aurait donc énormément influencé la musique Odissi, qui s’appuie elle aussi sur des ragas  - comme la musique du sud ou du nord de l’Inde. Ce poète a pris le soin d’indiquer dans quels ragas classiques en vigueur à ce moment-là ses poèmes  devaient être chantés.  Il n’est bien sûr pas le seul, les autres poètes faisaient de même. Il était très important à son époque que ce soit le poème qui soit mis en valeur avant toute chose, d’où une façon d’élaborer le raga très spécifique au style Odissi. Celui-ci fera la part belle au texte et non pas à l’improvisation pure comme c’est le cas dans la musique hindoustani ou la virtuosité des musiciens et le dialogue entre la percussion et le soliste amènent parfois à  un climax. Dans la musique de style odissi, c’est le travail de variation et d’ornementation des notes du raga choisi combiné au tala et au texte qui amèneront ce point culminant avant la conclusion de la pièce, souvent sur un rythme plus rapide.

Beaucoup s’accordent aussi à dire que comme il y avait dans  royaume Kalinga qui comprenait l’actuel Orissa krsna-with-cow-and-flute.jpg de très nombreux chanteurs venus de l'Inde du Sud, il y a forcément eu aussi des influences conscientes ou pas de la musique carnatique sur le style Odissi. D’après ces spécialistes, c’est d’ailleurs la musique carnatique qui aurait fait  généraliser l’utilisation  des Ashtapadis qui sont des regroupements de huit couplets de trois vers de 10 pieds,  comme dans les hymnes de  Jayadeva. C’est l’héritage le plus direct de la musique carnatique.  

(Pour mémoire, l’ancienne poésie médiévale en France était chantée elle aussi, d'où les noms de «  rondeau,ballade,virelai » qui le rappellent sans que plus grand monde chez les médiévistes de la Sorbonne ou d’ailleurs ne s’en préoccupent !)

Les poèmes sont  calqués sur une façon d’accorder aux mots la hauteur, le rythme et la métrique des textes.  

 


Plus tard, sous le règne d’Akbar au 16ème siècle, le chanteur Krushnadas Badajena Mohapatra originaire de l’Oriya, maître absolu de la musique hindoustani, aurait lui aussi influencé volontairement ou pas le style de cour de la musique Odissi ; aujourd’hui, on reconnaît d’ailleurs qu’il y a  certaine similitude entre le style Odissi classique et le style carnatique, plus vocal qu’instrumental ; la  musique hindoustane, qui est plutôt instrumentale, a elle-même  été influencée par les musiques perses ou turques, du temps du sultanat de Delhi dès le 13ème siècle.

Comme pour toute la musique classique indienne, la musique de style Odissi s’appuie sur des ragas.

 

 

Ragas et Talas


Les ragas sont des combinaisons de notes disposées dans un certain ordre et qui doivent être jouées d’une certaine  façon pour correspondre à un rasa précis. Un rasa est un état, une émotion, une saveur. Les ragas correspondent à des moments de la journée, des saisons, des heures… ils doivent être choisis en conséquence.  On traduit souvent raga par «  mode » mais ce mot occidental n’en donne pas toute la mesure, il est trop étroit pour eux.

Les notes utilisées dans la musique indienne sont plus nombreuses que les 12 sons contenus dans la gamme occidentale. Bien que portant le même nom, elles n’auront pas la même fréquence suivant le raga retenu. Un raga s’élabore en général une combinaison de cinq ou six notes qui composent une sorte de petit prototype de mélodie sur lequel le musicien – donc le chanteur puisque la musique Odissi s’appuie essentiellement sur des poèmes – va s’appuyer pour développer son chant. Il doit savoir l'improviser en respectant le cadre strict, le faire évoluer jusqu'à un climax, l'ornementer.

 

Comme pour les autres ragas, le style Odissi commence par un  court  prélude appelé Alap qui va faire entendre la note de base du raga choisi et dans un temps assez rapide    les autres notes du raga choisi.  La tampura continuera à égrener les notes pivots du raga  ce qui permetta ensuite au musicien de s'évader pour improviser tout en restant dans le cadre.

Ce prélude qui dure en général une ou deux minutes pas plus,  est ensuite suivi par la chanson principale  pendant laquelle va se développer peu à peu le raga sur des règles extrêmement précises autour du rythme, de la métrique, des différentes notes de base, et des écarts permis entre ses notes suivant le raga choisi.


Les compositions se développent sur  des talas, qui sont des cycles rythmiques. On note  aussi l’utilisation de bols dans les compositions des musiques de style Odissi. Les bols sont des syllabes qui permettent au percussionniste d’apprendre les différents talas en les mémorisant, chaque syllabe correspondant à un type de frappe et/ou un son. Ils sont aussi inclus à la composition dans des sections purement rythmiques par le percussionniste et le chanteur, les deux ne faisant pas forcément la même chose; il peut s'en suivre un contrepoint rythmique d'une grande richesse et d'une grande beauté.

53a67b52da2d746f8a3ba5ade066282c.jpgL'instrument de percussion  qui soutient la musique est le  Mardal  qui est similaire au pakhawaj, lui-même une variante du Mirdang.  Il y a toujours aussi un instrument qui donne la note sur laquelle s’appuie le raga, sorte de son «  primordial » d’où s’écoule tout le reste ; et une seconde note qui dépend du raga choisi. Cet instrument est souvent la tampura. A ces deux instruments incontournables  s’ajoutent  le chanteur, et aussi la  flûte, et/ou un violon, un sîtar  - ou une veena même si aujourd'hui, on la rencontre moins souvent qu'avant -  ou un harmonium et une paire de petites cymbales appelées Gini qui correspondent à la frappe des pieds.


Comme dans toutes cultures, à côté des musiques classiques se trouvent les musiques fokloriques, religieuses, qu’on trouve bien sur aussi dans cette région. Mais il ne s'agit alors plus du style Odissi classique.

 

D'autres articles viendront compléter celui là  qui n'est pour l'instant qu'une ébauche et qui sera peut être remanié au fur et à mesure que mes connaissances se préciseront et s'affineront; mes excuses par avance, pour les imprécisions ou erreurs qui pourraient s'y trouver!

 

 

A venir : un article sur Jayadeva

L'odissi  : son répertoire

Costume et maquillage en Odissi

Les gurus

Les Mahari, danseuses de temple

Les Gotipua

Déclin et résurrection de l'odissi.

 

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17 décembre 2014 3 17 /12 /décembre /2014 08:17

 

C'est début janvier que le ballet royal de Suède viendra danser " Juliette et Roméo " - titre inversé par Mats Ek lui-même.

Il a créé ce ballet il y a deux ans sur un montage musicale de pages  de Tchaikowki  ( qui n'a composé qu'une ouverture sur ce thème) - à noter que Berlioz a écrit lui aussi une symphonie absolument sublime et très méconnue! -

 

 

 

Comme toujours avec Mats Ek, la spectatrice que je suis risque d'être " ébouriffée" au passage; les émotions seront sans doute grinçantes, douleur et plaisir portées à leur paroxysme, l'intensité du désir de vivre ou de mourir frisera la folie, le tout coulé dans une chorégraphie où les corps se déployent et se recroquevillent sans cesse, bondissent et rampent.... et inventent un langage qui révèle les profondeurs de la psyché de chaque personnage.

 

Mats Ek, c'est le créateur génial de  Appartement, de Giselle, de Smoke, de la Maison de Bernarda, Une Sorte de, oeuvres fortes qui livrent au delà de l'esthétisme un propos qu'on emporte avec soi et sur lequel on réfléchit longtemps

 

J'y serai le 15 janvier....

 

En attendant, une video de présentation


 

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