Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

  • : Un jour, une œuvre
  • : Créé en 2006, ce blog rédigé par Valérie Beck autrefois consacré à la danse et à ma compagnie se diversifie davantage.
  • Contact

contact

 
n'hésitez pas à me faire part de vos suggestions, de vos découvertes, ou de vos propres articles!

Rechercher

Noureev

 

Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

marie-taglioni-in-zephire.jpg

12 juillet 2021 1 12 /07 /juillet /2021 08:34
Roméo et Juliette. Noureev. Hugo. Gilbert. Ganio. Révillon. Legasa. Vello Pähn. 10 juillet 2021

Malheureusement, je n'ai pas trouvé de belles photos sur le site de l'ONP de ce couple là et j'en suis désolée... j'ai donc mis l'unique que j'ai réussi à faire...

En 2016, j’avais vu Roméo avec Marchand et Gilbert dans les rôles-titres, quelques jours après avoir vu Heymann et Baulac, (en remplacement de Ould-Braham), et, si le premier acte ne m’avait pas vraiment convaincue, j’avais été emportée par l’émotion aux deux actes suivants, celle-ci allant crescendo jusqu’au dénouement final.

Cinq ans plus tard, les voici à nouveau réunis pour ce ballet aux diffucultés techniques redoutables, véritable marathon dansé de 2h30, dans lequel le couple doit faire face au terme de leur danse à des escaliers qui leur compliquent enocre la vie.  Mathieu Ganio était Tybalt,  Pablo Legasa Mercutio, et  Fabien Révillon Benvolio, rôle qu’il avait déjà dansé en 2016 avec toute la sensibilité qu’on lui connaît.

Dès le début, l’orchestre sonne nerveux, intense, lyrique. Après avoir trouvé les orchestres des  précédentes reprises bien mollassons et sans couleur, la baguette de Vello Pähn enchante cordes et bois parfaitement équilibrés et pondère les cuivres, qui a Bastille, font toujours trop de bruit.

Et puis le rideau se lève… de noires silhouettes jouent une partie de dés, la vie n’est-elle pas plus que cela ? Une partie où tout d’un coup tout peut être perdu ou gagné d’un seul coup ? Où les surprises tombent du ciel sans crier gare, et disparaissent tout aussi brutalement ? La compagnie qui a retrouvé sa superbe,    parle   ce samedi 10 juillet son Shakespeare couramment.

Aux scènes d’affrontement au marché, nerveuses comme celles de West side story, succèdent des scènes d’épée virtuoses, un bal aux danses guerrières, véritables parades avant la mise à mort, des solos lyriques ou comiques, des duos, trios, quatuors qui déclament en une langue truculente, fluide, gouailleuse, poétique, agressive, compatissante, virtuose, la tragédie des deux enfants de Vérone.

Dans sa chambre, Juliette-Gilbert, élevée par des parents au cœur débordant de haine et un cousin a l’épée leste, a développé un caractère franc et une force physique peu commune de garçon manqué que traduisent des gestes qui ne recherchent ni la pureté des lignes, ni la beauté des formes comme en 2016. Ah, cette Juliette me séduit d’emblée. On lui présente son futur époux ? « Bon d’accord, je vais le saluer pour vous faire plaisir, mais je préfère lutter avec Tybalt ! »

Par contraste, Roméo-Hugo, aux ports de bras légers, aux inclinaisons du cou fluides, aux sauts élastiques à la réception légère, aux attitudes qui se vrillent comme les volubilis autour des arbres, au regard empli d’une profonde humanité, révèle une âme sensible, rêveuse, féminine. Avec Benvolio, posé, calme, bon garçon et Mercutio qui se met en quatre pour amuser la galerie, il compose un trio profondément vivant, attachant.  Ce ne sont nullement les « bad boys » Capulet, mais un groupe de jeunes hommes tout juste sortis de l’adolescence qui ne se sont pas encore trop frottés aux réalités de la vie.

La rencontre avec Juliette bouleverse : la danse juvénile de celle-ci et la douceur un peu rêveuse de celui-là se métamorphosent dans le jardin en un pas de deux d’une intensité amoureuse non égalée depuis Hilaire-Guillem en 1991. De la rapidité d’exécution des pas de Gilbert et Marchand, vertigineuse, qui nous laisse littéralement bouche bée naît un puissant sentiment d’abandon amoureux que celle-ci devrait interdire. Les deux danseurs ne cèdent en rien à la facilité, bien au contraire, car les deux artistes au sommet de leur art qui se portent une confiance absolue, enchaînent des figures, des portés, des lancers qu’on croirait impossibles.

Avant cette merveille, on aura assisté pendant le bal aux chaises musicales, ou les yeux bandés, chacun doit reconnaître le partenaire qui lui échoit : la cocasserie en plein drame, c’est tout Shakespeare.

Et tout à coup, je réalise que ce Roméo de Noureev emprunte beaucoup au West Side Story, c’est tout à fait frappant ce soir : un joyeux chaos qui finira en drame. Quant au prodigieux travail avec le sol, il était dû au travail que Noureev faisait avec Martha Graham qu'il exportait ensuite dans la création de la chorégraphie. Patricia Ruane en parle merveilleusement.

Photo Julien Benhamou 2016 ONP

Photo Julien Benhamou 2016 ONP

Le premier éclate juste après le mariage secret : la mort de Mercutio – excellent Legasa qui n’en fait jamais trop, cisèle les pas et les sauts comme un orfèvre, bondit et tourbillonne léger comme une plume, rit et grimace de douleur au moment de sa mort semant le trouble dans l’esprit du spectateur — provoque la mort de Tybalt qui comprend trop tard que sa haine la conduit à sa propre destruction. C’est poignant et  Ganio s'empare d'un registre bien loin de tout ce qu’il avait dansé jusqu’à présent et donne un ton personnel à ce Tybalt qui ne peut combattre la haine qui l'habite. Il n'est pas méchant, il est le jouet de forces plus grandes que lui. Au moment de mourir, sa gestuelle, pointue et féroce comme son épée, mais avec des épaules où s'exprime son allergie viscérale aux Montaigus, se recroqueville au fur et à mesure que la vie l’abandonne : elle l'a trahie, il le comprend en mourant : un coup de dés.

Écartelée entre son amour et son chagrin, une Juliette moins forte que Gilbert perdrait la raison. Mais c’est coupée en deux qu’elle pleure son Tybalt chéri, et après un premier et violent mouvement de colère, cède à l’amour qu’elle porte à Roméo. Gilbert concentre toute l’intensité de sa douleur dans des gestes maîtrisés ; elle n’agite pas les bras comme je l’ai vu souvent faire, ceux-ci se tendent comme des flèches à la fois reproche, supplication, pardon, souffrance.

Les adieux dans la chambre de Juliette annoncent déjà le drame final où le pas de deux du jardin ne s’envole plus vers la nuit étoilée, empli d’espoir, mais retombe toujours vers le sol, emporté par la pesanteur de la douleur de la séparation qui annonce déjà la mort.  Que la chorégraphie de Noureev est lisible ce soir !

Les deux fantômes qui surgissent dans la chambre de Juliette, l’un tendant une fiole, l’autre un poignard, ont une immatérialité rarement égalée par leurs prédécesseurs. Ganio/ Legasa donne à leurs corps une transparence spectrale, lugubre, terrifiante, comme si de leurs corps en décomposition parvenaient déjà les échos du  caveau de Juliette.  Et puis c'est le message qui n'arrive pas, Benvolio dévoré de chagrin qui annonce la mort de Juliette... 

Dans le dernier pas de deux, la force de l'amour se brise sur  un dernier mauvais tour du destin. Juliette, endormie dans les bras de son Roméo qui la croit morte et tente désespérément de la ramener  à la vie, se réveillera trop tard.  Les joueurs de dé ont encore le dernier mot.

Je ne peux pas refermer cet article sans mentionner Dame et Seigneur Capulet  - Sarah Koya Dayanova et Arthus Raveau, parfaits dans leur rôle, l’extraordinaire nourrice, pleine de sollicitude et de gouaille de Miho Fujii, les acrobates qui ont magnifiquement fait virevolter les immenses les drapeaux, jamais aussi bien maniés ces 15 dernières années, sans oublier l’excellence du corps de ballet, qui a dansé de toute son âme.

La salle retenait son souffle, applaudissait rarement, prise qu’elle était par le récit, mais la dernière note résonnait encore qu’elle s’est levée d’un seul bond et a offert en retour une ovation à toute la troupe.

Partager cet article
Repost0
24 mai 2021 1 24 /05 /mai /2021 11:52
Hommage à Roland Petit - Opéra national de Paris du 30 mai au 7 juillet 2021

    Pour commencer les distributions sous forme de tableau car sur le site de l'ONP c'est IN-RE-GAR-DA-BlE! Il y aura sans doute des changements que je ne suis pas sûre de voir passer; donc d'avance, mes excuses si ce tableau venait à être inexploitable à cause du jeu de chaises musicales dont l'ONP à le secret!

 Je dois dire que les couples me laissent un peu perplexe.... pourquoi ne pas avoir mis Marchant avec Gilbert? Ils s'entendent magnifiquement artistiquement parlant. Beaucoup de couples, peu de dates par couple... Alu est sans Carmen. Le 5 juillet, Béard est tout seul; pour Roméo et Juliette, aucune distribution en ligne... l'ONP communique toujours aussi mal, et les artistes sont toujours mis au pied du mur à la dernière minute. Ils apprennent souvent " par hasard" avec qui ils dansent... Bref. 

Pour le Jeune Homme, j'aime beaucoup Bullion dans ce rôle, avec sa sensibilité à vif, il incarne un jeune homme complètement déchiré, meurtri, et son suicide n'est donc pas une surprise à la fin. 

Il ne fait pas oublier N Le Riche dans ce rôle, mais il a su parfaitement s'approprier le personnage et faire une proposition artistique très sensible, touchante, émouvante.

J'aurais bien vu Hecquet en Carmen : en danseuse des rues et en Paquita, elle a prouvé sa sensualité, sa gouille quand il en faut, et un magnifique jeu d'actrice. Pas sûre que la ravissante O Neill ait le mordant nécessaire au personnage. 

Quant Rendez-vous, un ballet à oublier!

La magnifique Abbagnato fait ses adieux sur cette soirée. Elle avait dansé le Jeune HOmme aux côtés de N Le Riche pour ses adieux à lui : une très grande intensité dans ce pas de deux maléfiques. 

Bézard sera parfait en Don José; il a un sens artistique et un jeu d'acteur qui conviennent au personnage; Albisson va devoir donner corps à son personnage, un beau challenge pour cette danseuse aux lignes magnifiques. 

Et Alu? Deux soirées, pas de Carmen... Ses fans, dont je suis, sont mitigés sur ce retour. Car il mérite plus de danse.  Espérons qu'il sera Mercutio sur Roméo! 

Partager cet article
Repost0
27 février 2021 6 27 /02 /février /2021 09:24
Hugo Marchand : danser

Ce livre a des airs de confession. Il est rédigé par une journaliste qui a sans doute voulu être dans l'air du temps en ayant recours un peu trop souvent au langage parlé... non seulement le récit n'y gagne rien, il ne paraît pas plus authentique pour autant, mais à la longue cela m’a irritée. Qu’est ce qu’on y gagne à savoir que  dans le ballet Manon celle-ci " vend son cul" par exemple ? Bref, c’est un détail heureusement.
Ces confessions, car c'est bien de cela qu’il s'agit, sont d'une sincérité désarmante à tel point que l'on se demande si, en prenant de l'âge, HM ne va pas regretter de s'être confié d'une façon presque psychanalytique. Une mise à nu sur un divan n'en dirait pas davantage. On suit donc les méandres de son mental comme s'il nous le livrait sur un plateau...
Cela commence à Nantes où sa mère veut presque lui interdire la danse tant il se met dans des états au bord du malaise. Certes, sa professeure de danse à l’air aussi stupide qu’exigeante en s’adressant à lui comme s’il avait 20 ans, et en le retenant systématiquement après chaque cours pour discuter, mais on voit bien qu’Hugo est un hypersensible, et qu’il ne comprend pas comment répondre aux demandes de ce professeur : il le voudrait de tout son cœur, mais il ne comprend pas. On apprend un peu plus loin qu’il apprend  pour s'amuser un peu une variation de fin d’études avec un élève alors que lui en est encore à ses débuts ; il la danse un jour devant son professeur qui décide de le  présenter en fin de cycle ( l'élève enseigne donc mieux que le prof!)  : donc précoce, doué, mais hypersensible.
Et cela va être tout le drame de sa vie : il se trouve gros, lourd, a des complexes. Il ne cesse de se comparer aux autres. Tous les danseurs en ont, Pietra le disait bien volontiers et MA Gillot a caché son corset pendant toute sa scolarité, parce qu' elle avait honte. Mais elle était déterminée, puissante, possédait une force de caractère que le sensible Hugo n’a pas. Il veut être aimé mais évolue au milieu de  l'insoutenable légèreté de l'être...
Cela continue à l’école : Il récolte le titre d’élève le moins sympathique de l’école de danse, mais explique «  que c’est de sa faute, que pour se protéger, il a mis de la distance entre lui et les autres.
Et cela va continuer tout le temps !
Benjamin Millepied lui donne sa chance ? Il se croit aimé, reconnu, jusqu’à se rendre compte que le virevoltant Benjamin, ému par Manon, l’a déjà oublié une fois l’opéra quitté. (Benjamin faisait les corrections des pas de deux sur un réseau social sur lequel HM postait des vidéos de répétitions !)
Ce sera la même chose avec Forsythe. Et d’autres.
Exception faite de JG Bart en qui il trouve un mentor, un professeur, aussi exigeant qu'il l'est  lui-même, mais également humain et à l’écoute.
En revanche, il a adoré travailler avec Crystal Pite, à l’écoute, tout en nuance, adaptant la chorégraphie aux corps devant elle et pas l’inverse… il ne tarit pas d’éloge sur elle ?
 
Une chose surprenante : il a tellement le trac  que la plupart du temps, il n’arrive pas à «  être là » en scène. Comme si son mental le coupait de lui-même.
 
Je comprends mieux pourquoi ce danseur vu dans les rôles de Roméo, Siegfried et Solor ne m'ait jamais touchée. Il dit que parfois le miracle est là, mais que la plupart du temps, il est malade les jours qui précèdent la scène, il envoie des textos à quatre heures du matin pour dire qu’il ne pourra pas danser le soir même. Il s'y traine quand même. Mais souvent sur  scène,  une vague le submerge et l’empêche de «  profiter » de la scène. Elle le coupe de lui-même tout en l'isolant avec son mental. 
J’ai dû le voir dans ces soirs là : une danse magnifique mais où est passé le danseur?
Il y a pour lui des exceptions : le fameux Manon avec Dorothée Gilbert (qui a appris dans l’ascenseur qui serait son Des Grieux, car elle n’en avait pas, et c’est donc Hugo qui le lui apprend, croyant qu’elle le savait : elle se retrouve donc avec un sujet…. Heureusement, ces deux là se sont trouvés)
 Il brosse un portrait très humain d’Aurélie Dupont ; il explique comme un coup bas les fuites du sondage - qui est fait de temps en temps pour améliorer les choses et doit rester en interne, - vers la presse. A le lire, on voit qu’elle gère 154 egos du mieux qu’elle le peut, et que, star du temps de son étoilat, elle ne peut donc en un coup de baguette magique se transformer en Mère Térésa. Elle lui  propose un jour de déjeuner avec lui pour parler d’un Onéguine dans lequel est le trouve «  trop scolaire, trop académique, pas assez investi artistiquement et émotionnellement, trop reservé, trop appliqué » : exactement les mots que j’emploierais en ayant vu son Roméo en matinée.   Un jour « sans », s’en doute. Car j’ai toujours trouvé sa danse magnifique, mais l’émotion ne prend pas.
Certains artistes auraient été piqués au vif  des mots d’Aurélie et auraient relevé le défi pour lui donner tort : mais lui  se dit que voilà, il n’est pas à la hauteur, et c’est cela qui pourrait bien le résumer ! Il se sent sans cesse en décalage entre ce qu’il voudrait être – plus mince, plus petit, plus léger, plus beau, plus parfait, plus profond, etc, etc-  et le reflet qu’il a de lui.
Dans l’ensemble, il a des mots courtois pour tout le monde, car,  comme le dirait Niels Tavernier, c’est la marque des danseurs d’avoir le bac plus dix en courtoisie puisque tout le monde croise tout le monde et danse avec tout le monde depuis l’école de danse. Cependant, il trouve la plupart de ses ainés aigris, critiquant les jeunes qui font trop de bruit et qui ne respectent pas leurs ainés ; il dit encore qu’on danse dix fois plus aujourd’hui qu’à leur époque, que les choses ne sont pas comparables. Il y a une anecdote avec  une danseuse qui montre une facette de son caractère : Sae Eun Park  devait danser Tatiana avec lui. Ils ne s’entendent pas du tout sur la conception des personnages et des rôles. Il décide de lui parler franchement et  ne réussit qu’à la faire pleurer, car Sae Eun n’a pas la culture du parler latin où l’on met tout sur le tapis…   à nouveau, il endosse le rôle du méchant, se reproche d’avoir été trop brusque avec elle. Il s’en veut.
 
Pour Sae Eun, je l’ai trouvée parfaite avec Mathieu Ganio, comme lui visiblement l’est avec Dorothée Gilbert  (sauf sur le Roméo en matinée…)
Il est vrai qu’autrefois les danseurs dansaient par couple : Atanasoff et Pontois, Thesmard et Denard, Clerc et Jude, Piollet et Guizerix... sans doute, cela devait faire gagner beaucoup de temps en répétition. Mais il est vrai aussi qu’à l’époque, il n’y avait pas deux salles qui proposaient EN MÊME TEMPS de spectacle de danse.
 
Bref, ce livre-confession  nous dévoile un être en quête de perfection, de paix, d’amour et de bonheur ( je vous passe les passages sur ses petites amies, mais la solitude quand même, sur ses parents qu’il engueule parce qu’après un spectacle ils ne sont pas à même de lui décrire toutes les intentions qu’il a mises dans ses personnages, sa loge qu’il n’aime pas encore, il n’arrive pas à la sentir sienne, sur sa nomination à Tokyo qui l'a frustré parce que ses parents n'étaient pas là, sur son incapacité à faire autre chose que travailler et apprendre," n'ayant pour toute distraction que de l'assouplissant à acheter", enviant G. Louvet qui lui prend les choses avec plus de plaisir et de légèreté... etc, etc…)
 
On sait bien que le métier est difficile, mais HM est plus qu'un autre enclin au doute, à la quête de la perfection et de l'amour. Dans cette grande machine qu'est l'opéra de Paris, il reste un étranger, et son titre prestigieux acquis avec labeur et détermination ne lui apporte pas le bonheur qu'il aurait pu espérer.
Le livre est très touchant, se lit facilement  et l'on regrette qu'un tel artiste ne puisse pas jouir davantage de l'immense talent qui est le sien.
Ces confessions sont donc très personnelles et ont un côté de " l'autre côté du miroir" qui peut soit fasciner, soit au contraire questionner : ont-elles apporté, comme une psychanalyse, un mieux-être à cet artiste? C'est, en tous cas, ce que l'on espère pour lui, ainsi que de pouvoir s'épanouir complètement à l'opéra de Paris, même si en ce moment, hélàs, les choses sont bien compliquées; peut-être que ce temps de repli obligé l'aidera à voir les choses sous un jour nouveau? Avec plus de légèreté? Sans que celle-ci soit insoutenable? C'est ce que je souhaite du fond du coeur à ce bel artiste.
  

Partager cet article
Repost0
3 février 2020 1 03 /02 /février /2020 16:39

 

Je n’étais pas dans les meilleures conditions pour voir ce ballet, car je ne voyais ni la maison, ni la tombe, un bon quart de la scène m’échappait. C’est là qu’on se rend compte que la scène devient vide dès que l’action se passe précisément dans ces endroits là. On voit les danseurs disparaître et on attend qu’ils réapparaissent en recomposant les pas de mémoires…

 

Ganio et Gilbert ont fait le choix dans cette Giselle de revenir vers une narration simple et d’une grande lisibilité et le trio est complété par le puissant  Hilarion de Bézard : un prince, une paysanne, un garde chasse, des êtres sans complexité ni tourment intérieurs. Et pourtant, tout va basculer.

Giselle est fraîche, naïve, vite confiante, passée quelques réticences, et le prince n’a aucune idée précise en tête en la courtisant ; il la trouve jolie, c’est une raison suffisante en soi pour lui rendre visite en cachant son identité. Il n’y a ni jeu, ni fourberie. Rien. Juste une attirance pour cette jolie paysanne.

Hilarion n’arrive pas à admettre que sa petite protégée sur laquelle il veille avec tant d’amour choisisse un autre homme que lui, car personne d’autre que lui-même ne pourra autant la chérir. Tout cela est d’une grande lisibilité, on est tout à fait dans les romans champêtres de la fin du 18ème. Et c’est pour cela que le drame qui se précipite tout à coup est à la hauteur du talent de ses trois artistes. Il laisse sans voix tant sa violence est puissante. La scène de la folie est à couper le souffle, car tout à coup, Giselle arrive à nous entraîner dans SA folie, dans son monde intérieur, et tout le reste du plateau s’estompe. Elle créée comme autour d’elle un autre espace-temps dans lequel on est littéralement happé. Quand elle meurt brutalement,  personne n’a prévu cette fin tragique, et les deux garçons ne peuvent que constater avec douleur qu’ils ne peuvent plus retourner en arrière. A quoi bon chercher qui est responsable ? Giselle ne reviendra pas. Albrecht est horrifié par ce qui est arrivé, et Hilarion déchiré de douleur.

Tout au long du premier acte, le reste du plateau est très vivant, bien enlevé, poétique.

On s’amuse à regarder les danseurs railler la mère de Giselle et ses stupides histoires de fantômes par exemple… on est tout heureux de retrouver la «  vieille garde » : Bertaud, Lorieux, Quer, Bodet…

Les amies de Giselle sont si fraîches ! Et pourtant, pour une fois, on comprend qu’elles dansent simplement des danses paysannes… idéalisées, certes, mais la " saveur" campagnarde est bien là. 

Quel beau travail pour tout ce premier acte !

  

Quand au deuxième acte, il était vraiment superbe. Magnifique Dorothée, avec des inclinations de cou jamais vus chez personne, si justes, plein d' humilité : Giselle, de l’autre monde, n’a pas de raison de se venger, elle n'est plus qu'un spectre, et elle utilisera la force qu'il lui reste pour protéger.

Tous les pas servent la narration, et c’est d’une poésie à couper le souffle.  La Myrtha de Colosante  hiératique, s’oppose magnifiquement à la douceur de Giselle. On songe en la voyant à la statue du Commandeur, qui, dans Don Giovanni, vient juger le libertin;

Des willis, on sent la froideur glaciale, qui s'échappe de la tombe et  qui vous enveloppe, tout en étant fasciné par l'extraordinaire légèreté de leur danse.

Guérineau éblouit :   on n'a jamais vu de danse avec elle, on bien on se trompe. Pauline Verdusen est en harmonie avec elle.

 

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Une question d'entrechats : 

 

Quant aux "entrechats 6", une exclusité " Noureev", quand Le Riche les dansait, ils disaient  : Myrtha veut que je meurs en dansant, elle m’oblige à danser jusqu’à mes dernières forces, peut-être cette inflexible reine va-t-elle entendre mon cœur qui bat avec toute la force et la passion qui l’anime, et se laisser toucher par la force de mon regret, la force de ce cœur ? La passion qui m’anime va bien réveillera peut-être celle qui autrefois l’animait, et sinon, et bien tant pis, je danserai jusqu’à mourir, peu m’importe, s’il faut mourir, mais je mourrais en aimant !

 

Tandis que Ganio, avec cette élégance qui n’appartient qu’à lui, les délaisse pour dire par une série de sauts qui finissent genoux à terre et buste incliné :   Reine, je danse et je m’incline devant vous, voyez, je suis à genoux, je ne suis pas un méchant homme, et je regrette tant d’avoir, par insouciance fait périr celle que j’aimais !

 

 

Partager cet article
Repost0
1 avril 2018 7 01 /04 /avril /2018 14:16

Depuis quelques mois, je suis fâchée avec le ballet de l’opéra de Paris ou plutôt, avec la façon dont il est géré. Il y a quelques semaines se sont déroulées les auditions pour le corps de ballet ; il y avait un poste de 1ère danseuse qui n’a pas été pourvu, bien que Charline Giezendanner qui est l’une des artistes les plus lumineuses du corps de ballet, ait concouru.  Celle qui a abordé le redoutable rôle de Gamzatti avec talent ainsi que d’autres rôles de solistes comme celui de Naïla dans la Source, que l’on repère toujours sur scène quelque soit le ballet et où qu’elle soit située, aurait pu être nommée, même si, du fait de son âge, elle avait peu de chance pour ne pas dire aucune, de devenir étoile. D’autres avant elles l’ont été dans un contexte analogue, comme ce fut le cas pour Nolwenn Daniel ou encore Stéphanie Romberg, deux magnifiques artistes. On ne voit donc pas où était le problème.

Charline est non seulement une ballerine née mais surtout une immense artiste qui apporte toujours à ses rôles, même si ceux sont très courts comme celui d’une des six fées de La Belle, de la danseuse Manou, d’une amie de Kitri, ou d’autres encore et la liste est longue, ce supplément d’âme qui fait toute la différence. Elle a dansé il y a quelques saisons le pas de deux de Giselle avec un esprit à faire rougir la plupart de celles qui ont abordé le rôle soit de façon trop maniérée, soit, à l'inverse, de façon trop terre à terre. Serait-ce donc par jalousie qu’on lui mettrait des bâtons dans les roues ? Est-ce que par hasard, on ne lui pardonnerait pas d’avoir été mise en vedette dans le rôle titre lors de la captation de Coppélia  au côté de Mathieu Ganio avec l’école de danse à sa sortie de l'école de danse? Fait-elle trop d’ombre à  certaines danseuses de la compagnie ?

Toujours est-il que Charline restera sujet et le poste de 1ere danseuse non pourvu. Il parait que ses collègues membres du jury ont voté pour elle car, et c’est chose rare à l’opéra, elle est très aimée de façon unanime ; rien  à voir avec Mathilde Froustey pour qui ses collègues en votaient jamais;  c’est donc du côté de la direction et des «  extérieurs » à l’ONP que le non a été prononcé.

 

Outre cette injustice, la saison 2017/2018 est indigente et celle qui vient, pire encore ; les ballets sont remontés avec un manque d’imagination pitoyable et côté distribution, il y a de quoi pleurer. Sur 153 danseurs, 130 doivent périr d’ennui ; avoir travaillé si dur pendant tant d'années, avoir consenti à tant de sacrifices dans l'enfance puis l'adolescence pour danser si peu de choses intéressantes ! On comprend mieux les départs qui s’annoncent : Chaillet, Bittencourt, Guérineau et d’autres que j’oublie… des artistes superbes qui vont voir ailleurs et on les comprend. Don Quichotte n'a mis qu'un tout petit nombre de danseurs sur les rôles de solistes, quand on aurait pu permettre à un bien plus grand nombre de s'exprimer à travers ces personnages que sont Espada, Cupidon, la Reine des Dryades, les amies de Kitri, la demoiselle d'honneur, la danseuse de rue, etc...

A force de ne plus danser de classiques, beaucoup de choses se perdent et deux surtout : le style et le sens.

Enfin, les danseurs mis en avant depuis deux saisons m'ennuient : Paul  Marque en 1er danseur, danse sans imagination, et sa technique n'a rien de flamboyant. Germain Louvet, étoile, est pour l'instant bien fade.

Ajoutons à tout cela  le déprimant Onéguine de cet hiver, avec des distributions vraiment pas folichonnes car il faut savoir constituer de vrais quatuors pour rendre ce ballet captivant ;   de bonnes âmes m’ont envoyée des captations vidéos entières : on est à des années lumière des quatuors du passé (Ciaravola- Ganio ou Moreau – Heymann ou Révillion – Giezendanner ou Froustey) Aucune connivence entre les protagonistes, aucun passion, aucun feu, pas l’ombre d’un frisson.

 

Pour clore ce billet d'humeur, deux misérables ballets classiques pour la saison prochaine! Et sinon, on reprend les mêmes et on recommence.... Je propose que dans le même esprit, on vide le Louvre de ses salles du 17ème au 19ème, que la comédie française ne propose plus de théâtre d'avant 1960, et que l'on transforme Versailles en hôtel de luxe : après tout, le patrimoine! Toutes ces vieilleries, ou est l'interêt?

 

Alors voilà : le ballet de l’opéra de Paris s’ennuie et moi, je le déserte jusqu’à son nouveau printemps.

 

 

Partager cet article
Repost0
6 janvier 2018 6 06 /01 /janvier /2018 18:17

Ce Don Quichotte fut un beau gâchis de talents, presque tous à contre emploi, à commencer par les rôles titres, trop timides pour s'emparer pleinement de leurs personnages; Heymann est un Basilio souriant  à la danse moelleuse et élégante, mais nullement le barbier virevoltant, fougueux et virtuose! Sa danse est belle, tous ses pas se finissent proprement, mais malheureusement, on ne sent jamais l'enthousiasme que suscite ce personnage habituellement; sans même comparer à Patrick Dupont Nicolas Le Riche, ou même encore Bujones ( mon tout premier Basilio en 1981), si je m'en tiens à Paquette ou Alu,  je revois le premier drôle, vivant, chaleureux, l'autre mangeant toute la scène qu'il emplissait de sa générosité et de sa fougue, qualités vraiment absentes ce 30 décembre; se délecter d'une belle danse, élégante et accomplie et d'un visage souriant pendant deux heures en attendant que le personnage surgisse enfin,  finit par lasser.
La Kitri de Ould Braham, est jeune fille de bonne famille, qui fait souvent la tête, mais jamais  la  jeune espiègle de Barcelone, fille d'un aubergiste,  qu'on voudrait avoir pour copine ( Pagliero) qui n'a pas peur de se frotter au monde de la rue, a le verbe haut et met tout le monde dans sa poche. Ces deux là ensemble auraient été mieux séparés pour ce ballet : elle  aux côtés de F. Alu a été une Nikya inoubliable;  Bélingard,ou Paquette lui réussiss(ai)ent bien ;   lui aurait sans doute été parfait avec Pagliero ; l’équilibre aurait sans doute été trouvé.

Qu'on ne s'y trompe pas : j'adore ces deux artistes, les articles sur ce blog peuvent l'attester; Ould Braham est ma plus belle  Nikya, et dans Agon cet automne, elle m'a subjuguée; quant à Heymann, de Mcgregor à son inoubliable Lensky en passant par Lucien, de Paquita ou son époustouflant Roméo d'il y a deux ans, sans parler de son solo du prince Désiré, ou de son Prince dans Giselle, etc, etc...c'est un magnifique danseur et artiste... rien à redire. Il me semble que ces deux artistes auraient donc gagné à ne pas danser ensemble pour trouver dans un autre partenaire le feu qui leur a manqué.

Côtés seconds rôles, l’ Espada d'A Raveau, disparaît  sous sa cape, il manque de panache ou d'autorité ( et pourtant lui aussi quel artiste!) La danseuse des rues   d'Hannah O Neil, évoque une jeune fille de bonne famille qui a chipé la garde robe de sa camériste et s'amuse à s'encanailler sans y parvenir... Sa danse est splendide, brillante, mais "elle n'a pas l'accent!"  C’est le petit peuple que Noureev a mis en scène, que diable, pas des princes, des princesses ou des pierres précieuses !
Quand au trio qui d'habitude m'amuse beaucoup  ( sancho pança, Gamache et Lorenzo, à savoir Le Roux, Gaillard, et Murez) ils ne m'ont pas arraché un sourire. N'est pas drôle qui veut! Où est la bonhomie du vieux Don Quichotte perdu dans ses étoiles? La tendresse tapageuse et le sang vif de Lorenzo ( qui ne parle que sur un ton, celui de la brutalité).  Gamache n'est plus un  personnage ridicule, mais rend le danseur ridicule. La pantomine, grossière, ne raconte rien du tout ; d’ailleurs personne ne raconte rien dans ce ballet pourtant si bavard. On voit que Rudolf n’est plus là depuis 25 ans, le sens des choses et des pas se perdent peu à peu.

Et puis où est passé le corps de ballet? La place était clairsemée, vide, sans vie, trop chaud sans doute? Ou bien ils sont tous sur Play? Quelle tristesse que cette grande place vide sur laquelle on fait semblant d’être joyeux sans trop y croire.

Le deuxième acte n'est pas mieux; entre une scène de gitans trop sombre,  - sans doute pour cacher la mollesse des ensembles, -   une reine des dryades ( Sae Eun Park) qui s'entraîne pour les championnats olympiques de gymnastique, et une Ould Braham qui passe sa variation à la moulinette.... où est le rêve? Nulle part,  surtout avec les pauvres dryades survitaminées, qui ont des lignes de bras affreux et un bas de jambes qui évoquent plus des canards boiteux que des êtres irréels; de plus, j'ai été affligée par la transformation des pas gitans qui n'ont plus rien à voir avec la chorégraphie d'origine ( épaule, tête, vibration des mains, rien n'est juste) même avec ceux d'il y a cinq ans, qui déjà avaient été bien amolli; le chef gitan, Paul Marque, ne brille pas par son charisme ni pas sa technique.

Au troisième acte, on s'ennuie ferme…. Tout ce bruit pour rien….Au milieu de ce naufrage, quelques lumières du côté des amies, avec les très lumineuses Westermann et Giezendanner qui apportent leur bonne humeur et leur complicité.
Et puis Lydie Vareilhes  en Cupidon qui me tire tout à coup de ma torpeur pour quelques rares minutes trop vite écoulées!

D'ailleurs, dans la salle, j'ai vu plus d'une personne regarder ses textos sur son écran... cela en dit long! Quand on s’ennuie au point de regarder son téléphone toutes les dix minutes...

En conclusion, un Don Quichotte surjoué, dans lequel personne ne comprend ce qu'il danse.
Reverrai-je jamais ce ballet si joyeux, si virevoltant, dont on sort le cœur en fête comme à sa création ? On a souvent critiqué Noureev chorégraphe ; on oublie qu’avant toute chose, il était non seulement un danseur qui communiquait sa ferveur à tout un plateau mais surtout,  un merveilleux metteur en scène, sachant exactement comme tirer le meilleur de chacun, même des petits rôles, pour donner vie et authenticité à tous ces personnages de Barcelone.

Je suis ressortie triste, ayant eu l'impression d'avoir perdu temps et argent.

Partager cet article
Repost0
14 novembre 2017 2 14 /11 /novembre /2017 17:41

 

 

Bien que je n’aie jamais vu Agon sur scène, l’œuvre m’était étrangement familière à cause de cette photo qui figurait dans un livre qu’enfant, j’adorais.  A partir de ce cliché datant des années 60, j’avais récréé  tout un ballet aussi « moderne » que possible. Quelque chose m’intriguait dans l’entrelacement des développés quatrième, dans les ports de bras, et même dans les costumes. J’étais fascinée par ces danseuses figées pour l’éternité dans cet instant étrange qui semblait promettre une œuvre unique et incomparable à tout ce qui existait déjà en danse.

Plus tard, j'appris que Stravinsky avait composé la musique à la demande de Balanchine, à une période où il s'intéressait aux trois Viennois, au sérialisme et au dodécaphonisme.

 

 En découvrant Agon pour la première fois  50 ans plus tard, je retrouve intacte ma curiosité enfantine. Voilà un Balanchine qui me ravit ; tout interroge, questionne, étonne. On croit suivre les danseurs dans une histoire, ils nous en servent une autre. La lumineuse Charline Giezendanner offre fraîcheur et spontanéité, tandis que Germain Louvet, peut-être tout juste échappé d’une fête galante à la Watteau, badine et danse avec impertinence ;  un peu plus tard,  Paul Marque et Pablo Legasa bondissent joyeusement à côté d’une Hannah O Neil espiègle, qui les taquine de ses pointes et décoche du coin de l’œil à ses deux chevaliers-fervents-servants,  des regards malicieux. Lorsque Ould Braham et Paquette entrent en scène,  l’air devient plus dense, et, comme dans les contes, la scène rétrécit. La belle Myriam, merveilleuse de sensualité,  fait languir Karl Paquette  en enroulant sa silhouette-liane autour de lui, comme le lierre autour du chêne ; il est à ses pieds – et on le comprend-  et, amoureux transi,  répond à toutes les propositions de la belle qui le repousse, le rappelle, l’ordonne, le console, l’ensorcèle, puis s’abandonne. Leur pas de deux est d’une fluidité et d’une langueur à la fois extravagante et lyrique ; les jeux pour rire des couples, trios ou quatuors qui les ont précédés laissent place à un moment hors temps, intense, où la beauté esthétique de leurs figures amoureuses rend la musique, à laquelle, jusqu’à présent, on n’avait pas trop prêté attention, (on aurait pu voir toutes ces scènes dansées sans elle) -  tout à coup complice. Elle devient le spectateur silencieux, ou le troisième danseur invisible ;  comme si  musique et les artistes se révélaient l’un l’autre. On   aurait bien gardés sous nos yeux plus longtemps ces deux artistes exceptionnels, qui, malheureusement, nous font prendre conscience qu’avant eux, tout le monde  a fait beaucoup de bruit pour rien !  

Agon m’a réconciliée avec Balanchine dont la Valse sirupeuse m’était restée sur l’estomac.

Agon/ Grand Miroir/ Le Sacre du printemps 12 novembre 2017

Grand Miroir de Teshigawara, chorégraphié sur un concerto pour violon d’Esa-Pekka Salonen (2009) qui n’offre rien de bien nouveau mais reste agréable à l’oreille, est une œuvre qui, pendant trente minutes, nous fait croire que quelque chose d’extraordinaire va se passer. Un drame couve, on le sent bien. Les scènes s’enchaînent les unes aux autres ; au départ, ce n'est qu'un simple tourbillon de danseurs isolés qui traversent la scène, comme des phalènes sous levothyrox. Ce n’est pas désagréable, on se laisse peu à peu emporter, comme lorsque nos yeux fixent les tourbillons qui se forment dans une rivière, puis disparaissent. Il y a quelque chose d'hypnotique qui nous met dans un état particulier. Alors on attend... Tout à coup, la fragile Lydie Vareilhes agonise tout à coup, dans des tortillements de corps convulsifs,  tandis qu’en arrière-plan un groupe glisse du fond de la scène sur le devant, en répétant à l’infini une pavane macabre ; on pense alors à  Dream de Kurosawa et à cette étrange Tunnel dans lequel un soldat retrouve ses camarades morts au combat.

L’intensité dramatique de Juliette Hilaire, puissante, extatique, donne  tout à coup de l’ampleur à la musique, qui  semble jaillir du corps de la danseuse : on est fasciné et notre regard ne peut plus quitter l’artiste, si juste dans sa danse que tous les autres ont l’air de  faire semblant de danser.  Un peu plus tard,  la poétique silhouette d’un Mathieu Ganio rongé par des souvenirs hallucinés, ondule bizarrement, entre remord et douleur.  Un climax approche, on attend d’être emporté, mais l’œuvre ne trouve pas son point culminant. Le climax n’aura pas lieu et l’œuvre se termine en queue de poissons, nous laissant frustrée sur notre fauteuil,  malgré la beauté et/ou l’intensité de biens des passages.

Agon/ Grand Miroir/ Le Sacre du printemps 12 novembre 2017

Et puis vient le Sacre du printemps de Pina Bausch, qui m’avait laissée en 2010 presque aussi anéantie que les danseurs. Miteki Kudo  était l’élue, mais j’avais surtout été fascinée ce jour-là par Abbagnato.  Là, curieusement, aucune émotion n’a jailli. Tout le monde est super en forme, aucune fatigue ne pointe, et les émotions sont forcées. Elles ne passent pas la rampe. Il faut dire que les danseurs ne sont guère portés par un orchestre poussif, qui a perdu son agressivité. La baguette molle de Benjamin Shwartz, étouffe  les bois, musèle  les percussions, amollit l’ensemble. Plus de rugissement, de cris, de chocs, ou de murmures lancinants ; plus de pas feutrés, d’appels joyeux, de réponses à contre sens ; plus de martellement, de halètement, de plaintes ; plus rien en fait. Un discours lissé, policé, assagit, raboté ! Un comble pour cette pièce ! On se console    en regardant  la beauté des ensembles des filles ou des garçons, sans qu’aucun drame ne pointe le bout de son nez.  Lorsque l’Elue-Baulac danse les dix dernières minutes, on est impressionnée par son corps devenu une percussion. Pas une plainte ne s’élève de la danseuse mais une rage qui explose comme une bombe. Sa danse est tout en nerf, sa précision rythmique hallucinante. Les tressautements de son corps n’appellent pas à la compassion, mais libère une fureur de fauve capturé malgré lui qui luttera jusqu'à sa dernière griffe. Malheureusement, malgré tout le talent de cette danseuse,  cette transe finale tombe à plat car elle n’a été préparée ni pas le groupe, bondissant et lyrique, ni par l’orchestre mollasson et muselé.  Dommage. Malgré tout, j’ai admiré chacun et chacune, sans jamais entrer dans l’œuvre, juste heureuse de voir tous ces merveilleux artistes jouer dans ce bac à sable géant !

Les techniciens disposent la terre pour le Sacre

Les techniciens disposent la terre pour le Sacre

Partager cet article
Repost0
18 juillet 2017 2 18 /07 /juillet /2017 08:04
Hannah O'Neill - Vincent Chaillet : la Sylphide ( Pierre Lacotte) 16 juillet 2017 Palais Garnier

N’ayant pu pour différentes raisons assister à aucune Sylphide prévue, j’avais pris deux jours avant une place pour voir la distribution O' Neill, Chaillet, Colasante sans  autre attente que celle de revoir un ballet qui m’avait vraiment émue lorsque je l’avais revu 13 ans plus tôt dansé par Ganio-Ciaravola après l'avoir boudé lors des précédentes reprises car, faut d’interprètes convaincants, je m’étais ennuyée. La représentation du 16 juillet a été bien au-delà de ce que j’espérais et je suis ressortie du Palais Garnier des ailes au pied, voletant au dessus de l’asphalte brûlante, sans même me rendre compte que Paris grouillait de monde, de chaleur et de bruit parce que j’étais encore au cœur de la forêt profonde, émue par le destin tragique de  James et de la pauvre Sylphide. Mais je raconte cette histoire à l’envers.

Tout au long du 1er acte, James, déchiré entre ses deux amours lutte contre lui-même pour ne pas sombrer dans la folie. C’est un être tourmenté, qui n’entend pas se laisser séduire par ses propres chimères et se raccroche de toutes ses forces à Effie, sa fiancé, qu’il aime tendrement et à qui il ne souhaite surtout pas faire de mal. Si par colère, il met à la porte la sorcière venue lui annoncer qu’il n'épousera pas la fraîche Effie, c’est parce qu’il sait que la vieille femme a raison et  qu'il tente par ce geste dérisoire de reprendre le contrôle de lui-même. Il s’efforce d’opposer au monde irréel qui l’attire comme un aimant et causera sa perte, - tout comme l’Onuphrius de Théophile Gautier,- le monde rassurant de sa demeure, de ses amis, de sa vie simple mais concrète. Mais toutes ses résolutions cèdent sous le charme évanescent de la Sylphide qui lui laisse entrevoir un monde d’une poésie infinie dans lequel elle veut l’emmener bien qu’il tente toujours de lui résister.  

La composition de James  de Vincent Chailley est donc loin du jeune homme rêveur de Mathieu Ganio par exemple, mais tout aussi convaincante. Vincent Chailley possède un ballon impressionnant, une belle présence scénique, des pirouettes d’une grande rapidité d'exécution, des sauts d’une belle élasticité qui met en valeur ses longues lignes, de l’énergie.  Il s’est engagé de toute son âme dans son personnage qu’il a rendu touchant car on le voit lentement sombrer peu à peu dans un rêve qui ne le mènera qu’au malheur.

 

 À ses côtés,  Effie-Colasante a tout ce qu’il faut pour le rassurer : de cette fiancée attachante, bonne fille, émane un petit air frais campagnard qui ancre James dans sa vie présente et doit lui faire le plus grand bien. Effie danse avec un naturel confondant de simplicité et de tendresse, ce qui permet un contraste saisissant avec la fille de l’air qu’incarne l’extraordinaire Hannah O ' Neill. Cette dernière  est sans doute arrivée par la fenêtre, par hasard,  poussée par  un courant d’air et, comme Tribly, a  jeté son dévolu sur James sans raison. Elle s’est attachée à lui et trouve naturel qu’il fasse de même, abandonnant tout pour  lui consacrer chaque seconde de sa vie. Hannah O Neil est une Sylphide simple, presque naïve, qui  ignore tout du monde de James et ne s’y intéresse d’ailleurs pas du tout. Au dessus de ses pieds qui effleurent à peine le sol dans une batterie vertigineuse et une succession de petits pas à la précision millimétrique et pourtant d’une infinie poésie, le buste ondoie souplement comme les branches d’un grand saule tandis que  la jupe blanche flotte comme la corolle de grandes fleurs bercées par le vent. Hannah O Neil est l’incarnation parfaite de la poésie, de la douceur, du rêve, de la beauté, du féminin inaccessible.  Immatérielle, désarmante parce qu’elle semble à peine avoir conscience d’elle-même, elle n’est heureuse qu’en étant près de son James chéri et le serait plus encore s’il voulait bien la suivre dans la forêt.

Ces trois artistes ont donné une intensité dramatique poignante à la fin du 1er acte, lorsque James, déchiré entre les deux modèles du féminin, blesse sans le vouloir Effie qui ne comprend pas se passe.  Bien qu’il tente de toutes ses forces de repousser la Sylphide, il finit par succomber presque malgré lui à son appel et laisse sa fiancée éplorée. Et à cette intensité dramatique faisait écho une beauté visuelle à couper le souffle : un véritable instant de grâce artistique servie par trois artistes qui se mettent en valeur l’un l’autre pour notre plus grand plaisir de spectateur.

 

Hannah O'Neill - Vincent Chaillet : la Sylphide ( Pierre Lacotte) 16 juillet 2017 Palais Garnier

Au second acte, dans la forêt, Hannah O'Neill  tout à son aise, oublie trop souvent que son amoureux  n’a pas d’ailes pour la suivre dans les arbres.  Et voilà James à nouveau déchiré après avoir goûté quelques rares plaisirs à danser près de celle qu’il aime  dans la clairière,  réalisant tout à coup qu’il a tout abandonné pour aimer un être volatile, impalpable, insaisissable qui ne lui offre que l’illusion de l’amour. Chaillet est très expressif : son visage exprime tour à tour la joie, l’amour, le désarroi, la désillusion, la consternation, la colère, les reproches qu’il se fait à lui-même. Toutes les affres de la condition d’un humain qui rêve de l’autre monde mais ne peut le rejoindre s’inscrivent sur son visage et le rendent terriblement touchant.  Comprenant que malgré tout son amour et sa bonne volonté, le monde de la Sylphide lui reste inaccessible, il s’en remet alors à la méchante Sorcière-Houette (qui a réjoui le public avec ses mimiques) qui lui laisse croire qu’il pourra aimer la Sylphide comme une femme.

Privée d’ailes à cause de l’écharpe maléfique, la Sylphide meurt sous ses yeux comme elle est née : sans le vouloir, presque sans le savoir, dans un léger souffle de vent. Ce qui la peine le plus n’est pas la perte de ses ailes qui la chagrine à peine, ni sa propre mort qu’elle accepte, mais ses adieux à son James chéri, tellement malheureux et qu’elle essaie de consoler avec le peu de forces qui lui reste.  Elle regarde ses ailes en acceptant son destin puis s’effondre sur le sol, comme ses papillons blancs au jardin à la fin de l’été, qui tentent quelques derniers battements d’ailes avant que le vent ne les emporte au loin, sans vie et comme fanés.

 

Le corps de ballet fut impeccable, tant pour la poésie des Sylphides – quel magnifique travail d’ensemble – que pour les danses enjouées des Ecossais.

Le chef a su tirer le meilleur parti de l’orchestre, malgré des cuivres calamiteux.

On entend déjà dans la partition les futures échos de Giselle et aussi de Sylvia. (Thème d’Aminta à la flûte).

 

Je reviens sur les deux artistes Vincent Chaillet, premier danseur,  qui campe toujours des personnages très travaillés. C’est d’autant plus admirable que la plupart du temps, il ne danse qu’une seule fois le rôle-titre, qu’il aborde donc tout neuf sur scène mais qui montre à chaque fois une vraie intelligence car cet artiste apporte toujours quelque chose de personnel à ses personnages. En outre, sa technique est vraiment très belle.

 

Quant à Hannah, et bien elle éclipse pour moi toutes les étoiles actuelles. D’ailleurs, Pierre Lacotte l’adore. Sa Paquita était pleine de fraîcheur,  son Odette poignante et son Odile fascinante. Sa Titania, ce printemps, était un pur  délice d’humour et de féminité.

Elle n’a que 24 ans, est une véritable virtuose, et surtout a ce petit quelque chose de plus qui ne s’acquiert pas par le travail. Sa danse d’une beauté à couper le souffle, possède autant de force que de douceur   parce ses bras, son buste, son cou sont complément libres par rapport au puissant travail des jambes et des pieds, ce qui fait qu’on ne voit jamais le moindre effort.

Hannah O'Neill - Vincent Chaillet : la Sylphide ( Pierre Lacotte) 16 juillet 2017 Palais Garnier
Partager cet article
Repost0
16 mai 2017 2 16 /05 /mai /2017 07:43
 La Valse de Balanchine, En Sol de Robbins, Boléro de Cherkaoui, Opéra Garnier- 14 mai 2017

Dans un hommage à Ravel à travers trois chorégraphes, ne sommes-nous pas en droit d’attendre un orchestre sensible, sans fausse note, capable de rendre toute la subtilité de la palette sonore du compositeur et de donner au rythme souplesse, précision et vivacité ? C’est croire ce prodige possible à Garnier, qui la plupart du temps n’offre, en guise d’accompagnement de la danse depuis des années, que des prestations que renieraient les plus obscures petites écoles de musique. Pauvres danseurs, traités au rabais par rapport au lyrique…

Dans ce contexte-là, que pouvait-on attendre de la Valse de Balanchine qui utilise à la fois les Valses Nobles et sentimentales composées avant la 1ere guerre mondiale, puis La Valse, composée en 1920 ? Et bien, précisément, ce que l’orchestre n’est pas capable d’offrir : une lecture subtile d’une œuvre vraiment belle, mais qui ne doit pas être dansée au 1er degré ; hélas, le corps de ballet, aussi peu inspiré que l’orchestre, a offert une prestation digne de celle de l’opéra de Vienne pour le Nouvel An, c'est-à-dire un divertissement  « au pied de la lettre », mais quelque chose me pousse à croire que les fautifs ne sont pas les danseurs, mais les répétiteurs…

 

Seuls, Marion Barbeau et Yannick Bittencourt qui rendent vivante, palpable et vibrante chaque note (même les fausses !) donnent à cette œuvre une nostalgie ardente et spirituelle. L’incandescence de la superbe Marion s’allie parfaitement aux lignes longues et pures de Yannick Bittencourt, tout en élégance ; les deux se complètent sans se contredire et font naître un monde révolu qui s’évanouira à la fin de la Valse. De même, Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio, qui, à peine entrés en scène, donnent à l’espace scénique une densité pleine de gravité en le resserrant autour d'eux, une matérialité qui contraste subtilement avec l’esprit en apparence léger qui se dégage de la chorégraphie. Audric Bézard, quant à lui, impose sa présence sombre et charismatique. Malheureusement, le reste des danseurs étaient moins inspirés.

 

 La Valse de Balanchine, En Sol de Robbins, Boléro de Cherkaoui, Opéra Garnier- 14 mai 2017

La deuxième oeuvre était en Sol : nouvelle déception, qui ne vient pas du pianiste, malgré un son « étouffé » par la fosse d’orchestre,  mais des cuivres qui couvrent tout l’orchestre  et qui dès le début, rivalisent pour savoir qui fera le plus de fausses notes ! Comment peut-on, madame la trompette, rater non pas une note, mais toute sa ligne mélodique ? Côté danseurs, les répétitions n’ont pas su leur insuffler le peps nécessaire qui « déniaise » en Sol, - comme en 2009 -  qui là encore doit être dansé au second degré, car cette œuvre est à la fois un clin d’œil au délicieux et désuet Train Bleu de Nijinska, dans lequel une troupe de jeunes gens se pavanent sur la plage et se volent la vedette à qui mieux mieux, et aux musicals américains. Alors, c’est joli, c’est gracieux, mais le tout manque d’accents, de  rythmes, d’un petit grain de folie en un mot.

Le couple Ould Braham-Heymann moins rythmique et jazzy que poète  est cependant superbe : Myriam entre en scène non pas comme une " gymnaste rythmique" qui provoque l’admiration de toute une plage, avec sa ligne, son bronzage,  son allure, et ses muscles  mais plutôt comme une ravissante naïade qui quitte sa baignade,  souple comme une ondine.  Sa " demoiselle de la plage" joue sur la délicatesse des poignets, des épaules, des chevilles,  sur les ondulations d'un buste qui épouse toutes les nuances données à sa danse ; cette fille est née de l'écume et en garde la fragilité, l'évanescence.
C’est à  ses pointes qu’elle confie les accents jazzy de la musique. Quand elle traverse la scène en reculant, ses pieds semblent " clapoter", comme si, créature aquatique, elle n’était pas faite de chairs et d’os. Moins meneuse de revue que nymphe des eaux, elle dépose une grâce mutine et enchanteresse sur le groupe des « « beaux gosses » qui jouent des muscles sur la plage et la suivent, fascinés.

Chez Heymann, les accents jazzy sont estompés au profit d'un lyrisme tout en retenue, mais d'une profondeur vertigineuse, mais avec toute la distance nécessaire : au fond, c'est très ravélien!

 Dès le début de l’adage, les deux danseurs,  immobiles, tissent un lien invisible, mais palpable.  On sent ces deux êtres attirés l'un vers l'autre sans savoir pourquoi ; alors, on pense peut être plus à Giselle qu'à Robbins mais au fond, qu'importe, ils offrent un moment hors du temps et le public ne s'est pas trompé qui les a chaleureusement applaudis tout de suite après l'adage.

 

 La Valse de Balanchine, En Sol de Robbins, Boléro de Cherkaoui, Opéra Garnier- 14 mai 2017

Et puis venait le Boléro ( Cherkaoui, Jalet, Abramovic) : mais qui a bien pu avoir l’idée stupide d'ajouter une lourde et inutile pulsation en coulisse en prélude à ce Boléro ? Quel en est l’intérêt?

Au début, tous ces danseurs en blanc, sur fond noir – très dans l’air du temps depuis une vingtaine d’années-  c’est joli. Mais très vite, en voyant des yantras qui tournent sur le sol – ce sont des cercles qui servent en méditation à la concentration sur les cakras- on comprend qu’on vient encore nous parler de méditation. Donc tout le monde se met à tourner sur un orchestre qui massacre consciencieusement l’œuvre : impossible de distinguer le superbe travail d’orchestration de Ravel dans cette bouillie sonore, même la caisse claire est inaudible dès le début ! Il faut le faire quand même ! Le soir des adieux de Le Riche, l’orchestre avait une tout autre tenue ! Là on croit entendre un fichier midi, car tout est « rétréci » " riquiqui" et le crescendo est amené avec la délicatesse d’un après-midi passé sur le stade d’un moto-cross.  

C’est parti pour 14 minutes : on attend, mais il ne se passe rien. Côté danseurs, sûr, ils doivent vivre de grandes choses, à tourner comme ça,  et au bout de de cinq-six minutes, on pense : « mais ils vont finir par vomir à tourner toujours dans le même sens ! » Et bien justement ! Ouf, pour faire passer les nausées, à présent, on change de sens, on tourne dans l’autre maintenant ! et dire qu'ils sont trois chorégraphes! ça valait bien la peine, tiens!

 

Tandis que la Valse avait obtenu des applaudissements polis, En Sol, des applaudissements un peu plus fournis, le Boléro a suscité une sorte d’hystérie facile à comprendre : c’est comme dans les raves, une pulsation qu’on bat pendant plus de dix minutes échauffe le sang ! Et le public qui a  l’air de s’ennuyer depuis une heure trente ( c’est long, 40 minutes d’entracte pour 46 minutes de danse !) se défoule à présent : il va enfin pouvoir sortir.

Dernière chose : je remercie chaleureusement les parents qui ont la bonne idée d’emmener de très jeunes enfants – trois ans peut être – qui commentent ce qu’ils voient sur scène de leurs jolies petites voix, pendant tout le concerto de Ravel… c’est de plus en plus courant bien sûr, on emmène les enfants, tant pis si ces chers petits parlent tout haut, sautent, ou gesticulent. Comme ces cinémas, maintenant, qui créent des séances pour que les parents emmènent avec eux leurs touts petits enfants, et tant pis si les films ne sont pas adaptés à leur jeune âge !

J’attends donc de revoir tous ces beaux artistes admirés dans le Songe de Balanchine et le Lac de cet hiver dans des œuvres mieux répétées, mieux digérées et dirigées, car j’ai eu l’impression d’assister à un beau gâchis…  

 

 La Valse de Balanchine, En Sol de Robbins, Boléro de Cherkaoui, Opéra Garnier- 14 mai 2017

A noter ce blu-ray ou Dvd, " hommage à Robbins" dans lequel nous trouvons En Sol, superbement dansé par le corps de ballet - je suis plus réticente pour les solistes - le ballet plein d'humour, Le Concert, et In the Night avec trois couples superbes... a avoir absolument!

Partager cet article
Repost0
13 mars 2017 1 13 /03 /mars /2017 09:02
Photo pour l'opéra de Paris Agathe Poupeney

Photo pour l'opéra de Paris Agathe Poupeney

Le Songe du 12 mars à 14h30 - O Neill – Révillion - Sae Eun Park - Zusperreguy- Chaillet – Valastro – Kirscher - Viikinkoski (en remplacement de Renavand)  Barbeau- Magnenet....

Grâce à tous ces merveilleux interprètes  ci-dessus cités, qui ont tous l'air heureux sur scène, (on peut dire ce qu'on veut de A Dupont, il semble en tous cas qu’elle apporte  à la compagnie une sérénité qui manquait avant son arrivée) l’œuvre est plutôt plaisante à voir bien qu’elle soit très inégale. Balanchine a magnifiquement saisi et compris le triple univers de ce Songe, qui oscille entre violence, poésie et rire; il lui est fidèle par l'esprit et en restitue avec maestria toute sa quintessence : quel bel hommage! Vers la fin de la première partie, les entrées et sorties des protagonistes  sont réglées avec une maestria alliée à virtuosité digne des plus grands cinéastes. Du très bel ouvrage. Il est dommage, dans ce contexte, que sa poésie soit si mièvre :  les enfants qui font des rondes interminables en battant des bras,  les fées qui arabesquisent et sautent la moitié du temps, ou bien font des petites menées bras en couronne le reste de celui-ci,  tout cela est bien lassant ; et puis ça virevolte dans tous les sens, en marquant avec application la pulsation jusqu’à la nausée, appauvrissant la musique qui se vide de sa magie… si en plus, on rajoute les costumes  un peu mièvres ((petite cape ridicule, ailes pour libellules de maisons de retraite, petites jupettes pseudo-athénienne,  petites cornes... et j'en passe!) le tout a des relents de ces interminables spectacles d’enfants de fin d’années scolaires. 
Heureusement dans ce ballet disparate,  un tout autre  Balanchine apparaît  lorsqu'il s'attaque au registre comique et là, il touche au sublime : que ce soit les comédiens, et notamment Bottom - l'excellent Takeru Coste qui arrive à donner mille expressions à sa tête d'âne et une façon comique de poser ses pieds à tel point qu'on croit voir des sabots - ou bien encore avec Puck, facétieux à souhait -  le non moins excellent Antoine Kirscher  qui s’en donne à cœur joie  - Balanchine insuffle cette incroyable légèreté qui côtoie la violence et la brutalité des sentiments amoureux.

Photo pour l'opéra de Paris Agathe Poupeney

Photo pour l'opéra de Paris Agathe Poupeney

Poignante Sae Eun Park, qui, en Héléna, décline un amour non-payé de retour et se fait rudoyer par le brutal Démétrius (Vincent Chaillet). Très expressive dans ce type de registre qui lui va comme un gant, Sae Eun nous avait déjà envoûtée dans le quatuor de ATK, par la flamme et la passion  qui couvent en elle ; dans ce rôle, elle peut y donner libre cours et se montre tout à la fois vulnérable et puissante… et drôle. Elle a une façon irrésistible de tourner la tête lorsque Démétrius lui déclare son amour, (il a changé radicalement de sentiment grâce à la fleur de Puck)  pour savoir si c’est bien à elle qu’il s’adresse. Superbe duo des deux amoureux (Valastro et Chaillet) qui se combattent, et qui,  en un rien de temps, font basculer la pièce de l'amour au drame  : Balanchine restitue avec une économie de moyens qu’on admire toutes ces nuances de l'amour qui rend fou, telles que décrites par Shakespeare.

Autres points forts de cette représentation : Fabien Révillion, qui, avec une superbe batterie, une belle élévation dans les sauts, des pirouettes énergiques et virtuoses,  une générosité  et une passion en scène immense, incarne un flamboyant Obéron – le maître du jeu qui règle quand Puck désorganise tout -  aux côtés d'une délicieuse Hannah O Neil pleine de grâce, irrésistible lorsqu'elle s'éprend de l'âne-Takeru Coste, en lui apportant de l'herbe ou en lui tressant des couronnes de fleurs sur la tête; tout en restant gracieuse, légère, souriante, elle nuance sa danse d’ un humour tout en finesse. Du grand art! Et tout cela l'air de rien, un peu comme Audrey Hepburn dans ses comédies.


Enfin, même si on la voit peu, Ida Viikikonski est une Hippolyte bondissante et magnifique au milieu de ses chiens. Splendide amazone, scintillante et royale! Certes, si on n’a pas lu la pièce, on ne sait pas du tout qui elle est et sans doute Balanchine avait-il une ballerine à distribuer dont il ne savait que faire et à qui il a confié le personnage. Je plains un peu les danseurs condamnés à faire les chiens, mais ce moment d’un grand kitsch était bien enlevé.

Pour revenir au « moins», et bien, on est frustrée de voir une foule de danseurs n’avoir rien du tout à danser, tomber comme des cheveux sur la soupe, et être même l’ajout de Balanchine, on ne sait pour quelle raison, comme Karl Paquette qui  avec une horrible et trop courte petite tunique verte,   disparaît  aussitôt après avoir servi de faire valoir à Titania et que dire d' Audric Bézard – Thésée –  qui n'a rien  à danser du tout : on se demande pourquoi ils sont là... Même commentaire pour le pas de deux du divertissement, partie sans grand intêret, si ce n’est celui de faire briller une nouvelle soliste féminine.  De ce solo, Marion Barbeau tire son épingle du jeu, avec suavité, douceur, candeur. Elle est magnifique.  Mais pourquoi ne pas avoir exploité la pièce Pyrrhame et Thysbée que joue à ce moment là les comédiens de fortune pour prolonger le ballet et lui garder une continuité ?  Ce divertissement arrive comme un cheveu sur la soupe, lui aussi, et les protagonistes de la première partie n’ont rien  à danser… quel gâchis !

Voilà donc un ballet contrasté, qui, d’un côté,  enchante par sa fidélité à l’esprit de la pièce et sa théâtralité inventive mais qui, d'un autre côté, frustre à cause du déséquilibre créé par un grand nombre de danseurs sur scène qui ont peu  à danser et par l’ajout d’éléments qui embrouillent le tout.

Agathe Poupeney pour l'opéra de Paris

Agathe Poupeney pour l'opéra de Paris

Visuellement, c'est à la fois beau et kitsch. Certains costumes ridicules voisinent avec  d'autres  de toute beauté. Quant à vous, messieurs les décorateurs, pensez aux spectateurs qui, sur le côté, ne voient pas tout un bout de scène à cause des décors trop sur l'avant scène qui en masquent toute une partie! L'orchestre sous la baguette de Simon Hewett, a été de bonne tenue, mais manquait un peu de magie... il faut dire aussi que l’ajout d’œuvres par Balanchine étrangères au Songe, créée un assemblage  disparate qui n’aide pas à donner une unité. Certes, les romantiques adoraient cette œuvre qu’ils opposaient au théâtre classique et sa construction tirée au cordeau et qui pour eux, étaient synonyme d'ennui et d'imagination brisée … là, dans cette belle pagaille, - au final, très ordonnée quand on lit la pièce de Shakespeare- on emporte avec soi la magie de Révillion, O Neill, Coste et Park… et comme on est privé de danse depuis deux mois et demi, on rentre chez soi heureux. Merci et bravo aux artistes!

Partager cet article
Repost0