Listes des articles sur l'Odissi
La danse Odissi, chapitre 1 : de la légende à la danse
histoire de la danse Odissi, chapitre 2
Jagannath et la danse Odissi, chapitre 3
L'odissi, danse sacrée 1
Un jour, une œuvre
Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini
Listes des articles sur l'Odissi
La danse Odissi, chapitre 1 : de la légende à la danse
histoire de la danse Odissi, chapitre 2
Jagannath et la danse Odissi, chapitre 3
L'odissi, danse sacrée 1
Chapitre deux : histoire de la danse odissi
Les origines et les premiers témoignages :
Au temps du roi Kharavela, 1er siècle avant JC.
La style Nartaki
Laissons pour un temps dans ce deuxième chapitre les légendes mythologiques de la danse, que nous retrouverons plus tard pour nous pencher à présent sur les témoignages archéologiques concrets. Les premières sculptures furent découvertes dans les grottes des collines de Udayagiri et de Khandagiri près de Bhubaneswar en Orissa. Elles datent du 1er siècle avant Jésus Christ. La région appelée alors Kalinga connaissait déjà une importante activité artistique comme en témoignent les nombreux danseuses et musiciens ainsi que les inscriptions gravées et sculptées dans la roche ; construites sous le règne du roi Jaïn Kharavela, grand amateur d’art, elles révèlent que l’art était très présent dans la vie du peuple de Kalinga. Le roi a d’ailleurs laissé le souvenir non seulement d’un fervent Jain, mais aussi d’un immense protecteur des arts. Dans la grotte de la reine Ranigumpha se trouvent également de très nombreuses sculptures de musiciens et de danseuses dans des poses très variées. L’une des plus célèbres, connue sous le nom de Nartaki, est en « chouka ». L’ensemble de ces sculptures ont servi de point de repère pour reconstruire le style Odissi au 20ème siècle après qu’il fût perdu.
Pour désigner le style de cette période qui semble avoir été une danse de cour, on se refère à la danseuse Nartaki qui donne son nom à ce style. D’où le style « Nartaki »
temple Brameshvara
L’influence du Bouddhisme et du tantrisme : du 3ème au 7 ème siècle après JC
Après la mort du roi Kharavela, on ne trouve pas d’autres représentations aussi importantes de l’activité artistique gravée dans la pierre. On sait cependant qu’elle restera très importante dans cette région après la mort du roi et jusqu’au 7ème siècle.
Vers le 3ème siècle après Jésus, pendant le règne magnifique d’Ashoka, le Jaïnisme fut progressivement remplacé par le bouddhisme sous sa forme de Grand véhicule.
Cette branche du bouddhisme est connue pour être esthétiquement très sensible aux arts considérés comme un moyen, aussi bien pour l’artiste que pour le spectateur, de réalisation spirituelle. La danse n’est alors rien d’autre qu’un moyen de délivrance et un acte de conscience spirituelle.
Le Shivaïsme et la naissance des Devadasis
Après le déclin du bouddhisme, le Shivaïsme s’étend sur le pays et y explose au 7ème siècle après Jésus Christ. Comme toujours en Inde, il est difficile de savoir exactement comment les changements s’opèrent et comment le Shivaïsme a réellement émergé. D’autant qu’il existait déjà un shivaïsme pré-aryen vieux, dit-on, de plusieurs millénaires. Des nombreux éléments archéologiques prouvent que la danse se trouve étroitement lié à ce nouveau courant.
La dynastie Sailodbhara naît à cette période et les rois étendent leur domaine à une grande partie de l’actuel Orissa. Ils dotent la région d’un système administratif solide, font preuve d’une réelle tolérance pour toutes les religions, et entreprennent la construction d’une multitude de temples dédiés à Shiva. L’art de cette période est florissant et éblouissant. Les sculptures des danseuses et de Shiva dansant, connu sous le nom de Nataraja – Roi de la danse – font toujours aujourd’hui l’admiration de tous ceux qui visitent les temples de Mukteshwar ou de Parashurameshwara.
Le Shivaïsme imprègne le tissu culturel de l’Orissa si profondément qu’il est devenu un facteur clé dans l’élaboration de l’histoire de la région.
Le tantrisme, l’une des branches du Bouddhisme, est progressivement intégré au Shivaïsme comme l’une de ses caractéristiques fondamentales. Comme souvent en Inde, les nouveaux courants de pensée absorbent les anciens et les différents éléments s’associent et se mélangent. L’Inde repousse rarement, elle absorbe et remodèle.
Cette longue période porte donc les différentes empreintes du bouddhisme, du tantrisme et du Shivaïsme qui se mélangent et marquent durablement la culture Oriya sur le plan des arts, de l’architecture et de la danse. Les temples Vaital, Markandeswar et Sisireswar témoignent de cet amalgame, aussi bien dans les stupas Bouddhistes des collines de Lalitgiri et Ratnigiri que dans les temples d’Hirapur consacrés aux yoginis-danseuses.
Devadasi
Au 10ème siècle, sous la dynastie Kesari, le Shivaisme s’impose complètement : Le culte de Shiva et la construction des temples sont au centre de cette ère. Ils présentent des sculptures très variées des Dieux et des Humains, montrant d’une manière certaine la continuité de la tradition dansée en l’honneur de Shiva. Dans ces inscriptions et ces témoignages sur la danse, on trouve pour la première fois la preuve de l’existence réelle des Devadasis, littéralement servantes de Dieu. Il semblerait que leur seule obligation fut de danser pour les rituels et les cérémonies associés au temple et pour sa divinité.
Le rituel est un élément très important de la foi en Inde, et pendant longtemps, il a précédé la pensée et la spéculation. Ils rythmaient non seulement la vie, mais aussi le quotidien.
On trouve la première mention d’une Devadasi en Orissa à l’époque de la construction du temple de Brahmeswar sous le règne de Udoata Kesari, dernier roi de cette dynastie qui prit fin au 11 ème siècle.
C’est à partir de ces inscriptions que l’on peut retracer l’histoire de l’Odissi et de son rôle dans les temples jusqu’à la danse d’aujourd’hui.
Vishnou, un avatar de Krishna et Jagannath
Une nouvelle foi va bientôt remplacer le Shivaïsme : le Vishnouisme. Vishnou est un avatar de Krishna, lequel est très connu en Orissa sous la forme de Jagannath.
Des temples monumentaux sont édifiés pour célébrer ce dieu, tel le temple de Jaganath à Puri, ou encore le temple du soleil à Konark. La dynastie Ganga révolutionne entièrement la culture de l’Orissa et marque profondément l’évolution du style « devadasi »
Les arts et l’architecture d’après la période Kharavela montrent que la danse est à présent l’un des thèmes essentiels des temples de l’Oriya.
Puri
En résumé
Pendant ces 1000 premières années, la danse Odissi est véritablement le reflet de l’activité religieuse et politique de cette région qu’est l’Orissa.
Qu’elle soit influencée par la tolérance et la conscience esthétique des Bouddhistes, ou par les cultes tantriques et les danseuses yogini de ces cultes, ou encore qu’elle soit au service des devadasis des temple de Shiva, la danse transforme aussi bien sa technique que ses aspirations dévotionnelles, épousant à chaque étape l’histoire de la région et l’évolution de la foi.
De nombreux éléments fondamentaux de l’odissi apparaissent pendant la dynastie Kesari, mais c’est lorsque celle-ci disparaît que naît réellement le style Odissi tel qu’il est connu aujourd’hui.
Ce style connaît donc, de sa naissance au 1er siècle sous le règne des rois du Kharavela, jusqu’à l’avènement du Vishouisme, d’immenses changements dans sa forme physique, son caractère spirituel, et son rôle dans la société et la religion.
Son caractère spirituel s’est transformé au gré du jaïnisme, du bouddhisme, du shivaisme et enfin du Vishnouisme qui chacun, tour à tour, l’ont modelé différemment. Toutes ces traditions ont conféré chacune à leur façon un caractère distinct et éminemment sacré où la beauté se mélange au spirituel, dans une humble recherche de Moksha : le salut.
Kornak
Notes : il est très difficile pour qui ne les côtoie pas de près de se retrouver dans toutes ces branches philosophiques et/ou spirituelles
Des articles annexes viendront éclairer un peu le lecteur sur les différentes fois ou philosophies ainsi que sur ces Dieux que sont Vishnou, Brahma, Krishna/ Jagannath.
On retrouve ce même brassage d’idées dans le yoga, qui s’est considérablement modifié au gré des échanges entre les différentes civilisations ; comme pour la danse, on trouve un yoga tantrique, du Nord-Est, influencé par une branche du bouddhisme, un yoga dit non-duel du Cashmire, un yoga plus « Aryen », codifié par Pentajali, etc… si l’on veut résumer succinctement, on dira que pour certaines écoles de yoga, conscience et énergie sont en union, pour d’autres non.
Le yoga, prière active du pratiquant, et l’odissi, prière artistique dansée, n’ont d’autres buts que d’atteindre ou de faire atteindre Moksha.
Lire aussi
L’Odissi
Différents articles vont être rédigés à partir d’un ouvrage en anglais écrit par Ranjana Gauhar, danseuse et auteure de Odissi, the divine dance, aux éditions niyogi books.
Grâce à ce livre, j’ai enfin pu comprendre l’histoire de ce style qui est intimement mêlé à l’histoire de l’Orissa. Cette région, comme l’Inde toute entière, a subi de très nombreuses et différentes influences religieuses ou philosophiques. Avant que l’Odissi ne « dégénère » puis disparaisse pour un temps avant de renaître au 20ème siècle, elle a été l’une des expressions artistiques de cette région les plus puissantes, comme en témoignent les très nombreuses sculptures des anciens temples.
Introduction
Le Natya shastra, ancien traité sanskrit sur les arts théâtrals et poétiques rédigé il y a plus de 2000 ans, décrit quatre styles de danse : avanti, dakshinatya, panchali, et odhramagadhi. Le style odhramagadhi est celui qu’on trouve dans les régions d’Odhra, Magadha, Pundra et Kalinga ainsi que dans diverses autres régions de l’est Indien. Odhra et Kalinga forment aujourd’hui l’Orissa.
Dans ce traité, Bharata Muni écrit que le caractère de la danse de cette région est « Kaishiki » et « lasya » c'est-à-dire très féminine et composé d’éléments délicats. Kaishiki a le pouvoir de créer le « sringara rasa » c'est-à-dire la saveur d’un sentiment dévotionnel amoureux. Il ajoute que les danseuses de ce style sont belles et portent des vêtement colorés. La beauté est d’ailleurs la condition sine qua non pour devenir Mahari, c'est-à-dire danseuse de temple.
Peu à peu, c’est Jagannath qui va être au cœur de la danse Odissi ; c’est l’une des formes de Krishna, lui-même avatar de Vishnou. Cette influence va faire du style Odissi un style vraiment très différent des autres styles de danse indienne.
Seul, le style odissi mêle un esprit dévotionnel à une danse sensuelle ; il est aussi l’un des styles les plus lyriques. Il est considérée par certains comme le plus parfait.
La légende
Il y a très très longtemps, les Dieux et les Démons voulaient s’emparer de l’Amrita, nectar d’immortalité ; - celle là même que le yogi cherche dans sa pratique pour avoir une chance de trouver la libération, Moksha –
Pour cela, ils décidèrent de barater l’Océan où le nectar était caché. Ils prirent une montagne, Mandara, comme bâton, qu’ils placèrent sur le dos de Akupara, la divine tortue ; pour tourner cette montagne, ils utilisèrent le serpent divin Vasuki comme corde qu’ils attachèrent à la montagne.
Les Dieux tirèrent le serpent d’un côté et les démons de l’autre, si bien que l’océan commença à se soulever en de grosses vagues ; l’Armita finit par paraître ainsi que bien d’autres merveilles : les apsaras. Elles étaient pleines de jeunesse et de grâce, et dansaient et chantaient à merveille. Elles inspiraient l’amour aussi bien au ciel que sur terre. Ces apsaras adoraient Kamadeva, le dieu de l’amour.
Par la suite, elles furent invitées à danser à la cour d’Indra, en compagnie des Gandharvas, bardes musiciens et chanteurs.
Un jour, l’une des Apsaras nommée Urvasi qui dansait à la cour d’Indra, croisa le regard du fils d’Indra, Jayanta, et fut distraite de sa danse quelques instants. Le sage Agastya en fut si mécontent qu’il les maudit : Urvasi devrait renaître sur terre comme devadasi – danseuse de temple - et Jayanta comme bambou. Les deux jeunes gens implorèrent le pardon du Sage qui accepta, devant tant de remords, d’adoucir sa sentence. Urvasi dédierait sa danse aux Dieux, avant toute représentation, en présentant un bâton coupé sur le bambou qu’était devenu Jayanta. Ainsi, la punition serait levée.
Urvasi naquit donc comme une devadasi et enseigna la danse aux femmes…
Voici donc comment la danse devadasi naquit sur Terre d’après la mythologie.
Vous trouverez dans ce lien des illustrations de cette légende ( Bnf, exposition miniature indienne)
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La maison de la culture d’Amiens, proche du centre ville et d'un quartier piéton, est composée d’une scène, d’un cinéma et d’une salle d’exposition. Elle rappelle les scènes de banlieue, comme le centre des bords de marne du Perreux sur marne ou encore le théâtre Romain Rolland de Villejuif… et bien d’autres encore. Elle en a le côté convivial, ouvert et plaisant, avec sa caféteria où se réunissent souvent public et artistes avant ou après une représentation.
Le public qui attendait sagement dans le hall le début du spectacle ce 17 avril était très familial, tous les âges y étaient mélangés, et il y avait beaucoup d'enfants - dont le mien que j'avais emmené pour l'occasion, car c'est les vacances scolaires à Paris.
Je connaissais toutes les œuvres au programme pour les avoir déjà vues, sauf bien sûr Odyssée, une création de Nicolas Le Riche avec CM Osta.
Quatre interprètes magnifiques pour un programme très intelligemment composé et des œuvres que j’adore m’avaient décidée à venir tout exprès à Amiens. Isabelle Ciaravola et N Leriche sont les rares artistes qui me font quitter ma tanière. J’ai attendu ce jour avec l’impatience d’un enfant à qui on a promis de la magie.
J’avais gardé de Critical Mass, déjà vu au Châtelet en 2005 – un souvenir fort, comme une vibration impétueuse. J’avais hâte de la revoir avec Nicolas et Russel Maliphant qui en est le chorégraphe ; comment décrire ces deux artistes, l’un puissamment ancré dans le sol (à aucun moment ses pieds ne bougent) l’autre plus libre, plus ondoyant ? Le saule et le roseau dansant au gré du vent donneraient une idée de la chorégraphie, envoûtante, enivrante, et pourtant tellement simple. Les mouvements se répètent à l’infini, sur différents tempos, puis se décalent, se rejoignent. Les deux danseurs, emprisonnés dans un carré de lumière, tels deux papillons de nuit sous une lampe, dégagent une énergie fluide et étrange. Elle attire à elle le spectateur qui suit, halluciné, cette danse un peu incantatoire à mi chemin de la prière, des arts martiaux, de la capoeira, avec une intensité et une poésie infinies.
Russel Maliphant-le-saule se meut avec Nicolas-le-roseau dont l'un des pieds ancré dans le sol sert de pivot, d’axe. Je me dis que décidément, Nicolas est un artiste hors norme, charismatique, et qu’il sait tout rendre captivant. A l’énergie toute concentrée de Maliphant, répond son énergie à lui, diffuse, rayonnante. Leur duo est parfait : c’est comme le yin et le yang ; l’un, tout ramassé sur lui-même, aspire, l’autre diffuse, libère. Les deux se complètent. C’est complètement magique et mystique. Cette première partie, puissante et sobre tout à la fois, captive plus que la seconde, sorte de tango humoristique. C’est plus dansant, moins dépouillé, mais moins intense aussi.
Julien qui a 11 ans n'en a pas perdu une miette, il était fasciné.
Suivait le magnifique pas de deux de Prejlocaj - Annonciation - dansée par C M Osta et I Ciaravola. J’avais il y a bien longtemps enregistré cette œuvre sur Arte, car elle m’avait fascinée, mais je ne l’avais jamais vue « live ».
Annonciation, c'est l'Ange Gabriel qui annonce à Marie qu'elle va concevoir le Christ. Ce thème est l’un des grands thèmes religieux de la peinture renaissance peint par toute l’école italienne pendant plus d’un siècle et demi. On voit sur les toiles, les rayons de lumière atteindre l’oreille de Marie qui aurait, par cet organe, conçu le Christ. L’ange est là pour le lui annoncer.
La chorégraphie de Prejlocaj a quelque chose de " pointu" qui vient vous piquer, vous forcer à vous interroger, à vous poser des questions. Un Miserere commence mais brouillé par des bruitages étranges. La musique religieuse s’estompe ; il ne reste que les bruitages désagréables qui captivent cependant l’attention.
Ciaravola est magique là-dedans, chacun de ces gestes est d'une beauté et d'une poésie à couper le souffle, et pourtant l'œuvre est parfois très austère, très statique. Je la revois encore arriver sur scène : mon souffle se suspend tout comme elle, en équilibre sur ses demi pointes; on la regarde, fascinée et on ne pense plus à respirer. Le dialogue d’Isabelle avec Claire Marie, toute en intériorité, est parfois très minimaliste; on est face à une danse ascétique où chaque mouvement se pose un instant pour mieux nous interroger; il devient intense lorsque les deux artistes dansent toutes les deux les mêmes pas sur un tempo rapide - et c'est toujours passionnant de voir qu'un même mouvement exécuté de la même façon n'a pas le même rendu sur le plan de l'énergie. Une énergie plus ramassée pour Claire Marie, plus dilatée pour Isabelle et le lien avec Critical Mass se fait naturellement même si le propos et l'esthétique sont tout autres.
L’espace semble découpé bizarrement par la musique aux sons électroniques et grinçants, comme à l'opposé du propos.
Suivait l'entracte, qui dure suffisamment longtemps pour que les gens aient le temps de bavarder, de boire un verre, à la cafétéria. Et on est tout étonné par les prix « normaux » habitué qu'on est à ne jamais rien prendre d'habitude au bar de l’opéra.
Après l’entracte, place à la crétion Odyssée, de Nicolas, qui narre la vie d'un couple parfois est uni, parfois désuni dans la solitude. La musique d'Arvo Part donnait une dimension un peu mélodramatique à l’ensemble, et le propos touchant, devenait un peu lourd à cause de ces cordes. Pourtant la danse de Claire Marie Osta et de Nicolas Leriche était émouvante, lyrique, mais il me semble qu’une musique « plus légère » aurait mieux convenu…
Puis vint le sublime solo, Shift, de Rusell Maliphant que j'avais déjà vu au théâtre des champs Elysées en 2007.
J'adore ce solo! Russell danse avec ses ombres – jusqu’à trois, qui, grâce aux projecteurs, ne sont pas toutes orientées de la même façon. On a alors l’impression d’un tri-logue.
Maliphant arrive à vous happer dans son intériorité, d'une grande pureté, d'une grande simplicité, d'une grande profondeur. Tout en blanc, il dialogue ou monologue, suivant, avec les ombres noires qui dansent avec lui. Julien a été captivé. Il n’a pas bougé d’un poil.
A noter que Michael Hulls règle les lumières des oeuvres de Russel et fait un travail fabuleux.
Puis vint le Jeune homme et la mort. Même si l'orchestre a disparu et que l'orgue a retrouvé sa place dans cette passacaille, même si les décors étaient forcément réduits et même absents pour la fin de l'oeuvre, l'intensité était à son comble. Cela confirme que la danse n'a pas besoin d'autre chose que du talent de ses interprètes pour être - ce qui est le cas pour l'odissi. Et dans ce pas de deux, quels interprètes! Nicolas est sans conteste l’un des interprètes masculins les plus talentueux et les plus sensibles de sa génération. Ciaravola est au sommet de sa maturité artistique. Elle est devenue une très grande artiste, rejoignant dans mon panthéon personnel Guillem, Pontois et Motte. Ce jeune Homme a été exceptionnel d’intensité et d’émotions.
Nicolas a dansé ce jeune homme comme à ses débuts, avec une vigueur, un engagement, une énergie et un désespoir poignant, qui vous noue la gorge. A ses côtés, Ciaravola n'est plus l'ange Gabriel de tout à l’heure! Piquante, sensuelle, manipulatrice, froide, impassible, elle est la Mort. Elle surgit dans la chambre, en parfaite Fata Morgana, pour jouer avec le jeune homme comme avec une proie ; sa cruauté n'a d'égal que sa sensualité maléfique.
Le piège se referme sur le jeune homme qui peu à peu n'éprouve même plus de désir pour cette femme superbe : il se laisse engloutir; il renonce.
Leur duo émettait une énergie électrique, intense, inquiétante, et l'on suivait cette histoire tragique, comme un film dont on redoute le dénouement pourtant inéluctable.
Isabelle et Nicolas ont dansé ce Jeune homme de toutes les fibres de leur cœur. Un sommet de générosité et de talent rarement atteint.
C’était d'autant plus impressionnant que la table n'était pas très stable et a oscillé dangereusement plus d'une fois et que la potence bougeait elle aussi, faisant craindre le pire, sans parler de la corde qui n'a pas été attaché du bon côté...
Après le spectacle, les artistes ont rejoint la cafétéria avec gentillesse et simplicité, ils se sont prêtés - sauf Maliphant qui est parti dans son coin au grand désespoir de Julien qui voulait le prendre en photo - avec gentillesse à la séance de photos et demande d'autographe du public qui les attendait là et ont répondu aux questions qu'on leur posait.
Visiblement, c'est courant dans cet espace qu'après le spectacle les artistes rencontrent leur public, et c'est vraiment très chaleureux, car on les attend attablés, avec un verre ou un petit encas, et pas debout dans le froid...
Cette soirée me marquera d'autant que Julien qui n'est pourtant pas un modèle de sagesse car il saute et court toujours partout, a été complètement captivé par la plupart des œuvres.
il m'a posé beaucoup de questions ensuite sur le sens, le propos, les danseurs.
Ce que j'ai aimé plus que tout lors de cette soirée, c'est la générosite et la simplicité de ces immenses artistes, qui ont dansé dans un don d'eux mêmes total.
Lire aussi
Nicolas Le Riche, les adieux : l'embarras mais pas le choix
Les adieux d'Isabelle Ciaravola
Nicolas Le Riche fera ses adieux officiels à l'opéra de Paris le 9 juillet 2014, après avoir dansé le 30 juin et le 5 juillet le rôle de Quasimodo, ( Notre Dame de Paris, chorégraphie de Roland Petit )
Un vrai tollé a lieu actuellement autour de ces adieux faussés.... la date du 9 juillet a été "récupérée" presque exclusivement pour les membres de L'Arop qui s'immiscent de plus en plus dans la vie du ballet de l'opéra de Paris. Soirée où il faut être à tout prix non pas en tant qu'amateur de danse, mais d'évènements mondains à conter au prochain souper. On sait bien que dans notre monde; l'argent seul dirige.
Voir à ce sujet mon article sur la hausse scandaleuse des places à l'opéra de paris l'an prochain pour le ballet....
Cette soirée d'adieu est donc résolument fermée à tout le reste du public!
Du coup, le vrai public de Nicolas, celui qui le suit depuis l'école de danse ou presque, celui qui a assisté à sa naissance sous Noureev et à sa nomination à 21 ans par Patrick Dupond, se sent floué et furieux!
Impossible d'avoir la moindre place pour cette soirée spéciale sur laquelle l'Arop a mis la main! D'ailleurs, quand bien même on voudrait, on ne pourrait pas quand on voit le PRIX des places!!!!
Nicolas reçoit actuellement beaucoup de lettres de gens extrêmement déçus de ne pas pouvoir être là pour lui dire au revoir! Il s'en excuse lui même autant qu'il le peut, car cette étoile charismatique, simple et brillante, n'a malheureusement pas eu son mot à dire la dedans!
Heureusement, il y a Itinérance...
Est ce la raison pour laquelle en parallèle a lieu une grande tournée en France, dans différentes villes, afin de permettre à son " vrai" public de le saluer? Public qui l'aime profondément et pour qui il représente à la fois le talent et l'art porté à son plus haut niveau, la simplicité et l'excellence, la danse masculine classique de haut vol, bref, pleins de choses qui le rendent à la fois populaire et célèbre?
Cette tournée s'appelle Itinérance.
Il suffit d'avoir fait une fois la sortie des artistes pour savoir à quel point Nicolas Leriche est simple, toujours disponible et toujours sincèrement touché par les quelques mots qu'on peut dire maladroitement à un artiste de son envergure...
Au fil des ans, j'ai toujours été étonnée par l'immense sourire qu'il affiche lorsqu'il revient saluer sur scène, comme si c'était pour lui la première fois! Un sourire offert, comme le font spontanément les enfants.
Dans sa grande tournée provinciale, Nicolas Leriche dansera le Jeune homme et la mort et d'autres oeuvres avec à ses côtés E. Abbagnato, Claire Marie Osta, I. Ciaravola....il passera par Aix, Amiens, Boulogne, Blagnac...
Ce même programme devrait être repris - plus ou moins - pour une série de soirées au Théâtre des Champs Elysées, vers Noel.... peut être y aura-t-il aussi son amie Sylvie Guillem....
Pour ma part, j'irai le voir à Amiens le 17 avril dans Critical Mass, Le Jeune Homme et la mort, (avec Isabelle Ciaravola ) Odyssée, et cela sera aussi l'occasion de revoir Claire Marie Osta et Isabelle Ciaravola dans Annonciation... une soirée pleine de beauté et d'émotions. Critical Mass ( Maliphant) et Annonciation ( Prejlocaj) sont précisément des eouvres qui me touchent particulièremnet.
Voilà ce que dit Nicolas : "
" ITINERANCES est un projet de cœur, né de l'émotion et de l’enthousiasme que la danse suscite en moi depuis toujours. J’ai imaginé cette soirée comme un échange intense entre les chorégraphes, les danseurs et le public ; un itinéraire errant au gré de ce que j’aime et souhaite communiquer de la danse d’hier, d’aujourd’hui et de demain. C’est également l'occasion d'être sur scène avec des danseurs et des chorégraphes que j'admire... dans l’intensité et la diversité, au plus profond d’une danse qui parle à tous et à chacun.
ITINERANCES a longtemps été ce projet qui vous met du baume au cœur quotidiennement et que vous souhaitez partager... Aujourd'hui il prend corps. "
Nicolas Le Riche
Et après?
Tout comme Sylvie Guillem, - qui a fêté ses 49 ans le 25 février - Nicolas n'arrêtera pas de danser... c'est ce qu'il a déclaré plusieurs fois à la presse.
On ne peut que s'en réjouir!
Itinérances, plus d'information
A lire : Nicolas Le Riche, danseur d'exception
Le 9 juillet 2014
Finalement, grâce à une bonne fée, j'ai pu assister aux magnifiques adieux d'un des plus grands danseurs étoile de sa génération.... compte rendu à venir bientôt!!!
Lettre ouverte aux directeurs, directeurs adjoints de l'opéra de Paris et ministre de la culture en mon nom propre.
Sur notre forum figure une lettre un peu différente que vous pourrez lire et signer si vous vous sentez concernés.... http://dansespluriel.soforums.com/index.php
Ces deux lettres seront envoyées en début de semaine prochaine
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Par cette lettre, je vous fais par de mon indignation quand aux prix des places pour les ballets pour la saison 2014 - 2015 . Ce qui m’outre le plus, est la mauvaise foi générale, et la déclaration à la presse, comme quoi il n’y a pas de hausse de prix. Les personnes qui vont régulièrement à l’opéra depuis cinq ou six savent très bien à quel point ces déclarations sont des mensonges. Et je ne parle pas même pas de celles qui y vont depuis plus longtemps encore.
D’une part, il y a eu un redécoupage des différentes catégories, ce qui fait que certaines places en catégorie 5 qui étaient au départ à 12 euros il y a quatre ans, coûtent à présent 25 euros ; cela fait du 50 pour cent d’augmentation ; il s'agit des 4ème loges de côté qui étaient en catégorie 5 et sont passées en catégorie 4
Certaines places du parterre de Bastille sont passées de la catégorie 4 à la 3 et à la 2 en quelques années. Ce sont les places le plus sur le côté. Comme c’est sur celles-ci qu’il y a eu les plus grosses augmentations, ces places ont donc subi une augmentation de près de 100 pour 100.
En outre, la création de la catégorie Optima est un vrai scandale ! Surgi de nulle part, cette création a augmenté des places déjà coûteuses de près de 70 pour cent (80 euros à 135 euros). Et vous osez affirmer à la presse qu’il n’y a pas eu d’augmentation ? C’est vraiment prendre les gens pour des imbéciles !
Quand j’ai commencé à aller à l’opéra en 1980, la catégorie 1 coutait 105 francs – 16 euros
Trente ans plus tard, la même place coûte 130 euros ; il s’agit donc d’une hausse de 800 pour cent…. Il ne s’agit donc pas d’indexation par rapport à la crise, mais bien d’une politique purement et volontairement axée sur le maximum de gains même si cela n’était pas nécessaire, car tous les rapports stipulent que l’ONP a un taux de remplissage pour les ballets avoisinant les 97 pour cent
Le résultat d’une telle politique – car même les places de 4ème catégories sont passées de 18 à 25 euros, soit une hausse de 50 pour cent, et la troisième catégorie est maintenant à 50 euros et a subi une hausse analogue – est d’exclure toute une catégorie de la population ou de la contraindre à ne pouvoir s’offrir que de la 4 ou de la 5ème catégorie. Quand on sait comment on y est assis….
Et je ne parle pas de ces rangs supplémentaires mis dans les loges, qui font qu’on est à moitié assis sur ses voisins pour la somme de 70 euros … quand on est pas obligé de passer la moitié du ballet debout pour voir quelque chose si peu que les personnes des premiers rangs soient un peu grandes…
Auriez-vous oublié que l’ONP est financé en partie pour l’état donc par les impôts des Français ? En l’occurrence par nos impôts ?
Quelle est cette politique a des années lumière de l’ouverture culturelle faite dans les années 1980 pour ouvrir les grandes maisons d’opéra au maximum de gens ?
Quelle est cette hypocrisie que d’offrir dix mois d’opéra à des enfants issus de cités dont les revenus parentaux à deux n’excèdent pas 5 places en catégorie Or ? Est-ce pour leur montrer ce à quoi ils n’auront au final jamais accès ?
Nous faisons actuellement un magnifique retour en arrière. On se croirait de retour à l’époque de la monarchie. Sûr que pour les membres les plus fortunés de l’Arop, tout ceci ne fait aucune différence, mais pour « le Français moyen » c’est choquant et révoltant.
Que l’opéra soit hors de prix est déjà choquant – mais que le ballet le devienne alors qu’on sait que les danseurs sont des fonctionnaires d’état l’est encore plus.
Car les danseurs n’ont pas des cachets hors de prix, comme c’est le cas pour les chanteurs, les metteurs en scène ou les chefs d’orchestre qui se font payer à prix d’or pour l’opéra.
Tout cela me révolte, et je ne peux accepter que le ballet de l’opéra de Paris qui est un ballet d’état dans un théâtre d’état concurrence les prix et même les dépasse, des théâtres privés et tombe dans cette image élitiste qu’il avait réussi à quitter.
Autrefois, il y avait des prix pour les matinées et pour les œuvres avec bande son au lieu d'un orchestre qui était 20 pour cent moins chers et qui ont disparu il y a six ans.
Alors les prix pour les lundis ne feront pas passer le reste du prix à payer.
Pensez vous à ceux qui habitent en Province et ne peuvent pas venir à Paris ? Ou à ceux qui en plus du train, de la place, sont obligés de dormir sur place ?
Mais j’ai oublié : le parisianisme forcéné fait aussi partie de la panoplie de ces financiers qui se sont penchés sur les schémas des salles afin d’en tirer le plus grand profit.
Sans doute pour gaver les membres de l’Arop de champagne et de petits fours lors de ces manifestations qui leur sont réservées.
Je suis partagée entre la honte, la douleur et la révolte de voir que les gens de pouvoir font de cette maison une entité de luxe, réservée à une élite.
A quand le port obligatoire du nœud papillon ou de la robe de soirée pour venir voir un ballet ?
Voici une liste des principaux articles consacrés à des oeuvres chorégraphiques. Il suffit de cliquer sur le lien pour lire l'article correspondant.
Béjart
Noureev
Ballets Romantiques
Martha Graham
Petipa/ Lacotte
La fille Du Pharaon
Carolyn Carlson
Belarbi
Cocteau Chanel Nijinska
Prejlocaj
Mats Ek
Appartement
Nicolas Leriche
Voici la liste ( non exhaustive) des différents chorégraphes et de leurs oeuvres vues depuis 2004.
il suffit de cliquer sur le lien pour accéder à l'article
Alvin Ailey à Paris en 2003
Le sacre, compte rendu2010
Maurice Béjart
Béjart 5 - mandarin, phrase de quatuor, oiseau de feu 2005
Béjart 6 mandarin, Boléro, Variation 2006
Kader Belarbi
Hurlevent , présentation
Hurlevent, compte rendu 21 sept 2007
Hurlevent, compte rendu mars 2005
Hurlevent, deuxième compte rendu mars 2005
Hurlevent, compte rendu
Trisha Brown
O Slozony, o composite, compte rendu déc. 2004
Bombana
La septième lune, compte rendu
Carolyn Carlson
Signes, présentation
Signes, les adieux de belarbi
Signes, compte rendu
Cranko
Onéguine, compte rendu 2011 Osta Pech
Onéguine, compte rendu 2011 Ciaravola Ganio
Onéguine, compte rendu 2014 adieux Ciaravola
Martin Chaix
Mats Ek
La maison de Bernarda, une sorte de
Appartement - Mats Ek - 13 mai 2012 ONP
Bob Fosse
Bob Fosse 3
Mia Frye
Loie Fuller
Chorégraphe et plasticienne
Jiri Kylian
Stepping Stone, compte rendu 2004
Doux Mensonges, il faut qu'une porte - compte rendu
Kaguyahine, Letestu 2013
JC Gallota
Nosferatu, présentation à Bastille
Nosferatu, compte rendu 8 mai 2006
Nosferatu, Kudo/Martinez 2006
Martha Graham
A paris en 2009 errand into the maze
MC Grégor
Genus, compte rendu 2007
Gregorovitch
Ivan le Terrible, compte rendu 2004 - Martinez/ Abbagnato/Paquette
Pierre Lacotte
Mac Millan
L'histoire de Manon, 2003 Sylvie Guillem
L'histoire de Manon, Ciaravola/Ganio
Benjamin Millepied
Triade, compte rendu
triade, 2008
John Neumeier
Neumeier, chorégraphe
Sylvia, compte rendu, 12 et 27 mars 2006
La petite sirène
La dame aux camélias, compte rendu 2013 Ciaravola/Paquette
La dame aux Camélias et Isabelle Ciaravola
La dame aux camélias, compte rendu 2010
Nicolas Leriche
Caligula 3, florilège de critiques stupides et bâclées
Caligula, compte rendu du 23 oct. 2005
Caligula, 2011
Serge Lifar
Mirages, compte rendu du 29 oct 2006
suite en blanc, compte rendu du 29 oct. 2006
Malandain
Nijinska
Noureev
Rendez vous sur cette page
Roland Petit
Soirée de juillet 2005 Compte rendu Carmen, le Jeune homme, Arlésienne 2005
Le loup, rendez vous, le jeune homme, compte rendu , oct 2010
Roland Petit à l'ONP 2010
Prejlocaj
Médée, compte rendu avec Cozette/ Romoli/ Renavand 10 nov 2007
Siddharta, présentation Bastille
Siddharta, compte rendu 4 avril 2010
Le Parc, Ciaravola Bullion 2013
Robbins
En sol, in the Night, le Concert, compte rendu 2008
En sol, le Concert, compte rendu
Dance at gathering, compte rendu 2012
Paul Taylor
Le sacre du printemps, compte rendu
Saburo Teshigahara
Air
Black Horses in hidden, compte rendu 2013
La nouvelle est tombée ce 6 mars 2014 et ne m'a nullement réjouie. Pourquoi?
Parce que ces nominations à tour de bras manquent cruellement de poésie, de passion, d'authenticité...
Eléonora Abbagnato a été nommée l'an passé.... belle danseuse!.... un titre pas forcément mérité à 34 ans, mais la belle Sicilienne est une artiste, et c'est une vraie perle rare au coeur de l'opéra de Paris.... elle s'investit comme personne dans ses rôles, possède un charisme unique, un physique de rêve, une sensibilité à vif.... bref....
puis ça a été au tour de Alice Renavand que j'aime aussi beaucoup.... mais elle a aussi 34 ans, une technique classique qui n'est plus au top comme autrefois... elle aussi possède beauté, charisme, et est une vraie artiste... mais ça fait mal au coeur de la voir nommée " trop tard"...
Ces deux nominations laissent une drôle d'impression, arrivant finalement trop tard, car ce n'est pas à 35 ans qu'une danseuse aborde les très difficiles rôles académiques que sont le Lac, La Belle, Kitri, etc... certes Abbagnato a eu l'occasion d'en danser certains il y a dix ans déjà ( Kitri) et c'est à ce moment là qu'il aurait fallu la nommer si nomination il devait y avoir à tout prix... mais fallait-il absolument les nommer? Les deux avaient tout à fait leur place en tant que premières danseuses, comme autrefois Karine Averty ou Yannick Stéphan...
Albisson, elle, a 24 ans.... une belle technique.... mais on ne peut pas se réjouir non plus
Sa nomination a été faite à la va-vite sur un rôle qui ne lui allait pas forcément - Tatiana d'Onéguine - et elle tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. Tout le monde finit par se dire que BL veut bloquer le plus de places possibles pour que Millepied n'ait plus le choix mais l'embarras quand il prendra ( enfin) la direction de la danse... sa nomination ressemble à un pied de nez, à un " c'est encore moi qui décide".... ça n'est ni élégant, ni gracieux pour ces danseuses....
En outre, très gênant pour Amandine, elle est nommée dans la foulée du magnifique départ de Ciaravola qui a brillé tant et plus le 28 février dans le rôle de Tatiana... pour le public, il n'y avait pas photo.... Amandine a fait de son mieux, mais Tatiana n'était pas (encore) pour elle. La salle n'a pas réagi avec enthousiasme comme d'habitude, les applaudissements furent polis mais sans passion...
Quand à la date du 5 mars .... c'était au départ la date retenue pour les adieux de Ciaravola, qui a dû renoncer à cette date, car le grand foyer était réservé.... pour une soirée privée!!!!!....
BL voudrait elle faire passer le message que " Adieu le vieux, bonjour le neuf"..... ??? c'est un peu ainsi qu'on le ressent malgré tout et la dame n'a jamais fait preuve de délicatesse au cours de son " règne"
Mais revenons sur cette danseuse.
Très aimée de la direction, elle a été beaucoup distribuée ces derniers temps ( Sylphide, Aurore, Tatiana)
Si Amandine possède une très belle technique - notamment au niveau du travail des jambes, car les bras, ce n'est pas encore cela - elle ne sait pas encore pour le moment faire vivre un rôle ni transmettre des émotions... cela peut venir.... comme ne jamais venir. Je l'ai vue ces dernières années, et je n'ai pas aimé son style... j'ai néanmoins en tête une photo d'elle dans Bhakti ( qu'il faudra que je scanne) qui montre quelle fille magnifique et longiligne elle est.
Même si je ne suis nullement réjouie par sa nomination, - je n'ai pas aimé son Aurore, ni sa Sylphide, ni la Bohémienne du Loup, je l'ai trouvé à chaque fois sèche et sans âme et trop sûre d'elle dans sa façon de montrer qu'elle technicienne elle est - j'espère de tout coeur qu'elle trouvera sur sa route un bon coach qui saura la conseiller, la guider, l'épauler.... lui insuffler âme, passion, sensibilité la sortir de ce regard narcissique qu'elle semble avoir sur elle même, et lui permettre de faire éclore tout son potentiel artistique....
Je lui souhaite donc de trouver cette perle rare afin que sa carrière lui donne tout le bonheur qu'elle lui promet...
Soirée d'adieu du 28 février d'Isabelle Ciaravola
Tatiana : Isabelle Ciaravola
Onéguine : Hervé Moreau
Lenski : Mathyas Heymann
Olga : Charline Giezendanner
Lors de la dernière reprise en décembre 2011, j’avais eu le plaisir de voir la Tatiana d’Isabelle avec Mathieu Ganio. J'étais impatiente de découvrir cette même Tatiana aux côtés d'Hervé Moreau.
Ce danseur mince, musculeux, mais très fin exhale dès son entrée une puissance, une autorité souveraine. Sa technique, aiguisée comme une lame de couteau, dessine un personnage noir, odieux, en colère contre lui-même. Sa rencontre avec Tatiana fait froid dans le dos : la jeune fille, lointaine et douce, peu préoccupée des choses qui amusent ses proches, tombe sous le charme immédiat de cet homme hautain et tranchant comme une faux qui oublie jusqu’à sa présence. La première variation d’Onéguine est un concentré de lassitude, d’aigreur et de douleur. Il n’a plus de rêve. On aurait envie de souffler à Tatiana de fuir.
Je ne sais toujours pas comment Ciaravola fait pour passer d'une presque enfant mélancolique, un peu hors du temps, pleine de compassion pour les autres, la tête emplie de romans à la femme accomplie et rayonnante qu'elle devient au troisième acte. Aux angles durs, secs, aux arabesques pointues d’Onéguine, elle oppose une silhouette ondoyante et délicate, toute en finesse et en délié, et son regard limpide. On ne pourrait imaginer un couple plus mal assorti.
Le pas de deux dans la chambre est intense, fluide et glacial tout à la fois : on dirait que c’est la mort elle-même qui a surgi du miroir, et non pas un amoureux. Lors des portés vertigineux et périlleux, Isabelle n'est qu’une plume dont se joue celui qu’elle aime. Là où elle exprime la douceur du désir, il montre la force de son emprise sur elle. A son réveil, elle décide de lui faire parvenir sa lettre : son geste est réfléchi et passionné tout à la fois. Tatiana est douce mais déterminée.
L’ Olga de Giezendanner, est pleine de vie, malicieuse et beaucoup moins superficielle que dans le roman. Cette sœur, aux antipodes de Tatiana, forme avec Lenski un couple plein de fraîcheur : Heymann est parfait en poète candide qui n'a pas vingt ans et qui met le monde en vers parce qu’il est amoureux. Sa technique a la rondeur et la candeur de l'enfance par encore quittée.
La scène du bal qui fera tout basculer, évoque les quatuors de Don Giovanni ou des Noces de Figaro, où chacun chante un sentiment différent entremêlant des émotions parfois aux antipodes. Onéguine enrage, Olga s’amuse, Lenski est blessé, Tatiana pressent le drame. Tout finira par la mort absurde du poète, plongeant les deux sœurs et Onéguine lui-même dans la douleur la plus totale. Juste avant le duel, les adieux de Lenski-Heymann à la vie sont poignants.
Pour le dernier acte, Paquette-Grémine semblait très ému. Il est un mari aimant mais sérieux. Parée de sa robe rouge, Ciaravola/Tatiana aime son mari et assume à présent parfaitement une place importante dans la société. Elle se plie de bonne grâce aux devoirs de son rang. Quand elle croise Onéguine, elle reçoit un choc, mais reste maîtresse d’elle-même ainsi que l'exige son statu.
Onéguine, bouleversé par cette rencontre, revivra son passé dans une sorte de frénésie touchante : on se trouve pour un court instant en osmose avec lui, son cœur nous est enfin ouvert. A ce moment là, Hervé Moreau est comme un chat écorché, tout à vif devant la douleur des souvenirs.
Dans le dernier pas de deux, Onéguine montre une telle violence dans l'intensité de ses sentiments qu’il en devient brutal. Il impose sa passion avec une rage excessive, utilisant sa force physique pour convaincre Tatiana de son repentir. Ciaravola oscille sans cesse entre l’abandon à cette passion restée vivante en elle, et le refus d’y céder. Elle finit par déchirer la lettre d’Onéguine, parce qu’il n’y a pas d’autres choix possible mais ce geste la brise. Et dès le départ d’Onéguine, elle tombe à genoux, anéantie.
Ce pas de deux a atteint des sommets d’intensité dramatiques. Les deux danseurs semblaient survoler toutes les difficultés techniques, et n’être plus à ce moment là que sentiments passionnés et douleur profonde.
L’ensemble du ballet a été porté avec émotion d’un bout à l’autre par une troupe soudée et harmonieuse et des solistes de haut vol. Cette représentation rejoint les « inoubliables » parmi lesquelles cette année, il y a aussi la Dame aux camélias et Le Parc, toujours avec Isabelle Ciaravola.
Autre lecture
Il est passionnant de voir que la lecture est très différente de celle que fait Mathieu Ganio, plus fidèle au roman. Les pas de deux par exemple, n’ont pas cette violence, cette brutalité qui fait frémir. Avec Mathieu Ganio, Onéguine est bien l’Harold Childe de Byron, auquel s’identifiait Pouchkine et non pas le personnage noir qu’on trouve aussi dans l'oeuvre de Musset, « confession d’un enfant du siècle » auquel Sami Frey donnait un visage implacable.
Celui de Ganio est plus slave, il porte en lui un spleen, une Sensucht typique de ce siècle ; il blesse par incapacité à avoir envie de vivre, ce que Pouchkine décrit dans son roman. Mais il n’est pas cruel ; quand il déchire la lettre, c’est pour protéger Tatiana de lui-même ; le pas de deux du miroir est lyrique et passionné. Et au troisième acte, la prise de conscience qu’il aime Tatiana est réel. Il ne vient pas s'emparer d'elle de force mais lui dire avec d’infinis regrets tout l’amour qu’il porte en lui.
Les deux Onéguine sont aussi splendides l'un que l'autre, le premier est tranchant comme une faux, le second, insaisissable et fantasque et leur partenariat avec Ciaravola est également poignant.